ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 27 - (Art. 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010) - Relance des opérations de révision des valeurs locatives professionnelles

Commentaire : le présent article additionnel propose d'apporter les ajustements indispensables à la généralisation et à la mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives cadastrales professionnelles, prévue par l'article 34 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 .

La question de la révision des valeurs locatives cadastrales a fait l'objet, très récemment, de travaux menés, au nom de la commission des finances, par les rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Le présent commentaire se limitera donc, s'agissant de l'exposé général des problématiques, aux principales observations indispensables à la compréhension de l'amendement portant création d'un article additionnel et renvoie, pour une présentation plus détaillée, au rapport d'information de la commission 152 ( * ) .

I. LE DROIT EN VIGUEUR

A. LE DISPOSITIF DE LA RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES PROFESSIONNELLES

Après une concertation de plus de six mois, menée entre le ministère de l'économie, les parlementaires, les représentants des professionnels et les associations d'élus locaux, les principes, les modalités et le calendrier de la révision des valeurs locatives professionnelles ont été fixés par l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

Cet article pose les bases d'un nouvel exercice de révision générale, qui tire les leçons de l'échec de la dernière tentative en 1990, et oriente le nouveau système à mettre en oeuvre.

Il présente six caractéristiques :

- la révision concerne - dans une première étape - les seuls locaux professionnels soit 3,3 millions de locaux environ. A ce stade, la loi ne prévoit pas l'engagement de la révision des valeurs des locaux d'habitation (33 millions de locaux) ;

- il maintient un système fondé sur des valeurs locatives administrées , la concertation préalable à la réforme ayant écarté un système fondé sur les valeurs vénales ;

- l'étanchéisation de la révision par rapport aux valeurs des locaux d'habitation est garantie. Pour chaque collectivité concernée, le rapport entre le produit tiré des locaux professionnels et le produit tiré des locaux d'habitation reste identique grâce à un « coefficient de neutralisation » ;

Le coefficient de neutralisation

Dans le cadre de la révision, seules les valeurs locatives des locaux professionnels seront définies avec les nouvelles règles, la définition des valeurs locatives des locaux d'habitation et des locaux industriels demeurant inchangée. Or tous ces locaux font partie du même ensemble de taxation pour le calcul des bases de taxe foncière.

De fait, avec la révision et sauf exceptions marginales, la valeur locative des locaux professionnels va augmenter par rapport à celle définie à partir des règles de 1970. Dès lors, en l'absence de dispositif de correction, la révision conduirait à augmenter le niveau relatif des valeurs de ces locaux par rapport à celle des autres types de locaux et donc à créer un effet de transfert des bases de taxe foncière, aboutissant à accroître le poids de la fiscalité des locaux professionnels et à diminuer celui des autres types de locaux.

C'est pourquoi les dispositions du paragraphe XVI de l'article 34 prévoient un maintien des équilibres actuels, en termes de proportions contributives, au niveau de chaque collectivité ou EPCI à fiscalité propre, pour les différents types de locaux.

Pour éviter ce transfert de charges, les équilibres contributifs actuels sont maintenus par la loi entre deux ensembles de locaux :

- d'une part, la contribution des contribuables imposés au titre de locaux d'habitation (c'est-à-dire ceux pour lesquels la valeur locative restera pour l'instant évaluée de manière non actualisée) ;

- et, d'autre part, la contribution des autres contribuables, c'est-à-dire les locaux professionnels concernés par la révision, les établissements industriels relevant de l'article 1499 du CGI évalués à la valeur comptable et les propriétés relevant des modalités particulières de l'article 1501 du CGI.

Par exemple, si dans une commune avant révision, les propriétaires de locaux à usage d'habitation acquittent 60 % de la taxe foncière et les propriétaires de locaux professionnels et d'établissements industriels (et locaux évalués par barème) 40 %, les mêmes proportions doivent être maintenues après la révision.

Pour respecter cette règle, un coefficient dit de « neutralisation » est appliqué aux valeurs locatives révisées des locaux professionnels, celles des établissements industriels évalués selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts et celles des propriétés relevant des modalités particulières de l'article 1501 du même code.

Ce coefficient est égal au rapport entre :

- d'une part, la somme des valeurs locatives des propriétés bâties entrant dans le champ d'application de la révision et celles mentionnées aux articles 1499 et 1501 du code général des impôts situées dans le ressort territorial de la collectivité ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au 1 er janvier 2011, après application du coefficient de revalorisation prévu à l'article 1518 bis du même code pour l'année 2012 ;

- et, d'autre part, la somme des valeurs locatives révisées au 1 er janvier 2012 des propriétés entrant dans le champ d'application de la révision et des valeurs locatives au 1 er janvier 2012 des propriétés mentionnées aux articles 1499 et 1501 du même code.

