AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Lors de l'examen de la proposition de loi 1 ( * ) , dite « Fourcade », modifiant certaines dispositions de la loi HPST 2 ( * ) , le Parlement avait complété ce texte par un certain nombre de dispositions nouvelles qui ont été ensuite censurées par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec la version initialement déposée.
L'un de ces articles concernait, d'une part, la fusion de la caisse régionale d'assurance maladie et de la caisse régionale d'assurance vieillesse d' Alsace-Moselle , d'autre part, deux adaptations techniques du régime local d'assurance maladie complémentaire de ce même territoire.
Adopté une seconde fois par le Parlement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le même article a été - à nouveau - censuré par le Conseil constitutionnel, cette fois au titre de sa non-pertinence dans le champ d'une loi de financement.
Or cette mesure fait l'objet d' un large consensus politique , puisque plusieurs sénateurs et députés ont déposé des propositions de loi qui en reprennent les termes :
- Sénat n° 220 (2011-2012) du 21 décembre 2011 relative à la gouvernance de la sécurité sociale en Alsace-Moselle 3 ( * ) ;
- Sénat n° 55 (2011-2012) du 24 octobre 2011 relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité 4 ( * ) ;
- Assemblée nationale n° 3977 (XIII e législature) du 22 novembre 2011 relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité 5 ( * ) .
Ces deux derniers textes, identiques, sont toutefois plus larges puisqu'ils incluent également deux autres articles censurés par le Conseil constitutionnel dans la proposition de loi « Fourcade » : la première est relative à la composition du conseil d'administration de la caisse centrale du régime social des indépendants (RSI) ; la seconde au conseil supérieur de la mutualité et aux comités régionaux de coordination de la mutualité.
La disposition relative à la gouvernance de la sécurité sociale en Alsace-Moselle a donc déjà été adoptée deux fois par le Parlement, l'une avant les élections sénatoriales du 26 septembre 2011, l'autre après. Estimant qu'elle avait, en conséquence, été suffisamment examinée tant en commission qu'en séance, votre rapporteure a suggéré, début février 2012, de recourir à l'article 47 ter du Règlement du Sénat permettant à la Conférence des Présidents d'inscrire un texte à l'ordre du jour selon la procédure d'examen en séance publique abrégée, après débat restreint.
Cette initiative a permis de débloquer la situation : le Sénat a alors inscrit à l'ordre du jour de la séance du 6 mars 2012 la proposition de loi n° 3977, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale, ce qui a été fait le 27 février dernier.
Votre rapporteure se réjouit qu'une solution ait été finalement trouvée pour faire aboutir le processus législatif d'un texte résultant d'une disposition consensuelle, d'initiative locale et d'ordre technique.
Bien que le coeur de la proposition de loi soumise à l'examen du Sénat concerne l'Alsace-Moselle, celle-ci comporte, en définitive, trois volets distincts, sans lien entre eux, compte tenu des dispositifs RSI et mutualité qui y ont été joints.
A. LA GOUVERNANCE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN ALSACE-MOSELLE
1. Des particularités historiques
A la suite de la défaite de 1870 et de leur annexion à l'Allemagne, l'Alsace et la Moselle ont connu, plus tôt que le reste de la France, une législation d'assurance sociale très élaborée en bénéficiant des lois de Bismarck. Après le retour à la France en 1918, le dispositif allemand d'assurances sociales en vigueur depuis 1891 y a été maintenu pour une période transitoire, ensuite régulièrement reconduite ; il fut même étendu à l'ensemble des salariés locaux de l'industrie, du commerce et de l'agriculture.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Alsace et la Moselle furent de nouveau annexées à l'Allemagne et le régime local d'assurance sociale mis en cohérence avec le système allemand, si bien qu'à la Libération, une réforme était nécessaire.
En 1946, il fallut aussi introduire dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le régime général de la sécurité sociale créé par les ordonnances du 4 et du 19 octobre 1945.
Là encore, il fut décidé de maintenir le régime local, aux côtés du régime général, pour une période transitoire, dès lors que le premier pouvait, par certains aspects, être plus favorable que le second pour les assurés.
Le régime local d'assurance maladie devint alors un régime complémentaire obligatoire , aux modalités de gestion spécifiques et autonomes par rapport au régime de base.
Par ailleurs, la gouvernance des caisses gérant les régimes de base fut adaptée. Ainsi, une caisse régionale de sécurité sociale fut créée pour gérer les risques maladie et invalidité, de même qu'une caisse régionale d'assurance vieillesse des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle pour le risque correspondant.
Lors de la réforme nationale de 1960 sur l'organisation et le fonctionnement de la sécurité sociale, les caisses régionales de sécurité sociale et les caisses régionales d'assurance vieillesse fusionnèrent pour devenir des caisses régionales d'assurance maladie (Cram) comportant une branche vieillesse. En Alsace-Moselle, compte tenu des particularités du régime local, l'existence de la caisse régionale d'assurance vieillesse (Crav) fut préservée , puis confirmée par les ordonnances du 21 août 1967 relatives à l'organisation administrative et financière de la sécurité sociale.
