C. DES LOURDEURS ET DES COMPLEXITÉS SOURCES INÉVITABLES DE DYSFONCTIONNEMENTS

1. Un âge d'affiliation variable selon le régime de rattachement des parents

L'âge d'affiliation au régime étudiant varie selon le régime de rattachement du parent dont dépend l'étudiant.

Dans la grande majorité des cas, l'étudiant doit être inscrit au régime étudiant au moment de son entrée dans l'enseignement supérieur. L'affiliation est gratuite jusqu'à l'âge de 20 ans puis payante, sauf pour les étudiants boursiers. Certains étudiants demeurent malgré tout couverts par la sécurité sociale de leurs parents jusqu'à l'âge de 20 ans, par exemple lorsque ceux-ci exercent une activité libérale, sont commerçants ou artisans. Quant aux enfants des agents de la SNCF, ils continuent de dépendre du régime de leurs parents pendant toute la durée de leurs études.

En 2013, 1 745 747 personnes étaient affiliées au régime étudiant 11 ( * ) sur un total de 2 429 900 d'inscrits dans l'enseignement supérieur 12 ( * ) . 28 % des étudiants ne relevaient donc pas de ce régime à cette date.

Figure n° 1 : Règles d'affiliation au régime étudiant selon la profession du parent dont dépend l'étudiant

Profession du parent
dont dépend l'étudiant

16/19 ans au cours de l'année universitaire

20 ans au cours de l'année universitaire

21/28 ans au cours de l'année universitaire

Salarié et assimilé :

- Salarié du secteur privé

- Fonctionnaire de l'Etat

- Fonctionnaire territorial ou hospitalier

- Artiste auteur

- Praticien ou auxiliaire médical conventionné (sauf option profession libérale)

- Exploitant ou salarié agricole

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et gratuite

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (gratuite pour les étudiants boursiers)

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (gratuite pour les étudiants boursiers)

Travailleur non salarié :

- Artisan

- Commerçant

- Profession libérale

Couvert par la sécurité sociale des parents

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (gratuite pour les étudiants boursiers)

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (gratuite pour les étudiants boursiers)

Régimes spécifiques :

- Clercs ou employés de notaires

- Cultes

- EDF-GDF

- Militaires

- Mines

- RATP

- Sénat

Couvert par la sécurité sociale des parents

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (gratuite pour les étudiants boursiers)

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (gratuite pour les étudiants boursiers)

Autres régimes spécifiques :

- Assemblée nationale

- Marine marchande

- Port autonome de Bordeaux

Couvert par la sécurité sociale des parents

Couvert par la sécurité sociale des parents

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (gratuite pour les étudiants boursiers)

Fonctionnaire international

Couvert par la sécurité sociale des parents

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (à défaut d'attestation de l'organisme international)

Sécurité sociale étudiante obligatoire
et payante (à défaut d'attestation de l'organisme international)

Agent de la SNCF

Couvert par la sécurité sociale des parents

Couvert par la sécurité sociale des parents

Couvert par la sécurité sociale des parents

Source : Cnam

2. La lourdeur du processus de mutation inter-régimes

Le processus de mutation inter-régimes , c'est-à-dire le passage du régime d'origine vers le régime étudiant, constitue la principale source de lourdeurs, de complexité et par conséquent de mécontentements de la part des affiliés et de leurs familles.

Conformément à la règle fixée par le code de la sécurité sociale, la mutation doit s'effectuer à la demande de l'établissement d'enseignement supérieur . Or ceux-ci continuent bien souvent d'utiliser des formulaires papier, ce qui allonge les délais de traitement des demandes d'affiliation. De la même façon, les échanges d'information entre les caisses d'origine et les mutuelles étudiantes ne s'effectuent pas toujours par voie dématérialisée.

En outre, les mutuelles étudiantes ne peuvent formellement procéder à l'affiliation des étudiants qu'au 1 er octobre . Or, pour un grand nombre d'étudiants, cette date ne correspond plus au début de l'année universitaire. En outre, elle crée pour les mutuelles un pic d'activité à cette période de l'année alors qu'il serait bien plus simple de pouvoir enregistrer les étudiants au fil de l'eau, dès réception de l'ensemble des documents nécessaires à l'affiliation.

