EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LA CARTE DU COMBATTANT TRADUIT LA RECONNAISSANCE DE LA NATION ENVERS CEUX QUI L'ONT SERVIE AU COMBAT
A. UN HÉRITAGE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE OUVERT PROGRESSIVEMENT AUX ANCIENS COMBATTANTS DE TOUS LES CONFLITS
La carte du combattant a été instituée, à l'initiative de Paul Painlevé, par l'article 101 de la loi du 19 décembre 1926 de finances pour 1927 3 ( * ) , en même temps que l'Office national des combattants. Ouvrant droit aux prestations sociales offertes par ce nouvel organisme, elle marque alors la reconnaissance de la Nation envers ceux qui l'ont servie au front durant la Grande Guerre.
Ses critères d'attribution, reposant initialement sur une durée d'appartenance de trois mois à une unité combattante, en sont venus à constituer la définition de l'ancien combattant aux yeux de la loi et du droit à réparation qui lui est reconnu. Il s'agit, dès l'origine, d'un titre auquel une haute valeur morale est attachée et qui n'est pas accordé de façon indiscriminée : seuls 52 % des effectifs engagés dans la guerre en ont bénéficié.
Pensée pour les soldats de la Première Guerre mondiale, qualifiés de première « génération du feu », la carte du combattant a été progressivement attribuée aux anciens combattants des conflits ultérieurs : conflits coloniaux dans les territoires d'outre-mer (TOE) entre les deux guerres (guerre du Rif, etc.), puis la Seconde Guerre mondiale, qui a vu la naissance de la deuxième génération du feu 4 ( * ) .
En ce qui concerne l'acquisition du statut de combattant, les hommes ayant servi en Indochine ou dans le bataillon de Corée, qui intervint sous l'égide de l'Onu pendant la guerre de Corée (1950-1953), furent avant même la fin des hostilités rattachés aux dispositions applicables aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale par la loi du 18 juillet 1952 5 ( * ) .
En revanche, le refus initial de reconnaître le caractère de guerre aux « opérations » effectuées en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, date de l'indépendance algérienne, a retardé la délivrance de la carte du combattant aux appelés, rappelés et militaires de carrière y ayant servi.
Le Sénat avait pourtant adopté dès le 11 décembre 1968, par 242 voix contre 3, une proposition de loi en ce sens, malgré l'opposition du Gouvernement qui, sur le fondement de l'article 41 de la Constitution, invoqua devant le Conseil constitutionnel le caractère réglementaire de la mesure. Ce dernier, dans une décision 6 ( * ) du 27 novembre 1968, lui donna tort. Le texte d'initiative sénatoriale ne fut malheureusement jamais inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et ce n'est qu'avec la loi du 9 décembre 1974 7 ( * ) que cette possibilité a été ouverte à ce qui est devenu la troisième génération du feu.
Le décret du 11 février 1975 8 ( * ) , pris en application de cette loi, précise les périodes retenues, le terme commun étant le 2 juillet 1962 :
- pour la Tunisie, à compter du 1 er janvier 1952 ;
- pour le Maroc, à compter du 1 er juin 1953 ;
- pour l'Algérie, à compter du 31 octobre 1954.
Après un long déni, l'Etat a tenu compte de l'évolution de la société française et des demandes du monde combattant en reconnaissant officiellement, sur la base d'une initiative parlementaire, la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc par la loi du 18 octobre 1999 9 ( * ) .
Enfin, le développement des opérations extérieures (Opex) dans le cadre des engagements internationaux de la France, que ce soit l'Onu, l'Union européenne ou l'Otan, a vu naître une quatrième génération du feu, concomitante à la professionnalisation de l'armée française. La loi du 4 janvier 1993 10 ( * ) prévoit que les femmes et les hommes projetés sur ces théâtres d'opérations peuvent recevoir la carte du combattant dans les mêmes conditions que leurs prédécesseurs.
* 3 Publiée au Journal officiel du 19 décembre 1926, p. 13162.
* 4 Par le décret n° 48-180 du 29 janvier 1948 modifiant et complétant le décret du 1 er juillet 1930 portant règlement d'administration publique en exécution de l'article 101 de la loi du 19 décembre 1926 et fixant les conditions d'attribution de la carte du combattant, JO du 3 février 1948, p. 1161.
* 5 Loi n° 52-833 du 18 juillet 1952 faisant bénéficier les combattants d'Indochine et de Corée de toutes les dispositions relatives aux combattants de la guerre 1939-1945.
* 6 Conseil constitutionnel, décision n° 68-8 FNR du 27 novembre 1968, Proposition de loi de M. Courrière et de M. Brousse tendant à la reconnaissance de la qualité de combattant à certains militaires et anciens militaires ayant pris part aux combats en Algérie, au Maroc et en Tunisie.
* 7 Loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord, entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
* 8 Décret n° 75-87 du 11 février 1975 modifiant le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour l'application de la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord, entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
* 9 Loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ».
* 10 Loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant.