Rapport n° 639 (2013-2014) de M. Christian FAVIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 juin 2014
Disponible au format PDF (139 Koctets)
Tableau comparatif au format PDF (29 Koctets)
N° 639
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2014 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , MODIFIÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d' art de rétablissement des voies ,
Par M. Christian FAVIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Vincent Capo-Canellas, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, René Garrec, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Mme Isabelle Lajoux, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Roger Madec, Jean Louis Masson, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendlé, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto . |
Voir le(s) numéro(s) :
Première lecture : 745 (2010-2011), 71 , 72 et T.A. 47 (2011-2012)
Deuxième lecture : 559 et 640 (2013-2014) |
||
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
Première lecture : 60 , 4181 , 1929 et T.A. 341 |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOISLa commission des lois, réunie le mercredi 18 juin 2014, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur , président, a examiné, en deuxième lecture, le rapport de M. Christian Favier sur la proposition de loi n° 559 (2013-2014) visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies , adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 23 mai 2014. Après avoir rappelé la jurisprudence constante et ancienne du conseil d'État en la matière qui est défavorable aux collectivités territoriales des plus modestes, le rapporteur a rappelé l'importance que représente cette proposition de loi pour les élus concernés en ce qu'elle propose une répartition plus équilibrée des charges et des responsabilités relatives aux ouvrages d'art de rétablissement d'une voie interrompue par une infrastructure de transport. Le rapporteur a estimé qu'un vote conforme de la présente proposition de loi permettrait une mise en oeuvre rapide de ces nouvelles dispositions qui tendront à résoudre des situations difficiles. La commission a adopté sans modification la présente proposition de loi. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Madame, Monsieur,
Notre Haute Assemblée est appelée à examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi n° 559 (2013-2014) visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies, adoptée par l'Assemblée nationale le 23 mai 2014.
Cette proposition de loi de notre collègue, Mme Evelyne Didier, déposée à la suite d'un groupe de travail mis en place par le ministère chargé des transports entre 2009 et 2010, a été adoptée, en première lecture, le 17 janvier 2012 à l'unanimité. Notre collègue, M. Francis Grignon, a également déposé une proposition de loi sur la même problématique 1 ( * ) .
L'émergence de la question de la répartition des charges de gestion d'un ouvrage de rétablissement d'une voie de communication, coupée à l'occasion de la réalisation d'une infrastructure de transports, est liée, d'une part, au transfert de la gestion des routes nationales aux collectivités territoriales et, d'autre part, à l'évolution des statuts de la SNCF ou de Voies Navigables de France (VNF) dont le fonctionnement s'apparente de plus en plus à celui de sociétés privées. Les principes régissant cette question ont été définis par une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'État, selon laquelle les ouvrages d'art de rétablissement de voies interrompues par la construction d'une infrastructure de transport nouvelle sont incorporés à l'infrastructure dont ils relient les deux parties.
Pourtant, de nombreuses collectivités territoriales ignorent les obligations qui leur incombent. En outre, face aux contraintes que la gestion d'un ouvrage d'art de rétablissement des voies fait peser sur leur budget, elles peuvent être amenées à réduire, voire à interdire, l'utilisation de leur voirie afin de préserver la sécurité de ses utilisateurs.
Rappelons également que les projets de réalisation d'une infrastructure de transports, coupant une voirie déjà existante, comme ceux visant à effectuer des travaux de rétablissement, sont, la plupart du temps, imposés par l'État à la collectivité territoriale qui ne dispose d'aucun pouvoir de décision en la matière.
Afin de répartir plus équitablement les charges financières qu'implique l'entretien des ouvrages d'art rétablissant les voies de communication coupées par des infrastructures de transport nouvelles, la présente proposition de loi pose un principe général de répartition des responsabilités et des charges entre les collectivités territoriales et les gestionnaires des infrastructures de transport nouvelles . Les charges et responsabilités seraient réparties entre :
- les collectivités territoriales à qui incomberaient la prise en charge et la gestion des trottoirs, du revêtement routier et des joints qui en assurent la continuité ;
- les gestionnaires de l'infrastructure de transport nouvelle pour la prise en charge de la surveillance, de l'entretien et de la reconstruction de la structure de l'ouvrage et de l'étanchéité de l'ensemble de ce dernier .