Comme l'a souligné à juste titre EmeVia à votre rapporteur, le passage vers le régime étudiant ne nécessite pas obligatoirement la création d'une nouvelle carte vitale . Dans plus de la moitié des cas, la simple actualisation de la carte dont l'étudiant est censé disposer depuis ses 16 ans, âge auquel il devient l'ayant droit autonome de ses parents, est suffisante. Cependant, dans un nombre non négligeable de situations, il est nécessaire de procéder à la création d'une nouvelle carte. S'engage dès lors un processus long qui ne dépend que dans une faible mesure de la réactivité des mutuelles étudiantes.

3. Un dispositif coûteux pour l'assurance maladie pour une qualité de service insuffisante

Le niveau des remises de gestion allouées par le régime général aux mutuelles étudiantes est historiquement très supérieur à celui des remises destinées aux autres mutuelles.

Ainsi, en 2011, les mutuelles étudiantes percevaient 54,77 euros par étudiant tandis que les mutuelles de fonctionnaires recevaient 44,29 euros. Il convient malgré tout de noter que le niveau des remises est actuellement en diminution et devrait se rapprocher de la moyenne dans les prochaines années.

Figure n° 2 : Evolution du niveau des remises de gestion depuis 2010 et prévisions jusqu'en 2017

2010

2011

2012

2013

2014*

2015*

2016*

2017 13 ( * )

Remise totale
(en millions d'euros)

86,34

92,91

94,38

90,78

88,65

86,94

86,83

86,69

Nombre d'affiliés

1 672 098

1 696 346

1 724 724

1 745 747

1 773 091

1 811 293

1 847 519

1 884 469

Remise unitaire
(en euros)

51,63

54,77

54,72

52,00

50,00

48,00

47,00

46,00

Source : Cnamts

Les mutuelles étudiantes mettent fréquemment en avant le fait que le niveau des remises de gestion est très inférieur au coût moyen de gestion par assuré dans le régime général, qui est proche de 73 euros. Elles en concluent qu'elles doivent assurer les mêmes missions que le régime général mais avec moins de moyens et par conséquent en étant davantage productives. C'est oublier le fait que le coût moyen de gestion pour le régime général comprend un ensemble d'autres prestations (indemnités journalières notamment) qui ne sont pas à la charge des mutuelles étudiantes. Une fois retranchées ces différentes charges, le coût moyen de gestion dans le régime général est bien inférieur au niveau des remises de gestion allouées aux mutuelles étudiantes.

Or la qualité du service rendu par les mutuelles étudiantes n'est pas à la hauteur des enjeux.

C'est d'ailleurs le constat de dysfonctionnements nombreux et récurrents qui avait justifié en 2012 la mise en place d'un groupe de travail sénatorial dédié à la sécurité sociale des étudiants. L'espace participatif qui avait été créé avait alors permis, sans prétendre donner une photographie exhaustive de l'état d'esprit de la population française vis-à-vis des mutuelles étudiantes, de recueillir un grand nombre de témoignages révélateurs d'un fonctionnement souvent peu satisfaisant s'agissant de la qualité de l'accueil physique et téléphonique ainsi que des délais de remboursement . Ce ressenti a depuis été confirmé par deux études publiées par l'UFC Que Choisir ainsi que par le rapport de la Cour des comptes.

Si les difficultés rencontrées par les étudiants et leurs familles sont bien souvent de l'ordre de la tracasserie administrative, elles peuvent également concerner des situations personnelles bien plus lourdes voire tragiques.

Votre rapporteur insiste sur le fait que les mutuelles étudiantes ne sont en aucun cas seules responsables des défaillances qui caractérisent le fonctionnement du régime. Comme cela a été indiqué, celui-ci est atypique par nature et les mutuelles sont contraintes d'appliquer une réglementation tatillonne, parfois inadaptée. Or, quel que soit le professionnalisme dont elles savent faire preuve, elles n'ont aujourd'hui, ni la taille critique, ni les moyens informatiques suffisants pour remplir leurs missions en assurant un degré de qualité équivalent à celui du régime général .

En outre, la complexité du système remet aujourd'hui en cause les fondements mêmes de la loi de 1948 : la mission d'accompagnement des jeunes vers l'autonomie et l'apprentissage de la citoyenneté sociale, qui avait été confiée aux mutuelles étudiantes, n'est aujourd'hui plus exercée de façon satisfaisante.


* 11 Donnée Cnamts.

* 12 Insee.

* 13 Chiffres provisoires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page