II. ANALYSE PAR PROGRAMME
A. UN PROGRAMME 167 « LIENS ENTRE LA NATION ET SON ARMÉE » MARQUÉ PAR SA « POLITIQUE DE MÉMOIRE »
Les crédits du programme 167 sont en baisse de 53,7 % en AE et 64 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Toutefois, cette baisse est due au transfert des crédits de titre 2 en programme 212. Hors transfert, ces crédits sont en hausse de 37 % en AE et en baisse de 1,3 % en CP 24 ( * ) . La hausse des crédits en AE (+ 14,2 millions d'euros en crédits de fonctionnement) correspond au renouvellement des marchés de formation au secourisme en métropole pour les besoins de la Journée défense et citoyenneté (JDC) , qui doit être engagé fin 2015 pour une durée de trois ans.
Le transfert des crédits de titre 2 hors du programme 167 vers le programme 212 de la mission « Défense » a rééquilibré le poids respectif des deux actions qui le composent. L'action « Journée défense et citoyenneté » avec 19,05 millions d'euros (en CP) représente désormais 45 % des crédits, et l'action « Politique de mémoire » avec 22,7 millions d'euros (en CP), 55 %. Ce rapport était de 80 % pour la JDC et 20 % pour la politique de mémoire en projet de loi de finances pour 2014.
Ce rééquilibrage traduit l'importance croissante accordée à la politique de mémoire et au développement du tourisme de mémoire.
Répartition des crédits entre les actions du programme 167
(en millions d'euros)
Source : commission des finances sur la base du projet annuel de performances pour 2015
Source : commission des finances sur la base du projet annuel de performances pour 2015
1. Une Journée « défense et citoyenneté » qui a du mal à trouver sa place
L'action 1 est consacrée à la Journée « défense et citoyenneté » (JDC) chargée d'assurer la diffusion de l'esprit de défense auprès des jeunes Français depuis la disparition du service militaire 25 ( * ) . Cette journée voit sa mise en oeuvre assurée par la direction du service national (DSN) dont les effectifs sont désormais portés par la mission « Défense ».
L'organisation de cette journée, qui concernera 763 000 jeunes en 2015, suppose en amont la prise en compte des fichiers de recensés provenant des 36 000 mairies 26 ( * ) , la convocation des jeunes en JDC et leur affectation sur les sites et salles JDC. Elle mobilise 1 300 ETPT (274 militaires et 1 026 civils) 27 ( * ) et se déroule sur 259 sites , dont 184 sites militaires .
Les crédits de cette action sont presque intégralement des crédits de fonctionnement 28 ( * ) . Sur les 19 millions d'euros consacrés à la JDC dans le projet de loi de finances pour 2015, 6,4 millions d'euros seront dépensés en nourriture (soit près du tiers des dépenses), 5,6 millions d'euros en transport et 4,8 millions d'euros pour financer les formations de secourisme et sur le service civique. Ce budget est en hausse de 1,6 % par rapport à 2014 en raison du nombre plus élevé de jeunes attendus (+ 3 000 jeunes) et de la hausse prévisible des coûts d'alimentation et de transport , ainsi que de l'augmentation des marchés de secourisme du fait des clauses de révision de prix.
À ces crédits budgétaires directs portés par la mission, il convient d'ajouter les crédits provenant des programmes 146, 178 et 212 de la mission « Défense », soit 116,2 millions d'euros qui viennent abonder les crédits de l'action « Journée défense et citoyenneté ». La JDC représente donc un coût de 135,2 millions d'euros, soit environ 177 euros par jeune, ce qui est supérieur au « coût moyen par participant » affiché par l'indicateur 1.2 de l'action (coût inférieur à 150 euros). La méthode de calcul des coûts utilisée par le ministère de la défense ne reprend pas l'intégralité des soutiens . Elle exclut les crédits d'administration générale et de soutien commun relevant du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». La raison en serait que « depuis la mutualisation, il n'est en effet pas possible de disposer d'une remontée individualisée des prestations effectuées par les Bases de Défense pour le compte de la JDC de façon systématique (Chorus) » 29 ( * ) .
Cette impossibilité serait due au fait que les centres de coûts correspondent aux emprises et que chaque année, l'affectation d'une partie de ces emprises (emprises civiles ou militaires, salles dédiées ou partagées, etc.) peut évoluer en fonction des besoins de la JDC.
