ARTICLE 1er C (Art. 279 du code général des impôts) Suppression du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux parcs à thème, ainsi qu'aux parcs zoologiques et botaniques
Commentaire : le présent article vise à appliquer le taux normal de TVA (19,6 %) aux entrées des parcs à thème et à celles des parcs zoologiques et botaniques.
I. LE DROIT EXISTANT
A. UNE FACULTÉ OUVERTE PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE
Le point 2 de l'article 98 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la TVA permet l'application d'un taux réduit de la TVA à certains biens et services figurant à l'annexe III de ladite directive.
Parmi ces biens et services se trouve le droit d'admission aux parcs d'attractions ainsi qu'aux zoos (catégorie 7 de l'annexe III).
Par deux arrêts (Commission/France, affaires C-481/98 du 3 mai 2001 et C-384/01 du 8 mai 2003), la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE) est venue préciser qu'il n'existe pas d'obligation pour un Etat membre de soumettre au même taux de TVA l'ensemble d'une catégorie de l'annexe, sous réserve que cette modulation n'entraîne pas de distorsions de concurrence.
Selon la Commission européenne, les Etats membres ont, par conséquent, la faculté d'appliquer le taux réduit à l'une des catégories visées, considérée dans son ensemble ou à l'un seulement de ses composants . La Commission recommande seulement aux Etats d'éviter les distinctions trop complexes à mettre en oeuvre par les opérateurs.
B. UN TAUX RÉDUIT DE TVA POUR LES PARCS À THÈME
Ainsi, la France applique un taux réduit de TVA à 5,5 % aux parcs à thème, considérés comme une sous-catégorie des parcs d'attraction . Ce taux est en vigueur depuis l'entrée en application de la loi n° 86-1318 du 13 décembre 1986 de finances rectificative pour 1986 (article 22).
Cette application se justifie par la définition stricte desdits parcs à thèmes, qui permet de les distinguer sans équivoque des autres parcs de loisirs pour lesquels prime l'aspect sportif ou récréatif. En effet, le b nonies de l'article 279 du code général des impôts (CGI) soumet au taux réduit de 5,5 % « les droits d'entrée perçus pour la visite des parcs à décors animés qui illustrent un thème culturel et permettent la pratique d'activités directement liées à ce thème ». Ces parcs doivent notamment être aménagés et comporter des décors animés au moyen de figurines ou de personnages vivants, de projections sur écran ou de tout autre procédé mécanique ou audiovisuel, ces décors illustrant le thème culturel qui préside à la conception d'ensemble du parc considéré.
Le même article du CGI précise que « les attractions, manèges, spectacles, loteries, jeux et divertissements sportifs présentés à titre accessoire dans ces parcs demeurent soumis au taux qui leur est propre ». Il en est de même des recettes procurées par la vente d'articles divers et des ventes à consommer sur place.
Lorsqu'un prix forfaitaire et global donne l'accès à l'ensemble des manifestations organisées, l'exploitant doit faire apparaître dans sa comptabilité une ventilation des recettes correspondant à chaque taux.
C. UN TAUX RÉDUIT DE TVA POUR LES PARCS ZOOLOGIQUES ET BOTANIQUES
L'article 4 de la loi n° 71-1025 du 24 décembre 1971 de finances rectificative pour 1971 a instauré le taux réduit applicable aux droits d'entrée pour la visite des parcs zoologiques , sous réserve que ceux-ci ne comportent pas d'attractions autres que la présence d'animaux (article 279 b ter du CGI).
Cette condition a été supprimée par l'article 22 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 de finances pour 1988 qui a également soumis au taux réduit de la TVA les parcs botaniques .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à appliquer le taux normal de TVA (19,6 %), d'une part, aux entrées des parcs à thème et, d'autre part, à celles des parcs zoologiques et botaniques .
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de nos collègues députés Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, Hervé Novelli, Michel Bouvard, Philippe Vigier et Jean-Claude Sandrier, de suppression de cet article .