La prise en compte des particularités de chaque ouvrage d'art concerné et de la spécificité des situations locales relèveraient d'une convention conclue entre les deux parties. Une négociation devrait permettre la prise en compte, par les gestionnaires des ouvrages d'art de rétablissement des voies, de la situation objective des collectivités.
En revanche, le présent texte ne remet pas en cause le principe des conventions déjà signées qui continueraient de s'appliquer. En cas de dénonciation, elles seraient renégociées selon le principe général énoncé précédemment. Pour les situations de litige entre une collectivité territoriale et le gestionnaire d'une infrastructure de transport nouvelle et en l'absence de convention, il reviendrait aux deux parties de contracter une convention dans un délai de trois ans. Par ailleurs, la charge financière liée aux frais d'entretien et de réparation de la chaussée et des superstructures routières, à la suite de la réalisation d'un ouvrage dénivelé de rétablissement des voies, pourrait donner lieu à une compensation au bénéfice de la collectivité.
A l'initiative de son rapporteur, votre commission, puis le Sénat, a procédé à des améliorations rédactionnelles et à une réorganisation des dispositions de la proposition de loi, afin de conforter le cadre protecteur ainsi proposé pour les collectivités territoriales. Elle avait également salué le principe de la convention qui lui apparaissait comme un outil adapté permettant de gérer la diversité des situations.
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, M. Pascal Carvalho, a adopté seize amendements rédactionnels ou de précision, renforçant et clarifiant le nouveau principe de répartition des charges entre la collectivité territoriale et le gestionnaire des infrastructures de transport nouvelles.
En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté huit amendements déposés par le Gouvernement, qui visent à :
- adapter à la diversité des situations le principe de la prise en charge par le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de l'ensemble des charges relatives à la structure de l'ouvrage. La répartition des charges devrait tenir compte de plusieurs facteurs : possible volonté du gestionnaire de la voie affectée de supporter seul les charges de surveillance, d'entretien et de réparation, pour des motifs de sécurité de son infrastructure ; capacité contributive du gestionnaire de l'infrastructure de transport nouvelle ; capacité contributive de la collectivité dont la voie est affectée, etc. ;
- prévoir que la médiation du préfet devrait être précédée, en cas de désaccord entre les deux parties sur la conclusion d'une convention de répartition des charges, d'un avis préalable de la chambre régionale des comptes ;
- préciser le principe selon lequel, pour les conventions déjà existantes et en cas d'accord des parties sur le principe de la conclusion d'une nouvelle convention, que cet accord respecterait les nouveaux principes de la répartition des charges ;
- permettre aux collectivités territoriales ayant engagé une action contentieuse avant le 1er juin 2014 de trouver, via la conclusion d'une convention, une solution négociée avec l'État ou l'un de ses établissements publics ;
- établir un recensement des ouvrages afin de connaître le nombre exact, la répartition et l'état général des ouvrages. Une programmation de l'élaboration des conventions permettrait de traiter en priorité les situations nécessitant rapidement l'établissement d'une convention nouvelle.
Votre commission approuve l'ensemble des modifications adoptées par l'Assemblée nationale. Les dispositions ainsi amendées tendent à renforcer et à conforter le nouveau principe de répartition des charges liées aux ouvrages d'art de rétablissement des voies. Elles précisent et sécurisent aussi le dispositif proposé d'une convention, en veillant à une mise en oeuvre pragmatique pour les collectivités territoriales.
Attaché à une entrée en vigueur rapide de la présente proposition de loi afin de permettre aux acteurs concernés de se saisir pleinement de ces nouvelles dispositions, votre commission a adopté la présente proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.
* *
*
Votre commission a adopté la proposition de loi sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
M. Christian Favier , rapporteur . - Notre commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi de notre collègue Mme Evelyne Didier, que le Sénat avait votée à l'unanimité le 17 janvier 2012, et que l'Assemblée nationale a adoptée le 23 mai dernier. Ce texte statue sur la répartition des charges de gestion d'un ouvrage de rétablissement d'une voie de communication coupée à l'occasion de la réalisation d'une infrastructure de transports.
