EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
Article 1er (art. L.O. 141-1 [nouveau] et L.O.297 du code électoral) - Incompatibilité entre le mandat parlementaire et une fonction exécutive locale
Créant un nouvel article L.O. 141-1 du code électoral, cet article fixe une incompatibilité entre le mandat de député et l'exercice de fonctions locales, essentiellement exécutives, au niveau des collectivités territoriales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que de fonctions au sein d'assemblées délibérantes ultramarines.
Dans sa rédaction initiale, en l'absence de dispositions contraires, et en raison du renvoi général opéré par l'article L.O. 297 du code électoral, ces dispositions qui ne mentionnent expressément que les députés s'appliqueraient également aux sénateurs.
Cette disposition institue donc une incompatibilité entre le mandat parlementaire et une série de fonctions électives qui, pour l'essentiel d'entre elles, correspondent à l'exercice de fonctions exécutives locales, sans distinction selon la population des collectivités territoriales au titre desquelles ces fonctions sont exercées.
En première lecture, l'Assemblée nationale avait notablement complété le champ de l'incompatibilité en intégrant les fonctions de président et de vice-président de l'organe délibérant de toute collectivité territoriale à statut particulier créée par la loi, de présidents et vice-présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sans fiscalité propre, de président et vice-président d'un syndicat mixte (« fermé » ou « ouvert »), aux fonctions au sein d'une société d'économie mixte ou encore aux fonctions de président de l'assemblée des Français de l'étranger (AFE), de membre du bureau de l'AFE et de vice-président de conseil consulaire.
En première lecture, à l'initiative de nos collègues Jacques Mézard, François Zocchetto et Philippe Bas, le Sénat a adopté un amendement réservant les incompatibilités fixées au I et adoptées par l'Assemblée nationale aux seuls députés et introduit, au sein d'un II, des dispositions spécifiques aux sénateurs. Les sénateurs auraient ainsi pu exercer, contrairement aux députés, une fonction exécutive locale parmi celles rendues incompatibles avec le mandat de député, ce qui comprend donc les fonctions exécutives exercées au niveau des EPCI.
En outre, le Sénat, en première lecture, a complété en séance publique, à l'initiative de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, la liste des fonctions rendues incompatibles avec le mandat de député en intégrant celui de conseiller consulaire.
En nouvelle lecture, sous réserve de la suppression d'une disposition déplacée au sein d'un nouvel article 3 ter B du projet de loi organique, la commission des lois de l'Assemblée nationale a repris, à l'initiative de son rapporteur et de son président, la rédaction qu'elle avait retenue en première lecture.
Adoptant les amendements identiques de nos collègues Jacques Mézard, Philippe Bas et François Zocchetto, votre commission a rétabli, en nouvelle lecture, la rédaction du II de cet article tel qu'adopté par le Sénat en première lecture sans modifier le I du même article, adopté par l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a introduit, dès la première lecture, un dernier alinéa au nouvel article L.O. 141-1 du code électoral empêchant le cumul des indemnités durant la période de 30 jours au cours de laquelle le parlementaire doit se mettre en conformité avec la législation relative aux incompatibilités ou, en cas de contestation devant le juge de l'élection, jusqu'au jugement définitif statuant sur cette élection. En nouvelle lecture, cette disposition, confirmée par l'Assemblée nationale, a été maintenue par votre commission.
Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .
Article 1er ter A (art. L.O. 137, L.O 137-1 et L.O 141 du code électoral) - Interdiction du cumul de plusieurs indemnités liées à un mandat local, national ou européen
Introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption en séance publique d'un amendement de Mme Laurence Dumont, cet article interdit le cumul des indemnités perçues au titre de plusieurs mandats locaux, nationaux et européens.
Par cohérence, cet article étend la règle introduite à l'article L.O. 141-1 du code électoral, ce qui interdit, durant la période pendant laquelle un élu peut exceptionnellement cumuler des mandats et fonctions dans l'attente de la date butoir d'option ou du jugement définitif du recours contre l'élection, de cumuler les indemnités attachées à ces mandats et fonctions.
Cette règle s'appliquerait ainsi au cumul entre un mandat de député et de sénateur, entre un mandat de député ou sénateur et de représentant au Parlement européen ainsi que de député ou sénateur et plusieurs mandats locaux.
En séance publique, le Sénat n'a pas adopté cet article qui, en nouvelle lecture, à l'initiative de notre collègue député Sergio Coronado et du rapporteur, a été rétabli par la commission des lois de l'Assemblée nationale dans la rédaction qu'elle avait adopté en première lecture.
