II. LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI
A. UNE AMPLE RÉNOVATION PÉDAGOGIQUE ET STRUCTURELLE
1. Une programmation des moyens favorable au primaire
Il n'est pas exagéré d'affirmer que la priorité accordée au primaire occupe le coeur de la refondation engagée par le Gouvernement. La programmation des moyens sur le quinquennat le manifeste assez.
Sur la durée de la législature, 60 000 emplois seront créés dans l'enseignement, dont 54 000 pour l'éducation nationale , 5 000 dans le supérieur et 1 000 dans l'enseignement agricole. La réforme de la formation initiale, qui comprend la reconstitution d'une année de stage en demi-service, absorbera la moitié des créations d'emploi dans l'éducation nationale.
Sur les 21 000 postes d'enseignants titulaires créés, les deux tiers seront consacrés au premier degré soit 14 000 emplois selon la répartition suivante :
- la préscolarisation des enfants de moins de trois ans, qui a beaucoup souffert des suppressions de postes malgré son impact bénéfique, sera relancée grâce à 3 000 postes. Parallèlement, les conditions d'accueil en maternelle seront repensées pour rompre avec la logique d'anticipation du CP, s'adapter aux rythmes des très jeunes enfants et assurer les conditions de leur développement cognitif, sensoriel et social ;
- les mesures de soutien dans les zones prioritaires bénéficieront de 7 000 emplois nouveaux. Sur ce contingent, sera mis en place le dispositif dit « plus de maîtres que de classes ». Comme le montrent les expériences américaines et britanniques, le cadrage pédagogique de ce type d'expérience est essentiel pour en garantir l'efficacité. Il faut en particulier éviter une sous-traitance de la difficulté scolaire par le maître supplémentaire ou son cantonnement dans des tâches matérielles annexes ;
- les évolutions démographiques et les rééquilibrages territoriaux seront pris en compte grâce à 4 000 postes supplémentaires.
Votre commission se félicite et soutient sans réserve cet effort financier consenti en faveur de l'école maternelle et de l'école élémentaire, qui constituent les maillons clefs du système éducatif, où se joue la réduction de l'échec scolaire et des inégalités sociales.
Il convient de souligner que la réorientation budgétaire a déjà été amorcée dans la loi de finances rectificative du 17 août 2012 et dans la loi de finances initiale pour 2013 du 29 décembre 2012 . La première a permis dès la rentrée 2012 le financement de 1 000 emplois de professeurs des écoles, de 1 500 enseignants du second degré, de 100 emplois de conseillers principaux d'éducation et de 1 500 emplois d'AVS-i pour accompagner les élèves handicapés.
Les mesures nouvelles inscrites dans la loi de finances pour 2013 ont permis le renouvellement des départs en retraite, ainsi que des créations de postes dans le cadre fixé par le Président de la République. Afin de remplacer tous les départs définitifs d'enseignants en 2013, 22 100 postes ont été ouverts à la session normale des concours de recrutement externe. À la rentrée 2013, 8 781 nouveaux emplois équivalents temps plein (ETP) , soit 8 281 ETP enseignants et 500 ETP non enseignants, ont été parallèlement créés .
2. La consolidation du collège unique
Subsistent encore dans le second degré de nombreuses filières parallèles qui freinent depuis la loi Haby de 1975 17 ( * ) l'achèvement du collège unique. 13 % environ des élèves du niveau de la classe de 3 e empruntent ces voies d'enseignement adapté ou préprofessionnalisant, hors de la scolarité ordinaire. De fait, il existe encore un palier tacite de préorientation à la fin de la 5 e . Pourtant l'ensemble des enquêtes internationales conclut à l'inefficacité et à l'inéquité des systèmes scolaires qui procèdent à des orientations précoces vers l'alternance ou la formation professionnelles au sens large.
Le projet de loi restreint à la seule dernière année de collège les enseignements complémentaires visant à préparer une formation professionnelle. Il supprime également les classes préparatoires rattachées à un établissement de formation professionnelle.
En outre, pour conforter la voie scolaire et en cohérence avec la réaffirmation du socle commun de compétences, de connaissances et de culture comme étalon essentiel de la scolarité obligatoire, le Gouvernement supprime les dispositifs d'alternance pendant les deux dernières années du collège. Il supprime la formation d'apprenti junior et limite l'entrée dans le dispositif d'initiation aux métiers en alternance (DIMA) aux jeunes de 15 ans révolus.
