B. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES ET DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

La trajectoire pluriannuelle des dépenses publiques avancée dans le présent projet de loi doit reposer, selon le Gouvernement, sur la réalisation d'un programme d'économies de 50 milliards d'euros au cours de la période 2015-2017 , qui devrait permettre tout à la fois le redressement des comptes publics et de financer des baisses de prélèvements obligatoires. Ainsi, il est prévu un recul du ratio des dépenses publiques dans le PIB de même que du taux de prélèvements obligatoires tout au long de la période 2015-2017 .

Tableau n° 30 : L'évolution de la dépense publique et du taux de prélèvements obligatoires

(en points de PIB)

2014

2015

2016

2017

Dépense publique hors crédits d'impôts

56,5

56,1

55,5

54,5

Dépense publique avec crédits d'impôts

57,7

57,6

57,0

56,1

Taux de prélèvements obligatoires net des crédits d'impôts

44,7

44,6

44,5

44,4

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des crédits d'impôts

45,7

45,7

44,5

45,7

Source : réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur

Ainsi que cela a été indiqué précédemment, le nouveau système européen de comptes nationaux, dit « SEC 2010 », prévoit que les crédits d'impôts « restituables » doivent être comptabilisés en tant que dépenses publiques, et non plus en tant que moindres recettes. Par suite, les objectifs d'évolution de la dépense publique figurant à l'article 5 du présent projet de loi étaient exprimés hors crédits d'impôts, de la même manière que le taux de prélèvements obligatoires afin, précise le rapport annexé au projet de loi (alinéa 339), « de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques ». Le souci du Gouvernement d'assurer la comparabilité des données est tout à fait compréhensible ; toutefois, il était dommageable que les effets des crédits d'impôts, qui seront tout à fait substantiels dans les prochaines années ne puissent être aisément mesurés . Aussi, un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'article précité a précisé l'objectif d'évolution de la dépense publique avec crédits d'impôts. Toutefois, votre rapporteur a également souhaité pouvoir disposer de l'évolution prévisionnelle du taux de prélèvements obligatoires corrigé des crédits d'impôts , conformément aux nouvelles règles comptables. À cet égard, les données transmises par le Gouvernement, reprises dans le tableau ci-avant, font apparaître que, crédits d'impôts mis à part, le taux de prélèvements obligatoires serait relativement stable tout au long de la période 2015-2017 .

1. Un ralentissement peu étayé de la dépense publique

Le programme de 50 milliards d'euros d'économies pour la période 2015-2017 constitue indubitablement la pierre angulaire de la trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement . Les économies projetées semblent avoir été réparties entre les différents sous-secteurs des administrations publiques en fonction de leur part dans les dépenses publiques, comme le fait apparaître le tableau ci-après.

Tableau n° 31 : Répartition de l'effort en dépenses sur la période 2015-2017
entre les administrations publiques

État et ODAC

APUL

ASSO

Part dans les économies

36,0 %

22,0 %

42,0 %

Part dans les dépenses publiques

37,4 %

19,3 %

43,2 %

Part dans le déficit public

76,2 %

10,3 %

13,5 %

Part dans la dette publique

79,7 %

9,4 %

10,9 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et des données de l'Insee)

Ainsi, l' État et ses agences assumeraient une économie totale de près de 19 milliards d'euros. À cela viendrait s'ajouter les économies demandées aux collectivités territoriales , de 11 milliards d'euros, et aux administrations de sécurité sociale (ASSO), de 21 milliards d'euros.

Sur les 50 milliards d'euros d'économies prévues, 21 milliards d'euros seraient réalisées en 2015 , dont 7,7 milliards d'euros par l'État et ses agences, 3,7 milliards d'euros par les collectivités territoriales et 9,6 milliards d'euros par les administrations de sécurité sociale. Le montant d'économies s'élèverait, ensuite, à 15 milliards d'euros en 2016 et à 14 milliards d'euros en 2017 .

S'agissant des années suivantes, aucune information n'est donnée quant à la manière dont pourrait être atteint l'ajustement structurel de 0,5 % du PIB annoncé pour 2018 et 2019. Ceci peut se comprendre dès lors que l'actuelle législature prendra fin en 2017. Pour autant, il convient de relever que ces deux exercices constituent des étapes essentielles dans le respect de la trajectoire de solde structurel , dans la mesure où elles devraient porter près de la moitié de l'ajustement sous-jacent à la trajectoire. Ainsi, ce sont près de 40 milliards d'euros d'économies qui sont seulement « évoquées » par le Gouvernement alors qu'elles fondent le respect de la trajectoire qu'il définit dans le présent projet de loi , laissant à la prochaine législature le soin d'en définir le contenu.

Quoi qu'il en soit, le programme de 50 milliards d'euros d'économies suppose un fort ralentissement de la dépense publique tant en valeur qu'en volume entre 2015 et 2017. Comme le montre le tableau ci-après, le taux de croissance de la dépense publique serait ramené en moyenne à 1,6 % en valeur et à 0,2 % en volume entre ces deux années. Ceci marquerait une rupture majeure dans la trajectoire d'évolution des dépenses publiques observée au cours des derniers exercices. Or, les informations communiquées jusqu'à présent peinent à assurer la crédibilité des économies annoncées, tant celles-ci demeurent peu documentées et reposent, parfois, sur des hypothèses fragiles .

