EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 6 novembre 2012, sous la présidence de Mme Frédérique Espagnac, vice-présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Marc Massion et Jean Arthuis, rapporteurs spéciaux, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 44).

M. Marc Massion , rapporteur spécial . - C'est avec un grand plaisir que je rapporte devant vous, avec Jean Arthuis, et pour la seconde année, la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances pour 2013, contribution qui prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Vos rapporteurs spéciaux ont en commun certaines analyses qui figurent dans le rapport, mais les appréciations spécifiques de l'un ou de l'autre sont explicitement mentionnées, j'en veux pour exemple le Pacte pour la croissance et l'emploi.

L'article 44 du projet de loi de finances pour 2013 évalue ainsi ce prélèvement, voté chaque année en loi de finances, à 19,6 milliards d'euros, soit une augmentation assez marquée par rapport à celui voté pour 2012, avec une hausse de 720 millions d'euros, soit 3,8 %. Je voudrais commencer cette présentation en évoquant la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2013, qui est toujours en cours et, hasard du calendrier, je note qu'un comité de conciliation se tiendra à la fin de cette semaine, ce vendredi 9 novembre.

L'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne le 25 avril 2012. Cette dernière a proposé une augmentation de 2 % des crédits d'engagement par rapport à 2012, soit 150,9 milliards d'euros. Les majorations concernent surtout la rubrique 1a « Compétitivité » (+ 5 %). Les crédits de paiement (CP) affichent quant à eux une hausse de 6,8 % pour atteindre 137,9 milliards d'euros.

Le projet de budget adopté par le Conseil en juillet 2012 se veut plus rigoureux, ce qui prend tout son sens dans le contexte des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques nationales et de stratégies de retour à l'équilibre budgétaire. Ainsi, des coupes importantes sont réalisées en crédits d'engagement, 1,2 milliard d'euros, ce qui conduirait tout de même à une augmentation de 2,8 % par rapport à 2012, et, surtout, en crédits de paiement, 5,2 milliards d'euros, ramenant la hausse pour 2013 à 2,8 % également. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation exprimée par de nombreux Etats membres, dont la France, d'une discipline budgétaire renforcée. Le Conseil de juillet dernier a en effet été l'occasion pour huit Etats membres dont la France de rendre publique une déclaration demandant l'absence toute hausse supplémentaire dans le budget 2013.

Enfin, je souligne que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2012, un budget assez éloigné du projet du Conseil mais très proche des propositions initiales de la Commission. Il propose ainsi, pour 2013, une hausse de 2,2 % des crédits d'engagement et de 6,8 % des crédits de paiement.

Il va sans dire que la proposition d'augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rendra difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire, lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne et qui devrait aboutir prochainement. Ces difficultés quant au budget 2013 sont aggravées par les négociations qui se poursuivent depuis plus d'un an sur la future programmation 2014-2020. C'est à ce sujet que les tensions entre les Etats membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus grandes et que des compromis devront rapidement être trouvés. A défaut, une grave crise politique pourrait paralyser l'UE. Jean Arthuis parlera de manière plus détaillée de la future programmation mais je tiens à souligner que je déplore, dans ce futur cadre qui couvre la période 2014-2020, l'absence de base juridique pour le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD). J'observe que pour 2012 et 2013, les crédits de ce dernier sont reconduits mais en diminution.

Avant d'en arriver à ma conclusion, je voudrais formuler quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat ainsi que sur l'évolution de notre solde net.

Le projet de loi de finances pour 2013 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l'Union européenne à 19,6 milliards d'euros, soit une hausse de 3,8 % en un an. En vingt ans ce montant a été multiplié par cinq. Au terme de l'exécution 2013, des ouvertures nouvelles en CP seront intervenues, créant des écarts, favorables ou défavorables au demeurant, entre le montant du prélèvement affiché dans le projet de loi de finances (PLF) et la somme effectivement appelée. Ces dernières années, des écarts importants ont été constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement :

- en 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait ainsi été surestimé de plus de 1,5 milliard d'euros ;

- en 2008, est apparue au contraire une sous-estimation de 300 millions d'euros ;

- pour 2009, la sous-estimation à nouveau du prélèvement est nettement plus importante : plus d'un milliard d'euros, 20 milliards d'euros en exécution alors que le vote du Parlement portait sur 18,9 milliards ;

- en 2010, le prélèvement a été à l'inverse surestimé de 556 millions d'euros ;

