C. UN NIVEAU ÉLEVÉ DE FONDS DE CONCOURS ET DES DÉPENSES FISCALES SUPÉRIEURES AUX CRÉDITS

1. Un recours important aux fonds de concours (30,25 millions d'euros en AE et 25,25 millions d'euros en CP)

Le présent projet de loi de finances prévoit, au bénéfice de la mission « Politique des territoires », des fonds de concours d'un montant total de 30,25 millions d'euros en AE et 25,25 millions d'euros en CP .

A l'instar des crédits stricto sensu , ces fonds de concours se trouvent répartis de manière inégale entre les deux programmes composant la mission. Cependant, au contraire de ce qu'on observe pour les crédits, ils bénéficient très majoritairement au PITE et, en pratique, au programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse , comme le montre le tableau suivant.

Fonds de concours attendus pour 2013 en faveur
de la mission « Politique des territoires »

(en euros)

Programmes

FC en AE

FC en CP

112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

Action 4 « Instruments de pilotage et d'étude »

250 000

250 000

162 Interventions territoriales de l'Etat (PITE)

Action 4 « Programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse »

30 000 000

25 000 000

Totaux pour la mission

30 250 000

25 250 000

Source : projet de loi de finances pour 2013, avant son examen par l'Assemblée nationale

Votre rapporteur spécial s'interroge sur ce procédé de débudgétisation . Il conduit en effet à recourir à un financement en-dehors du budget de l'Etat, ce qui réduit la portée de l'autorisation accordée par le Parlement à l'occasion de l'examen des lois de finances. Ce procédé a, de plus, pris une ampleur beaucoup trop importante pour ce qui concerne le PITE , puisque les fonds de concours en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et qui lui sont destinés sont quasiment du même ordre que le budget du programme lui-même (41,33 millions d'euros en AE et 41,22 millions d'euros en CP).

2. Des dépenses fiscales associées au programme 112 et supérieures aux crédits de la mission (440 millions d'euros au moins...)

Par ailleurs, il convient de relever qu'aucune dépense fiscale n'est associée au PITE, mais le présent projet de loi de finances estime en revanche les dépenses fiscales, dont l'objet principal contribue aux finalités poursuivies par le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », à quelque 440 millions d'euros , soit un montant supérieur aux crédits de la mission.

Ces dépenses, qui résultent de dispositions dérogatoires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'Etat une perte de recettes fiscales, sont, par leur nature même, difficiles à évaluer. Sur ces 421 millions d'euros, 397 millions concernent des impôts d'Etat (vingt mesures) et 24 millions des impôts locaux (sept mesures, prises en charges par l'Etat).

Par ailleurs, treize des trente dépenses fiscales recensées se rapportent à la Corse , soit près de la moitié de l'ensemble, pour un montant global d'au moins 313 millions d'euros , soit plus de 70 % du total . On trouve parmi elles la première et la troisième des trois plus importantes dépenses fiscales rattachées au programme, du point de vue de leur coût :

- les taux de TVA particuliers applicables à divers produits et services consommés ou utilisés en Corse (dépense de 230 millions d'euros attendue pour 2013) ;

- le crédit d'impôt pour investissement en Corse (dépense de 45 millions d'euros estimée en 2013).

La deuxième dépense fiscale en volume correspond à l'exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises créées entre le 1 er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les différentes zones prioritaires d'aménagement du territoire (dépense de 100 millions d'euros prévue en 2013).

Le coût de 440 millions d'euros n'est cependant qu'un simple ordre de grandeur, et ne représente qu'un montant minimal.

En effet, l'analyse détaillée reste incomplète dans la mesure où le coût de plusieurs dépenses fiscales n'est pas renseigné dans le PAP de la mission « Politique des territoires » annexé au présent projet de loi de finances : pas moins de onze mesures ne sont pas chiffrées, ou sont estimées à moins de 0,5 million d'euros. Votre rapporteure spéciale s'interroge sur la pertinence d'une telle tendance au « saupoudrage » et sur les effets qui peuvent en être attendus.

Plus globalement, elle s'inquiète du résultat des évaluations issues du rapport, rendu public en septembre 2011, du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume .

Ce rapport s'est, en effet, montré très critique sur ces dispositifs, jugés quasi systématiquement inefficaces : sur vingt-et-une mesures évaluées, dix-huit ont le score le plus faible (zéro).

Il convient d'observer qu'en octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait, déjà, évoqué des dispositifs à « l'efficacité incertaine » 4 ( * ) .

Avant cela, et s'agissant du cas particulier des zones de revitalisation rurale (ZRR), le rapport interministériel sur l'évaluation des mesures en faveur des ZRR , avait mis en évidence, en novembre 2009, que le zonage résultant des critères en vigueur ne prenait pas en compte certains territoires en difficulté et qu'il retenait, à l'inverse, certains territoires qui ne rencontrent pas de réelles difficultés 5 ( * ) . La première des propositions de ce rapport interministériel consistait à recommander l' adaptation du système d'information fiscal afin de connaître et de suivre régulièrement le coût des différents dispositifs, le profil des établissements bénéficiaires et la territorialisation des aides.

En dépit de l'existence du rapport Guillaume de 2011, la mise en place de telles données fait toujours défaut , alors qu'elles constituent un préalable nécessaire à une évaluation régulière, rendue d'autant plus nécessaire que ces mesures ont un coût considérable.

Votre rapporteure spéciale, avait, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, demandé que ces mesures fassent l'objet d'une évaluation rigoureuse et systématique de leurs performances : cette demande ne saurait être que réitérée à l'occasion de l'examen du présent projet de loi de finances.

A nouveau interrogée sur ce point, la DATAR a, une fois de plus, fait valoir qu'elle n'a pas la maîtrise de la plupart des dépenses fiscales rattachées au programme 112 , que le lien avec l'aménagement du territoire n'est, pour la majorité des dépenses, pas immédiatement évident et que, dans de telles conditions, elle n'est pas en mesure de commenter leur évolution. Elle a surtout rappelé que l'inscription au PAP de ces dépenses fiscales relève directement de la direction du budget . Elle a obtenu gain de cause sur le problème d'imputabilité de certaines dépenses fiscales à son action et a obtenu de la Direction du budget la suppression du rattachement de trois dépenses fiscales. Pour autant, la démarche n'a pas été davantage poursuivie. Votre rapporteure spéciale juge nécessaire de permettre au responsable du programme d'être plus directement associé au choix de rattachement des dépenses fiscales et à leurs évaluations en termes de performance.

En outre, à la lumière des conclusions du rapport Guillaume, il semble qu'une remise à plat de ces dépenses soit, à terme, inévitable , alors que le « saupoudrage » en ce domaine n'est en aucun cas satisfaisant .


* 4 Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires « Entreprises et "niches" fiscales et sociales. Des dispositifs dérogatoires nombreux ». Conformément à l'article L. 351-3 du code des juridictions financières, le président et le rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale ont saisi en 2010 le Conseil d'une demande d'étude portant sur les « niches fiscales et sociales applicables aux revenus et bénéfices des entreprises ».

* 5 Cette évaluation du dispositif des ZRR était prévue par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, mais n'a abouti qu'en novembre 2009. Le rapport qui en est issu affirmait aussi que « le zonage est un instrument utile dans les territoires les moins peuplés, souvent isolés et fragiles économiquement, et que sa définition actuelle est, dans l'ensemble, pertinente. En revanche, les dispositifs d'exonération prévus en faveur de ces zones sont décalés par rapport aux besoins du monde rural ».

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