Tableau n° 32 : Croissance de la dépense publique (hors crédits d'impôts)

(variation en %)

2013

2014

2015

2016

2017

Moyenne 2015-2017

Taux de croissance de la dépense en valeur

2,0

1,4

1,1

1,9*

1,8

1,6

Administrations publiques centrales (APUC)

-

0,4

0,3

0,8

0,4

0,5

Administrations publiques locales (APUL)

-

1,2

0,3

1,8

1,9

1,3

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

-

2,3

0,8

2,1

2,3

1,7

Taux de croissance de la dépense en volume

1,3

0,9

0,2

0,5*

0,0

0,2

Inflation hors tabac

0,7

0,5

0,9

1,4

1 ¾

* Dans le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, le Gouvernement précise que l'année 2016 sera marquée par des dépenses exceptionnelles liées, notamment, à un ressaut du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne et aux remises de dette aux États étrangers.

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)

a) La contribution de l'État et de ses agences à l'effort en dépenses

Au cours de la période couverte par le « budget triennal », soit les années 2015 à 2017, 19 milliards d'euros d'économies seraient réalisées par l'État et ses agences. Dans ce cadre, 18,5 milliards d'euros d'économies porteraient sur les crédits des ministères et les ressources affectées aux agences , auxquels viendrait s'ajouter une moindre dépense de 0,5 milliard d'euros liée à une prévision de stabilisation du rythme des décaissements des investissements d'avenir .

Le montant d'économies avancé suppose une diminution en valeur des dépenses de l'État hors charge de la dette et des pensions et hors transfert aux collectivités territoriales . En effet, ce montant excède la progression tendancielle des dépenses relevant de ce périmètre, qui s'élèverait à 17,5 milliards d'euros entre 2014 et 2017 - soit à 5,8 milliards d'euros par an. À ce titre, le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 137) précise que « les dépenses de l'État hors charge de la dette, hors pension et hors transferts aux collectivités territoriales, seront diminuées de 1 Md€ en 2015, augmenteront de 1,5 Md€ en 2016 compte tenu du ressaut exceptionnelle du PSR-UE 84 ( * ) et diminueront ensuite de 1,5 Md€ en 2017 par rapport à l'année précédente ». Sur le seul périmètre des dépenses des ministères et des affectations de recettes plafonnées, la baisse serait de 2,26 milliards d'euros entre 2014 et 2017.

Dans ces conditions, l'économie réalisée par rapport au tendanciel serait de 7,2 milliards d'euros en 2015 , de 5,7 milliards d'euros en 2016 et de 5,6 milliards d'euros en 2017 .

Le principal levier identifié par le Gouvernement afin de réaliser les économies annoncées réside dans la maîtrise de la masse salariale. Ainsi, le point d'indice serait stabilisé , ce qui permettrait une économie d'un peu plus d'un milliard d'euros par an 85 ( * ) ; par ailleurs, les mesures catégorielles , qui ont augmenté en moyenne de 500 millions d'euros par an entre 2007 et 2012, seraient réduites à 177 millions d'euros par an sur la période 2015-2017, ce qui représenterait une économie d'environ de 0,3 milliard d'euros chaque année. Dès lors, la maîtrise de la masse salariale, qui repose également sur une stabilisation des effectifs, permettrait une économie de près de 1,4 milliard d'euros par an - soit environ 4,2 milliards d'euros sur le triennal .

Pour le reste, les économies projetées sont, hélas, moins précises. Dans le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 150), il est en effet question d' une amélioration de la productivité des administrations , reposant sur la « dématérialisation des échanges avec les citoyens », la « simplification des règles administratives », ou encore la « modernisation des achats publics et [l']optimisation des dépenses immobilières », qui permettrait une réduction des dépenses de fonctionnement.

Au total, les seuls efforts en dépenses tangibles résident dans le gel des rémunérations dans la fonction publique, les autres leviers d'économies peinant à être matérialisés. Aussi semblerait-il que le Gouvernement éprouve des difficultés à proposer des réformes structurelles permettant de réduire durablement les dépenses de l'État . Ceci n'est pas sans lien, de toute évidence, avec l'augmentation de la mise en réserve des crédits proposée par l'article 12 du présent projet de loi, ni même avec la mise en place d'une revue annuelle des dépenses, prévue à l'article 22 de ce dernier.

b) La fragile trajectoire financière des collectivités territoriales

L'évolution prévisionnelle de la dépense locale avancée dans le présent projet de loi, donc la contribution des collectivités territoriales à l'effort de réduction des dépenses, repose sur deux hypothèses qui présentent certaines fragilités.

Tout d'abord, il est supposé que la baisse des dotations de l'État d'un montant de 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017 se traduirait, d'une part, par la réalisation d'économies d'un montant quasi équivalent sur les dépenses locales et, d'autre part, que ces économies porteraient exclusivement sur les dépenses de fonctionnement .

Tableau n° 33 : Évolution prévisionnelle des dépenses des administrations publiques locales et économies sous-jacentes

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Total 2015-2017

Dépenses locales

(évolution en valeur, en %)

252,0

-

255,0

(+ 1,2 %)

255,8

(+ 0,3 %)

260,4

(+ 1,8 %)

265,3

(+ 1,9 %)

Montant des économies à réaliser**

-

1,8

5,4

2,4

2,2

10,0

* Le montant des économies à réaliser est calculé sur la base du tendanciel de croissance des dépenses locales, qui est estimé à 1,0 % en volume par le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) n° 2012-M-03 de mai 2012 86 ( * ) .

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et des données de l'Insee de mai 2014)

Comme le fait apparaître le tableau ci-avant, la trajectoire d'évolution en valeur des dépenses des administrations publiques locales (APUL) retenue dans le présent projet de loi suppose la réalisation d'environ 10 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017 par rapport à la hausse tendancielle des dépenses locales , soit un montant proche de la réduction des dotations de l'État.

