B. UNE MISE EN oeUVRE INCOMPLÈTE DES INSTRUMENTS DE GESTION DES RISQUES.

1. La gestion des risques encouragée par la politique agricole commune.

Depuis le milieu des années 2000, la PAC a évolué pour donner un cadre juridique et financier permettant la mise en oeuvre par les États membres de l'Union européenne d'instruments de gestion des risques en agriculture. Ce cadre est finalement assez souple, permettant à chaque État membre de choisir s'il veut ou non utiliser les fonds européens pour financer des mesures de ce type.


• Tout d'abord, le règlement portant organisation commune des marchés (OCM) 1 ( * ) permet de financer, dans le cadre des programmes d'aides au secteur vitivinicole et au secteur des fruits et légumes - financés sur le premier pilier de la PAC - des mesures de gestion des risques :

- dans le secteur vitivinicole , l'article 48 du règlement permet d'aider à constituer des fonds de mutualisation pour se prémunir contre les fluctuations du marché et l'article 49 autorise une aide à l'assurance-récolte qui peut couvrir jusqu'à 80 % des primes d'assurance payées par les producteurs pour « des assurances contre les pertes imputables à des phénomènes climatiques défavorables assimilables à des catastrophes naturelles ». L'aide ne peut dépasser 100 % des pertes subies ;

- dans le secteur des fruits et légumes , les programmes opérationnels prévus par l'article 33 du même règlement peuvent aussi financer des mesures de gestion des risques, pouvant représenter jusqu'à un tiers du montant total du programme. Des fonds de mutualisation et des aides à l'assurance-récolte peuvent donc aussi être mis en place sur cette base.


• Le règlement sur le développement agricole et rural 2 ( * ) fournit pour sa part une liste des mesures de soutien à la gestion des risques que les États membres peuvent mettre en oeuvre pour l'ensemble des exploitations agricoles, dans le cadre du deuxième pilier de la PAC. Le nouveau cadre institutionnel de la PAC transfère au sein de ce pilier les possibilités qui avaient été ouvertes lors du bilan de santé de 2008 de soutenir les assurances et fonds de mutualisation, en prélevant une partie de l'enveloppe financière du premier pilier. Seuls quatre États-membres avaient utilisé cette possibilité 3 ( * ) .

Dans le cadre des programmes de développement rural 2014-2020, 12 États membres 4 ( * ) ont choisi d'utiliser un ou plusieurs des nouveaux outils de gestion de risques pouvant être soutenus par les crédits européens. Les dépenses correspondantes sur l'ensemble de la période devraient s'élever à 2,7 milliards d'euros 5 ( * ) , dont 63 % financés par les crédits européens, et le solde venant de cofinancements nationaux ou régionaux. Les outils de gestion des risques, dont les contours sont précisés par les articles 36 à 39 du règlement sur le développement rural, sont de trois types :

- les aides au paiement par les agriculteurs de primes d'assurance , couvrant le risque climatique ou sanitaire et les incidents environnementaux. L'aide est plafonnée à 65 % du coût de la prime et l'assurance ne peut jouer que si les pertes sont supérieures de 30 % à la production annuelle moyenne ;

- les aides aux fonds de mutualisation , lesquels sont destinés à payer des compensations financières aux agriculteurs pour les pertes économiques résultant de phénomènes climatiques, sanitaires, ou d'incidents environnementaux. L'aide est là encore plafonnée à 65 % des dépenses d'indemnisation par le fonds et elle ne peut pas servir à la constitution du capital initial. De même, les paiements ne sont déclenchés qu'en cas de perte supérieure à 30 % ;

- les aides à la constitution d'un instrument de stabilisation des revenus fournissant des compensations aux agriculteurs en cas de forte baisse de leurs revenus. Ces aides constituent la nouveauté du règlement de 2013, avec la même exigence d'un financement public limité à 65 % et d'un déclenchement au-delà d'un taux de 30 % de pertes.