Votre commission a adopté l'article 1 er ter A sans modification .
Article 1er ter B (art. L.O. 146 du code électoral) - Incompatibilité entre le mandat parlementaire et la direction d'une société d'économie mixte nationale
Introduit, en nouvelle lecture, par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, cet article reprend une disposition introduite en première lecture à l'Assemblée nationale en séance publique par l'adoption d'un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde.
Serait ainsi interdit l'exercice, parallèlement à un mandat parlementaire, d'une fonction de président et de vice-président d'une société d'économie mixte nationale.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a jugé préférable d'intégrer cette nouvelle incompatibilité au sein de l'article L.O. 146 du code électoral relatif aux incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires plutôt qu'au sein du futur article L.O. 141-1 du code électoral contenant des incompatibilités en lien avec des fonctions électives locales.
Votre commission a adopté l'article 1 er ter B sans modification .
Article 1er ter (art. L.O. 147-1 [nouveau] du code électoral) - Incompatibilité entre le mandat parlementaire et une fonction dérivée d'un mandat local
Introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, cet article institue des incompatibilités supplémentaires entre le mandat parlementaire et des fonctions locales dites « dérivées », ce qui recouvre, selon les termes du rapporteur de l'Assemblée nationale, « toutes les fonctions même non exécutives, qui peuvent être exercées ès qualités par des élus locaux ».
En première lecture, le Sénat avait adopté, en séance publique, un amendement de suppression de notre collègue Alain Fouché.
A l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a rétabli cet article sous réserve d'une modification qui a conduit à ne rendre incompatible avec un mandat parlementaire, non pas la simple fonction de membre des organismes visés, mais seulement celles de président ou vice-président de ces organismes.
En rétablissant ce nouvel article L.O. 147-1 au sein du code électoral qu'elle avait introduit en première lecture, l'Assemblée nationale a élargi la réforme proposée par le Gouvernement qui concernait uniquement les fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales ou de leurs groupements. En première lecture, le rapporteur de l'Assemblée nationale relevait que « sans constituer des fonctions exécutives au sens strict, certaines de ces fonctions n'en sont pas moins aussi éminentes que prenantes et donc difficilement compatibles avec l'exercice d'un mandat parlementaire ». Il ressort également des débats en séance publique en première lecture que l'Assemblée nationale semble avoir estimé que l'exercice de ces fonctions par un parlementaire qui ne pourrait plus légalement participer à la direction d'une collectivité territoriale ou d'un de ses groupements romprait le lien souhaitable entre les fonctions exécutives locales et les fonctions concernées.
Votre commission a adopté l'article 1 er ter sans modification .
Article 1er quater (art. L.O. 148 du code électoral) - Suppression de dérogations aux incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires
Introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur et du député Lionel Tardy, cet article abroge l'article L.O. 148 du code électoral prévoyant la possibilité pour les parlementaires d'exercer, par exception, des activités frappées d'incompatibilité avec le mandat parlementaire. Il tire ainsi partiellement les conséquences de l'article 1 er ter du présent projet de loi organique qui interdit le cumul du mandat parlementaire et de fonctions locales.
En première lecture, le Sénat avait supprimé cet article en adoptant un amendement de notre collègue Jacques Mézard.
À l'initiative de son rapporteur et des députés Sergio Coronado et Lionel Tardy, la commission des lois de l'Assemblée nationale a rétabli cet article dans la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale.
Votre commission a adopté l'article 1 er quater sans modification .
Article 3 (art. L.O. 176, L.O. 178, L.O. 319 et L.O. 322 du code électoral) - Extension du recours au suppléant en cas d'incompatibilité avec le mandat parlementaire
Cet article vise à étendre le recours au suppléant lorsque le mandat d'un député ou d'un sénateur élu au scrutin majoritaire prend fin en raison d'une incompatibilité, afin de limiter le nombre d'élections partielles à organiser résultant de l'interdiction du cumul d'un mandat et d'une fonction exécutive locale.
Le Gouvernement avait d'abord proposé de renverser la logique actuelle des articles L.O. 176 et L.O. 319 du code électoral en faisant du remplacement par le suppléant la règle, et le recours à des élections partielles, l'exception.