Les principes applicables en la matière ont été définis par une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'État, selon laquelle les ouvrages d'art de rétablissement de voies interrompues par la construction d'une infrastructure de transport nouvelle sont incorporés à l'infrastructure dont ils relient les deux parties. Il incombe ainsi aux collectivités territoriales d'assurer l'entretien de ces ouvrages. Nombre d'entre elles ignorent pourtant cette obligation. Face aux contraintes que la gestion d'un tel ouvrage fait peser sur leur budget, elles en viennent parfois à réduire, voire à interdire, l'utilisation de leur voirie afin de préserver la sécurité de ses utilisateurs.
Les projets de réalisation d'une infrastructure de transports coupant une voie existante, comme ceux de travaux de rétablissement, sont en outre, la plupart du temps, imposés par l'État à la collectivité territoriale qui ne dispose en la matière d'aucun pouvoir de décision. Pour répondre à cette injustice et aux difficultés rencontrées par nos collectivités, cette proposition de loi pose un nouveau principe général de répartition des responsabilités et des charges entre les collectivités territoriales et les gestionnaires des infrastructures de transport nouvelles : les premières assureraient la remise en état et la gestion des trottoirs, du revêtement routier et des joints qui en assurent la continuité, les seconds prendraient en charge la surveillance, l'entretien et la restauration de la structure de l'ouvrage et de son étanchéité.
La prise en compte des particularités de chaque ouvrage d'art relèverait d'une convention entre les deux parties, sans préjudice de celles déjà signées ; en cas de dénonciation, les conventions antérieures seraient renégociées selon ce nouveau principe général. Pour les situations de litige et en l'absence de convention, les deux parties en contracteraient une dans un délai de trois ans.
Nous avions procédé en première lecture, sur ma proposition, à des améliorations rédactionnelles et à une réorganisation des dispositions de la proposition de loi afin de conforter le cadre protecteur proposé pour les collectivités territoriales.
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale a adopté seize amendements rédactionnels ou de précision renforçant et clarifiant ce nouveau principe de répartition des charges. Les députés ont en outre adopté huit amendements du gouvernement en séance publique. L'un d'entre eux prévoit que la répartition des charges tiendra compte de plusieurs facteurs : volonté du gestionnaire de la voie affectée de supporter seul, pour des motifs de sécurité de son infrastructure, les charges de sa surveillance, de son entretien et de sa réparation ; capacité contributive du gestionnaire de l'infrastructure de transport nouvelle ; capacité contributive de la collectivité dont la voie est affectée, etc... La médiation du préfet serait précédée, en cas de désaccord entre les deux parties lors de la conclusion d'une convention de répartition des charges, d'un avis préalable de la chambre régionale des comptes. Par ailleurs, les collectivités territoriales ayant engagé une action contentieuse avant le 1 er juin 2014 trouveront, par la conclusion d'une convention, une solution négociée avec l'État ou l'un de ses établissements publics. Il est enfin prévu d'établir un recensement des ouvrages afin d'en connaître la répartition et l'état général.
Je vous propose d'accepter les modifications adoptées par l'Assemblée nationale. L'entrée en vigueur rapide de cette proposition de loi donnerait aux élus locaux la possibilité de se saisir pleinement des nouvelles dispositions et de mettre fin, pour certaines d'entre elles, à plusieurs années de conflits avec les opérateurs de l'État. Ce sujet peut paraître marginal, mais il est important pour les collectivités locales, en particulier pour les petites communes, qui seront attentives à notre vote.
M. René Vandierendonck . - J'avais salué il y a deux ans le dépôt de cette proposition de loi : elle a fait peu de bruit, alors que des dizaines de millions d'euros sont en jeu pour les collectivités locales. Je félicite le rapporteur pour la pugnacité avec laquelle il a défendu ce texte très important.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je remercie M. Favier. Vous nous proposez donc le principe d'un vote conforme lundi prochain.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
* 1 Proposition de loi n° 521 (2010-2011) visant à répartir plus équitablement les charges financières qu'implique l'entretien des ouvrages d'art rétablissant les voies de communication coupées par des infrastructures de transport nouvelles, déposée sur le Bureau du Sénat le 16 mai 2011.