D. UNE MOINDRE CROISSANCE DE LA DETTE PUBLIQUE EN 2015 ?

En 2015, la dette publique a atteint 2 096,9 milliards d'euros , ce qui correspond à 96,1 % du PIB. La dette de l'État, de 1 661,2 milliards d'euros, demeure prépondérante au sein de cette dernière, représentant 79,2 % du total. La part des collectivités territoriales dans la dette publique s'est élevée, quant à elle, à 9,4 % l'année passée et celle des administrations de sécurité sociale à 10,5 % - celle des organismes divers d'administration centrale (ODAC) étant inférieure à 1 %.

Graphique n° 20 : Évolution de la dette des différentes catégories d'administrations publiques

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Aussi la dette de l'État a-t-elle été le principal facteur de progression de l'endettement des administrations , celle-ci ayant augmenté de 49,9 milliards d'euros en 2015 (+ 3,1 %). Toutefois, il apparaît que le montant de cette hausse a été inférieur au besoin de financement de l'État, soit 71,3 milliards, pour des raisons qui sont explicitées infra .

Tableau n° 21 : Évolution de la dette publique par sous-secteur des administrations

2014

Variation par rapport à 2013

2015

Variation par rapport à 2014

en Md€

en %

en Md€

en %

État

1611,3

+ 75,4

+ 4,9

1661,2

+ 49,9

+ 3,1

ODAC

22,7

+ 0,1

+ 0,4

18,9

- 3,8

- 16,7

APUL

189,5

+ 6,2

+ 3,4

196,5

+ 7,0

+ 3,7

ASSO

216,7

+ 5,0

+ 2,4

220,3

+ 3,6

+ 1,7

Total

2040,3

+ 85,9

+ 4,4

2096,9

+ 56,6

+ 2,8

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Pour ce qui est de la dette des ODAC, celle-ci a marqué un recul important par rapport à 2014, de 3,8 milliards d'euros (- 16,7 %) . Possiblement liée à l'interdiction d'emprunt des ODAC posée par l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 47 ( * ) , qui a permis de freiner le rythme de progression de la dette des entités concernées, cette évolution a néanmoins principalement résulté, pour 2,1 milliards d'euros, de la sortie du Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) du périmètre des administrations publiques en 2015 et, pour 1,7 milliard d'euros, du désendettement de la Caisse nationale des autoroutes (CNA).

La dette des administrations publiques locales (APUL) a, elle, augmenté de 7 milliards d'euros (+ 3,7 %), en dépit d'un excédent de 0,7 milliard d'euros en 2015 (cf. supra ). Selon l'Insee, « la différence provient en grande partie d'une progression de 5,1 milliards d'euros des dépôts du Trésor des collectivités locales. De plus, les Apul [ont] utilis[é] une partie de l'argent emprunté pour payer 0,9 milliard d'euros d'indemnités dans le cadre de la négociation des emprunts structurés, dits "emprunts toxiques" » 48 ( * ) .

Enfin, la contribution des administrations de sécurité sociale (ASSO) à la dette publique a progressé de 3,6 milliards d'euros (+ 1,7 %) , en ligne avec le besoin de financement de cette catégorie d'administration, soit 5,8 milliards d'euros, l'écart s'expliquant « en grande partie par des décalages comptables » 49 ( * ) .

Dès lors que le solde public de l'exercice 2015 (- 3,6 % du PIB) a été, encore une fois, supérieur au solde stabilisant le ratio d'endettement
(- 2 % du PIB), le poids de la dette dans la richesse nationale a continué à croître, atteignant 96,1 % du PIB
, contre 95,3 % du PIB en 2014. Cependant, force est de constater que l'augmentation du montant de la dette, de 2,8 % en 2015, a marqué une nette décélération relativement aux années précédentes, comme le fait apparaître le graphique ci-après.

