LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements :
- avec l'avis favorable de la commission des finances, un amendement du Gouvernement visant à abonder les crédits du programme 103 à hauteur de 180 millions d'euros en AE et 11,7 millions d'euros en CP afin de permettre le financement de l'expérimentation des emplois francs (cf. commentaire de l'article 66) ;
- avec un avis de sagesse de la commission des finances et un avis favorable du Gouvernement, un amendement de notre collègue député Bruno Fuchs (apparenté au groupe Mouvement Démocrate et apparentés) et de plusieurs de ses collègues, visant à abonder les crédits du programme 102 à hauteur de 1,5 million d'euros en AE comme en CP afin d'accompagner financièrement les maisons de l'emploi dont la valeur ajoutée aura été démontrée. Cette dépense supplémentaire est gagée sur l'action 02 « Amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation es qualifications et la reconnaissance des compétences » du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».
En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de sa commission des finances, un amendement du Gouvernement visant à diminuer les crédits de la mission à hauteur de 15,2 millions d'euros en AE comme en CP . Cette baisse résulte :
- d'une hausse de 2,1 millions d'euros des crédits du programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » liée, d'une part, à une majoration de 3,1 millions d'euros des crédits de titre 2 au titre du coût de la mise en place d'une indemnité destinée à compenser la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les agents publics et, d'autre part, une minoration de 1 million d'euros, correspondant à l'économie résultant du décalage du calendrier de mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ;
- d'économies supplémentaires à hauteur de 17,3 millions d'euros, dont 13,2 millions d'euros sur le programme 102 » Accès et retour à l'emploi » et 4 millions d'euros sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE 66 (nouveau) - Expérimentation des emplois francs
Commentaire : le présent article prévoit le lancement d'une expérimentation des « emplois francs » entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019.
I. LE DROIT EXISTANT
Lancée à la fin du mois de juin 2013 , l'expérimentation « emplois francs » poursuivait deux objectifs : lutter contre le chômage des jeunes des zones urbaines sensibles et contre les discriminations à l'embauche.
Aux termes du décret du 26 juin 2013 26 ( * ) , ce dispositif s'adressait aux jeunes de moins de 30 ans , diplômés ou non diplômés, résidant en zone urbaine sensible depuis au moins six mois consécutifs et faisant état d'une durée de recherche d'emploi d'au moins douze mois au cours des dix-huit derniers mois .
Il prenait la forme d' une aide forfaitaire de 5 000 euros, versée en deux fois par Pôle emploi .
Les employeurs bénéficiaires de cette aide relevaient prioritairement du secteur marchand (quel que soit leur lieu d'implantation) et s'engageaient à embaucher un jeune répondant aux conditions d'éligibilité, sous contrat à durée indéterminée et à temps plein .
Initialement déployé dans les zones urbaines sensibles de dix intercommunalités, il a été étendu à 33 sites supplémentaires à l'automne 2013.
L'objectif initial était la signature de 5 000 contrats en 2014. Or, au 29 août 2014, environ 280 emplois francs seulement avaient été créés.
Au cours du deuxième trimestre 2014, une mission a été confiée au préfet Jean-François Carenco, préfet de la région Rhône-Alpes, pour identifier les freins à la montée en charge du dispositif. Quatre limites principales ont ainsi été relevées :
- un public cible limité : peu de jeunes étaient en mesure de justifier d'une recherche d'emploi d'une durée d'au moins 12 mois au cours des 18 derniers mois ;
- des conditions d'embauche contraignantes par rapport aux autres contrats aidés et aux pratiques du marché du travail : les embauches de jeunes directement en CDI sont rares, en particulier pour des jeunes éloignés de l'emploi ;
- un montant d'aide peu incitatif au regard des conditions exigées et des autres contrats aidés ;
- des systèmes d'information ne permettant pas aux structures chargées de l'accompagnement des jeunes (missions locales, Pôle emploi, etc.) d'identifier instantanément les personnes localisées dans les zones urbaines sensibles .
Le précédent Gouvernement n'ayant pas souhaité prolonger ce dispositif, y compris en y apportant des ajustements, le décret du 2 juillet 2015 27 ( * ) a mis fin à cette expérimentation.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le I du présent article est issu d'un amendement du Gouvernement, sous-amendé par notre collègue Stéphane Viry (Les Républicains) 28 ( * ) , et adopté par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable de la commission des finances.