Dès lors, le Gouvernement suppose que les collectivités territoriales disposeraient des marges de manoeuvre nécessaires pour traduire cette baisse de dotations par des économies d'un montant égal et que cette réduction serait sans incidences sur l'investissement des collectivités - qui n'évoluerait donc qu'en fonction du cycle électoral -, dont il y a lieu de rappeler qu'il représentait près de 60 % de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques et 20 % environ de l'investissement total en 2013. Pourtant, tout laisse penser qu'une telle hypothèse est sans fondement eu égard au caractère contraint de nombreuses dépenses des administrations publiques locales : si le principe de libre administration des collectivités territoriales est consacré par la Constitution, celui de libre administration de la dépense locale est tout relatif ... De nombreuses hausses des dépenses résultent, en effet, de décisions de l'État, comme les récentes réformes des rythmes scolaires et du revenu de solidarité active (RSA), par exemple ; en outre, les contraintes réglementaires imposées aux collectivités territoriales les privent, souvent, des leviers nécessaires à la réalisation d'économies de fonctionnement, voire contribuent à l'augmentation de leurs dépenses, notamment en matière de gestion des personnels.

Dans ces conditions, il est fort probable que la diminution des dotations de l'État se traduira par un recul des dépenses d'investissement des collectivités qui restent, à court terme, les dépenses les plus aisément modulables - en particulier en début de cycle municipal, alors que les projets d'investissement n'ont pas encore été engagés. Cette probabilité est renforcée par la précipitation avec laquelle a été décidée la baisse de dotations . Le programme d'économies de 50 milliards, et la contribution des collectivités à hauteur de 11 milliards d'euros, intervient moins d'une année après le « pacte de confiance et de responsabilité » entre l'État et les collectivités locales, qui prévoyait une réduction des dotations de 1,5 milliard d'euros en 2015. Sans visibilité sur l'évolution de leurs ressources et sur le rythme des efforts en dépenses nécessaires, les collectivités peinent à définir les réformes qui permettraient un ralentissement durable de leurs dépenses de fonctionnement , et ce sans qu'il soit nécessaire de réduire leurs investissements.

La seconde hypothèse inhérente à la trajectoire prévisionnelle des dépenses locales a trait à l'évolution des dépenses d'investissement dans le cadre du « cycle électoral » . En effet, le Gouvernement anticipe un recul de ces dépenses de 5 % en 2014 et de 6 % en 2015, suivi d'une reprise progressive.

Graphique n° 34 : Évolution de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques locales (1965-2013)

(variation en volume, en %)

Années d'élection : 1965, 1971, 1977, 1983, 1989, 1995, 2001, 2007

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee, Comptes nationaux - Base 2010)

Il est vrai que l'existence d'un cycle, suivant celui des élections municipales, est perceptible sur la variation annuelle du volume d'investissement des administrations publiques locales , ce qu'illustre le graphique ci-avant. Ainsi, la première année du mandat municipal est marquée par un freinage de la FBCF, les programmes d'investissement des nouveaux maires n'étant pas encore lancés. La deuxième année connaît également une baisse de l'investissement : les commandes sont passées mais leur réalisation n'a pas commencé ou n'ont pas encore donné lieu à paiement. Lors de la troisième année, les dépenses de FBCF sont stimulées par les décisions prises au début du mandat. Au cours de la quatrième année, les dépenses d'investissement demeurent généralement stables. Enfin, les cinquième et sixième années sont marquées par une reprise de la croissance de la FBCF en raison des échéances électorales et de la finalisation de certains projets lancés en cours de mandat.

Ainsi, en 2002, une étude de l'Insee s'était attachée à déterminer, à partir de six cycles municipaux, la contribution du cycle électoral à la formation brute de capital fixe (FBCF) 87 ( * ) des administrations publiques locales (APUL). Les résultats de celle-ci sont repris dans le graphique ci-après.

Graphique n° 35 : Contribution de la composante électorale à la croissance de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques locales

(en points)

Note de lecture : Au cours de l'année n, qui correspond à l'année d'élection, le cycle électoral contribue à hauteur de - 1,9 point à l'évolution de la formation brute de capital fixe (FBCF) ; à l'année n+5, soit la sixième année du mandat, le cycle électoral stimule l'investissement à hauteur de 4,6 points en raison des échéances électorales.

Source : D. Besson (2002)

Malgré l'existence indéniable d'un cycle de l'investissement local, l'hypothèse du Gouvernement consistant à retenir le cycle précédent comme base de référence paraît, à bien des égards, fragile . En effet, l'examen des cycles municipaux depuis 1965 et, en particulier de ceux intervenus à la suite de la première phase de décentralisation, fait apparaître une grande irrégularité dans les contributions du cycle électoral à la formation brute de capital fixe (FBCF).

Aussi l'ampleur du recul des dépenses d'investissement locales prévu en 2014 et 2015, de 5 % puis de 6 %, que le Gouvernement impute au cycle électoral, semble particulièrement élevée et excède ce qui est observé sur longue période ; dans ces conditions, il y a lieu de se demander si les prévisions gouvernementales ne tiendraient pas, en sus, compte des éventuels effets des baisses de dotation sur l'investissement des collectivités territoriales ...

Enfin, une fragilité affecte également l'anticipation de progression des ressources des administrations publiques locales. Le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 218) précise que « les recettes des collectivités territoriales progresseront de 10 Md€ entre 2014 et 2017, soit de + 1,3 % par an en moyenne », ce qui permettrait de financer la hausse prévisionnelle des dépenses locales en valeur, d'un montant équivalent, au cours de cette période (cf. supra ). Aussi, la baisse des dotations de l'État serait compensée par une augmentation spontanée des ressources fiscales, de 10 milliards d'euros environ et des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, pour 5,3 milliards d'euros au total , résultant principalement de hausse de taux d'impôts locaux. Le surcroît d'augmentation des recettes des collectivités restant proviendrait de la hausse de leurs ressources hors prélèvements obligatoires et hors dotations de l'État .