- en 2011, on a assisté à une exécution plus conforme aux prévisions, avec une légère sur-estimation, de l'ordre de 5 millions d'euros ;

- en 2012, la sous-estimation du prélèvement devrait être assez élevée. L'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au PLF 2013 l'estime à 170 millions d'euros mais nous avons appris lors d'un déplacement récent à Bruxelles, de la part du directeur du budget de la Commission européenne, qu'un budget rectificatif pour 2012 devrait demander l'ouverture de près de 10 milliards d'euros de CP supplémentaires, ce qui pourrait conduire pour la France à un écart en exécution de 1,5 milliard d'euros par rapport à la prévision votée en loi de finances pour 2012. L'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable. J'en viens à quelques remarques sur l'évolution de notre solde net.

La France devrait demeurer en 2013 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne et devant l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne, la part de sa contribution représentant 16,7 % du total des ressources de l'UE, part qui semble, enfin, se stabiliser. La France reste premier pays bénéficiaire en recevant 12 % des dépenses de l'UE, mais cette situation qui se dégrade est très fragile puisqu'elle ne résulte que du poids de la Politique agricole commune (PAC). 75 % des crédits européens dépensés en France sont en effet des dépenses agricoles. Si l'on rapporte notre contribution aux dépenses, l'évolution de la situation est préoccupante. Mes chers collègues, notre solde net ne cesse de se dégrader et a été multiplié par 16 en dix ans. Notre solde net dépasse la barre des 6 milliards d'euros par an, faisant de notre pays le vingtième bénéficiaire des dépenses de l'UE en retours par habitant.

En conclusion, et sous réserve de ces différentes observations, je recommande à la commission de proposer l'adoption sans modification de l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Notre pays n'a pas besoin d'ajouter à la confusion dans les négociations difficiles qui sont en cours.

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - Je remercie Marc Massion de nous avoir fourni ces éléments riches d'enseignements sur la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2013, sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat aujourd'hui ainsi que sur l'évolution de notre solde net. J'indique que je partage nombre de ses analyses et que dans le rapport qui vous a été distribué, en cas de divergences d'appréciation, la position spécifique de l'un ou de l'autre de nous deux est explicitement mentionnée. Je n'en arriverai pas à la même conclusion que lui, mais je veux tenter de vous en donner les raisons :

D'abord une remarque sur la structure du budget communautaire. Il s'agit pour caricaturer et comme nous l'a indiqué, lors d'un récent déplacement à Bruxelles, le président de la commission des budgets du Parlement européen, Alain Lamassoure, de la même structure d'ensemble depuis trente ans, en recettes comme en dépenses. Et le pire est que l'on compte pour la programmation 2014-2020 continuer cette « partie de poker », avec la PAC, les fonds structurels, les rabais et les corrections, chaque Etat membre défendant ses positions habituelles en fonction de ses intérêts financiers bien compris. Au moment où la dépense publique doit plus que jamais répondre de son efficacité, une telle inertie est contestable et c'est de mon point de vue une folie. Le budget européen est devenu une cagnotte mais distribuer de l'argent ne suffit pas à faire une politique. Se rend-on bien compte que les subventions versées au titre de la PAC tendent à transformer certains de nos agriculteurs en « rentiers de la terre », au détriment de la cohérence entre les différentes filières de nos productions agricoles ? Se rend-on bien compte que les fonds structurels sont des « activateurs de dépense publique » en raison de leur fonctionnement par cofinancement des Etats membres ? La politique de cohésion a contribué au surendettement de nombreux Etats-membres, dont la Grèce et l'Espagne, ce qui est une démarche absurde. Se rend-on bien compte que le système actuel des ressources propres n'est pas que complexe, il est opaque et injuste, avec le rabais britannique, les rabais sur ce rabais, les corrections sur la ressource propre TVA et, enfin, les chèques forfaitaires annuels ? Ce système perpétue des logiques nationales au détriment de toute démarche d'intégration politique.