Le mouvement de consolidation du collège unique conditionne à long terme l'élévation du niveau de qualification global de la population. Il est essentiel pour assurer à chacun des perspectives d'évolution de carrière et une protection contre les aléas économiques, qui pénalisent toujours les moins qualifiés.
3. La participation des collectivités territoriales
La répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation de 1983 a laissé subsister des ambiguïtés que le projet de loi entend lever. C'est le cas en matière de maintenance informatique, alors que la compétence de fond des départements et des régions en matière de fonctionnement et d'équipement matériel des collèges et des lycées avait été temporairement écartée lors de la mise en place du plan informatique pour tous sous l'égide de l'État. Depuis, la maintenance constituait une zone grise où semblait pouvoir intervenir tant l'État que les collectivités.
Le projet de loi apporte de ce point de vue une salutaire clarification en rappelant la compétence de l'État sur les seules dépenses pédagogiques, y compris les ressources numériques, dont la maintenance informatique ne fait pas partie. Toutefois, l'État continuera d'apporter une assistance pédagogique aux utilisateurs afin de dynamiser les usages du numérique dans les classes.
Surtout, le projet de loi pose les fondements d'une coconstruction de la carte des formations professionnelles initiales partagée entre l'État et les régions. Alors que la procédure de la signature des conventions annuelles d'application des contrats de plan régionaux des formations professionnelles laisse de fait l'État libre de prendre unilatéralement toutes les décisions qu'il estime seul utile, le nouveau mécanisme d'élaboration prévoit une concertation approfondie pour définir en commun des priorités. Il ne s'agit donc pas de remplacer l'arbitraire de l'État par l'arbitraire des régions mais de conjuguer des compétences aujourd'hui exercées de manière cloisonnée, afin d'adapter, pour le bénéfice des jeunes en recherche de qualification, l'offre de formation à la dynamique économique des territoires en respectant les intérêts nationaux.
La reconnaissance du rôle éducatif éminent des collectivités territoriales se traduit par l'inscription des activités périscolaires dans un nouveau cadre, celui des projets éducatifs territoriaux (PEDT). La réforme des rythmes scolaires n'est abordée dans le projet de loi que via la création d'un mécanisme de soutien aux communes pour les années 2013-2014 et 2014-2015. Son succès dépendra de la qualité des PEDT élaborés sur chaque territoire dans le prolongement du temps scolaire.
Une des innovations les plus importantes du texte demeure la participation des collectivités de rattachement à la signature des contrats d'objectifs conclu entre l'établissement et l'autorité académique. Ces conventions tripartites permettront de mutualiser les efforts et d'intégrer pleinement les politiques éducatives des collectivités dans la vie des établissements.
Enfin, le projet de loi tire les conséquences du transfert de propriété des bâtiments scolaires appartenant à l'État et aux communes prévu par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales en renforçant la place des collectivités de rattachement dans les conseils d'administration des collèges et des lycées.
4. L'amélioration de la régulation
De l'aveu de l'ensemble des chercheurs rencontrés par votre rapporteure, l'éducation nationale souffre d'un manque de régulation. Le mode de fonctionnement privilégié demeure vertical, hiérarchique et organisé par des circulaires. L'évaluation demeure parcellaire et surtout elle ne débouche que rarement sur des prises de décision ou des inflexions d'une politique. Dans le même temps, les effets de la déconcentration renforçant le poids et l'autonomie des recteurs et la décentralisation accroissant les responsabilités territoriales restent largement impensés.
Le projet de loi supprime le Haut Conseil de l'éducation et crée deux nouvelles instances auprès du ministre de l'éducation nationale pour combler ces lacunes.
Le conseil national des programmes sera compétent pour formuler toute proposition sur la conception générale des enseignements et sur le contenu du socle commun et des programmes, ainsi que sur leur articulation, aujourd'hui largement déficiente.
Le conseil national d'évaluation du système éducatif sera chargé d'évaluer l'organisation et les résultats de l'enseignement scolaire et réalisera ou fera réaliser à cette fin des évaluations. Il se prononcera également sur les méthodologies des évaluations internes conduites par le ministère de l'éducation nationale.
* 17 Loi n° 75-620 du 11 juillet 1975.