En première lecture, l'Assemblée nationale avait jugé cette extension du recours au suppléant trop large et cantonné la modification du régime du remplacement des parlementaires élus au scrutin majoritaire à la seule conséquence du changement du régime des incompatibilités. Aussi avait-elle maintenu le principe selon lequel la démission, de sa propre initiative, d'un député ou d'un sénateur élu au scrutin majoritaire entraîne l'organisation d'une élection partielle, seule la démission liée à une situation de cumul de mandats ou de fonction exécutive locale pouvant, par exception, donner lieu au remplacement par le suppléant.
Aux quatre hypothèses de recours au suppléant prévues par les textes (décès, acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de Défenseur des droits, prolongation au-delà de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement et acceptation de fonctions gouvernementales) s'ajoutaient donc deux nouvelles hypothèses :
- la démission d'office prononcée par le Conseil constitutionnel, en application de l'article L.O. 136-2 du code électoral ;
- la démission - sous-entendue « à l'initiative du parlementaire » -, consécutive à une incompatibilité entre mandats ou entre mandat et fonction exécutive locale.
Le recours au suppléant était en conséquence exclu en cas d'annulation de l'élection, de déchéance, de démission d'office prononcée sur le fondement de l'article L.O. 136-1 du code électoral, ou de démission motivée par toute autre considération, qu'elle réponde à des motifs de pure convenance personnelle ou résulte d'une incompatibilité professionnelle en vertu de l'article L.O. 151-1 du code électoral.
Lors de l'examen en séance publique, le Sénat avait apporté deux modifications à ce dispositif.
En premier lieu, à l'initiative de notre collègue Jacques Mézard , le Sénat avait exclu le recours au suppléant pour le remplacement du député dont la mission confiée par le Gouvernement en application de l'article L.O. 144 du code électoral se prolongerait au-delà de six mois. Il avait en effet considéré qu'il s'agissait là d'une anomalie dans la mesure où les missions confiées aux parlementaires le sont de manière discrétionnaire, justifiant un retour aux urnes.
En second lieu, par cohérence avec la suppression de l'incompatibilité entre le mandat de sénateur et l'exercice d'une fonction exécutive locale, le Sénat avait supprimé les dispositions relatives au remplacement des sénateurs élus au scrutin majoritaire par l'adoption d'amendements identiques de nos collègues Philippe Bas, François Zocchetto et Jacques Mézard.
Au cours de l'examen en nouvelle lecture, la commission des lois de l'Assemblée nationale a, à l'initiative de son rapporteur, rétabli l'article 3 dans la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale.
Votre commission a, à son tour, rétabli le texte de l'article 3 dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture :
- à l'initiative de son rapporteur, elle a adopté un amendement visant à exclure du recours au suppléant le remplacement du député dont la mission confiée par le Gouvernement, en application de l'article L.O. 144 du code électoral, se prolongerait au-delà de six mois, mettant fin à son mandat ;
- par l'adoption des amendements identiques de nos collègues Jacques Mézard, Philippe Bas et François Zocchetto, elle a supprimé les dispositions relatives au remplacement des sénateurs élus au scrutin majoritaire.
Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .
Article 3 ter A (art. 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement.) - Plafonnement du montant des indemnités perçues par les parlementaires
Introduit par l'Assemblée nationale en séance publique à l'initiative de son rapporteur, cet article opère une coordination au sein de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958. Dans la mesure où l'article 1 er ter du présent projet de loi organique interdit le cumul entre le mandat parlementaire et la présidence d'une société d'économie mixte locale, la mention de cette fonction au sein de la disposition limitant le cumul des rémunérations et indemnités perçues par les membres du Parlement devient sans objet.
En première lecture, adoptant un amendement de notre collègue Hélène Lipietz, le Sénat avait souhaité n'autoriser, pour les parlementaires exerçant un mandat local, que la perception de l'indemnité parlementaire de base, à l'exclusion d'une autre indemnité liée à un mandat local 2 ( * ) . Rejoignant une proposition de loi organique déposée par nos collègues du groupe RDSE et adoptée le 24 avril 2013 par votre commission, le Sénat avait ainsi estimé que la limitation du cumul des indemnités était souhaitable, soit en complément, soit en remplacement de la réforme des règles de cumul des mandats et fonctions.
Sur proposition de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a rétabli, en nouvelle lecture, la rédaction qu'elle avait retenue en première lecture.
Adoptant un amendement de son rapporteur et de notre collègue Hélène Lipietz, votre commission a rétabli cet article dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
Votre commission a adopté l'article 3 ter A ainsi modifié .
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Votre commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.
* 2 En première lecture, votre commission avait adopté un amendement identique de notre collègue Gaëtan Gorce avant que le projet de loi organique ne soit rejeté à l'issue des travaux de commission.