Article 3 (art. L. 52-6 du code électoral) - Mise en place d'un « droit au compte » pour les mandataires financiers
Répondant aux difficultés pratiques rencontrées par les candidats, cet article institue un « droit au compte bancaire » au bénéfice des mandataires financiers.
• Le manque d'effectivité du « droit au compte bancaire » pour les mandataires
L'article L. 52-6 du code électoral fait obligation aux mandataires financiers d'ouvrir « un compte bancaire ou postal retraçant la totalité de ses opérations financières » et dont l'intitulé « précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat » (ce qui exclut l'utilisation d'un compte bancaire personnel) ; il prévoit également que les comptes du mandataire sont annexés au compte de campagne du candidat ou de la tête de liste.
Toutefois, les mandataires financiers sont confrontés, sur le terrain, à de nombreux problèmes provoqués par le manque de diligence de certains établissements bancaires et par l'insuffisance de la législation générale sur le « droit au compte bancaire » pour les particuliers (article L. 312-1 du code monétaire et financier) 99 ( * ) : ainsi, il n'est pas rare que les mandataires, malgré leur bonne volonté, ne parviennent pas à ouvrir un compte bancaire car ils ne trouvent aucun établissement bancaire qui accepte de les prendre en charge.
Ce problème a été mis en lumière tant par la CNCCFP et le Conseil constitutionnel que, plus récemment, par le groupe de travail de notre commission des lois consacré à la législation applicable aux campagnes électorales : celui-ci rappelait ainsi que cette situation avait « des conséquences lourdes sur la régularité du financemen t » car « en l'absence d'un compte bancaire ou postal leur permettant de financer leur campagne selon les modalités prévues par le législateur, les candidats peuvent être tentés de ne pas intégrer certaines dépenses dans leur compte de campagne » ou de « procéder à des paiements directs prohibés par l'article L. 52-4 du code électoral ».
La CNCCFP soulignait, de même, que « les candidats confrontés au problème de paiements directs ont très souvent invoqué des défaillances ou des dysfonctionnements bancaires pour expliquer cette pratique [...]certains ont dû supporter des refus d'ouverture de compte bancaire, des délais de délivrance de leurs chéquiers incompatibles avec les contraintes de la campagne, ou encore des déblocages tardifs de leurs prêts, les conduisant ainsi à payer eux-mêmes les dépenses et à dépasser les plafonds tolérés pour les menues dépenses » 100 ( * ) .
• Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
La commission des lois de l'Assemblée nationale avait initialement proposé, pour donner aux mandataires les moyens d'exercer les missions qui leur sont confiées par la loi, de mettre en place une véritable obligation pour les banques, qui auraient été tenues d'ouvrir un compte aux mandataires et de leur donner les moyens de paiement nécessaires dans un délai d'une semaine ; le non-respect de cette obligation aurait été pénalement réprimé, puisqu'il aurait encouru l'application d'une amende de 22 500 euros.
Les députés sont toutefois revenus sur ce choix en séance publique en adoptant un amendement du gouvernement, et en mettant en place un système proche du droit en vigueur en matière de « droit au compte bancaire » pour les particuliers. Ainsi :
- le mandataire pourrait solliciter l'ouverture d'un compte dans l'établissement de crédit de son choix, en attestant sur l'honneur qu'il ne dispose pas déjà d'un compte en tant que mandataire financier (ce qui exclut que la banque puisse refuser l'ouverture d'un compte au mandataire au motif qu'il en possède déjà un à titre privé, ce qui est actuellement le cas) ;
- le refus d'une banque d'ouvrir un compte au mandataire permettrait au mandataire de saisir la Banque de France, qui lui désignerait une autre banque dans un délai d'un jour ouvré ;
- les banques récalcitrantes seraient sanctionnées par l'Autorité de contrôle prudentiel, cette Autorité pouvant par ailleurs les mettre en demeure d'ouvrir un compte au mandataire, conformément à la procédure prévue par l'article L. 612-31 du code monétaire et financier.
• La position de votre commission des lois
Ayant noté que le dispositif adopté par les députés était opérationnel et pragmatique et que, en outre, il était conforme aux recommandations du groupe de travail de la commission des lois -qui avait estimé que les sanctions financières n'auraient qu'un faible impact dissuasif sur les établissements bancaires et qu'il convenait de mettre en place un système efficace dans lequel le mandataire pourrait rapidement avoir accès à une banque « de substitution » en cas de carence de l'établissement initialement choisi-, votre commission a toutefois adopté des amendements de son rapporteur afin :
- d'améliorer la rédaction du présent article : dans cette optique, elle a précisé que l'établissement bancaire désigné par la banque de France devrait être situé dans la circonscription dans laquelle se déroule l'élection en cause, ou à proximité d'un lieu choisi par le mandataire ;
- de rendre le « droit au compte » plus effectif : en l'état, le présent article ne contient aucune disposition sur une éventuelle clôture du compte à l'initiative de l'établissement bancaire choisi par le mandataire ou désigné par la Banque de France. Or, si elle intervient avant l'élection, la clôture du compte peut avoir des conséquences lourdes sur la régularité du financement de la campagne : le code électoral impose en effet au mandataire de disposer d'un compte bancaire unique, retraçant toutes ses dépenses, si bien que l'ouverture d'un second compte serait de facto illégale -même si la clôture du premier compte s'est faite contre l'avis et sans le consentement du mandataire. Dès lors, il est nécessaire de prévoir que l'établissement bancaire n'est pas autorisé à clôturer le compte du mandataire avant la date de l'élection.
Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .
* 99 Sur ce point, voir le rapport du groupe de travail sur la législation applicable aux campagnes électorales.
* 100 Rapport d'activité pour l'année 2007.