d) Les autres politiques en marge du budget
(1) Le Fonds européen de développement (FED)
Le cadre financier du budget communautaire ne couvre ni les dépenses militaires , ni celles engagées au titre du Fonds européen de développement (FED) . Ces dépenses relèvent en effet d'une logique intergouvernementale, et elles sont financées par les Etats membres en fonction d'une clé différente de celle du budget de l'UE. En France, c'est ainsi la mission « Aide publique au développement » qui alimente le fonds.
Le FED, instrument le plus important dans l' aide à la coopération avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) de la Convention de Cotonou et avec les pays et territoires d'outre-mer (PTO), représente 22,7 milliards d'euros sur la période 2007-2013 (10 ème FED), soit 40 % du total de la rubrique 4 « action extérieure » du budget de l'UE sur la même période.
Alors que la Commission a déjà, dans le passé, proposé la budgétisation du FED , ce qui avait été rejeté par le Conseil européen en décembre 2005, une telle proposition est absente de ses propositions pour le prochain cadre financier . Ce point suscite des regrets de la part de vos rapporteurs spéciaux.
(2) Les mesures en faveur de la stabilisation financière en Europe
Aux termes de l'article 125 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), parfois qualifié de clause de « no-bail out » , « l'Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique ».
Malgré ces dispositions contraignantes et dans le but de rassurer les marchés quant à un risque d'extension et d'aggravation de la crise la zone euro, il a été adopté un premier plan d'aide à la Grèce par un accord intergouvernemental de l'Eurogroupe le 2 mai 2010 14 ( * ) et, surtout, le Conseil a décidé, le 9 mai 2010, d'arrêter des mesures visant à préserver la stabilité financière en Europe.
Ce mécanisme comprend un volet strictement communautaire , le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF), mis en place par un règlement en date du 11 mai 2010, et un volet intergouvernemental , fondé sur un accord conclu le 7 juin 2010 entre les Etats membres de la zone euro et créant le Fonds européen de stabilité financière (FESF) .
Mis en place depuis le 4 août 2010, ce dernier doit permettre d'apporter, d'ici au 30 juin 2013, sous forme de prêts ou de lignes de crédits, jusqu'à 440 milliards d'euros , dans des conditions similaires à celles du Fonds monétaire international (FMI), chaque Etat membre de la zone euro octroyant une garantie proportionnelle à sa quote-part dans le capital de la Banque centrale européenne (BCE). Outre ce volet intergouvernemental, le volet communautaire, le MESF , permet à l'Union européenne de mobiliser jusqu'à 60 milliards d'euros de prêts, contractés par la Commission européenne sur les marchés de capitaux ou auprès d'institutions financières, pour venir en aide à un Etat qui connaît de graves perturbations économiques et financières ou une menace sérieuse de telles perturbations, en raison d'évènements exceptionnels échappant à son contrôle.
A ces deux volets (FESF et MESF), d'un montant global de 500 milliards d'euros, s'ajoutent 250 milliards d'euros de prêts du FMI , le dispositif étant en effet activé dans le cadre d'une mesure de soutien commune Union européenne/FMI, ce qui porte la potentialité totale du dispositif européen actuel de stabilisation financière à 750 milliards d'euros .
Le FESF et le MESF doivent être remplacés, en principe à la mi-2013, par un dispositif unique, le Mécanisme européen de stabilité (MES), d'une capacité de prêt de 500 milliards d'euros. L'Allemagne propose d'anticiper sa mise en place dès 2012.
Les réformes du FESF décidées le 11 mars 2011 et le 21 juillet 2011 doivent prochainement entrer en vigueur, lorsque l'ensemble des Etats participants auront notifié l'adoption des amendements à l'accord-cadre 15 ( * ) :
- le 11 mars 2011, les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro sont convenus de porter la capacité de prêt effective du FESF à 440 milliards d'euros 16 ( * ) et d'autoriser ses interventions sur le marché primaire ;
- le 21 juillet 2011, ils sont convenus de l'autoriser à intervenir sur le marché secondaire, à accorder des prêts à titre de précaution et à permettre la recapitalisation des établissements financiers par des prêts aux gouvernements.
