C. INTRODUCTION DE CRITÈRES SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX
Le PIB par habitant est le principal critère retenu pour déterminer les différentes catégories de régions, au regard des aides d'intensités variables apportées par la politique de cohésion. Or, ce critère du PIB ne suffit pas, à lui seul, à mesurer finement l'état de développement d'une région. Il ne tient pas compte de facteurs sociaux importants, tels que les inégalités de revenus ou le taux de chômage. L'introduction de critères sociaux et environnementaux permettrait de définir avec plus de justesse les régions les plus vulnérables.
C'est pourquoi votre commission, à l'initiative de MM. Ronan Dantec et Joël Labbé, a complété la proposition de résolution par un alinéa additionnel qui regrette que le critère du PIB moyen par habitant demeure le principal critère d'éligibilité aux financements de la politique de cohésion et propose que des indicateurs sociaux et environnementaux soient également pris en compte afin de mesurer avec plus de pertinence le bien-être et les spécificités des territoires lors de la répartition des aides entre les régions européennes.
D. CONDAMNATION DE LA CONDITIONNALITÉ MACROÉCONOMIQUE
Le texte initialement présenté par M. Michel Delebarre à la commission des affaires européennes condamnait le principe de la conditionnalité macroéconomique en termes beaucoup plus vifs que ceux de la version finalement adoptée.
Ainsi, la généralisation de la conditionnalité macroéconomique à l'ensemble des fonds structurels était contestée, et non pas seulement regrettée, et jugée « illégitime, inutile, injuste, déstabilisante », et non pas seulement « contre-productive », comme l'a finalement énoncé la commission des affaires européennes.
Or, la conditionnalité macroéconomique, avec l'instauration de véritables sanctions à l'encontre des régions, apparaît éminemment contestable. De façon générale, un tel principe contreviendrait à l'essence même de la politique de cohésion, à savoir la cohésion économique, sociale et territoriale.
Ce principe est contestable pour trois autres raisons évidentes. D'abord, il soulève une profonde contradiction entre les responsabilités qui sont au niveau national et les conséquences financières qui se situent au niveau local : les collectivités territoriales ne peuvent être tenues pour responsables, et ainsi pénalisées, du non-respect par les États membres de leurs obligations en matière de gouvernance économique européenne. Cela équivaudrait, de fait, à une double peine qui viendrait ainsi s'ajouter aux sanctions financières prévues par le pacte de stabilité, qui ont été récemment renforcées. Ensuite, la conditionnalité macroéconomique ne s'appliquerait qu'à la politique de cohésion, alors que tous les États membres n'en bénéficient pas dans les mêmes conditions. Un problème d'égalité entre États membres peut être posé ici. Enfin, elle pourrait également dissuader les entreprises et les acteurs sociaux de s'engager dans des projets dont le financement européen pourrait être brutalement interrompu. Par ailleurs, la règle de l'équilibre budgétaire, qui exige que les gouvernements équilibrent leurs budgets au cours du cycle économique est un élément central du projet de traité budgétaire européen, actuellement en cours de négociations. Cette « règle d'or », imposée aux États membres, ne suffirait-elle pas à assurer leur équilibre budgétaire, rendant ainsi stérile le principe de conditionnalité macroéconomique ?
Votre rapporteur relève, par ailleurs, que l'ensemble des collectivités régionales et locales européennes est fermement opposé à la conditionnalité macroéconomique. Durant ces derniers mois, la présidente du Comité des régions, Mme Mercedes Bresso, l'a rappelé avec force lors de ses nombreuses interventions publiques. En outre, M. Michel Schneider, président du groupe PPE au Comité des régions, s'est également montré critique et sceptique à l'égard de ce principe, craignant que cela incite les collectivités territoriales à mettre en place des programmes très courts et des objectifs à court terme pour être sûres de ne pas perdre les financements : ce qui irait à l'inverse d'une politique structurelle complexe, porteuse d'une vision à long terme.
De même, une large majorité au Parlement européen est également opposée à ce volet des propositions de la Commission européenne. Ainsi, M. Lambert Van Nistelrooij, coordinateur du groupe PPE au sein de la commission du développement régional (REGI) et Mme Danuta Hübner, présidente de cette même commission REGI, s'opposent à la conditionnalité macroéconomique, considérant qu'elle est de nature à affaiblir la politique de cohésion. Mme Danuta Hübner juge, par ailleurs, qu'il s'agit là d'une « sanction indirecte » pour les régions. Mme Élisabeth Morin-Chartier, rapporteur pour la commission Emploi sur le fonds social européen (FSE), dénonce également l'aspect négatif de la conditionnalité macroéconomique des aides, concernant le FSE, qui pénaliserait lourdement des bénéficiaires déjà en grande difficulté.
Enfin, les gouvernements des États membres sont divisés en deux camps opposés, à peu près égaux, en ce qui concerne la conditionnalité macroéconomique. Ses partisans comptent notamment l'Italie, la France et l'Allemagne, et ses opposants entre autres la Pologne.
C'est pourquoi votre rapporteur propose de modifier l'alinéa 15 de la proposition de résolution, afin de revenir à une formulation plus ferme et tranchée pour condamner le principe de la conditionnalité macroéconomique.