LES INSTRUMENTS DE GESTION DES RISQUES DANS LE RÈGLEMENT N° 1305/2013

Article 36

Gestion des risques

1. L'aide au titre de la présente mesure couvre:

a) les participations financières pour le paiement des primes d'assurance concernant les cultures, les animaux et les végétaux qui couvrent les pertes économiques subies par les agriculteurs et causées par des phénomènes climatiques défavorables, des maladies animales ou végétales, des infestations parasitaires ou un incident environnemental;

b) les participations financières aux fonds de mutualisation en vue du paiement de compensations financières aux agriculteurs pour les pertes économiques découlant de phénomènes climatiques défavorables, de l'apparition d'une maladie animale ou végétale, d'infestations parasitaires ou d'un incident environnemental;

c) un instrument de stabilisation des revenus, sous la forme de participations financières à des fonds de mutualisation, fournissant une compensation aux agriculteurs en cas de forte baisse de leurs revenus.

2. Aux fins du présent article, on entend par "agriculteur", un agriculteur actif au sens de l'article 9 du règlement (UE) n o 1307/2013.

3. Aux fins de l'application du paragraphe 1, points b) et c), on entend par "fonds de mutualisation", un système reconnu par l'État membre conformément à son droit national et permettant aux agriculteurs affiliés de s'assurer et de percevoir des indemnités en cas de pertes économiques découlant de phénomènes climatiques défavorables, de l'apparition d'un foyer de maladie animale ou végétale, d'infestations parasitaires, d'un incident environnemental ou en cas de forte baisse de leurs revenus.

4. Les États membres veillent à ce que toute surcompensation résultant de la combinaison de cette mesure et d'autres instruments d'aide nationaux ou de l'Union ou des régimes d'assurance privés soit évitée.FR 20.12.2013 Journal officiel de l'Union européenne L 347/517

5. Afin de garantir l'utilisation efficace des ressources budgétaires du Feader, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l'article 83 en ce qui concerne la durée minimale et maximale des prêts commerciaux aux fonds de mutualisation visés à l'article38, paragraphe 3, point b), et à l'article 39, paragraphe 4.

La Commission présente au Parlement européen et au Conseil un rapport sur l'application du présent article au plus tard le 31 décembre 2018.

Article 37

Assurance cultures, animaux et végétaux

1. L'aide prévue à l'article 36, paragraphe 1, point a), ne peut être octroyée que pour les contrats d'assurance qui couvrent les pertes causées par un phénomène climatique défavorable, par une maladie animale ou végétale, par une infestation parasitaire, par un incident environnemental ou par une mesure adoptée conformément à la directive 2000/29/CE pour éradiquer ou contenir une pathologie végétale ou un parasite détruisant plus de 30 % de la production annuelle moyenne de l'agriculteur au cours des trois années précédentes ou de sa production moyenne triennale calculée sur la base des cinq années précédentes, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible.

Il est possible de recourir à des indices pour calculer la production annuelle de l'agriculteur. La méthode de calcul utilisée permet de déterminer la perte réelle subie par un agriculteur au cours d'une année donnée.

L'évaluation de l'ampleur des pertes causées peut être modulée en fonction des caractéristiques spécifiques de chaque type de produit par le recours à:

a) des indices biologiques (quantité de biomasse perdue) ou des indices équivalents de perte de rendement établis au niveau de l'exploitation ou au niveau local, régional, national, ou

b) des indices climatiques (y compris pluviosité et température) établis au niveau local, régional ou national.

2. Le phénomène climatique défavorable ou le foyer de maladie animale ou végétale ou l'infestation parasitaire ou l'incident environnemental doivent être officiellement reconnus par l'autorité compétente de l'État membre concerné.

Les États membres peuvent, le cas échéant, établir à l'avance des critères sur la base desquels cette reconnaissance officielle est réputée effective.

3. En ce qui concerne les maladies animales, une compensation financière au sens de l'article 36, paragraphe 1, point a), ne peut être octroyée que pour des maladies figurant sur la liste des maladies animales établie par l'Organisation mondiale de la santé animale ou à l'annexe de la décision 2009/470/CE.