Au-delà de la question de son coût réel, se pose également la question de son efficacité. Le Livre blanc « Défense et sécurité nationale » de 2013 a recommandé de recentrer le contenu de la JDC sur sa vocation première de sensibilisation à l'esprit de défense . Cette recommandation semble avoir été suivie d'effet puisque la durée des modules « Défense » a été allongée de 45 minutes pour atteindre 2 heures 45, sur les 8 heures que dure la JDC. Ces modules sont illustrés de dix films courts d'environ 1 minute 30 pour présenter l'armée (missions, moyens, métiers ...) et le travail de mémoire.
Toutefois, la JDC continue de faire débat. Le secrétaire d'État chargé des anciens combattants lui-même a affirmé sa préférence pour un service civique obligatoire et mixte 30 ( * ) . Ce, malgré les taux de satisfaction exprimés par les jeunes dans le questionnaire « à chaud » effectué en fin de journée : 88 % se déclarent satisfaits de la prestation offerte par la DSN et les armées et 88,5 % déclarent avoir une meilleure image de la défense et des armées après leur participation à la JDC . Ces résultats semblent être d'ailleurs confirmés par la première évaluation « à froid » (soit huit à douze mois après l'accomplissement de leur JDC) conduite par un organisme indépendant en 2013 : 73 % des jeunes considèrent que la JDC est intéressante, 88 % jugent que la JDC leur a permis de s'informer sur les métiers de la défense et 35 % déclarent avoir souhaité prendre contact avec les services de recrutement.
2. Une politique de mémoire dynamisée par les commémorations des anniversaires des deux guerres et le tourisme de mémoire
La conduite de la politique de mémoire est assurée par les services de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA).
L'année 2014 a été marquée par les commémorations du centenaire du début de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire de la Résistance intérieure, de la Libération du territoire national et de la victoire contre le nazisme et le budget consacré à la politique de mémoire a été substantiellement augmenté en conséquence en projet de loi de finances pour 2014 par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 (+ 33,3 %). Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014 se sont ainsi élevés à 23,54 millions d'euros (AE =CP).
Le projet de loi de finances pour 2015 maintient une enveloppe importante de 22,7 millions d'euros qui représente une baisse de 3,5 % seulement par rapport à 2014, malgré une actualité mémorielle moindre.
Ces crédits se répartissent entre les deux opérations stratégiques « Mémoire » et « Sépultures de guerre et lieux de mémoire ». En 2015, un effort important sera consenti au profit de l'opération « Sépultures de guerre et lieux de mémoire » qui bénéficiera de 12,9 millions d'euros de crédits , soit plus du double que l'année dernière où 6,1 millions d'euros avaient été prévus en projet de loi de finances pour 2014. L'opération « Mémoire » conserve une enveloppe de 9,8 millions d'euros, en baisse de 42,6 % par rapport à l'année dernière (17,1 millions d'euros), ce qui semble cohérent avec le calendrier mémoriel de l'année 2015, moins riche en évènements commémoratifs lié à la Première guerre mondiale.
Opération « Mémoire » : 9,8 millions d'euros (en AE=CP)
Cette opération stratégique comprend :
- les actions commémoratives pour un montant de 5,69 millions d'euros dont 1,69 million d'euros consacrés aux commémorations nationales annuelles (dont les 11 journées nationales du calendrier) et 4 millions d'euros au cycle de commémorations liés au centenaire de la Première Guerre mondiale et au soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale (pour mémoire, ce montant était de 8,03 millions d'euros l'année dernière en raison de la forte actualité mémorielle liée à la double commémoration de 1914 et 1944) ;
- les actions pédagogiques et civiques pour un montant de 0,35 million d'euros. Ces crédits permettent l'organisation d'expositions pédagogiques et la production de la revue bimestrielle « Les chemins de mémoire ». Le protocole défense-éducation nationale destiné à former les professeurs et leur apporter les supports pédagogiques nécessaires pour animer leurs classes doit être renouvelé fin 2014 ;
- des subventions et transferts, pour un montant de 3,77 millions d'euros permettant de financer des actions de mémoire menées par des partenaires de la DMPA (ONAC-VG, associations, collectivités territoriales ...). Des crédits d'un montant de 3,5 millions d'euros seront consacrés au soutien des réalisations de projets mémoriels (cérémonies, représentations théâtrales, expositions ...). Afin d'inscrire ces actions dans le cadre du double cycle mémoriel, une procédure d'homologation a été instituée pour sélectionner des projets, associant les directions départementales de l'ONAC-VG, et des instances ad hoc constituées de représentants des services de l'État, les collectivités territoriales et des associations patriotiques et de mémoire, sous l'autorité du préfet. Ces projets labellisés ont ensuite pu être inscrits dans la programmation officielle de l'année 2014.