Toutefois, l'augmentation spontanée des ressources fiscales des collectivités territoriales envisagée, de 10 milliards d'euros, repose sur l'hypothèse que celles-ci évolueraient avec l'activité économique ; or, l'expérience récente a montré que le produit des recettes fiscales locales présentait une évolution chaotique , en particulier en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Par suite, il ne saurait être exclu que les ressources fiscales soient moins dynamiques que ce que prévoit le Gouvernement - ce qui pourrait, par ailleurs, à supposer même que les économies attendues par l'État soient réalisées, peser un peu plus sur les dépenses d'investissement ou contraindre les collectivités territoriales à accroître la fiscalité locale plus qu'anticipé. Dans ces conditions, la trajectoire financière des administrations publiques locales, présentée dans le tableau ci-après, paraît bien fragile .

Tableau n° 36 : Dépenses, recettes et solde des administrations publiques locales

(en points de PIB, sauf mention contraire)

2012

2014

2015

2016

2017

Dépenses

11,9

11,9

11,7

11,6

11,4

Recettes

11,5

11,6

11,5

11,3

11,1

Solde

- 0,4

- 0,3

- 0,3

- 0,3

- 0,3

Solde (en milliards d'euros)

- 9,2

- 7,2

- 6,1

- 7,2

- 7,8

Solde structurel

- 0,2

- 0,1

0,0

- 0,1

- 0,2

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)

c) Les économies des administrations de sécurité sociale

Les administrations de sécurité sociale (ASSO), enfin, supporteraient la majeure partie des économies projetées par le Gouvernement, soit 21 milliards d'euros entre 2015 et 2017 , un montant correspondant à leur poids dans les dépenses publiques (cf. supra ). Les économies envisagées porteraient, à hauteur de 10 milliards d'euros, sur les dépenses d'assurance maladie et, pour les 11 milliards d'euros restants, sur les autres dépenses de protection sociale .

Ainsi, le présent projet de loi programme un taux de croissance annuel de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 2,0 % en moyenne entre 2015 et 2017 . L'article 10 du projet de loi fait apparaître que le taux prévisionnel de progression de l'ONDAM devrait être de 2,1 % en 2015, de 2,0 % en 2016 et de 1,9 % en 2017, ce qui correspondrait à une économie totale de près de 10 milliards d'euros sur la période 2015-2017 .

Le tableau ci-après permet d'illustrer la « mécanique » selon laquelle ces économies doivent être réalisées dans le domaine de l'assurance maladie. Le Gouvernement estime que les dépenses relevant de l'ONDAM affichent un tendanciel de croissance de 3,9 % par an . Aussi, afin d'abaisser le taux effectif d'évolution, il est nécessaire de réaliser un certain montant d'économies chaque année , figurant dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale sous la notion de mesures nouvelles d'économies. Il apparaît que près de 3,5 milliards d'euros d'économies par an devraient être réalisées en moyenne entre 2015 et 2017, de manière à respecter les cibles d'évolution de l'ONDAM figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Graphique n° 37 : Évolution prévisionnelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et économies sous-jacentes

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

ONDAM

(évolution en %)

178,3
(+ 2,6 %)

182,3
(+ 2,1 %*)

186,0
(+ 2,0 %)

189,5
(+ 1,9 %)

Montant des économies à réaliser**

-

3,2

3,4

3,8

* L'ONDAM prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 est en progression de 2,1 %, après prise en compte des changements de périmètre.

** Le montant des économies à réaliser est calculé sur la base du tendanciel de croissance des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM, qui était estimé à 3,9 % dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015.

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015)

Pour autant, ces prévisions peuvent paraître ambitieuses dès lors qu'il est rappelé que le ralentissement des dépenses d'assurance maladie au cours des années passées a essentiellement résulté de la sous-exécution de l'ONDAM - qui a atteint, en 2013, 1,7 milliard d'euros par rapport à la prévision. Cette sous-exécution était imputable aux soins de ville, pour 1,3 milliard d'euros, et aux établissements de santé, à hauteur de 0,4 milliard d'euros. Or, comme l'indique la Cour des comptes dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale 88 ( * ) , les « écarts en exécution croissants constatés dans le domaine des soins de ville ne sont pas principalement la conséquence d'une meilleure gestion ou d'un effort important . Ils sont avant tout expliqués par un effet de base et par différents erreurs ou biais de prévision, les uns structurels, les autres spécifiques à 2013 et qui pèsent particulièrement sur la prévision des indemnités journalières et du médicament » 89 ( * ) .

Rien ne garantit que de tels « effets d'aubaine » se répèteront à l'avenir, ce qui implique donc que le Gouvernement engage d'importantes réformes de structure s'il souhaite abaisser durablement le rythme des dépenses d'assurance maladie . À ce titre, l'avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie du 7 octobre 2014 90 ( * ) a rappelé que « le taux de progression de l'ONDAM prévu pour 2015 s'inscrit dans le cadre de la programmation pluriannuelle de 2 % en moyenne sur la période 2015-2017 fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques et soulign[é] que des réformes structurelles sont nécessaires pour infléchir durablement l'évolution des dépenses d'assurance maladie ».