S'agissant ensuite de la future programmation 2014-2020, je rappelle qu'elle est encore en débat et que le Conseil européen des 22 et 23 novembre prochains sera, à cet égard, décisif puisqu'il a pour objectif d'aboutir à un accord. J'indique que les propositions de la Commission européenne sont d'après moi inacceptables. Elles étaient, il y a un an, de 972 milliards d'euros de CP sur sept ans. Une actualisation en date du 6 juillet 2012 visant notamment à tenir compte de l'adhésion de la Croatie porte ce montant à 988 milliards d'euros en CP et 1 025 milliards d'euros en en crédits d'engagement. Mais ces propositions ne sont pas sincères : par un premier artifice dans sa présentation, la Commission minore les crédits qui seront mobilisés. Sa communication est en effet réalisée en euros constants, alors que seule une présentation en euros courants permettrait d'apprécier l'impact réel des propositions sur les contributions nationales : la réalité de l'augmentation de la dépense qui devra être réévaluée chaque année de l'inflation est masquée. J'ajoute que par un second artifice, la Commission dissimule les tensions que sa programmation exercera sur les finances des Etats membres, en multipliant les débudgétisations qui dégonflent artificiellement son projet : non seulement sont maintenus, hors budget et hors cadre financier, le fonds européen de développement (FED) et les mécanismes de stabilisation financière, mais surtout passeraient hors budget des politiques pourtant communautaires et financées sous plafond dans le cadre actuel. En euros courants, avec le périmètre classique de financement de l'UE auquel on ajouterait le FED et d'autres politiques débudgétisées, le total de dépense serait de 1 191 milliards d'euros en CP et 1 231 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit environ 200 milliards d'euros de plus que le projet initial de la Commission.

Au total, par ces artifices de présentation et ces débudgétisations inacceptables, la Commission européenne formule un projet de programmation pour 2014-2020 qui représente une entorse au principe de sincérité budgétaire. En outre, le niveau de dépenses proposé est tout simplement insoutenable et contredit notre stratégie de retour à l'équilibre. Contrairement à ce que laisse penser le travail de la Commission, l'Europe ne peut pas se placer en-dehors des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques. Elle doit plus que jamais dépenser mieux. Et à cet égard, je recommande un renforcement de la mise en oeuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l'Union européenne.

Pour finir de vous convaincre, je souhaite élargir mon propos en parlant de la gouvernance de la zone euro. Dire que le pire est passé, c'est crier victoire un peu trop vite ! Le mécanisme européen de stabilité (MES) n'est pas un dispositif suffisant, il appelle une gouvernance appropriée, qui jusqu'aujourd'hui fait défaut. Je pense comme Marc Massion que l'union bancaire représente un progrès. Mais au moment où la Banque centrale européenne (BCE) se comporte de plus en plus comme une banque fédérale, elle attend son interlocuteur politique.

J'ai remis le 6 mars 2012 un rapport au Premier ministre, intitulé « Avenir de la zone Euro : l'intégration politique ou le chaos », dans lequel j'ai formulé quelques propositions que j'avais eu l'honneur de présenter alors devant vous, mes chers collègues. J'y préconisais notamment la création d'un ministre de l'économie et des finances de la zone euro appuyé sur un véritable Trésor public européen, ainsi que la mise en place d'une capacité budgétaire idoine. Nous ne pouvons plus nous contenter d'habillage de fenêtre ou « window dressing », à l'image du plan de 120 milliards d'euros du Pacte pour la croissance et l'emploi annoncé par le Conseil européen le 29 juin 2012, qui n'apporte rien de nouveau puisqu'il s'agit de dispositions déjà adoptées. L'euro a été jusqu'aujourd'hui un anesthésiant, mais une monnaie ne suffit pas à faire un projet politique. Jusqu'à quand allons-nous continuer à entretenir une illusion d'Europe ? Nous devons sérieusement reprendre en main le projet politique européen.

Pour conclure mon intervention je plaide en faveur du rôle des parlements nationaux. Dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sans en discuter ni le montant, ni l'usage qui en sera fait à travers les dépenses de l'Union européenne. Une telle situation n'est pas satisfaisante. Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont la plupart des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l'impôt, essentiel dans une démocratie. Une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux parait donc nécessaire. Nous devons prendre toute notre place dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire et dans la coordination des finances publiques des Etats membres. Je propose par exemple que nous votions en loi de finances initiale non seulement notre contribution au budget communautaire mais aussi la totalité de nos engagements à l'égard de la zone euro, à l'instar de notre contribution au MES. Et je suggère, enfin, une représentation des parlementaires nationaux de la zone euro, qui serait l'amorce d'une seconde chambre dans l'UE et jouerait le rôle d'une commission de surveillance exerçant des prérogatives de contrôle.

