3. Les critiques de la Cour des comptes sur la gestion de la branche famille
A plusieurs reprises, la Cour des comptes a relevé des défaillances dans la gestion de la branche famille d'une part, dans le cadre de sa mission de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, d'autre part, dans le cadre de son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
a) La non-certification des comptes de la branche pour l'exercice 2011
Après deux certifications avec réserves pour les exercices 2009 et 2010, la Cour n'a pu certifier les comptes de la branche famille pour l'exercice 2011 en raison de l'augmentation du montant des erreurs de portée financière qui affectent les prestations versées .
En effet, selon les mesures disponibles établies par la Cnaf à partir de contrôles portant sur des échantillons de prestations, le montant agrégé des erreurs de portée financière est estimé à 1,6 milliard d'euros en 2011 , contre 1,2 milliard d'euros en 2010. Les erreurs recouvrent principalement des trop-perçus par les allocataires et concernent notamment le revenu de solidarité active (RSA) et les aides au logement.
L'augmentation du montant des erreurs de portée financière souligne, d'après la Cour, l'inadaptation du dispositif de contrôle interne de la branche , caractérisé notamment par d es insuffisances de conception et des faiblesses du pilotage par la Cnaf . En particulier, la Cnaf ne fixe pas aux organismes de son réseau des objectifs de montants d'erreurs à ne pas dépasser, mais des objectifs de nombre de contrôles à réaliser. En outre, les Caf bénéficient d'une autonomie excessive dans la réalisation effective des contrôles prescrits par la Cnaf.
Votre rapporteure tient à souligner que ce refus de certification ne doit pas être abusivement assimilé à un jugement sur la gestion car il résulte non d'un défaut dans la qualité des comptes, mais d'erreurs affectant le calcul des allocations versées.
La Cour reconnaît d'ailleurs que le cadre réglementaire la branche famille est complexe et mouvant : beaucoup de prestations sont versées sous conditions de ressources et d'activité, liées à des situations familiales très changeantes et fondées sur les informations fournies par les allocataires eux-mêmes.
Comme l'ont indiqué les responsables de la Cnaf lors de leur audition par votre commission 21 ( * ) , les erreurs dues aux techniciens ou imputables au système informatique ne comptent que pour 17%, le reste tenant au caractère incomplet des déclarations remplies par les allocataires.
Il n'en reste pas moins que la diminution des erreurs à portée financière doit constituer, pour la Cnaf, un enjeu majeur des prochains exercices.
b) Un pilotage et une gestion du système d'information insuffisamment efficients
Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre dernier 22 ( * ) , la Cour des comptes dresse un panorama assez sombre du pilotage et du système d'information de la branche famille.
Elle constate tout d'abord une gouvernance inefficiente associée à une stratégie incertaine :
- les conventions d'objectifs et de gestion assignent des objectifs à la fois trop nombreux et trop ambitieux ;
- les schémas directeurs du système d'information, destinés à mettre en oeuvre opérationnellement les objectifs de la Cog, manquent de réalisme.
Selon la Cour, la responsabilité en incombe aussi bien à l'Etat qu'à la Cnaf :
- l'Etat ne s'est pas préoccupé de savoir si la Cnaf avait la possibilité d'atteindre les objectifs fixés par la Cog de manière réaliste ;
- il multiplie les évolutions du cadre législatif et réglementaire, ce qui complexifie considérablement le travail de la Cnaf et des Caf ;
- la Cnaf a fait tardivement émerger une fonction de maîtrise d'ouvrage ;
- son organisation est inefficiente car trop lourde et trop complexe.
La Cour relève ensuite une trop grande dispersion des structures et des moyens :
- l'organisation opérationnelle mise en place pour administrer et faire évoluer le système d'information est trop éclatée, ce qui nuit à l'efficience de la branche et à la transparence de sa gestion ;
- la dispersion des moyens et l'éclatement de la politique d'achat font obstacle à une connaissance fine des coûts.
Elle identifie enfin des retards préoccupants dans la modernisation du système d'information :
- la branche pâtit de l'absence d'un référentiel unique de projets ;
- le logiciel de gestion des incidents informatiques est obsolète et souffre de nombreux dysfonctionnements ;
- les déficiences du pilotage et de gestion de l'informatique entraînent des conséquences dommageables pour la branche (allongement préjudiciable des délais et/ou un accroissement des ressources consommées par rapport à celles prévues).
- Axer la prochaine Cog sur un petit nombre de priorités hiérarchisées , en imposant à la Cnaf de dégager les moyens nécessaires pour les réaliser et assurer un bilan d'exécution annuel. - Consolider le rôle de pilotage de la Cnaf dans le système d'information et s'assurer qu'elle se dote d'une organisation de maîtrise d'ouvrage et de définition des besoins conforme aux meilleures pratiques. - Rationaliser très fortement les structures informatiques autour de pôles nettement moins nombreux et beaucoup plus étroitement articulés avec la caisse nationale et interdire effectivement aux Caf de procéder à des développements locaux. - Subordonner l'adoption du prochain schéma directeur à la possession par la Cnaf des outils nécessaires pour le suivi des projets, des moyens disponibles et des coûts.
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Solliciter systématiquement en amont
l'avis de la Cnaf
sur la faisabilité technique des
évolutions législatives et réglementaires qui la
concernent.
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Au vu de ce constat et de ces recommandations, votre rapporteure en appelle, à l'occasion des négociations en cours sur l'élaboration de la Cog 2013-2016, à un dialogue plus approfondi entre la Cnaf et l'Etat comme l'exige toute démarche contractuelle. Il est certain que la Cnaf doit améliorer le pilotage de son réseau, mais l'atteinte des objectifs stratégiques et opérationnels fixés par la Cog implique aussi un concours actif de l'Etat.
* 21 Audition de Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf, et d'Hervé Drouet, directeur général, mercredi 18 juillet 2012.
* 22 Cour des comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2012.