Graphique n° 22 : Évolution de la dette publique (2007-2015)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Cette évolution est en lien avec la réduction du déficit, mais aussi et surtout avec l'apparition d'une disjonction, au cours de l'exercice écoulé, entre la hausse de la dette des administrations (56,6 milliards d'euros) et leur besoin de financement (77,5 milliards d'euros) . L'écart entre ces deux valeurs, de 20,9 milliards d'euros, excède de loin celui constaté en 2014 (- 1,1 milliard d'euros) ou en 2013 (+ 0,5 milliard d'euros). Cette disjonction, essentiellement constatée pour la dette de l'État, provient de la forte baisse des taux d'intérêt intervenue en 2015, alors que les émissions obligataires ont continué de porter sur des souches anciennes présentant des taux faciaux plus élevés. Ainsi que l'a relevé l'Insee, « l'État a [...] émis des obligations à des taux supérieurs au taux de marché, de sorte que les obligations ont été acquises pour des montants supérieurs à leur valeur de remboursement, laquelle est utilisée pour évaluer la dette au sens de Maastricht » 50 ( * ) .

En effet, la dette maastrichtienne est comptabilisée à sa valeur nominale de remboursement à échéance ; or, les émissions sur souches de taux facial plus élevé que le taux de marché se traduisent par le paiement de primes à l'émetteur - enregistrées comme flux de créances négatifs. Par suite, les primes à l'émission, exceptionnellement élevées en 2015, ont contribué à modérer la progression du niveau de l'endettement public . Comme l'a rappelé la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l'État en 2015 51 ( * ) , les émissions à partir de souches anciennes ont représenté, l'année passée, 33 % des émissions de moyen et long termes, participant, alors que se creusait l'écart entre les taux faciaux de ces souches et le taux du marché, à ce que le montant des primes d'émission atteigne 1 % du PIB, selon les données du programme de stabilité d'avril 2016. L'Agence France Trésor (AFT) a indiqué à la juridiction financière que le ré-abondement régulier des souches anciennement émises visait à « répondre à la demande des investisseurs et maintenir la meilleure liquidité sur l'ensemble des OAT » 52 ( * ) - en particulier dans un contexte de rachats massifs de titres de dette publique par la Banque centrale européenne (BCE).

Pour conclure, il convient de souligner que le poids dans la dette publique des montants engagés par la France au titre des programmes d'assistance financière dans la zone euro a reculé entre 2014 et 2015 , passant de 68,2 milliards à 65,8 milliards d'euros (cf. tableau ci-après). Cette diminution de 2,4 milliards d'euros s'explique, notamment, par la restitution de 10,9 milliards d'euros au Fonds européen de stabilité financière (FESF) en raison de la révision des besoins de recapitalisation des banques grecques en 2015 53 ( * ) .

Tableau n° 23 : L'impact des programmes d'assistance financière de la zone euro sur la dette publique de la France

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (p)

2017 (p)

Grèce (prêts bilatéraux)

4,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

FESF

0,0

3,1

30,2

38,4

40,5

38,1

38,1

38,1

dont Grèce

23,6

29,2

31,0

28,6

28,6

28,6

dont Irlande

1,6

2,6

3,8

3,8

3,9

3,9

3,9

dont Portugal

1,5

4,0

5,4

5,7

5,7

5,7

5,7

MES*

6,5

13,0

16,3

16,3

16,3

16,3

Total

4,4

14,5

48,1

62,9

68,2

65,8

65,8

65,8

(p) Prévisions.

* Participation au capital du MES.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du ministère des finances et des comptes publics)


* 47 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 48 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 4.

* 49 Id.

* 50 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 4.

* 51 Cour des comptes, Le budget de l'État en 2015. Résultats et gestion , Paris, La documentation française, mai 2016.

* 52 Ibid. , p. 39.

* 53 Rapport d'information n° 599 (2014-2015) sur les risques financiers pour la France inhérents à un éventuel défaut grec fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, juillet 2015.

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