Pour ce qui est des économies portant sur les autres dépenses de protection sociale , d'un montant de 11 milliards d'euros, le « détail » en a été dévoilé dans le cadre du programme de stabilité 2014-2017. Celles-ci résulteraient, tout d'abord, des décisions déjà prises en 2013 dans le cadre de la réforme des régimes de retraite de base et complémentaire et de la réforme de la politique familiale , pour 2,9 milliards d'euros. Le report de la revalorisation de certaines prestations sociales , notamment sur les retraites de base, permettrait une économie de 2 milliards d'euros. La poursuite de la démarche de rétablissement de l'équilibre des régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco) serait à l'origine de 2 milliards d'euros d'économies supplémentaires. De même, le régime d'assurance-chômage devrait permettre d'économiser 2 milliards d'euros à l'horizon 2017, dont 0,8 milliard d'euros résulteraient de l'accord entre les partenaires sociaux de mars 2014, selon le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2015. Enfin, les organismes de protection sociale seraient amenés à dégager 1,2 milliard d'euros d'économies de fonctionnement.

d) La sensibilité de la trajectoire budgétaire à l'évolution de la dépense publique : pas de droit à l'erreur

Les développements qui précèdent font apparaître les nombreuses fragilités qui existent dans la trajectoire d'évolution des dépenses publiques envisagée par le Gouvernement . Alors que certaines hypothèses retenues dans ce cadre paraissent, à bien des égards, discutables, les économies annoncées demeurent, en grande partie, peu documentées. Dans ces conditions le respect des objectifs budgétaires, ayant trait tant au solde effectif qu'au solde structurel, n'est en rien assuré . À ce titre, il convient de relever que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son avis relatif au présent projet de loi 91 ( * ) , a estimé que « si cette trajectoire est moins ambitieuse que les précédentes, son respect n'est pas acquis. Il suppose d'infléchir fortement et sur toute la période de programmation la croissance de la dépense publique » ; celui-ci note d'ailleurs qu'en l'état actuel des mesures annoncées, il existe un risque de déviation par rapport à l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel.

Le Gouvernement fait, en effet, reposer la trajectoire pluriannuelle des finances publiques sur un ralentissement significatif du taux d'évolution de la dépense publique en volume, devant s'élever à + 0,2 % en moyenne entre 2015 et 2017 (cf. supra ). Aussi, afin de mettre en évidence la sensibilité de cette trajectoire au respect de l'effort en dépenses programmé, des projections ont été réalisées à partir de deux scénarii :

- un premier scénario dans lequel la croissance des dépenses en volume serait de 1,1 % au cours de la période 2015-2019 , ce qui correspond à la moyenne constatée entre 2012 et 2014 ;

- un second scénario dans lequel la croissance des dépenses en volume serait de 0,6 % entre 2015 et 2019 , soit une progression intermédiaire entre la moyenne 2012-2014 et la prévision du Gouvernement.

Il y a lieu de noter que ces deux scenarii reposent sur des hypothèses de croissance en volume des dépenses sensiblement inférieures à la moyenne constatée entre 2000 et 2013, de 2,0 % environ.

Les hypothèses d'évolution des recettes et les prévisions relatives à la composante non discrétionnaire de l'ajustement structurel sont supposées être similaires à celles retenues par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi. Par suite, les projections varient sous l'influence exclusive de l'évolution des dépenses publiques en volume .

Les projections réalisées montrent que le non-respect de l'objectif d'évolution annuelle de la dépense publique en volume, fixé par le Gouvernement dans le présent projet de loi, aurait pour conséquence de dégrader fortement la trajectoire des soldes structurel et effectif et de la dette publique , comme le font apparaître le tableau et les graphiques ci-après.

Une progression de la dépense publique de 1,1 % par an en volume entre 2015 et 2019 conduirait ainsi à un solde structurel d'environ - 2,9 % du PIB en 2019 , contre un objectif de moyen terme (OMT) fixé - 0,4 % du PIB. Le déficit effectif ne passerait en-dessous de 4 % du PIB qu'en 2018 , et ne reviendrait donc pas en deçà du seuil de 3 % du PIB au cours de la période de programmation. Enfin, la dette publique augmenterait continûment pour atteindre 100,2 % du PIB en 2018 .

Si la progression de la dépense publique en volume était de 0,6 % par an au cours de la période 2015-2019, le solde structurel serait toujours sensiblement supérieur à l'objectif de moyen terme (OMT) en 2019, atteignant - 1,6 % du PIB . Pour ce qui est du déficit effectif, celui-ci ne reviendrait en deçà du seuil de 3 % du PIB qu'à l'horizon 2018 . La dette publique en points de PIB, elle, serait supérieure de près de 3 points de PIB en 2019 par rapport à la prévision.

Ces résultats montrent bien que le Gouvernement n'a pas droit à l'erreur et devra donner plus de substance à son programme d'économies , en engageant les réformes structurelles nécessaires à un ralentissement pérenne de la dépense publique, s'il souhaite tenir ses engagements en matière de redressement des comptes publics.

Tableau n° 38 : Sensibilité de la trajectoire des finances publiques à l'évolution des dépenses des administrations publiques

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Hypothèses macroéconomiques

Croissance (en %)

0,4

1,0

1,7

1,9

2,0

2,0

Trajectoire présentée par le Gouvernement dans le cadre du PLPFP 2014-2019

Évol. de la dépense en vol.

0,9

0,2

0,5

0,0

0,0**

0,0**

Solde effectif

- 4,4

- 4,3

- 3,8

- 2,8

- 1,8

- 0,8

Solde structurel

- 2,4

- 2,2

- 1,9

- 1,4

- 0,9

- 0,4

Ajustement structurel

0,1

0,25

0,25

0,5

0,5

0,5

Dette publique

95,3

97,2

98,0

97,3

95,6

92,9

Trajectoire en cas de croissance en volume de la dépense de 1,1 % entre 2015 et 2019

Évol. de la dépense en vol.

