II. LA PERSISTANCE D'IMPORTANTS POINTS DE DÉSACCORD SUR LESQUELS LE SÉNAT ENTEND À NOUVEAU TENTER DE REVENIR
A. SUR LA SAISINE PARLEMENTAIRE DE LA CNIL : UN ÉLARGISSEMENT EN TROMPE-L'oeIL DES AUTORITÉS SAISISSANTES AU PRIX D'UN RECUL SUR LE CHAMP DES TEXTES POUVANT ÊTRE SOUMIS À SON AVIS
L'Assemblée nationale n'a élargi qu'en apparence le champ des autorités pouvant saisir la CNIL pour avis sur une proposition de loi portant sur la protection des données personnelles, ajoutant les présidents de groupe et les présidents des commissions compétentes aux présidents des assemblées parlementaires.
Votre rapporteur estime en effet que la CNIL, comme toute autorité administrative indépendante, peut déjà répondre aux diverses sollicitations, voire donner spontanément son avis au Parlement sur un texte, sans qu'il soit besoin pour cela d'en formaliser la procédure, l'autorité elle-même ne souhaitant d'ailleurs pas une telle extension de ses missions.
Paradoxalement, l'Assemblée nationale a restreint l'objet de cette saisine, qui ne pourrait désormais plus porter que sur un texte entièrement consacré aux données personnelles et non sur « toute disposition d'une proposition de loi » relative à la protection de ces données, comme l'avait souhaité le Sénat, par parallélisme avec la consultation de la CNIL sur les projets de texte dont le Gouvernement est à l'origine ( article 1 er ).
B. SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN INCOMPRÉHENSIBLE REFUS DE PRENDRE PLEINEMENT EN COMPTE LEURS SPÉCIFICITÉS
Alors que le Gouvernement s'était montré prêt à quelques concessions sur ce sujet, nos collègues députés ont refusé de voir quelles difficultés l'application du RGPD va susciter pour les collectivités territoriales et pourquoi leur situation mérite un traitement spécifique .
Pour la majorité de l'Assemblée nationale, une collectivité territoriale n'est qu'un responsable de traitement comme un autre - l'État excepté. Elle doit donc être placée sur le même pied qu'une entreprise. Pourtant, votre rapporteur ne se lassera pas de le rappeler, les collectivités territoriales sont soumises à des sujétions tout à fait particulières, qui sont le corollaire de leurs missions de service public et de leurs prérogatives de puissance publique . Si elles mettent en oeuvre des traitements de données personnelles, ce n'est pas pour en tirer profit, mais parce qu'elles y sont obligées par la loi ou pour rendre un meilleur service à nos concitoyens. Ces traitements sont nombreux et portent souvent sur des données sensibles : les communes, à elles seules, sont chargées de l'établissement et de la conservation des fichiers de l'état civil, des listes électorales, des fichiers cadastraux, des fichiers relatifs à la fiscalité locale, de fichiers sociaux, du fichier de recensement de la population, des fichiers des logements vacants, des associations subventionnées, des cantines scolaires, des fichiers issus des dispositifs de vidéosurveillance, etc .
Hélas, ces arguments n'ont pas suffi à nos collègues députés, qui ont donc :
• rétabli la possibilité pour la CNIL d'imposer aux collectivités territoriales et à leurs groupements des amendes administratives et des astreintes , dont l'État, lui, continuera d'être exonéré ( article 6 ) ;
• supprimé l'affectation du produit des amendes prononcées par la CNIL au financement de mesures d'accompagnement destinées à aider les responsables de traitement à se mettre en conformité ( article 6 ) ;
• supprimé la dotation communale et intercommunale pour la protection des données à caractère personnel que le Sénat avait proposé de créer ( article 19 bis ).
Les députés sont en revanche convenus de la nécessité de faciliter la mutualisation des moyens dont disposent les collectivités territoriales pour assumer les lourdes charges et obligations qui leur incombent, en tant que responsables de traitement. Sur ce point, ils ont adopté la position de compromis suggérée par votre rapporteur en vue de la commission mixte paritaire, en limitant les mesures proposées au champ des données personnelles, quand le Sénat aurait souhaité une disposition de portée plus générale ( article 19 ter ).