4. Les prestations d'assurance ne peuvent pas compenser plus que le coût total du remplacement des pertes visées à l'article 36, paragraphe 1, point a), ni comporter des exigences ou des spécifications quant au type ou à la quantité de la production future.

Les États membres peuvent limiter le montant de la prime admissible au bénéfice de l'aide en imposant des plafonds appropriés.

5. L'aide est limitée au taux maximal fixé à l'annexe II.

Article 38

Fonds de mutualisation en cas de phénomènes climatiques défavorables, de maladies animales et végétales, d'infestations parasitaires et d'incidents environnementaux

1. Pour pouvoir bénéficier d'une aide, le fonds de mutualisation concerné:

a) est reconnu par l'autorité compétente conformément au droit national;

b) mène une politique transparente concernant les versements et les retraits effectués sur le fonds;

c) a des règles claires en matière de responsabilités pour des dettes éventuelles.

2. Les États membres définissent les règles régissant l'établissement et la gestion des fonds de mutualisation, notamment en ce qui concerne l'octroi des indemnités aux agriculteurs et leur éligibilité en cas de crise, ainsi que la gestion et le contrôle du respect de ces règles. Les États membres veillent à ce que les modalités régissant les fonds prévoient des sanctions en cas de négligence de la part de l'agriculteur.

Les incidents mentionnés à l'article 36, paragraphe 1, point b), doivent être officiellement reconnus par l'autorité compétente de l'État membre concerné.

3. Les participations financières visées à l'article 36, paragraphe 1, point b), ne peuvent concerner que:

a) les coûts administratifs liés à l'établissement du fonds de mutualisation, répartis de manière dégressive sur une période maximale de trois ans;

b) les montants prélevés sur le fonds de mutualisation pour payer les indemnités octroyées aux agriculteurs. En outre, la contribution financière peut porter sur les intérêts afférents aux emprunts commerciaux contractés par le fonds de mutualisation aux fins du paiement de l'indemnité financière aux agriculteurs en cas de crise.

L'aide prévue à l'article 36, paragraphe 1, point b), ne peut être octroyée que pour couvrir les pertes causées par un phénomène climatique défavorable, par une maladie animale ou végétale, par un parasite ou par une mesure adoptée conformément à la directive 2000/29/CE pour éradiquer ou contenir une pathologie végétale ou une infestation parasitaire ou par un incident environnemental qui détruisent plus de 30 % de la productionFR L 347/518 Journal officiel de l'Union européenne 20.12.2013 annuelle moyenne de l'agriculteur au cours des trois années précédentes ou de sa production moyenne triennale calculée sur la base des cinq années précédentes, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible. Il est possible de recourir à des indices pour calculer la production annuelle de l'agriculteur. La méthode de calcul utilisée permet de déterminer la perte réelle subie par un agriculteur au cours d'une année donnée.

Aucune participation de fonds publics n'est accordée au capital social initial.

4. En ce qui concerne les maladies animales, une compensation financière peut être octroyée au titre de l'article 36, paragraphe 1, point b), pour les maladies figurant sur la liste des maladies animales établie par l'Organisation mondiale de la santé animale ou à l'annexe de la décision 2009/470/CE.

5. L'aide est limitée au taux d'aide maximal fixé à l'annexe II.

Les États membres peuvent limiter les coûts admissibles au bénéfice de l'aide en appliquant:

a) des plafonds par fonds;

b) des plafonds unitaires appropriés.

Article 39

Instrument de stabilisation des revenus

1. L'aide prévue à l'article 36, paragraphe 1, point c), n'est accordée que dans les cas où la baisse du revenu est supérieure à 30 % du revenu annuel moyen de l'agriculteur concerné au cours des trois années précédentes ou d'une moyenne triennale basée sur les cinq années précédentes, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible. Aux fins de l'article 36, paragraphe 1, point c), on entend par "revenus", la somme des recettes que l'agriculteur obtient du marché, y compris toute forme de soutien public, déduction faite des coûts des intrants. Les paiements effectués par le fonds de mutualisation aux agriculteurs compensent moins de 70 % de la perte de revenu au cours de l'année où le producteur devient éligible au bénéfice de cette aide.