Il prévoit la mise en place d'une nouvelle expérimentation des emplois francs entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019.
Ce dispositif est destiné aux entreprises embauchant un demandeur d'emploi résidant dans l'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville , dont la liste doit être fixée par arrêté des ministres chargés de l'emploi, de la ville et du budget, en contrat à durée indéterminée ou déterminée d'une durée d'au moins six mois .
Les conditions de mise en oeuvre de ce dispositif sont définies par décret (second alinéa du I du présent article).
Le II du présent article prévoit qu'un rapport procédant à l'évaluation de cette expérimentation est remis au Parlement au plus tard le 15 décembre 2019.
Le coût de ce dispositif est estimé à 180 millions d'euros en AE et 11,7 millions d'euros en CP en 2018. Le coût global de l'expérimentation est quant à lui estimé à 458 millions d'euros en AE et 307 millions d'euros en CP sur la période 2018-2022.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES QUI DEMEURE PRÉOCCUPANTE
Selon l'Observatoire national de la politique de la ville 29 ( * ) , le taux de chômage des 15-64 ans résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville s'élevait à 26,4 % en 2015 .
Taux de chômage en quartiers prioritaires
(en %)
Source : Observatoire national de la politique de la ville, Rapport 2016, 6 avril 2017
Au deuxième trimestre 2017, le nombre de demandeurs d'emploi s'élevait pour la seule catégorie A à 533 500 personnes, à 760 200 personnes pour les catégories A, B et C, et à 835 400 personnes pour les catégories A, B, C, D et E.
Au total, comme le rappelle l'Insee dans une note de 2016 30 ( * ) , « en France métropolitaine, 4,8 millions de personnes vivent dans les 1 300 quartiers de la politique de la ville . La population de ces quartiers, de par leur définition même, est fréquemment touchée par la pauvreté . Les habitants sont plus jeunes qu'en moyenne dans la population urbaine. Il s'agit également plus souvent de familles nombreuses ou monoparentales ou d'étrangers . Au-delà de la pauvreté monétaire, la population des quartiers de la politique de la ville présente des fragilités dans plusieurs domaines. Notamment, elle s'insère difficilement sur le marché du travail et manque de formation et de qualification . Dans les quartiers de la politique de la ville, le logement social est très présent : 8 logements sociaux pour 10 ménages, soit trois fois plus que dans l'urbain englobant ces quartiers ».
B. UNE EXPÉRIMENTATION UTILE MAIS DONT LES CRITÈRES DEVRONT ÊTRE PRÉCISÉS
Selon l'exposé sommaire de l'amendement gouvernemental à l'origine du présent article, ce dispositif prendra la forme d'une aide de 5 000 euros par an versée sur trois ans maximum, soit 15 000 euros au total , pour les embauches en contrat à durée indéterminée, et de 2 500 euros par an versée sur deux ans maximum pour les embauches en contrat à durée déterminée .
Il est en outre prévu que ces montants soient proratisés en fonction de la quotité de travail et de la durée effective du contrat de travail.
Les difficultés identifiées par la mission « Carenco » semblent donc avoir été prises en compte par le Gouvernement : montant de l'aide plus incitatif, passant de 5 000 euros à 15 000 euros sur trois ans, pas de condition de durée de résidence et conditions d'embauche moins restrictives.
Pour autant, vos rapporteurs spéciaux considèrent que le dispositif proposé devra être précisé par le décret d'application : trop restreint lors de la précédente expérimentation, il ne faudrait pas tomber dans l'excès inverse en élargissant trop les critères d'éligibilité au risque d'aider des demandeurs d'emplois qui n'en n'auraient pas besoin.
En tout état de cause, la durée limitée de l'expérimentation et la remise d'un rapport d'évaluation avant le 15 septembre 2019 permettront au Parlement de juger de la pertinence ou non de ce dispositif et donc de sa reconduction au-delà du 31 décembre 2019.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .
* 26 Décret n° 2013-549 du 26 juin 2013 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.
* 27 Décret n° 2015-811 du 2 juillet 2015 portant abrogation du décret n° 2013-549 du 26 juin 2013 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.
* 28 Avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement.
* 29 Observatoire national de la politique de la ville, Rapport 2016, 6 avril 2017.
* 30 Insee, « Les habitants des quartiers de la politique de la ville, La pauvreté côtoie d'autres fragilités », Insee première n° 1593, mai 2016.