Ce coefficient est déterminé pour la taxe foncière sur les propriétés bâties et pour la cotisation foncière des entreprises, au niveau de chaque collectivité territoriale et établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Source : rapport de la DGFiP, janvier 2012

- à l'issue de la révision, les collectivités sont garanties de percevoir toujours le même produit de taxe foncière , sous réserve d'une évolution « physique » de leurs bases ;

- la révision programmée doit être la dernière, puisqu'un mécanisme de mise à jour annuelle des valeurs cadastrales est mis en place via les déclarations annuelles de résultats ;

- il s'appuie, enfin, sur la création de deux nouvelles commissions locales décisionnelles : la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, constituée en majorité de représentants des collectivités et d'EPCI et de contribuables 153 ( * ) , et la commission départementale des impôts directs locaux 154 ( * ) chargée de statuer sur les désaccords entre la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels et une ou plusieurs commissions communales ou intercommunales. Les commissions départementales, qui se verront soumettre les propositions des services fiscaux, auront un rôle décisionnel notamment pour délimiter les secteurs géographiques locatifs, fixer les tarifs au m 2 de chaque catégorie, classer les locaux et décider de l'application de coefficients de localisation 155 ( * ) .

La loi de finances rectificative précitée a également défini un calendrier de mise en oeuvre de la révision. Il prévoit une expérimentation en 2011, la généralisation de la révision à l'ensemble des départements en 2012 et, en 2014, l'application des nouvelles bases d'imposition.

B. LE RAPPORT DE BILAN DE L'EXPÉRIMENTATION

Le 18 janvier dernier, le Gouvernement transmettait au Parlement, avec plus de 3 mois de retard, le rapport sur la révision des valeurs locatives professionnelles, prévu par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010.

Ce rapport présentait notamment le bilan de l' expérimentation préalable à la généralisation, menée dans cinq départements en 2011 - Hérault, Pas-de-Calais, Bas-Rhin, Paris et Haute-Vienne -, en application de la loi.

Cette phase préalable a permis de valider les modalités techniques et les processus de la révision, comme le choix des 38 catégories de locaux ou l'établissement des secteurs géographiques. Elle a aussi démontré la fiabilité des outils utilisés , tels que la télédéclaration, et la capacité des services fiscaux à les maîtriser à une échelle importante 156 ( * ) .

Elle a toutefois soulevé un certain nombre d'interrogations , que retranscrit le rapport de bilan, et qui ont conduit la Direction générale des finances publiques (DGFiP) à élaborer, et à tester, une version des processus de révision légèrement différente de celle qui était prévue aux termes de la loi (option dite « scénario B »).

Les questions posées par le rapport concernent :

- le sort des locaux industriels , d'ores et déjà évalués à leur juste prix par la méthode comptable, mais dont l'intégration au sein de l'ensemble des locaux professionnels, dans le cadre de la révision, aboutit à une surévaluation des valeurs des locaux professionnels non industriels, en raison d'un effet collatéral du « coefficient de neutralisation » ;

- l'impact de la révision des valeurs cadastrales sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et sur la taxe d'habitation due par certains occupants de locaux professionnels, comme les associations à but non lucratif ;

- la refonte du calendrier initial bousculé par le retard de la publication du rapport de bilan et par la suspension de la prise de décisions durant la période électorale du premier semestre 2012.

Le rapport de bilan s'interroge, enfin, sur les conditions qui devraient être définies pour un lissage de l'entrée en vigueur des nouvelles cotisations .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le texte proposé par votre commission des finances apporte des réponses précises aux questions posées par le rapport de bilan en vue de permettre la reprise des opérations de révision des locaux professionnels.

Les options retenues ont été approuvées, le 13 juin 2012, par la commission à l'occasion de la présentation du rapport d'information des rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Elles conduisent à proposer plusieurs modifications au texte de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2010 précitée, concernant, d'une part, l'ajustement du périmètre des locaux soumis à révision et le calendrier de celle-ci et, d'autre part, le lissage des évolutions de cotisations de taxe foncière.

A. AJUSTER LE PÉRIMÈTRE DES LOCAUX SOUMIS À RÉVISION ET REVOIR LE CALENDRIER

Le texte proposé par la commission des finances reprend sur ce point les préconisations du rapport de bilan de la DGFiP.

En ce qui concerne le sort des locaux industriels , il prévoit d'exclure des opérations de révision, les locaux évalués selon la méthode comptable (locaux industriels) qui sont déjà à leur valeur réelle. En conséquence, le produit de taxe foncière en provenance de ces locaux ne sera pas comptabilisé dans l'ensemble du produit issu des locaux professionnels pour le calcul du « coefficient de neutralisation ». Ce dispositif aura pour effet de modérer sensiblement les augmentations de cotisation pour les locaux professionnels.