2. Pour pouvoir bénéficier d'une aide, le fonds de mutualisation concerné:

a) est reconnu par l'autorité compétente conformément au droit national;

b) mène une politique transparente concernant les versements et les retraits effectués sur le fonds;

c) a des règles claires en matière de responsabilités pour des dettes éventuelles.

3. Les États membres définissent les règles régissant l'établissement et la gestion des fonds de mutualisation, notamment en ce qui concerne l'octroi des indemnités aux agriculteurs en cas de crise, ainsi que la gestion et le contrôle du respect de ces règles. Les États membres veillent à ce que les modalités régissant les fonds prévoient des sanctions en cas de négligence de la part de l'agriculteur.

4. Les participations financières visées à l'article 36, paragraphe 1, point c), ne peuvent concerner que:

a) les coûts administratifs liés à l'établissement du fonds de mutualisation, répartis de manière dégressive sur une période maximale de trois ans;

b) les montants prélevés sur le fonds de mutualisation pour payer les indemnités octroyées aux agriculteurs. En outre, la contribution financière peut porter sur les intérêts afférents aux emprunts commerciaux contractés par le fonds de mutualisation aux fins du paiement de l'indemnité financière aux agriculteurs en cas de crise. Aucune participation de fonds publics n'est accordée au capital social initial.

5. L'aide est limitée au taux maximal fixé à l'annexe II.

2. Un cadre national qui s'est peu à peu perfectionné.
a) Un cadre juridique et financier qui repose sur le fonds national de gestion des risques en agriculture.

Prenant la succession du fonds de gestion des calamités agricoles (FGCA), le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) a été créé par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010, avec des missions élargies au soutien à l'ensemble des instruments collectifs de gestion des risques.

Son régime est défini par le chapitre I er du titre VI du Livre III du code rural et de la pêche maritime. La gestion de ce fonds est confiée à la caisse centrale de réassurance (CCR), société anonyme intégralement détenue par l'État.

Le FNGRA est alimenté principalement par une taxe additionnelle aux primes d'assurance payées par les agriculteurs , notamment pour assurer leurs bâtiments ou leurs équipements. Le taux de cette taxe est passé de 11 % à 5,5 % en application de la loi de finances pour 2016, réduisant de moitié la recette correspondante, qui devrait désormais être de l'ordre de 60 millions d'euros par an. Une subvention de l'État est prévue pour compléter les recettes du FNGRA.

Le FNGRA intervient dans trois domaines, identifiés à travers trois sections du fonds :

- la première section (régie par l'article L. 361-3 du code rural et de la pêche maritime) contribue, en complément des versements des exploitants agricoles et des crédits venant de la PAC, au financement de l'indemnisation des pertes économiques liées à l'apparition d'un foyer de maladie animale ou végétale ou d'un incident environnemental par des fonds de mutualisation.

- la deuxième section (régie par l'article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime) contribue au financement des aides au développement de l'assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles. Elle prend en charge une part des primes ou cotisations d'assurance afférentes à certains risques agricoles, de façon forfaitaire et variable suivant l'importance du risque et la nature des productions. Les aides versées ne peuvent excéder 65 % de la prime ou cotisation d'assurance.

- la troisième section (régie par l'article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime) contribue à l'indemnisation des calamités agricoles. Les dépenses à ce titre sont très variables d'une année sur l'autre, selon l'importance des évènements climatiques qui ont touché le pays.

Le FNGRA est donc le pivot financier du dispositif de soutien à la gestion collective des risques en agriculture . La loi de finances rectificative pour 2015 a toutefois autorisé un prélèvement important sur sa trésorerie de 255 millions d'euros, réduisant celle-ci à 47,5 millions d'euros au 31 décembre 2015, ce qui imposera un abondement par l'État si l'année 2016, comme c'est probable, devait enregistrer d'importantes indemnisations à verser au titre des calamités agricoles.

b) Le premier étage de la gestion des risques : l'encouragement des agriculteurs à constituer des réserves de précaution.

