b) Une recapitalisation inévitable... selon le scénario du pire

Le 27 août 2011, les déclarations de la directrice générale du FMI en faveur d'une restructuration et d'une recapitalisation « substantielle » des banques de la zone euro ont été le plus souvent perçues comme alarmistes et malvenues. Le 12 octobre, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, admettait l' « urgence » d'un tel processus pour faire face à une crise de la zone euro qualifiée de « systémique ». Le consensus sur cette perspective se construit donc rapidement.

Si l'on se fonde sur l'Etat réel des bilans bancaires, la nécessité d'une telle recapitalisation n'est cependant pas évidente 60 ( * ) , dans la mesure où elle suppose la réalisation d'un événement que l'on considère encore comme peu probable mais destructeur pour la zone euro : un défaut au moins partiel de l'Espagne et de l'Italie. En effet, les banques européennes ont continûment augmenté leurs fonds propres depuis fin 2008 et sont aujourd'hui en mesure d'absorber une décote de 50 % sur leur exposition à la dette publique de la Grèce et du Portugal.

Selon le département de recherche économique de la banque Natixis, les fonds propres des banques de la zone euro s'élevaient, au 1 er septembre 2011, à 766,2 milliards d'euros 61 ( * ) . Une décote de 50 % sur la dette publique de la Grèce et du Portugal aboutirait à une réduction de 8 % des fonds propres de ces banques , dont seulement 3,5 % pour ceux des banques françaises, ce qui ne compromettrait pas leur activité. En revanche, un défaut de 30 % sur l'ensemble de la dette italienne, publique et privée, aurait un coût d'environ 750 milliards d'euros pour les contreparties européennes, ce qui en fait un « risque extrême » pour l'ensemble du secteur bancaire, et au-delà, pour toutes les économies de la zone euro. Les mêmes auteurs estiment que :

- si le niveau des fonds propres est légèrement plus élevé qu'aujourd'hui, il n'empêche pas la faillite des banques en cas de survenance du risque italien ;

- si ce niveau est très élevé, il incite les banques à courir ce risque extrême.

Comme il a été évoqué plus haut, les Etats doivent composer avec les perceptions parfois irrationnelles des acteurs de marché et oeuvrer à rétablir la prise en compte des fondamentaux économiques. La démarche de recapitalisation, au même titre que la garantie publique apportée à Dexia, doit donc aussi être envisagée sous un autre angle que celui de l'examen ponctuel et objectif des bilans bancaires : contribuer à la restauration de la confiance et inverser les prédictions auto-réalisatrices pour prévenir la réalisation d'un risque dont le seul libre cours des anticipations des investisseurs contribuerait à renforcer la probabilité d'occurrence.

Lors de son audition par votre commission des finances le 12 octobre 2011, Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, a ainsi indiqué :

« La dichotomie est moins forte qu'elle ne l'était il y a quinze jours. Avant le G20 de Washington, la BCE critiquait la recapitalisation prônée par le FMI. À Washington, certains aspects méthodologiques ont été clarifiés, les écarts d'analyse réduits, le consensus a progressé : indiquer que les banques européennes disposent du capital suffisant peut contribuer au retour de la confiance, quelle que soit l'analyse fondamentale sur le niveau d'adéquation des fonds propres aujourd'hui. La rationalité pure des chiffres n'est plus la seule : il faut tenir compte des signaux qu'envoie le marché. Or il doute de la capacité des banques à absorber les chocs . [...] Je ne doute pas de la capacité des Etats à rembourser leur dette, mais ce n'est pas le cas des marchés. Il y a urgence à casser une dynamique . D'où la nécessité d'une réponse globale sur la dette souveraine. »


* 60 S'agissant des banques françaises, Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, a indiqué, lors de son audition par votre commission le 12 octobre 2011, que « les ratios actuels de nos banques, en matière de niveau de capitalisation, sont confortables. Leur notation, à l'aune des comparaisons internationales, est favorable. »

* 61 Contre 747,6 milliards d'euros fin 2010, 696,6 milliards d'euros fin 2009 et 595,3 milliards d'euros fin 2009.

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