B. L'AUGMENTATION DE LA CSG, PRINCIPALE MESURE EN RECETTES
En termes de volumes financiers concernés en recettes et en dépenses, la mesure la plus importante du texte est l'intégration du RSI au régime général. Neutre sur le solde puisque les branches maladie et vieillesse du RSI étaient d'ores et déjà intégrées financièrement aux branches maladie et vieillesse du régime général qui en assuraient l'équilibrage par des transferts, cette intégration se traduit par une augmentation des charges et des produits de 5,1 milliards d'euros. Votre rapporteur général reviendra sur cette réforme au commentaire de l'article 11.
Avec 22,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires, la hausse de la CSG est la mesure phare en recettes du projet de loi.
1. Une mesure de pouvoir d'achat en faveur des actifs aux effets de bords mal maîtrisés
a) L'objectif : augmenter le salaire net des salariés
L'article 7 du projet de loi met en oeuvre une des annonces du programme présidentiel en prévoyant la suppression au 1 er janvier 2018 de la cotisation salariale d'assurance maladie (0,75 % du salaire brut), ce qui représente 4,8 milliards d'euros et l'exonération en deux temps, au 1 er janvier pour 1,45 point et au 1 er octobre pour le 0,95 point restant, de la contribution salariale d'assurance chômage, pour un montant de 9,4 milliards d'euros.
Au total, la mesure prévoit une baisse de prélèvements de 3,15 points sur le salaire brut. Elle est financée par une hausse de la CSG de 1,7 point sur l'ensemble des revenus, ce qui laisse un différentiel théorique de 1,45 point de salaire brut d'augmentation du pouvoir d'achat en année pleine. Compte-tenu de la mise en oeuvre progressive de la mesure, 0,5 point de gain de pouvoir d'achat au 1 er janvier, puis 1,45 point au 1 er octobre, elle devrait se traduire par un gain moyen de 0,75 point de salaire brut.
Au niveau du Smic, 1 480 euros bruts en 2017, la mesure se traduirait par un gain net de 263 euros par an. En 2018, ce gain serait de 136,5 euros.
Effet de la mesure sur une rémunération
brute
au niveau du Smic (1 480 euros bruts en 2017)
de janvier à septembre |
d'octobre à décembre |
|
Cotisation maladie |
11,10 € |
11,10 € |
Contribution chômage |
21,46 € |
35,52 € |
CSG (sur 98,25 % du brut) |
24,70 € |
24,70 € |
Gain net mensuel |
7,86 € |
21,92 € |
Gain annuel en 2018 |
136,50 € |
|
Gain annuel en année pleine |
263,04 € |
Source : Commission des affaires sociales
Les cotisations étant proportionnelles, ces effets croissent avec la rémunération.
En l'absence de précisions fournies à votre commission par le Gouvernement sur les différentes assiettes, les effets ex post de la mesure sont difficiles à apprécier, y compris sur le champ des salariés.
Pour les seuls salariés, il existe en effet des accessoires de rémunération qui ne sont pas soumis à cotisations sociales, dans le cadre d'exemptions d'assiette mais supportent, pour l'employeur, le forfait social et pour le salarié, la CSG. C'est le cas notamment des cotisations patronales versées dans le cadre de régimes complémentaires d'entreprise en frais de santé, prévoyance et retraite supplémentaire qui sont intégrées dans l'assiette de la CSG sans abattement pour frais professionnels. L'assiette de ces cotisations était de 25 milliards d'euros en 2016 selon le Ctip, ce qui se traduirait, pour les seuls salariés par une CSG supplémentaire de l'ordre de 425 millions d'euros.
C'est aussi le cas des sommes versées aux salariés dans le cadre de dispositifs de participation ou d'intéressement et des abondements patronaux aux plans d'épargne d'entreprise. D'après l'annexe 5 au PLFSS, qui souligne « une très forte dynamique de ces dispositifs », l'assiette de l'épargne salariale était de 16,2 milliards d'euros en 2015, ce qui représenterait une CSG supplémentaire de 275 millions d'euros.
Cette même annexe 5 indique que pour un salarié rémunéré à 1,95 Smic, soit le salaire moyen, la part des rémunérations exemptées de cotisations-mais soumise à CSG- représente 6,4 % du revenu.
Effet de la mesure pour un salarié
rémunéré 1,95 Smic
(2 886 euros en 2017) avec
épargne salariale
Assiette soumise à CSG-CRDS uniquement |
184,70 |
Assiette soumise à cotisation |
2701,30 |
Gain cotisation maladie |
20,26 |
Gain contribution chômage |
64,83 |
CSG salaire (98,25 % du salaire brut) |
45,11 |
CSG épargne salariale (100 % de l'assiette) |
3,14 |
Gain net mensuel |
36,84 |
L'étude d'impact considère que les accessoires de rémunérations sont plutôt le fait de salaires élevés, avec un effet redistributif de la mesure. Ils ne sont toutefois pas totalement étrangers à la rémunération des bénéficiaires de rémunérations plus modestes et pourraient atténuer la portée de la mesure en termes de pouvoir d'achat.
De fait, en 2018, le produit supplémentaire de la CSG sur les revenus d'activité sera de 15,9 milliards d'euros tandis que la baisse des cotisations représente 14,16 milliards d'euros. Ce n'est donc qu'après la pleine montée en charge du dispositif que le gain serait significatif.