Vos rapporteurs spéciaux relèvent la lenteur qui caractérise la mise en oeuvre des mesures annoncées - des mesures annoncées le 11 mars ne sont toujours pas en vigueur plus de sept mois plus tard -, tout comme ils déplorent que l'objectif de parvenir à un accord entre le Conseil et le Parlement européen sur la réforme du pacte de stabilité à la fin du mois de juin 2011 n'ait pas été tenu 17 ( * ) , le Parlement européen n'ayant adopté les textes concernés que le 28 septembre 2011. Ils constatent que la prise de décision est paralysée par la règle de l'unanimité : tel est le cas de l'adoption des conclusions des conseils européens, des déclarations des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro, ou, encore, des accords de droit privé (FESF) ou public (futur MES) instaurant les différents dispositifs. Les traités relatifs au FESF et au MES prévoient, en outre, explicitement la prise de décision à l'unanimité dans le fonctionnement des deux mécanismes.
Pour sa part, votre commission des finances, s'appuyant sur les travaux de certains économistes 18 ( * ) , a plaidé au mois de septembre 2011 en faveur de la mise en place d'un fonds de plus grande envergure « branché » sur la BCE , qu'elle propose d'appeler « Fonds monétaire européen » . Elle a exposé sa position de manière argumentée dans un rapport récent de notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général 19 ( * ) . Concrètement, il s'agirait pour l'essentiel de transformer le FESF en banque , afin de lui permettre de se financer auprès de la BCE, et de disposer ainsi d'une capacité de prêt d'au moins 2 000 milliards d'euros , nécessaire pour écarter le risque d'une augmentation autoréalisatrice des taux d'intérêts de l'Espagne et de l'Italie, qui si elle se produisait conduirait ces Etats au défaut, et provoquerait une crise économique majeure. Cette position est depuis devenue celle du Gouvernement . L'UE devra avoir défini sa position d'ici la réunion du G20 des 3 et 4 novembre 2011. Vos rapporteurs spéciaux n'ignorent pas qu'un abaissement de la note de la France pourrait avoir pour conséquence de réduire fortement l'efficacité du dispositif , aussi dissuasif qu'il puisse apparaître.
A côté du FESF et du MESF, il demeure le mécanisme de soutien financier des balances des paiements destiné aux Etats membres situés hors de la zone euro , généralement accordé conjointement avec une intervention du FMI et qui est mis en place depuis 2009. Par emprunt de la Commission sur le marché des capitaux au nom de l'Union, ce mécanisme prévoit, aux conditions de l'emprunt, l'octroi de prêts à ces pays, qui doivent à terme rembourser la Commission. Ce dispositif a vu ses possibilités d'assistance financière progressivement relevées dans le contexte d'une évolution de la conjoncture économique ayant rendu encore plus nécessaire l'utilisation de ces soutiens.
En outre, en vue de ne pas se heurter à la clause de « no-bail out », que l'Allemagne invoque régulièrement et qui fait courir le risque d'un ralentissement de la mise en oeuvre du MES, une modification des traités est envisagée. Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, il s'agirait donc d'ajouter le paragraphe suivant : « les Etats membres dont la monnaie est l'euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L'octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité ». Selon la décision du Conseil européen du 25 mars 2011, cette modification doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2013, à condition que toutes les notifications aient été reçues.
* 14 Cet accord a conduit à la loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010. Au total, il s'agit sur trois ans de 80 milliards d'euros des Etats membres et de 30 milliards d'euros du Fonds monétaire international (FMI), soit un total de 110 milliards d'euros.
* 15 Les amendements ont été ratifiés par l'ensemble des Etats, le dernier ayant été la Slovaquie, le 13 octobre 2011.
* 16 Les garanties apportées au FESF par les Etats membres étaient initialement de 440 milliards d'euros. Or, le FESF ne peut disposer de la notion « triple A » que tant qu'il emprunte pour un montant égal à la somme des garanties des Etats eux-mêmes notés « triple A », soit 255 milliards d'euros. La garantie des Etats doit donc être portée à 780 milliards d'euros, pour permettre au FESF de disposer d'une capacité de prêt effective de 440 milliards d'euros. En France cette augmentation de la garantie a été autorisée par la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011.
* 17 Le Conseil européen de décembre 2010 « a appelé de ses voeux l'accélération des travaux relatifs aux six propositions législatives sur la gouvernance économique, sur la base des recommandations du groupe de travail approuvées en octobre dernier (...), afin que ces propositions puissent être adoptées d'ici juin 2011 ».
* 18 Cf . en particulier Daniel Gros et Thomas Mayer, « August 2011 : What to do when the euro crisis reaches the core », CEPS Commentary, 18 août 2011.
* 19 Rapport sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, publié le 8 septembre dernier (n° 787, 2010-2011).