Pour faire face aux difficultés économiques qui peuvent résulter de risques variés, climatiques ou autres, les agriculteurs en France disposent d'abord d'un outil individuel : l'épargne de précaution. Celle-ci est encouragée en France par un dispositif fiscal : la déduction pour aléas (DPA). Créée en 2002, la DPA prévoit une défiscalisation des sommes épargnées. Son régime est défini à l'article 72 D bis du code général des impôts.

Il s'agit d'une réserve qui doit faire l'objet de l'ouverture d'un compte d'affectation auprès d'un établissement de crédit, qui doit recevoir entre 50 et 100 % du montant de la DPA pratiquée.

La DPA peut ensuite servir à l'agriculteur, dans un délai de sept ans, pour l'acquisition de fourrages en cas de reconnaissance de calamité agricole ; pour payer des primes d'assurance « dommages aux biens » ou des primes d'assurance « pertes d'exploitation » ; pour régler les dépenses suite à la survenue d'un aléa non-assuré ; pour faire face aux conséquence d'un incendie ou d'une perte de culture ou de bétail ; ou encore pour compenser la perte de valeur ajoutée de plus de 10 % voire 15 % dans certains cas par rapport aux exercices précédents, en cas de survenue d'un aléa économique. Ce dernier cas a été introduit en 2010. Le régime de la DPA a été modifié par la loi de finances rectificative pour 2015 pour en assouplir les conditions d'utilisation.

Les montants inscrits en DPA font l'objet d'un plafonnement global commun avec la déduction pour investissement (DPI) fixé à 27 000 euros par an, prévu par l'article 72 D ter du code général des impôts. Ce plafond est majoré de 500 € par salarié. Enfin, le montant cumulé des sommes déduites ne peut pas dépasser 150 000 €, net des prélèvements déjà opérés sur les sommes épargnées.

La DPA est toutefois peu utilisée : la dépense fiscale correspondante avait été chiffrée dans les documents budgétaires accompagnant le dernier projet de loi de finances pour 2016 à 39 millions d'euros en 2014 pour 11 400 bénéficiaires, soit une très faible proportion des exploitants agricoles.

Dans ces conditions, la gestion des risques par les agriculteurs est davantage assurée par leur épargne ordinaire, lorsqu'elle existe, que par le dispositif de la DPA.

c) Le développement récent de l'assurance-récolte.

Jusqu'en 2005 en France, seul l'aléa grêle était couvert par les assureurs privés. Des aides de faible montant étaient consacrées au soutien à la souscription de telles assurances par les agriculteurs.

Depuis, les assureurs ont commencé à proposer aux agriculteurs des produits d'assurance couvrant plus largement les risques climatiques : les contrats « multirisque climatique sur récolte » (MRC) se sont développés avec le soutien des pouvoirs publics.

Le taux de pénétration de l'assurance MRC atteint désormais 30 % en grandes cultures, 20 % en viticulture, mais reste résiduel en arboriculture, horticulture et maraîchage .

À la suite du bilan de santé de la PAC en 2008, la France a redéployé des crédits européens, complétés par des crédits nationaux, pour aider les agriculteurs à financer les primes d'assurance. Une enveloppe annuelle d'environ 100 millions d'euros a été consacrée au financement de ce soutien. Cette enveloppe a été portée à 120 millions d'euros en 2015. La distribution de ces aides relève de la deuxième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Le taux de subvention est plafonné à 65 % et le taux réel de soutien est fixé en fonction du ratio entre les demandes des agriculteurs et les fonds disponibles au sein du FNGRA. L'assurance n'intervient qu'en cas de perte de récolte supérieure à 30 %. Dans les secteurs où il existe des produits d'assurance, les pertes des agriculteurs ne sont plus éligibles au régime des calamités agricoles.

Le dispositif a permis une progression de la couverture des risques climatiques par l'assurance, mais celle-ci reste un choix volontaire de l'agriculteur. On est encore loin de la généralisation de l'assurance-récolte .