Enfin, si le gain de pouvoir d'achat est net et avéré dans l'immédiat, son maintien dans le temps, à l'exception des salariés rémunérés au Smic, dont le salaire brut est administré, dépendra de la position de négociation des salariés à l'égard de leur employeur. L'étude d'impact évoque ainsi « un ajustement à la baisse des salaires bruts et donc une baisse du coût du travail ».
b) Un gain net pour les travailleurs indépendants dont les revenus sont inférieurs à 3 Smic
La transposition de cette mesure aux travailleurs indépendants se traduit par une baisse générale de 2,15 points de la cotisation famille et par un renforcement de l'exonération des cotisations maladie pour les revenus allant jusqu'à 100 % du Pass (43 000 euros en 2018). Au-delà de 140 % du Pass (55 000 euros en 2018, la compensation est stricte, sans gain de pouvoir d'achat.
Le coût est de 2,3 milliards d'euros pour la sécurité sociale.
L'augmentation de la CSG, qui représente 2,1 milliards d'euros sur le champ des travailleurs indépendants, serait donc plus que compensée pour un montant de 180 millions d'euros.
2. Des compensations en chaine pas toujours abouties
a) Des conséquences à préciser pour d'autres catégories d'actifs
Pour les agents publics, qui ne sont pas affiliés à l'assurance chômage et ne paient pas de cotisations maladie, à l'exception des contractuels, la compensation de l'augmentation de la CSG s'effectue, dans un premier temps, par la suppression de la cotisation maladie pour les agents concernés et de la contribution exceptionnelle de solidarité au taux de 1 %, supportée par les fonctionnaires de catégorie A et B. En complément, le versement de primes, dont les contours restent à définir, est prévu ainsi qu'une baisse de la cotisation patronale maladie pour la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale, à charge, pour ces employeurs publics, d'en répercuter l'effet sur leurs agents.
Pour le régime général, l'impact de cette baisse de cotisation patronale des employeurs publics est estimé à 700 millions d'euros.
Pour les praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC), dont les cotisations maladie font l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie, le PLFSS renvoie à une négociation dans le cadre de la convention médicale pour définir les modalités de compensation, qui prendraient la forme d'une prise en charge d'une partie des cotisations de retraite.
b) Des conséquences clairement négatives pour les retraités
Pour les revenus de remplacement, les allocations de chômage, déjà exonérées de CSG à 90 %, ne sont pas concernées.
En revanche, pour les personnes qui ne bénéficient pas de l'exonération ni du taux réduit (40 % des retraités) les rentes d'invalidité et les pensions de retraite, supporteront un prélèvement supplémentaire de 1,7 % sans compensation.
Le produit de l'augmentation du taux de la CSG sur les revenus de remplacement est de 4,5 milliards d'euros, ce qui représente une ponction importante sur les revenus des retraités.
Cette position est parfaitement assumée par le Gouvernement qui y voit la mise en oeuvre d'une solidarité entre générations alors que le revenu moyen des retraités est désormais supérieur à celui des actifs.
Il invite par ailleurs à considérer globalement les mesures portées par le projet de loi de financement et celles figurant dans le projet de loi de finances. Le projet de loi de finances prévoit la suppression par étapes de la taxe d'habitation pour 80 %des Français.
L'étude d'impact prend le cas d'un retraité de plus de 65 ans dont le revenu fiscal de référence est de 15 000 euros, soit 1 445 euros de pension nette en 2017, la hausse de 1,7 point de CSG conduira à une baisse de la pension nette de l'ordre de 27 euros par mois, soit 124 euros par an. Pour cette même personne, la baisse de la taxe d'habitation représenterait 445 euros, soit un gain de pouvoir d'achat in fine.
La première étape de la suppression de la taxe d'habitation se traduit par une diminution de 3 milliards d'euros de l'impôt acquitté en 2018, qui s'applique à tous les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est compris entre 14 500 et 17 500 euros. Cette mesure est manifestement insuffisante pour compenser la charge nouvelle de 4,5 milliards d'euros pesant sur les retraités et l'étude d'impact associée à l'article 7 ne présente aucun élément sur les effets des mesures du PLF (taxe d'habitation mais aussi prélèvement forfaitaire ou unique, impôt sur la fortune immobilière) permettant d'en mesurer les effets sur les différentes catégories supportant une augmentation de la CSG.
c) Des effets non-anticipés pour d'autres catégories
Au fil des débats, les effets de la mesure sur d'autres catégories se sont fait jour, obligeant à des contorsions compliquées, pour définir des compensations entre deux prélèvements aussi différents que la CSG et la taxe d'habitation.
La question des retraités résidant en établissement a ainsi connu un règlement, via un circuit complexe de redistribution dont il conviendra de vérifier l'effectivité.
D'autres catégories, comme les artistes auteurs , subissent une perte sèche de 0,95 % de leurs revenus du fait de la structure des prélèvements qui leur sont applicables.
Les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap (PCH) qui ressortit à la catégorie des revenus du patrimoine verront leur CSG augmenter de 1,7 point sans compensation. Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est engagé à trouver une solution pour ces personnes.