Il vient un moment où il faut savoir dire non et interpeller les gouvernements, et bien, mes chers collègues, je crois que ce moment est venu et je vous recommande, donc, de voter contre l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Au moment où l'Europe reçoit le prix Nobel de la Paix, elle devient le maillon faible de la croissance mondiale. Son budget et sa gouvernance doivent lui permettre d'assurer un rôle stratégique dans la guerre économique et d'assurer la protection de tous les Européens. Puis-je rappeler, citant Sénèque, que la crainte de la guerre est encore pire que la guerre elle-même ?

M. Yannick Botrel . - Je relève la constance des analyses de Jean Arthuis qui a repris certaines de ses argumentations étayées et déjà présentées devant nous. Il propose une refondation de l'Union européenne, voire du processus même de construction du projet communautaire, notamment sur le plan monétaire. C'est un sujet sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Son analyse de la structure du budget communautaire que je partage en partie m'amène à formuler deux remarques :

- la stabilité de la structure de ce budget pourrait nous inciter à penser que les critiques émises valaient pour les années, voire les décennies précédentes ;

- la PAC est appliquée au niveau des Etats membres et je reprends son expression de « rentiers de la terre ». Nous avons en France privilégié les cultures céréalières et, plus largement, les productions végétales, et ce au détriment des filières animales. Cela relève de notre responsabilité. Il nous appartient de revisiter nos politiques agricoles.

Par ailleurs, je partage l'idée selon laquelle le budget communautaire a pu faciliter l'endettement de certains Etats membres, ce qui est un problème, notamment dans le cas de la Grèce et de l'Espagne. De même, le chèque britannique constitue un héritage historique contestable.

Pour ce qui concerne l'intervention de Marc Massion, je le rejoins sur le PEAD. C'est un point sur lequel nous sommes régulièrement interpelés en tant qu'élus locaux. Le désengagement de l'Europe à ce sujet alors qu'il s'agit d'enjeux financiers modestes est une chose désastreuse, pour les publics concernés comme pour les associations qui assurent l'aide sur le terrain.

M. Jean-Paul Emorine . - Je dois avouer que je suis déchiré entre les recommandations des deux rapporteurs spéciaux. Les critiques du budget communautaire sont toujours possibles, mais dans le contexte de crise que nous traversons, nous avons besoin de plus d'Europe. Si nous n'avions pas l'euro aujourd'hui, des pertes encore plus importantes de pouvoir d'achat seraient constatées. Dans les années 1930, on a tenté de surmonter la crise avec des dévaluations, ce qui a conduit à des pertes de pouvoir d'achat. Ensuite, sur le montant du prélèvement versé par la France, il convient d'observer qu'il est relativement stable depuis dix ans. Certes, nous sommes contributeurs nets, mais nous bénéficions de retours non négligeables pour notre agriculture, surtout dans certains territoires. Enfin, s'agissant des rabais, je souligne que je me suis toujours opposé au chèque britannique. En son temps, le général de Gaulle avait constamment plaidé pour un maintien du Royaume-Uni hors du projet communautaire. Au total, pour ne pas déplaire aux deux rapporteurs spéciaux, ma position personnelle sera de m'abstenir lors du vote.

M. Éric Bocquet . - Sans esprit polémique, je m'interroge sur les propos de Jean Arthuis. Celui-ci semble estimer que l'Europe ne fournit pas suffisamment d'efforts dans le sens du rétablissement de l'équilibre des finances publiques, je voudrais qu'il confirme ce point. Pourtant, nous avons récemment examiné trois textes qui vont dans ce sens : le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques et, enfin, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Sur votre proposition de création d'une commission de surveillance permettant d'améliorer la gouvernance de la zone euro, le Haut Conseil des finances publiques ne répond-il pas déjà partiellement à votre demande ? Quant au PEAD, il n'est effectivement garanti que jusqu'à l'année prochaine et c'est une question importante à laquelle il faudra apporter une réponse. Cette aide est en effet devenue indispensable.

M. Marc Massion , rapporteur spécial . - A propos du PEAD, j'indique que les négociations sont en cours sur les perspectives financières 2014-2020, il conviendra donc d'interpeller le ministre pour qu'il pèse dans ces négociations afin de ne pas abandonner ce dispositif. La question qui se pose quant à l'article 44 du présent PLF est de savoir si voter contre cet article est un signe pour avancer. Je ne le crois pas. Mieux vaut, comme chaque année, voter la participation de la France au budget communautaire. Imaginez que la France ne vote pas ce prélèvement...

