2. Un soutien nécessaire et déterminé par le souci de préserver les deniers publics
La situation insurmontable de Dexia fin septembre 2011 justifiait que les trois Etats décident d'une action urgente mais qui ne laissait en définitive guère le choix des moyens.
a) Une urgence manifeste
L'urgence est clairement motivée par la taille du bilan du groupe - près de 520 milliards d'euros au 30 juin 2011 - et la nature de ses activités, qui lui confèrent un caractère systémique pour les trois pays 29 ( * ) , si ce n'est à l'échelle européenne. Un « abandon » de Dexia mettrait en péril les finances de nombreux clients et contreparties, considérant son rôle prépondérant dans la banque de détail en Belgique, ses parts de marché dans le financement des collectivités territoriales d'au moins quatre pays (Belgique, Espagne, France et Italie) ou son exposition aux dettes souveraines de la Grèce et de l'Italie.
b) La garantie publique est apparue comme le meilleur compromis possible entre coût et efficacité
Trois options était théoriquement envisageables pour un soutien : la nationalisation de Dexia SA, la mise à contribution des créanciers seniors et un mécanisme de garantie publique des financements.
L'appel à contribution des créanciers seniors non sécurisés présentait des risques et ne permettait pas d'apporter une réponse suffisante et pérenne , compte tenu des choix de financement à long terme de Dexia, qui reposent très largement sur des obligations sécurisées. L'encours de créances seniors non sécurisées susceptibles d'être décotées serait donc insuffisant et aboutirait rapidement à la mobilisation des « créanciers ultimes » que sont les actionnaires, en particulier publics.
La voie de la nationalisation ou de la recapitalisation massive a également été écartée en raison de nombreux obstacles :
- Dexia étant coté à Bruxelles sur le marché Euronext, une nationalisation franco-belge - hypothèse en soi assez audacieuse - requerrait de suivre la procédure très encadrée de l'offre publique d'acquisition suivie d'une offre publique de retrait obligatoire, pour désintéresser les actionnaires minoritaires détenant les 28,9 % de capital « flottant 30 ( * ) » et sortir Dexia de la cote ;
- la probable présence de hedge funds au capital de Dexia ferait courir le risque d'un échec de l'offre publique de retrait ou d'un « chantage » à la valorisation, potentiellement coûteux pour les actionnaires publics ;
- l'accord de la Commission européenne au titre des aides d'Etat serait sans doute compromis, et à tout le moins soumis à de strictes conditions, telles que la mise en oeuvre d'un plan de démantèlement ordonné ;
- l'impact sur les comptes publics serait immédiat , alors que les Etats français et belges disposent de marges de manoeuvre extrêmement réduites dans un contexte de fortes incertitudes sur la croissance.
In fine , le choix des dirigeants de Dexia et des gouvernements belge, français et luxembourgeois a été dicté par l'exigence du meilleur compromis possible entre la nécessaire préservation de la notation des Etats , en particulier celle de la France, et l'efficacité, c'est-à-dire la probabilité d'une restauration de la liquidité du groupe. Votre rapporteure générale juge que la nécessité de maintenir la notation AAA de la France a été déterminante dans le choix de la garantie publique.
Cette dernière est supposée avoir deux vertus , défensive et offensive : dissuader la spéculation à la baisse et encourager le retour des investisseurs obligataires. Elle constitue ainsi un élément structurant de la confiance et d'un retour pérenne de Dexia sur les marchés. En apportant une solution au problème de la liquidité, elle doit permettre d'alléger la pression à court terme sur le groupe bancaire pour que ce dernier « gagne du temps » et poursuive dans de meilleures conditions son plan de cessions d'actifs et d'allègement du bilan.
Cette garantie n'est cependant pas suffisante en soi car la perception négative des marchés est alimentée par plusieurs facteurs ayant notamment trait au profil de risque de certains éléments du bilan, tels que les créances souveraines et le portefeuille de prêts structurés de DexMA. Son efficacité est donc tributaire d'autres mesures structurelles sur l'organisation du groupe , tendant à accélérer son démantèlement.
* 29 De fait, les critères appliqués par le Conseil de stabilité financière et le Comité de Bâle ne conduisent pas à retenir Dexia comme une institution financière d'importance systémique au niveau mondial (une « Global SIFI »).
* 30 Au 30 juin 2011, 28,9 % du capital était considéré comme « flottant », c'est-à-dire après extraction des détentions supérieures à 5 %, de la part détenue par CNP Assurances, de l'actionnariat salarié et de l'autocontrôle. L'identité des actionnaires détenant ce capital n'est pas connue compte tenu de la nationalité belge de Dexia, qui ne permet pas de réaliser une enquête dite « TPI » (titres au porteur identifié).
La répartition géographique des actionnaires détenant ces 28,9 % était néanmoins la suivante : Etats-Unis 23,1 %, France 22,4 %, Royaume-Uni 14,6 %, Belgique 10,6 %, Norvège 6,8 %, Pays-Bas 6 %, Allemagne 4,9 %, autres pays 11,6 %.