0,9

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

Solde effectif

- 4,4

- 4,8

- 4,7

- 4,3

- 3,8

- 3,3

Solde structurel

- 2,4

- 2,6

- 2,7

- 2,8

- 2,9

- 2,9

Ajustement structurel

0,1

-0,2

- 0,1

- 0,1

0,0

0,0

Dette publique*

95,3

97,7

99,3

100,0

100,2

99,9

Trajectoire en cas de croissance en volume de la dépense de 0,6 % entre 2015 et 2019

Évol. de la dépense en vol.

0,9

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

Solde effectif

- 4,4

- 4,5

- 4,1

- 3,4

- 2,7

- 2,0

Solde structurel

- 2,4

- 2,3

- 2,1

- 2,0

- 1,8

- 1,6

Ajustement structurel

0,1

0,1

0,2

0,1

0,3

0,2

Dette publique*

95,3

97,4

98,5

98,4

97,6

96,0

* Il est supposé que seule la variation de la dette imputable au déficit est sensible aux évolutions du PIB (les éléments exogènes, soit ceux non pris en compte dans le calcul du déficit mais comptabilisés dans la dette publique, conformément aux règles européennes - dettes contractées par le FESF, apports au capital du MES, etc. -, sont déterminés en retenant les hypothèses du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019).

** Le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ne précise pas l'hypothèse d'évolution en volume de la dépense publique pour les exercices 2018 et 2019 ; toutefois, l'ajustement structurel prévu pour ces deux années, de 0,5 point de PIB, correspond à l'effort structurel qui serait réalisé si l'évolution de la dépense publique était maintenue à son niveau prévisionnel de 2017, soit 0 %.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des hypothèses du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 appliquées aux données établies par l'Insee en mars 2014)

Graphique n° 39 : Évolution du solde effectif
selon la trajectoire de la dépense publique

(en % du PIB)

Graphique n° 40 : Évolution du solde structurel
selon la trajectoire de la dépense publique

(en % du PIB potentiel)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des hypothèses du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)

2. Une baisse modérée des prélèvements obligatoires

La période de programmation devrait être marquée par un recul du taux de prélèvements obligatoires entre 2014 et 2017 , celui-ci devant diminuer de 44,7 % du PIB à 44,4 % du PIB entre ces deux années. Cette évolution résulterait tout à la fois de la montée en charge du crédit pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ainsi que de la mise en oeuvre des allégements du Pacte de responsabilité et de solidarité.

L'évaluation de ce dernier ne semble pas encore avoir été arrêtée définitivement par le Gouvernement, puisque le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 107) estime à plus de 26 milliards d'euros à l'horizon 2017 la baisse des prélèvements induite par le Pacte, alors que le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2015 maintient une estimation de 25 milliards d'euros.

Aussi est-il procédé à une reconstitution des mesures entrant dans le Pacte de responsabilité et de solidarité sur la base des différents éléments transmis par le Gouvernement au Parlement depuis l'examen du programme de stabilité 2014-2017. Ces mesures, de même que leur évaluation, sont reprises dans le tableau ci-après.

Au regard des différentes informations disponibles, la baisse de prélèvements résultant du Pacte de responsabilité et de solidarité serait de 25 milliards d'euros environ à l'horizon 2017 , dont 10 milliards d'euros dès 2015. Celle-ci comprendrait :

- la poursuite de l'allègement du coût du travail reposant, à partir de 2015, sur la suppression des cotisations patronales au niveau du SMIC , la révision du barème des allègements jusqu'à 1,6 SMIC (pour un montant total estimé à 4,5 milliards d'euros) puis, à compter de 2016, sur l' abaissement des cotisations familiales de 1,8 point entre 1,6 et 3,5 SMIC (4,5 milliards d'euros). À cela s'ajouterait une réduction des cotisations familiales pour les travailleurs indépendants (1 milliard d'euros) ;

- la « modernisation » de la fiscalité des entreprises , qui intègre une suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), représentant une diminution de 6,2 milliards d'euros bruts, avec une première réduction de 1 milliard d'euros dès 2015, puis une deuxième d'un même montant en 2016, la fin de la contribution exceptionnelle - dite « surtaxe » - sur l'impôt sur les sociétés 92 ( * ) (2,6 milliards d'euros) et la diminution du taux d'impôt sur les sociétés de 33 ? % à 28 % d'ici à 2020, avec une première étape en 2017 ;

- des mesures de solidarité pour les ménages modestes comprenant, après une mesure provisoire d'allègement sur l'impôt sur le revenu de 1,16 milliard d'euros en 2014, une baisse pérenne de l'impôt sur le revenu ciblée sur les ménages , d'un montant de 3,2 milliards d'euros à compter de 2015 et, enfin, les « autres mesures » renvoyant à la fusion de la prime pour l'emploi (PPE) avec le revenu de solidarité active (RSA) , dont le coût est estimé à 1,8 milliard d'euros (cf. infra ).