Le développement de l'assurance-récolte s'est en effet heurté en France à plusieurs obstacles, parmi lesquels :

- une incertitude sur le niveau réel de subvention que pourra obtenir l'agriculteur, dans la mesure où le dispositif fonctionne avec une enveloppe fermée, impliquant des réductions de taux de soutien lorsque les moyens disponibles ne permettent pas un soutien à hauteur de 65 %, rendant moins intéressante la subvention. D'après les chiffres fournis à votre rapporteur par l'Association française de l'assurance, en 2014, les cotisations d'assurance MRC des agriculteurs ont représenté 280 millions d'euros. L'enveloppe de crédits ne permet donc pas un taux de subvention à hauteur des deux tiers du montant de la prime ;

- une exigence d'un taux de perte de 30 % considérée par certains agriculteurs comme trop forte , amenant l'assurance à ne jouer que dans de trop rares cas.

- l' absence de produit d'assurance pour les fourrages , cette absence d'offre d'assurance étant en partie liée à la crainte des assureurs de ne pas disposer de solutions de réassurance privée ou publique en cas d'évènement climatique sévère impliquant la nécessité de lourdes indemnisations d'un grand nombre d'agriculteurs.

Le dispositif de l'assurance-récolte a évolué récemment avec la mise en place du « contrat-socle » . Les compagnies d'assurances doivent respecter l'architecture du contrat-socle pour que leurs produits puissent faire l'objet de subventions. Ce contrat-socle est à la fois :

- plus intéressant pour les agriculteurs, puisque le coût de la souscription à l'assurance doit baisser. Il ne couvre que les risques importants. Son objectif consiste à permettre aux agriculteurs sinistrés de financer le redémarrage de leur activité et non de compenser la perte de leurs bénéfices ;

- plus large, en couvrant également les fourrages.

La France a utilisé la faculté offerte par les règlements européens de prélever les crédits finançant l'assurance-récolte sur le premier pilier plutôt que d'utiliser l'enveloppe du second pilier de la PAC. De ce fait, l'ensemble des crédits de soutien aux assurances agricoles relève désormais d'un financement exclusivement européen, sans cofinancement national. L'enveloppe dédiée est de 120,13 millions d'euros en 2015, 112,8 millions d'euros en 2016, 100,12 millions d'euros en 2017 et 2018, 87,45 millions d'euros en 2019 et 80,13 millions d'euros en 2020. Les montants prévus risquant d'être insuffisants, la France devra probablement choisir en 2017 de transférer au 1 er janvier 2018 davantage de crédits du premier pilier vers le dispositif d'assurance relevant du second.

LE « CONTRAT-SOCLE », REMPLAÇANT DE
L'ASSURANCE MULTIRISQUE CLIMATIQUE DES AGRICULTEURS

Mis en place en France pour la campagne 2015, le « contrat-socle » couvre quinze aléas climatiques identifiés (la grêle, le gel, les basses températures, les températures excessives, la sécheresse, les coups de chaleur, les coups de soleil, le manque de rayonnement solaire, des précipitations excessives, des fortes pluies, une humidité excessive, les tempêtes, les tourbillons, les vents de sable, le poids de la neige ou du givre).

Le « contrat-socle » offre plusieurs niveaux de couverture, dont seuls les premiers sont encouragés par des subventions publiques :

- un premier niveau de couverture protège des pertes de production (dépenses fixes et variables) à l'échelon de la récolte. Le déclenchement est situé à 30 % des pertes alors que la franchise s'élève à 30 % des pertes (25 % pour les prairies). Si toutes les productions de l'exploitation sont assurées, la franchise peut baisser jusqu'à 20 %. Le taux maximal de subvention de ce premier niveau est de 65 %.

- un deuxième niveau protège des pertes liées au rendement à l'échelon de l'exploitation ou de la récolte, en complétant le premier niveau. La franchise est abaissée à 25 %. Les subventions sont plafonnées à un taux de 45 %.

- un troisième niveau non subventionné propose des garanties supplémentaires, contre des variations des prix ou des pertes de qualité, par exemple.