Depuis cette date, le risque vieillesse est donc géré par la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) qui s'appuie sur le réseau des Cram partout en métropole, sauf en Alsace-Moselle et en Ile-de-France (région où la Cnav assure une gestion directe). Il n'existe donc une Crav qu'en Alsace-Moselle .
2. La création d'une caisse d'assurance retraite et de la santé au travail par fusion de la caisse régionale d'assurance maladie et de la caisse régionale d'assurance vieillesse
Depuis 1960, coexistent donc dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle deux structures, Cram et Crav, alors qu'ailleurs en France, une seule prend en charge les risques maladie et vieillesse.
En décembre 2008, les conseils d'administration de la Cram et de la Crav ont engagé un processus de rapprochement en votant le principe d'une direction commune aux deux organismes, décision effective en juillet 2009. Après plusieurs mois de travaux d'expertise, les conseils ont ensuite voté, en mars 2010, en faveur du principe de la fusion complète, qui doit permettre d'améliorer l'efficacité des caisses et de conforter la prise en compte de la cohérence territoriale spécifique de l'Alsace et de la Moselle. Cette initiative se justifie d'autant plus que certaines missions de la Cram et la Crav sont très proches, voire concurrentes, par exemple en matière de santé au travail, de maintien dans l'emploi des seniors ou d'action sociale.
Parallèlement, la loi HPST de 2009 a modifié l'organisation des Cram , en transférant certaines de leurs compétences et de leurs personnels aux nouvelles agences régionales de santé et en les transformant en caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) .
En conséquence, la proposition de loi vise à créer une Carsat d'Alsace-Moselle , qui regrouperait les missions exercées aujourd'hui par la Cram et par la Crav.
Comme pour les autres Carsat, le conseil d'administration sera composé de vingt et un membres, soit huit représentants des salariés, huit représentants des employeurs, un représentant de la mutualité française et quatre personnalités qualifiées. La seule différence réside dans le fait que l'une de ces personnalités qualifiées devra représenter l'instance de gestion du régime local d'assurance maladie .
Cette mesure entrera en vigueur au 1 er avril 2012.
3. La clarification du champ géographique pour l'affiliation au régime local d'assurance maladie complémentaire
Le régime local couvre 2,1 millions de bénéficiaires, en intégrant les ayants droit ; ils relèvent de plusieurs catégories d'assurés sociaux :
- les salariés du secteur privé et les contractuels de droit public travaillant dans l'un des trois départements ;
- les titulaires de revenus de remplacement (chômage, préretraite, invalidité) ayant préalablement cotisé au régime local ;
- les titulaires d'une pension de retraite qui peuvent justifier d'années de cotisations suffisantes.
En théorie, le régime local couvre également les salariés du secteur privé et les contractuels de droit public travaillant en dehors des trois départements mais dépendant d'une entreprise qui y a son siège. Or, cette règle n'est pas appliquée et pose des difficultés pratiques importantes, notamment en termes de recensement des personnes et entreprises potentiellement concernées.
La proposition de loi prévoit de mettre en cohérence la théorie et la pratique, en clarifiant le champ géographique du régime local. Seront dorénavant affiliés les salariés exerçant une activité dans l'un des trois départements, quel que soit le lieu d'implantation du siège de l'entreprise, et ceux d'un établissement implanté en Alsace-Moselle qui exercent une activité itinérante dans d'autres départements. Les assurés actuels qui n'entreraient plus dans le champ conserveront le bénéfice de l'affiliation tant qu'ils remplissent les conditions d'ouverture des droits.
Il existe également un régime local agricole qui couvre les salariés des professions agricoles et forestières ; les cotisations et prestations y sont différentes de celles du régime local « général ». En raison du faible nombre de ses assurés (42 311 bénéficiaires au 31 décembre 2009), ce régime souhaite continuer d'avoir la possibilité d'affilier les salariés travaillant hors d'Alsace-Moselle au sein d'une entreprise y ayant son siège social. Pour respecter la volonté des gestionnaires de ce régime de conserver le droit constant, la proposition de loi prévoit de préserver le champ actuel d'affiliation à ce régime.
* 1 Devenue loi n° 2011-940 du 10 août 2011. Voir l'ensemble des documents dans le dossier législatif du Sénat, à l'adresse http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-065.html.
* 2 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
* 3 Présentée par Gisèle Printz, Patricia Schillinger, Jean-Marc Todeschini, Roland Ries et Ronan Kerdraon.
* 4 Présentée par Philippe Leroy, Francis Grignon, Fabienne Keller, André Reichardt, Esther Sittler, Jean-Louis Lorrain et Catherine Troendle.
* 5 Présentée par Yves Bur, Emile Blessig, Jean-Louis Christ, Alain Ferry, Anne Grommerch, Arlette Grosskost, Antoine Herth, Denis Jacquat, Pierre Lang, François Loos, Jean-Philippe Maurer, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, André Schneider, Eric Straumann, André Wojciechowski et Michel Sordi.