Tableau n° 41 : Les mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

Total
2015/2017

Poursuite de l'allègement du coût du travail

Allègements 1-1,6 SMIC

-

4,5

-

-

4,5

Allègements 1,6-3,5 SMIC

-

-

4,5

-

4,5

Allègements indépendants

-

1,0

-

-

1,0

Sous-total

-

5,5

4,5

-

10,0

Modernisation du système fiscal des entreprises

Suppression C3S (1)

-

1,0

1,0

4,2

6,2

Suppression « surtaxe » sur l'IS

-

-

2,6

-

2,6

Diminution du taux d'IS

-

-

-

1,5

1,5

Sous-total

-

1,0

3,6

5,7

10,3

Mesures de solidarité pour les ménages modestes (« Pacte de solidarité »)

Mesure IR à effet 2014

1,16

-

-

-

-

Mesure IR pérenne (2)

-

3,2

-

-

3,2

Autres mesures (2)

-

-

0,9

0,9

1,8

Sous-total

1,16

3,2

0,9

0,9

5,0

TOTAL DES MESURES

1,16

9,7

9,0

6,6

25,3

(1) La projection retient l'hypothèse basse du coût de la diminution du taux d'impôt sur les sociétés en 2017,
celle-ci étant calculé à partir d'une élasticité de l'IS égale à 1 et en supposant que la baisse concerne également toutes les catégories d'entreprises - y compris celle n'étant pas soumises à un taux légal de 33 ? % à ce jour.

(2) Il est fait l'hypothèse que l'enveloppe dédiée au « Pacte de solidarité » demeure de 5 milliards d'euros à la suite de la censure, par le Conseil constitutionnel, de l'allègement de cotisations salariales de sécurité sociale.

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de programme de stabilité 2014-2017)

En l'absence de certaines données relatives au Pacte de responsabilité et de solidarité, plusieurs hypothèses sont retenues dans le cadre de cet exercice. Tout d'abord, il est supposé que l'enveloppe dédiée au « Pacte de solidarité », soit 5 milliards d'euros demeure inchangée , en dépit de la censure, par le Conseil constitutionnel à l'été dernier 93 ( * ) , de l'allègement de cotisations salariales de sécurité sociale. Par suite, la réforme du « bas de barème » de l'impôt sur le revenu (IR) et la fusion de la prime pour l'emploi (PPE) avec le revenu de solidarité active (RSA) représenteraient également un « coût » de 5 milliards d'euros. Eu égard au montant associé à la baisse de l'impôt sur le revenu prévu par le projet de loi de finances pour 2015, soit 3,2 milliards d'euros, le coût de la fusion PPE-RSA s'élèverait à 1,8 milliard d'euros, dont il est considéré qu'il serait étalé sur les exercices 2016-2017 en l'absence de calendrier connu à ce jour de cette réforme. De même, il est fait l'hypothèse d'une réduction du taux d'impôt sur les sociétés à 32 % en 2017 , bien que ce point n'ait encore fait l'objet d'aucune précision de la part du Gouvernement.

Certaines des mesures contenues dans le Pacte de responsabilité et de solidarité ont déjà été votées dans les lois de finances rectificative et de financement rectificative de sécurité sociale pour 2014 , adoptées à l'été 2014 ; le dispositif relatif à l'impôt sur le revenu figure dans le projet de loi de finances pour 2015 et d'autres mesures devraient être inscrites dans des textes ultérieurs, comme le fait apparaître le tableau ci-après.

Tableau n° 42 : Les mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité

PLFR 2014

PLFRSS 2014

PLF 2015

Textes ultérieurs

Poursuite de l'allègement du coût du travail

Allègements 1-1,6 SMIC

×

Allègements 1,6-3,5 SMIC

×

Allègements indépendants

×

Modernisation du système fiscal des entreprises

Abattement C3S pour 2015

×

Abattements C3S ultérieurs

×

Suppression « surtaxe » sur l'IS

×

Diminution du taux d'IS

×

Mesures de solidarité pour les ménages modestes (« Pacte de solidarité »)

Mesure IR à effet 2014

×

Mesure IR pérenne

×

Autres mesures

×

Source : commission des finances du Sénat

Au total, le Gouvernement estime que les effets conjugués du CICE et du Pacte de responsabilité et de solidarité conduiraient à une baisse des prélèvements de 40 milliards d'euros en 2017 . C'est, toutefois, sans tenir compte de ce que les allègements du coût du travail et la suppression de la C3S constituent des diminutions brutes de prélèvements et viennent, dès lors, accroître l'assiette des impositions sur les bénéfices des entreprises concernées. Par conséquent, la baisse nette des prélèvements serait probablement inférieure à l'estimation précitée. À cet égard, dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques 94 ( * ) , publié en juin 2014, la Cour des comptes a estimé que « le produit sur les bénéfices des sociétés et sur le revenu des ménages augmenterait de 5 Md€ en raison de l'effet de la baisse des charges fiscales et sociales des entreprises et de la hausse des salaires nets des ménages induites par les mesures du pacte de responsabilité et de solidarité » 95 ( * ) . Si cette estimation devrait être actualisée en raison de l'annulation de l'abaissement des cotisations salariales, elle n'en demeure pas moins éclairante.

Par ailleurs, la Cour des comptes rappelle que « des mesures de hausse des prélèvements obligatoires déjà prises, ou anticipées dans le programme de stabilité, contribueraient à accroître les recettes publiques de 16 Md€ sur la période, les principales étant : la hausse des taux de la contribution climat-énergie (2 Md€) et de la contribution au service public de l'électricité (3 Md€) ; le remplacement de la taxe sur les poids lourds par un autre impôt (1 Md€) ; la hausse des taux des impôts locaux (4 Md€), dont le rendement demeure hypothétique ; la hausse des cotisations d'assurance retraite de base et complémentaires (2 Md€) ; diverses mesures relatives à l'impôt sur les sociétés (1 Md€) » 96 ( * ) .

Ceci explique la plus faible réduction des prélèvements obligatoires au cours de la période 2015-2017 que ce qu'aurait pu laisser espérer le Pacte de responsabilité et de solidarité , comme le fait apparaître le tableau ci-après.

