B. UNE APPROCHE RÉPRESSIVE INFLATIONNISTE

1. L'inflation législative

Elle se fait tout d'abord par la multiplicité des lois votées successivement et dans la précipitation.

Citons plus spécialement pour la présente année, à titre d'exemples :

- la loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées ;

- la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ;

- la loi relative à la garde à vue ;

- la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Pour éclairer ce mouvement, il conviendrait d'ajouter certaines propositions de loi telles que celle visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

Nous devons nous interroger sur l'initiative législative.

M. Guy Carcassonne 85 ( * ) , écrivait dans le numéro 115 de la revue « Pouvoirs » en 2005 : « Un fait divers, une émotion quelconque mais aussi un problème tangible provoquent une démangeaison législative plus ou moins rapide. La loi est une réponse à défaut d'être une solution. On légifère d'abord puis, rarement et seulement si l'on n'a rien de plus rentable à faire, on réfléchit ensuite ».

M. Gilles Finchelstein 86 ( * ) , dans un essai intitulé « La dictature de l'urgence » écrit très justement que c'est bien souvent le « « 20 heures » télévisé qui relatant un fait divers entraine la procédure législative : c'est moins la loi qui fait l'évènement que l'évènement qui fait la loi ». L'urgence peut aboutir à de graves erreurs : confondre par exemple polygamie et adultère !

J'en veux pour preuve les interrogations que l'on peut avoir sur l'effectivité de nos lois. Saisit-on bien la suite des moyens qu'il faut pour faire vivre une loi ? Nous ne cessons de demander au juge pénal.

2. L'inflation des annonces pénitentiaires

Nous retrouvons cette approche répressive inflationniste dans l'actuelle politique pénitentiaire avec la surcharge des prisons (64 726 personnes incarcérées pour 56 081 places opérationnelles). Le taux de surpopulation atteignait au 1 er juillet dernier 115,4 % (110,1 % au 1 er juillet 2010).

Que penser des annonces successives du Président de la République ?

Nous avons entendu le Président de la République annoncer le programme « 13 200 » places pénitentiaires supplémentaires. Quelques mois après, 11 000 places venaient s'y ajouter. Le 22 juin 2009, voilà un autre chiffre de 5 000. Début 2011, il était question de 60 000 places de prisons pour 2017. Après « Pornic » nous étions à 70 000. Le 13 septembre 2011, le Président de la République annonce, pour l'horizon 2017, 80 000 places. Mais il conviendrait de différencier ces places.

Nous connaissons l'état de nos prisons mais comment conjuguer, avec cette méthode, programmation de réhabilitation et construction neuve, comment conjuguer construction neuve et maitrise foncière ? Nous nous éloignons de la rigueur de gestion prospective, du principe de la pluriannualité du plan. Tout n'est pas « soluble » dans l'enfermement. L'après-prison existe, il faut le prendre en considération, même si l'opinion n'y est pas sensible.

Pour rester dans le même registre, souhaitons :

- que le « transfert des transfèrements », décidé en 2006 et appliqué progressivement en 2011, soit correctement géré en prenant le temps du recrutement, de la formation des agents préposés, du dialogue entre le personnel de la pénitentiaire et les magistrats sans oublier le juste transfert des postes (le ministère de la justice estime lui-même que les 800 ETPT transférés sont insuffisants) ;

- que le nombre d'agents du service pénitentiaire d'insertion et de probation affecté au service des bracelets électroniques soit suffisant. Ces agents chargés de l'enquête de la faisabilité ainsi que du contrôle du respect des obligations travaillent dans des conditions très tendues.


* 85 Professeur de droit public à l'université de Paris X.

* 86 Directeur de la fondation Jean Jaurès.

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