La mise en valeur du patrimoine mémoriel (sépultures de guerre et lieux de mémoire) : 12,9 millions d'euros (en AE=CP)
Les crédits alloués à cette opération stratégique ont été doublés en projet de loi de finances pour 2015 afin de relancer le programme pluriannuel de rénovation des sépultures , qui avait été ralenti pour financer les commémorations exceptionnelles de 2014.
Un montant de 3,36 millions d'euros est destiné à financer les activités de rénovation menées par la DMPA en France et celles menées par les ambassades à l'étranger. Ce budget est en augmentation de 2 millions d'euros par rapport à l'année dernière .
Les crédits de subventions de 9,53 millions d'euros , en augmentation de 5 millions d'euros, comprennent :
- 7,88 millions de crédits alloués à l'ONAC-VG pour mener à bien ses travaux de rénovation des sépultures de guerre en France et en Afrique du Nord et des hauts lieux de mémoire nationale, ainsi que pour la rénovation des monuments aux morts ;
- 1,65 million d'euros pour financer les projets structurants menés par les collectivités territoriales en matière de tourisme de mémoire . Cette subvention est en augmentation de 10 % par rapport à l'année dernière.
Votre rapporteur spécial se félicite de la place qui est accordée au tourisme de mémoire qui permet tout à la fois la valorisation du patrimoine et la transmission de la mémoire aux jeunes , tout en dynamisant l'activité économique des territoires . En avril 2014, l'ONAC-VG a par exemple lancé un marché pour la réalisation de près de 300 panneaux d'information historique pour valoriser les sites et mieux les adapter à la demande des visiteurs. Ce programme d'une durée de quatre ans, doit permettre d'équiper l'ensemble des nécropoles nationales d'ici 2018.
Un monument OPEX encore retardé Afin de témoigner une reconnaissance spécifique envers les soldats engagés dans les opérations extérieures (OPEX) menées par la France, le ministère de la défense a décidé en 2011 d'édifier dans la capitale un monument dédié aux soldats morts en OPEX . Ce projet, engagé en 2012, semblait pouvoir être finalisé en 2014 et aboutir à l'érection d'un monument place Vauban , près des Invalides. Un budget d'un million d'euros avait été voté en loi de finances pour 2013 et reporté depuis. Toutefois, les travaux n'ont toujours pas commencé. Le ministère en explique les causes : « en raison de débats portant notamment sur le lieu d'implantation (place Vauban), le périmètre des opérations concernées et la notion de "mort au service de la France en opérations extérieures" qui n'a pas de fondement juridique, l'appel d'offres a été déclaré sans suite » 31 ( * ) . En conséquence, une nouvelle mission de réflexion a été confiée au général d'armée (2 e section) Pierre de Percin Northumberland, qui doit également réfléchir à la question de l'intégration des noms des morts du bataillon de Corée sur le monument. Il est regrettable que ce projet, symbole de la reconnaissance de la Nation envers la quatrième génération de feu, ne trouve pas d'aboutissement rapide à l'heure où de nombreux soldats risquent leur vie dans des opérations extérieures . |
* 24 V. Tableaux en pages 12 et 13.
* 25 Loi n°97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.
* 26 Un service de recensement citoyen obligatoire (RCO) en ligne est progressivement mis en place auprès des mairies. Il a été utilisé par 7 500 jeunes en 2013.
* 27 Cf. Action 65 du programme 212 de la mission « Défense ».
* 28 Une subvention de 30 000 euros est versée chaque année à l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI).
* 29 . Cf. Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015.
* 30 Cf. Audition de M. Kader Arif devant la commission élargie de l'Assemblée nationale du 20 octobre 2014.
* 31 Réponse au questionnaire budgétaire en vue du projet de loi de finances pour 2015 (question n° 55).