Pour compenser la perte de recette, elle a adopté un amendement présenté par le Gouvernement et proposant la création d'une taxe sur le chiffre d'affaires relatif aux prestations d'hébergement des hôtels de luxe relevant de la catégorie des quatre et cinq étoiles, dont le dispositif a été conçu pour procurer un rendement équivalent à celui de la mesure proposée par le présent article 130 ( * ) .
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LA REMISE EN CAUSE D'UNE NICHE EN MATIÈRE DE TVA : LA LEVÉE D'UN TABOU
Dans son rapport « Comment définir et chiffrer les allégements de prélèvements obligatoires ? » 131 ( * ) , votre rapporteur général rappelait que l'ensemble des taux réduits de TVA doivent être considéré comme des dépenses fiscales . Or, à cet égard, il convient de souligner que le taux réduit de TVA appliqué aux entrées des parcs à thème et à celles des parcs zoologiques et botaniques ne représente pas, dans la méthodologie retenue jusqu'à présent par le Gouvernement, une dépense fiscale. En fonction de cette méthodologie, 21 milliards d'euros de coût de réduits de TVA sont exclus de la catégorie « dépense fiscale ».
Le redressement de nos finances publiques passe pourtant par la remise en cause des niches fiscales, y compris lorsque celles-ci correspondent à un taux réduit en matière de TVA. Ces taux réduits coûtent en effet environ 40 milliards d'euros 132 ( * ) . Selon le Gouvernement 133 ( * ) , un point d'augmentation de la TVA rapporte 0,4 milliard d'euros pour le taux super-réduit (2,1 %) et 2,3 milliards d'euros pour le taux réduit (5,5 %) 134 ( * ) .
Dans ces conditions, même s'il n'entrera pas en vigueur, le présent article constitue au moins une avancée dans la réflexion sur les voies à suivre en vue de l'amélioration de nos finances publiques. Il représente un précédent utile en permettant d'acclimater les esprits à des décisions à venir en matière de TVA et renvoyant à des enjeux budgétaires plus lourds.
B. REVENIR SUR DES DISTORSIONS DE CONCURRENCE... OU EN CRÉER DE NOUVELLES ?
Selon l'évaluation préalable du présent article réalisée par le Gouvernement , le régime actuellement applicable en matière de TVA « établit une distorsion de concurrence entre plusieurs activités qui ont toutes des finalités de loisir ».
Cette évaluation précise qu'« alors que les parcs à thème, les jeux et manèges forains ou encore les parcs zoologiques et botaniques bénéficient du taux réduit de la TVA, les parcs aquatiques, les jeux de plein air (balançoires, toboggans...) ainsi que les activités sportives demeurent soumis au taux normal de la TVA ».
L'objectif du présent article consisterait donc à revenir sur ces distorsions de concurrence , préjudiciables à un bon fonctionnement du marché sur ce segment des activités de loisir.
Pour autant, en ramenant le taux de TVA à 19,6 % sur les entrées des parcs à thème et des parcs zoologiques et botaniques, de nouvelles distorsions vont immanquablement apparaître .
En effet, dans ce schéma, les jeux et les manèges forains , par exemple, bénéficieront encore du taux réduit de TVA à 5,5 %, en application du b bis de l'article 279 du CGI. Le Gouvernement reconnait d'ailleurs implicitement ce « biais » puisque, pour justifier le maintien de ce taux réduit pour les activités de jeux et de manèges forains, l'évaluation préalable souligne que les attractions foraines sont exercées par une « catégorie socioprofessionnelle aux revenus modestes dont les équilibres économiques sont de ce fait fragiles ». C'est d'ailleurs pourquoi le présent article ne revient pas sur l'application du taux réduit de TVA dans ce domaine là des activités de loisir.
D'autres activités se verront également toujours soumises à un taux réduit de TVA, telles que les entrées dans les musées , les monuments , les grottes , les cirques , les théâtres , les spectacles de variétés 135 ( * ) ... en application de l'article 279 du CGI.
