III. DES DÉPENSES DE TRANSFERT EN PROGRESSION CONTINUE, QUI METTENT À MAL LA VOCATION ASSURANTIELLE ET PRÉVENTIVE DE LA BRANCHE
A. UN PRINCIPE FONDATEUR DE LA BRANCHE
1. Une logique de financement assurantielle
Après la consécration en 1898 du régime de responsabilité sans faute de l'employeur reposant sur une présomption de responsabilité en cas d'accident du travail, la loi du 25 octobre 1919 a préfiguré les principes fondateurs de la branche AT-MP en renvoyant le coût de la réparation à un principe assurantiel. Forte de cet héritage, la branche se distingue depuis 1946 par un mode d'organisation et de fonctionnement spécifique.
Conformément à sa logique assurantielle, la branche se finance à hauteur de 97 % sur des recettes issues de cotisations employeurs, les autres produits provenant de recettes fiscales et de ressources tirées de produits financiers ou de recours contre tiers.
La logique d'assurance garantit en principe l'équilibre structurel de la branche. Elle a justifié des ajustements réguliers des ressources en fonction de l'évolution du risque à couvrir. Au total, le taux de cotisation employeurs n'a pas baissé depuis 2002. Le taux net moyen national a été porté de 2,18 % en 2004 à 2,44 % en 2015.
2. Une logique d'incitation à la prévention
Le mode de fixation des cotisations repose sur une tarification du risque qui combine le principe d'une incitation de chaque employeur à la prévention avec celui d'une mutualisation de certains coûts.
Le renforcement de la prévention constitue l'une des priorités de la branche AT-MP, reconnue par les partenaires sociaux dans le cadre d'une démarche consensuelle. Signée le 30 décembre 2013, la convention d'objectifs et de gestion (Cog) de la branche, qui couvre la période 2014-2017, réaffirme la nécessité d'« assurer une prévention des risques fondée sur le ciblage et l'évaluation ». A cet égard, la branche a choisi de concentrer son activité sur les trois risques principaux que sont les TMS, les risques de chute dans le secteur du BTP et l'exposition à certains agents cancérogènes.
La prévention est également inscrite au coeur du troisième plan « Santé au travail » pour 2015-2019. Les sept orientations de ce plan ont été proposées par les partenaires sociaux au sein du comité permanent du conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) avant d'être actées par le ministre chargé du travail le 27 janvier 2015.
Les sept orientations du troisième plan
- Faire de la prévention une priorité, en rupture avec une approche faisant prévaloir la réparation ; - Développer l'accompagnement des travailleurs et des entreprises dans la prévention de la désinsertion professionnelle ; - Faire de la qualité de vie au travail un objet stratégique et en favoriser la mise en oeuvre ; - Simplifier les normes, les rendre plus intelligibles et plus accessibles aux employeurs ainsi qu'aux salariés et à leurs représentants, pour une plus grande efficience des règles de prévention ; - Renouveler la démarche préventive en priorisant quelques risques récurrents (chutes de hauteur et de plain-pied, exposition aux substances classées cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, et risques psychosociaux), émergents (nanotechnologies) et multifactoriels (pratiques addictives au travail et maladies cardiovasculaires au travail) ; - Rassembler et mettre en perspective les données de santé au travail ; - Assurer une gouvernance partagée et opérationnelle de la santé au travail. |
Parmi les nombreux travaux menés pour renforcer l'incitation à la prévention, la poursuite de l'adaptation des règles de tarification constitue l'un des axes stratégiques de l'actuelle Cog. La tarification constitue en effet un levier important de la prévention puisqu'elle permet l'imputabilité aux entreprises des coûts des risques là où ils se réalisent. La difficulté de l'exercice tient au fait que, pour établir un lien étroit entre le niveau du taux de cotisation et la prévention des risques, la part des dépenses mutualisées couverte par la tarification doit être contenue. Or, la tendance est plutôt à son accroissement.