Le capital assuré est calculé comme le produit de la moyenne olympique ou du rendement moyen des trois dernières années par un prix unitaire. Ce prix correspond au coût total de production tel que les dépenses d'exploitation (entrants chimiques notamment) et les dépenses fixes (coûts de la mécanisation). La valeur du capital assuré peut être augmentée par stratégie, pour annuler les effets de la franchise de 30 %. Les coûts de production suivent une grille, fixée chaque année par la chambre d'agriculture et par des experts, et validée par le Comité national de gestion des risques en agriculture.

La mise en place du contrat-socle devrait abaisser le coût de l'assurance : ainsi, la prime d'une police d'assurance pour les grandes cultures s'élèverait autour de 28 euros par hectare sans subvention, contre 36 euros par hectare tel qu'actuellement avec une assurance multirisques classique. Le coût atteindrait quelques 10 euros par hectare après subvention.

d) La mise en place récente du fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE).

Mis en place fin 2013, le fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) vise à offrir des indemnisations aux agriculteurs touchés par des crises sanitaires ou environnementales , essentiellement des maladies animales ou des ravages causés par des organismes nuisibles.

Le FMSE a été constitué sous forme d'association agréée par l'État et son régime est défini par l'article L. 361-3 du code rural et de la pêche maritime.

L'adhésion au FMSE a été rendue obligatoire pour tous les exploitants agricoles susceptibles de recevoir des indemnisations du fonds, permettant une large mise en commun des risques. Très peu de secteurs ne sont pas concernés : services agricoles, élevages de chevaux, d'animaux domestiques, aquaculture. Une cotisation de 20 euros, prélevée par la mutualité sociale agricole (MSA), est apportée par chaque exploitant concerné. Le FMSE bénéficie également d'une subvention d'1,1 million d'euros désormais financée par des crédits européens. Les recettes publiques du FMSE ne peuvent pas dépasser 65 % des indemnisations versées.

Le FMSE est organisé en sections :

- une section commune à tous les exploitants agricoles compense les pertes générales ou sinistres ne relevant pas des sections spécialisées ;

- plusieurs sections spécialisées gèrent un budget spécifique au secteur d'activité couvert, pour des risques spécifiques au dit secteur. Les sections spécialisées peuvent prélever des fonds supplémentaires. À ce jour, le FMSE compte 10 sections spécialisées : pommes de terre, plants de pommes de terre, légumes, légumes transformés, fruits, horticulture, betteraves, ruminants, porcs et aviculture. Chaque section gère ses programmes d'indemnisation (programme sharka, programme brucellose porcine, programme tuberculose bovine, programme fièvre catarrhale ovine) qui définissent les règles d'indemnisation.

La liste des risques couverts a été définie par voie réglementaire et la mise en oeuvre de la couverture est organisée par le FMSE, section par section.

Le FMSE a vocation à constituer un nouvel étage de gestion des risques, géré directement par les professionnels de la protection collective des risques en agriculture.

LES RISQUES COUVERTS PAR LE FMSE - EXTRAIT DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME

Article R. 361-51. - Les fonds de mutualisation indemnisent des pertes économiques occasionnées par :

les maladies animales figurant dans la liste des maladies animales établie par l'Organisation mondiale de la santé animale ou à l'annexe I de la décision 2009/470/ CE du Conseil du 25 mai 2009 relative à certaines dépenses dans le domaine vétérinaire ;

les organismes nuisibles aux végétaux listés en application de l'article L. 251-3 du code rural et de la pêche maritime, faisant l'objet de mesures de lutte obligatoire ou présentant un caractère anormal ou exceptionnel.

Article R. 361-52. - Les fonds de mutualisation indemnisent des pertes économiques occasionnées par les incidents environnementaux définis à l'article 71 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 susmentionné et précisés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'écologie, pris après avis du Comité national de gestion des risques en agriculture.

Les statuts ou les règlements intérieurs des fonds de mutualisation excluent l'indemnisation des pertes subies par des agriculteurs à l'origine de l'incident environnemental dommageable.