Tableau n° 43 : Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (1) , dont :

3

- 2

- 4

- 3

Mesures nouvelles au sens de l'article 18 du PLPFP 2014-2019 (hors compétitivité) (2)

0

3

2

- 1

Compétitivité (3)

0

- 7

- 8

- 6

Contentieux (4)

0

- 1

0

2

Autres (5)

3

4

3

3

Élasticité des prélèvements obligatoires

0,7

0,9

1,0

1,0

Note de lecture : La ligne (1) regroupe l'ensemble des mesures obligatoires et résulte donc de l'addition des autres éléments du tableau : (1)=(2)+(3)+(4)+(5) ; les mesures nouvelles au sens du présent article correspond à la somme de la ligne « mesures nouvelles au sens de l'article 18 (hors compétitivité) » et de la ligne « compétitivité » : (2)+(3).

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

En effet, les mesures nouvelles tendant à renforcer la compétitivité des entreprises du Pacte de responsabilité et de solidarité seraient compensées par la hausse d'autres prélèvements , essentiellement décidées sous l'actuelle législature 97 ( * ) . Par suite, les mesures nouvelles ne permettraient une baisse des prélèvements obligatoires qu'à hauteur de 2 milliards d'euros en 2015, de 4 milliards d'euros en 2016 et de 3 milliards d'euros en 2017. Ceci contribue indubitablement à ce que la France maintienne un taux de prélèvements obligatoires bien supérieur à ses partenaires européens .

3. Des comparaisons européennes qui ne rassurent pas

La comparaison des principaux indicateurs des finances publiques de la France avec ceux de ses partenaires européens n'est guère rassurante . En premier lieu, notre pays affichait, en 2012, un taux de prélèvements obligatoires de 45 % du PIB, supérieur de près de 5 points à la moyenne de l'Union européenne (39,4 % du PIB) et de la zone euro (40,4 % du PIB) 98 ( * ) . En dépit de cela, le présent projet de loi ne prévoit qu'un recul modéré des prélèvements obligatoires au cours de la période de programmation.

Graphique n° 44 : Évolution des dépenses publiques dans la zone euro
(2002-2013)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat, SEC 95)

En deuxième lieu, la France présentait, en 2013, un ratio de dépenses publiques dans le PIB (57,1 %) plus élevé de 7,3 points de PIB que le ratio moyen constaté en zone euro (49,8 %) (cf. graphique ci-avant), excédant celui des principaux États de la zone, soit de l'Allemagne (44,7 %), de l'Italie (50,6 %), de l'Espagne (50,6 %) et des Pays-Bas (49,8 %).

Toutefois, l'élément le plus inquiétant réside sans aucun doute dans la comparaison du taux d'évolution en valeur des dépenses publiques au sein de la zone euro. Alors que les dépenses publiques ont crû, en moyenne, de 2,5 % environ en 2012 et 2013 en France, celles-ci n'ont progressé que de 1,2 % lors de ces deux années dans la zone euro . En effet, sur la période 2012-2013, les dépenses publiques ont augmenté annuellement de 1,9 % en Allemagne, de 0,3 % en Italie, de 0,2 % aux Pays-Bas et ont reculé de 0,2 % en Espagne.

Au total ceci met clairement en évidence le fait que la France n'a, en comparaison de ses partenaires européens, pas accompli l'effort « considérable » en dépenses avancé par le Gouvernement. Avec un taux de progression de ses dépenses publiques largement supérieur aux pays de la zone euro au cours des dernières années, notre pays affiche un retard indubitable en la matière. Cela explique probablement le fait que, selon les récentes estimations publiées par Eurostat 99 ( * ) , la France afficherait un déficit effectif supérieur de 1,6 point de PIB à la moyenne de la zone euro
- celui-ci s'élevant à 4,1 % du PIB en France contre 2,5 % du PIB en zone euro.


* 84 Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) s'élèverait à 21,04 milliards d'euros en 2015, à 22,80 milliards d'euros en 2016 et à 21,48 milliards d'euros en 2017.

* 85 Compte tenu d'une hypothèse d'inflation moyenne de 1,35 % par an au cours de la période 2015-2017.

* 86 Inspection générale des finances, Maîtriser les dépenses de l'État pour revenir à l'équilibre des finances publiques : enjeux et leviers d'action , rapport n° 2012-M-03, mai 2012.

* 87 D. Besson, « L'investissement des administrations publiques locales. Influence de la décentralisation et du cycle des élections municipales », Insee Première , n° 867, 2002.

* 88 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale , septembre 2014.

* 89 Ibid. , p. 227.

* 90 Cf. avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie n° 2014-3 du 7 octobre 2014 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

* 91 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-04 du 26 septembre 2014, op. cit.

* 92 Il convient toutefois de rappeler que la « surtaxe » sur l'impôt sur les sociétés devait être supprimée en 2015 et que la loi de finances rectificative pour 2014 a, en réalité, reporté cette suppression à 2016.

* 93 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 2014-698 DC du 6 août 2014.

* 94 Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques , juin 2014.

* 95 Ibid. , p. 117.

* 96 Ibid.

* 97 En effet, comme l'indiquent les réponses adressées par le Gouvernement à votre rapporteur : « Peu de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires antérieures au 1 er juillet 2012 ont un impact sur la période 2015-2017. Les principales sont la réforme de l'accession à la propriété et la révision des aides à la performance énergétique pour 0,5 Md€ en 2015, 0,4 Md€ en 2016 et 1,1 Md€ en 2017 de mesures nouvelles ».

* 98 Cf. communiqué de presse 92/2014 d'Eurostat du 16 juin 2014.

* 99 Cf. communiqué de presse 161/2014 d'Eurostat du 24 octobre 2014.

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