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - En réponse à Yannick Botrel, je confirme que j'exprimais déjà les mêmes analyses précédemment. Il n'y avait, d'ailleurs, dans le rapport que j'ai rendu au Premier ministre, aucune aménité de ma part à l'égard de ceux qui pilotaient la zone euro : on a fait n'importe quoi ! Ainsi, on a admis la Grèce alors qu'elle n'en avait pas la capacité et, ensuite, au lieu de la surveiller comme le lait sur le feu, on l'a laissée tricher, trop contents de lui vendre des équipements et des armes, notamment contre d'hypothétiques attaques de la Turquie. Les agences de notation ne nous ont pas tout de suite sanctionné parce qu'elles ont cru que la zone euro était un espace fédéral. Du jour au lendemain, grâce à leur intégration dans la zone euro, les titres de la dette grecque se sont retrouvés quasiment au même taux que les obligations allemandes. Les spreads n'ont pris corps qu'à la fin de l'année 2009, c'est dire dans quel égarement collectif nous étions. A Jean-Paul Emorine, je précise que je crois à l'euro et à ses vertus, mais l'adoption d'une monnaie unique doit conduire à une gouvernance appropriée puisqu'il s'agit de partager une partie de notre souveraineté. La solidarité financière s'exerce à 17, pas à 27, il faut en tirer les conséquences en termes de gouvernance. Un exemple, Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg, est-il le plus légitime pour animer l'Eurogroupe ? Je ne le crois pas, le matin il nous rappelle nos obligations d'équilibre des finances publiques et l'après-midi il nous « fait les poches » grâce au régime luxembourgeois sur la fiscalité et le secret bancaire. Nous devons mettre un terme à ces incohérences.

Sur la PAC, oui je suis critique. Dans le contexte de la flambée du prix des céréales, on ne change rien au fonctionnement des règles d'allocation des aides, cela montre qu'il y a quelque chose qui ne marche pas bien, alors que nous importons 40 % de notre consommation de viande de volaille. Cela souligne l'étendue du problème.

Pourtant, nous nous apprêtons sans réflexion à reconduire pour 2014-2020 le même système. Chaque Etat membre va mettre un tas d'argent sur la table et ensuite chercher à en récupérer le plus possible. Et la Commission européenne, tel un croupier, va en récupérer une partie pour faire vivre l'administration. Or, moi, j'attends de l'Europe qu'elle offre des régulations plus que des interventions financières. C'est cela que je veux dire. La taxe sur les transactions financières ira dans le bon sens, mais à condition que sa mise en place se fasse au niveau de l'ensemble de la zone euro.

Rejeter l'article 44 du PLF aura peu d'effet puisque c'est une obligation qui découle des traités, mais il faut savoir manifester son désaccord quand il le faut, de manière à changer les choses et à mettre un terme à un certain nombre d'incohérences.

M. François Patriat . - J'ai relevé vos propos sur les incohérences de la gouvernance de l'Europe entre 2002 et 2012. Chacun en cherchera les responsabilités, moi je ne tiens pas à le faire maintenant. Maintenant, nous avons besoin d'instruments de régulation. Je voudrais prendre le cas de l'agriculture et du secteur agroalimentaire : ils ne se portent pas si mal que cela, surtout en comparaison d'autres filières. Ils nous apportent des emplois et des devises. C'est vrai que les prix des céréales flambent en ce moment, mais on assiste à un phénomène de volatilité des cours : les céréaliers ont connu des situations difficiles où les prix en France étaient inférieurs aux cours mondiaux. Il faut donc maintenir les dispositifs existants et le niveau de la PAC. Cette dernière peut toutefois être orientée davantage vers les régions intermédiaires ou en difficulté ainsi que vers le soutien au développement rural. Il ne faut pas utiliser des arguments qui auraient pour conséquence de réduire les crédits de la PAC, ce qui serait gravement préjudiciable à l'activité économique.

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - Ce dont je rêve, c'est que la PAC permette de mieux réguler, que les aides ne soient pas versées automatiquement, indépendamment même de la conjoncture. Et pour répondre à François Patriat, je précise que notre balance commerciale dans l'agroalimentaire n'est excédentaire qu'à la faveur de nos exportations de vins et de boissons. C'est un vrai sujet. Nous avons besoin d'un débat européen pour ajuster nos politiques. Ce que je crains, c'est que pour arranger tout le monde, on ne finisse par poursuivre avec le même système sans rien changer, avec une Europe qui ne peut que décevoir nos concitoyens.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013.

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