Article R. 361-53 - Les coûts et pertes économiques suivants sont considérés comme éligibles à indemnisation par un fonds de mutualisation lorsqu'ils sont consécutifs à l'apparition de l'un des événements mentionnés à l'article R. 361-51 ou à l'article R. 361-52 :

les coûts ou pertes liés à la perte d'animaux ou de végétaux ;

les coûts ou pertes liés à une perte d'activité sur l'exploitation, notamment inhérente à une baisse des performances zootechniques des animaux ou de rendement des végétaux ;

les coûts ou pertes, d'ordre économique et commercial, notamment ceux issus d'une restriction ou d'une interdiction de circulation ou d'échange, d'une limitation des zones de pâturage, d'un changement de destination de la production, de la restriction d'utilisation ou de la destruction de produits de l'exploitation, de traitements sanitaires, de la restriction de l'usage des sols ou d'un déclassement commercial de la production.

Ces coûts sont détaillés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture.

Les pertes économiques imputables à l'événement sont éligibles qu'elles soient antérieures ou postérieures à l'expertise technique du fonds de mutualisation qui en confirme le caractère indemnisable.

e) La solidarité nationale : le régime des calamités agricoles.

Le dernier étage de la couverture des risques en agriculture en France est constitué par le régime des calamités agricoles , qui existe depuis 1964.

Il s'agit d'un dispositif de solidarité, qui permet d'indemniser les agriculteurs face à des risques qui ne peuvent pas être couverts par les mécanismes d'assurance. De ce fait, les grandes cultures ont été sorties du régime des calamités agricoles en 2009 et la vigne en 2011. Il couvre les pertes de récolte et les pertes de fonds.

L'indemnisation des agriculteurs au titre des calamités agricoles intervient à l'issue d'une procédure en deux temps :

- le premier temps est celui de la reconnaissance de l'évènement climatique exceptionnel . Sur la base d'un état des lieux établi par le préfet avec la participation des chambres d'agriculture, la demande de reconnaissance de l'état de calamité agricole est soumise à l'avis du comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA). Ensuite, le ministre chargé de l'agriculture prend un arrêté reconnaissant le caractère de calamité agricole sur des biens précisés et une zone précisément délimitée ;

- dans un second temps, les agriculteurs touchés peuvent adresser leurs demandes d'indemnisation dans un délai d'un mois auprès des mairies ou des services de l'État. Les pertes sont constatées au niveau de l'exploitation individuelle par rapport à un barème départemental, correspondant au rendement sur la moyenne triennale. L'indemnité constitue donc une compensation des pertes résultant de l'accident climatique. Elle ne peut être attribuée que si les pertes par production calculées au niveau de l'exploitation individuelle sont supérieures à 30 %. Le montant des pertes est diminué de tout montant perçu au titre d'un régime d'assurance, ainsi que des coûts non engagés en raison du phénomène météorologique défavorable.

Les interventions au titre des calamités agricoles sont très variables d'une année sur l'autre . Ainsi, en 2011 et 2012, plusieurs phénomènes, principalement la sécheresse, avaient nécessité de mobiliser des budgets importants, respectivement 188,8 et 234,3 millions d'euros. Les indemnisations au titre des calamités agricoles sont tombées à 40,8, 21,6 et 49,9 millions d'euros en 2013, 2014 et 2015. L'année 2016 devrait voir la nécessité de mobiliser des crédits supplémentaires.

L'État risque donc d'être dans l'obligation de dégager des crédits budgétaires pour alimenter le FNGRA, dans la mesure où l'indemnisation au titre des calamités agricoles constitue un droit des agriculteurs, garanti par le code rural et de la pêche maritime.


* 1 Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles.

* 2 Règlement (UE) n ° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

* 3 France, Italie, Hongrie et Pays-Bas.

* 4 Belgique (Flandres), Espagne (Castille-Leon), France, Croatie, Italie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Malte, Pays-Bas, Portugal, Roumanie.

* 5 Dont respectivement près de 1,6 milliards pour l'Italie et 600 millions d'euros pour la France.

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