S'agissant des impacts de la révision des bases sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ( TEOM) et sur la taxe d'habitation des occupants de locaux professionnels, le texte proposé les écarte, en élargissant au calcul de ces deux impositions, l'application du « coefficient de neutralisation ».

La refonte du calendrier initial est indispensable dans la mesure où les premières échéances n'ont pu être tenues, puis les opérations gelées au premier semestre 2012. L'entrée en vigueur des nouvelles valeurs cadastrales doit donc être décalée. Pour tenir compte de la disponibilité des services fiscaux, comme de la nécessaire remobilisation des professionnels concernés et mettre en adéquation le calendrier de la révision et le calendrier électoral (incluant notamment les élections municipales de 2014), la commission des finances a choisi de repousser cette date au 1 er janvier 2015.

Le texte proposé procède donc au décalage d'une année des différentes étapes du processus de révision .

Il est essentiel que l'administration fiscale soit, le plus rapidement possible, en état de reprendre les processus interrompus. En effet, la généralisation de la révision risque de s'avérer plus délicate à mener que l'expérimentation qui a été conduite sans mettre en oeuvre l'intégralité des dispositifs de « droit commun » prévus par la loi. Ainsi, les commissions départementales n'ont pas été constituées et le coefficient de localisation n'a pas été mis en oeuvre. En outre, les grilles tarifaires ont été allégées et aucun tarif n'a été déterminé pour les catégories trop faiblement représentées au sein d'un secteur géographique (catégories dont par exemple le nombre de locaux est inférieur à 20).

Ces modalités particulières , parfaitement justifiables dans le cadre d'une expérimentation, ne seront pas possibles pour la généralisation. Elles constituent un facteur d'incertitude que l'on peut réduire en faisant du second semestre 2012 un « temps utile » .

Les mois à venir doivent être mis à profit pour mettre au point et publier les décrets indispensables à la création des commissions départementales, constituer ces mêmes commissions dans tous les départements, engager des campagnes de mobilisation des professionnels en vue d'améliorer le taux de retour des formulaires de déclaration, appeler l'attention des collectivités territoriales « multi-propriétaires » de locaux professionnels, dont le rapport de bilan souligne qu'elles seront un acteur déterminant des opérations de révision.

B. LE LISSAGE DES ÉVOLUTIONS DE COTISATIONS

Certains locaux vont connaître, du fait de la révision, des hausses importantes (bien que « raisonnables » en valeur absolue, rapportées aux chiffres d'affaires d'entreprises professionnelles). Le lissage de ces évolutions est donc souhaitable et son bien-fondé a d'ailleurs été admis dès les premières concertations conduites en 2009.

Le texte proposé par votre commission précise les conditions de l'application du lissage qui pourrait être mis en oeuvre. Il suggère une durée de cinq années et un seuil fixé à partir d'un écart de cotisation de taxe foncière supérieur à 10 % et à 200 euros. Afin de rester neutre budgétairement pour l'Etat et pour les collectivités territoriales, le lissage des évolutions doit s'appliquer aussi bien aux baisses qu'aux hausses de cotisations. Pour que sa gestion reste simple, le dispositif est identique sur l'ensemble du territoire et quel que soit le montant des écarts au-delà du seuil, d'application linéaire sur sa durée et il concerne l'ensemble des catégories de locaux.

Au total, selon les estimations fournies par la DGFiP, un peu moins de 50 % des locaux professionnels seraient ainsi concernés par le lissage.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel .


* 152 « Valeurs locatives cadastrales : la reprise rapide de la révision des locaux professionnels, un préalable à la seconde étape pour les locaux d'habitation ». Rapport d'information de MM. François Marc et Pierre Jarlier, fait au nom de la commission des finances n° 593 (2011-2012) - 13 juin 2012.

* 153 La commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels comprend deux représentants de l'administration fiscale, dix représentants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que neuf représentants des contribuables désignés par le représentant de l'Etat dans le département. Les représentants de l'administration fiscale participent aux travaux de la commission avec voix consultative.

* 154 La commission départementale des impôts directs locaux, présidée par le président du tribunal administratif territorialement compétent ou un membre de ce tribunal délégué par lui, comprend trois représentants de l'administration fiscale, six représentants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que cinq représentants des contribuables désignés par le représentant de l'Etat dans le département.

* 155 Dispositif facultatif qui permet d'ajuster les tarifs au sein des secteurs tarifaires.

* 156 Au total, l'expérimentation a porté sur 12 % de l'ensemble des locaux professionnels.

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