III. LES RETRAITES APRÈS LA RÉFORME DE 2010
L'année 2011 est marquée par l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, et notamment du relèvement progressif de deux ans de l'âge légal de départ en retraite. S'ouvre ainsi une période transitoire durant laquelle les conditions de liquidation des retraites vont varier selon la génération concernée.
Si l'on peut déjà quantifier en grande partie l'effet mécanique de ces mesures sur les flux de départ en retraite, il est en revanche encore trop tôt pour mesurer leur incidence exacte sur la situation des futurs pensionnés, comme sur celle des seniors qui ne pourront plus faire valoir leurs droits à compter de soixante ans. Les vives préoccupations exprimées lors du débat de 2010 restent aujourd'hui entières sur ce point.
L'un des volets de la réforme - la prise en compte de la pénibilité - a fait l'objet de mesures d'application réglementaires décevantes qui paraissent très restrictives au regard de l'importance qui lui avait été donnée lors du vote de la loi.
L'impact de la réforme sur le niveau des pensions et les taux de remplacement, notamment pour les assurés dont les parcours professionnels ont été les moins favorables, demeure un sujet d'inquiétude.
Enfin, votre rapporteure donnera un éclairage sur la question de l'épargne retraite, abordée lors du vote de la loi de 2010, et qui vient de faire l'objet d'un sévère constat dressé par la Cour des comptes.
A. LES MESURES D'ÂGE ET LEURS INCIDENCES
1. Les mesures d'application générale
Les mesures prises par voie réglementaire depuis la réforme des retraites de 2010
Les mesures d'âge prévues par la réforme des retraites ont été mises en oeuvre à travers plusieurs décrets publiés fin 2010 et courant 2011.
Elles s'appliquent au régime général, au régime social des indépendants, aux régimes des salariés et des non-salariés agricoles, au régime des professions libérales et aux trois fonctions publiques. En ce qui concerne les autres régimes spéciaux 10 ( * ) , la réforme doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2017, compte tenu de la montée en charge de l'harmonisation des principaux paramètres de droits et de calculs avec la fonction publique engagée en 2008. Cependant, la réforme a d'ores et déjà été transposée par décret depuis le début de l'année pour la plupart de ces régimes spéciaux.
Pour l'ensemble des régimes, hors régimes spéciaux, le décret n° 2010-1734 du 30 décembre 2010 a ainsi fixé le calendrier de relèvement progressif de l'âge d'ouverture du droit à la retraite pour les assurés nés avant le 1 er janvier 1956. Cet âge est de soixante ans et quatre mois pour les assurés nés entre le 1 er juillet et le 31 décembre 1951 , puis augmente de quatre mois par année pour atteindre soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1 er janvier 1956.
Le même décret a porté la durée d'assurance requise pour l'attribution d'une pension à taux plein de 164 à 165 trimestres pour les assurés nés en 1953 et 1954 .
Enfin, c'est en 2011 qu'a été mis en oeuvre pour la première fois le nouveau mécanisme de fixation de cette durée d'assurance . L'article 17 de la loi portant réforme des retraites a en effet retenu le principe d'un dispositif glissant dans lequel la durée d'assurance est fixée pour chaque génération quatre ans avant qu'elle n'atteigne l'âge de soixante ans, après avis technique du Conseil d'orientation des retraites sur l'évolution respective de la durée d'activité et de la durée de retraite moyenne en fonction des gains d'espérance de vie à soixante ans.
Sur cette base, un décret paru le 1 er août dernier a majoré d'un trimestre (166 au lieu de 165, soit quarante et une années et demie) la durée d'assurance requise pour l'attribution d'une pension à taux plein pour la génération née en 1955 .
Lecture : pour la génération 1955, qui aura soixante ans en 2015, l'espérance de vie à prendre en compte (estimée par l'Insee cinq ans avant) est égale à 24,42 ans. A durée d'assurance inchangée (soit 41,25 ans), le rapport entre la durée d'assurance (41,25) et la durée moyenne de retraite (égale à 24,42 - (41,25 - 40) serait égal à 1,78, ce qui ne permet pas d'atteindre la cible de 1,79, correspondant à la valeur de ce ratio en 2003. La durée est donc augmentée d'un trimestre, à 41,5 ans, ce qui conduit à un ratio de 1,81 (rapport entre la durée d'assurance (41,5) et la durée moyenne de retraite (24,42 - (41,5 - 40), soit 22,92).
Source : Conseil d'orientation des retraites
Comme l'illustre le tableau ci-dessus, il s'agit de maintenir le ratio durée d'assurance/durée de la retraite à son niveau de 2003, soit 1,79. En d'autres termes, les gains d'espérance de vie à soixante ans sont répartis entre une progression de la durée d'assurance et une progression de la durée moyenne de retraite, de façon à maintenir leur rapport constant égal à 1,79.
Pour la génération née en 1956, la durée d'assurance requise sera fixée en 2012 selon la même procédure et il en ira de même, chaque année, pour les générations suivantes.
Le nouvel échéancier d'évolution des bornes d'âge et des durées d'assurance
En application des différents textes réglementaires précédemment mentionnés, l'évolution des bornes d'âge et de la durée d'assurance évoluera selon l'échéancier retracé dans le tableau ci-après.
Evolution des bornes d'âge
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Date de naissance |
Age minimal de départ en retraite |
Durée d'assurance pour le taux plein |
Age minimal pour le taux plein |
avant 1949 |
60 ans |
160 trimestres |
65 ans |
en 1949 |
60 ans |
161 trimestres |
65 ans |
en 1950 |
60 ans |
162 trimestres |
65 ans |
entre le 1 er janvier 1951 et le 30 juin 1951 |
60 ans |
163 trimestres |
65 ans |
entre le 1 er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 |
60 ans et 4 mois |
163 trimestres |
65 ans et 4 mois |
en 1952 |
60 ans et 8 mois |
164 trimestres |
65 ans et 8 mois |
en 1953 |
61 ans |
165 trimestres |
66 ans |
en 1954 |
61 ans et 4 mois |
165 trimestres |
66 ans et 4 mois |
en 1955 |
61 ans et 8 mois |
166 trimestres |
66 ans et 8 mois |
en 1956 |
62 ans |
à fixer avant 2012 |
67 ans |
Cet échéancier va provoquer des flux de départ en retraite très heurtés d'ici 2018 , avec des pics en 2014 et 2018, correspondant à des départs potentiels d'effectifs équivalents à une génération entière, et des creux dans les années au cours desquelles seuls pourront partir les deux tiers d'une génération.
Les économies liées au décalage de l'âge de départ sont estimées, pour le seul régime général , à 900 millions d'euros chaque année entre 2011 et 2018 , soit une économie cumulée de 6,6 milliards pour l'année 2018.
Le relèvement de l'âge légal devrait mécaniquement entraîner une hausse des durées validées moyennes. De ce fait, la proportion des départs avec décote devrait légèrement diminuer , passant de 8 % des pensions liquidées en 2010 à 6 % en 2012, avant de remonter à 7 % en 2020.
La proportion des départs avec surcote devrait baisser fortement , passant de 17 % des pensions liquidées en 2011 à 10 % seulement en 2020.
* 10 SNCF, RATP, industries électriques et gazières, clercs et employés de notaires, Opéra de Paris, Comédie française et Banque de France.