C. UN RENDEMENT FINANCIER LIMITÉ
Selon l'évaluation préalable du présent article réalisée par le Gouvernement, la suppression du taux réduit de la TVA relatif aux parcs à thème devrait engendrer 7,6 millions d'euros de recettes supplémentaires sur le dernier trimestre 2011 et 54 millions d'euros en année pleine.
La suppression du taux réduit de la TVA relatif aux parcs zoologiques et botaniques devrait produire, quant à elle, 5 millions d'euros sur le dernier trimestre 2011 et 36 millions d'euros en année pleine.
Au total, 90 millions d'euros en année pleine sont donc attendus de l'entrée en vigueur du présent article.
On ne peut manquer de relever le caractère très limité du rendement financier de cette mesure au regard des dispositions proposées par le présent projet de loi de finances rectificative , une marge de manoeuvre de l'ordre de 11 milliards d'euros étant attendue au total. Sur ce montant, le présent article représente 0,008 % du gain espéré.
D. UN IMPACT ÉCONOMIQUE CONTESTÉ
Le dispositif proposé par le présent article est, sans surprise, contesté par les professionnels. Le Syndicat national des espaces de loisirs, d'attractions et culturels (SNELAC) a ainsi souligné que « les parcs de loisirs sont l'incarnation d'un tourisme de proximité, accessible à tous quand on ne peut pas se payer de vacances coûteuses ».
Le SNELAC a par ailleurs rappelé que le secteur des parcs à thème constitue « un acteur majeur de l'économie touristique, représentant 70 millions de visites annuelles, un chiffre d'affaires de 2,3 milliards d'euros, 23 000 salariés directs et 100 000 emplois directs, indirects ou induits ».
Cependant, l'évaluation préalable du présent article réalisée par le Gouvernement souligne que « le prix du seul billet d'entrée dans un parc à thème, zoologique ou botanique ne représente qu'une fraction des dépenses totales qui sont en pratique supportées par les clients à l'occasion de leur visite dans ces lieux ».
Par ailleurs, une partie de la clientèle de ces parcs, notamment dans le cas des parcs à thème, est souvent une clientèle touristique (parfois étrangère) captive et pour laquelle le coût marginal du prix du billet d'entrée pourrait n'avoir que peu d'incidence sur la décision d'achat.
S'agissant de la première remise en cause d'une niche en matière de TVA, son ciblage sur un dispositif représentant un enjeu financier limité et peu susceptible de désorganiser économiquement le secteur n'est donc pas critiquable.
E. LA PERSPECTIVE D'UN TAUX INTERMÉDIAIRE DE TVA ?
La directive TVA du 28 novembre 2006 ouvre la possibilité aux Etats membres de créer un ou deux taux réduits de TVA (nécessairement supérieurs à 5 %). La France n'ayant instauré, à ce jour, qu'un seul taux réduit (à 5,5 %), elle dispose donc de la faculté de s'appuyer sur un second taux, hypothèse couramment évoquée sous le vocable de « taux intermédiaire ».
Votre commission a déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises (TVA dans la restauration, TVA pour les travaux dans le bâtiment, TVA équine...), de rappeler cette opportunité et de souligner l'intérêt qu'elle pourrait présenter 136 ( * ) .
Le secteur des activités de loisirs, qui se caractérise par une certaine diversité des taux de TVA applicables, pourrait fournir un nouveau terrain judicieux de mise en oeuvre d'un taux intermédiaire de TVA .
Décision de la commission : votre commission vous propose de confirmer la suppression de cet article.
* 129 Conformément à la proposition n° 56 du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur « les entreprises et les "niches" fiscales et sociales », publié en octobre 2010.
* 130 Pour les détails du dispositifs, se reporter au commentaire de l'article.
* 131 Sénat, rapport d'information n° 553 (2010-2011).
* 132 Idem.
* 133 Idem.
* 134 Sur la base de l'année 2009.
* 135 A l'exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances.