B. DES OPPORTUNITÉS NOUVELLES
1. La plus grande ouverture des autres marchés européens
La mise en place de la directive devrait permettre à nos industriels d'espérer une plus grande ouverture des marchés de défense des autres Etats-membres de l'Union, et en tout cas une ouverture au moins égale à celle du marché français.
En France, la tentation est grande de relier les trois régimes juridiques définis plus haut avec les trois cercles de souveraineté tels qu'exposés dans le Livre blanc 14 ( * ) .
Certes, cette assimilation a ses limites, car rien n'empêche évidemment l'Etat français de mettre en concurrence complète des fournisseurs européens, à l'exclusion d'opérateurs économiques de pays tiers, y compris dans le troisième cercle.
Par ailleurs, il est important que le domaine des équipements et technologies compris dans le premier cercle ne fasse l'objet d'aucune liste exhaustive, pour permettre l'évolution dans le temps des technologies critiques. La frontière entre le premier cercle et le deuxième est donc nécessairement variable et ne devrait pas faire l'objet de la publication d'une liste exhaustive.
Mais cette assimilation est un outil permettant de se rendre compte combien il est important que les Etats européens mettent à peu près les mêmes équipements et les mêmes technologies dans le champ d'application du régime dérogatoire de l'article 346 TFUE.
Si par exemple, tel pays décide que la production de véhicules blindés, fait partie des intérêts essentiels de sa sécurité et a recours à la procédure du 346 pour les acheter, alors que la France considère qu'il s'agit d'un bien justifiable du régime spécifique, ouvert à la concurrence, le principe de réciprocité ne s'appliquera pas et rapidement les règles du jeu ne seront plus équitables.
A titre d'exemple, le programme des Porteurs Polyvalents Terrestres vise à acquérir des moyens de transport logistique adaptés aux théâtres d'opération. Le programme envisage au stade actuel l'acquisition jusqu'en 2019 d'environ 2.000 camions dans différentes versions. Une procédure de mise en concurrence au plan européen fondée sur des critères techniques, calendaires et économiques (prix) a été retenue dans le dossier de lancement de la conception (2007). A l'issue de plusieurs étapes de la procédure d'acquisition le marché a été attribué à un groupement formé du producteur italien IVECO et du groupe français SOFRAME (entreprise française au sein du groupe Lohr) au détriment de Renault Truck Defense, entreprise à capitaux suédois, mais dont l'essentiel des implantations est situé sur le territoire national.
Il est évident que le marché des véhicules blindés italiens doit à son tour s'ouvrir de la même façon que le marché français - ce qui d'après les informations fournies à votre rapporteur n'est pas le cas - faute de quoi, les règles du marché seraient faussées.
Le graphique ci-après récapitule les opportunités d'achat publics mises en ligne sur le portail électronique de l'Agence européenne de la défense par divers Etats européens dans le domaine de la défense (tous types de biens et services) qu'il s'agisse de projets à venir, de contrats en cours ou déjà attribués. Chaque Etat est libre de diffuser ou non via l'AED, ses opportunités de marchés afin de favoriser l'ouverture des marchés nationaux de défense à une plus large concurrence intra-européenne. Son application repose sur le seul engagement politique des Etats.
La recherche a été établie le 1 er février 2010 sur le portail accessible librement par internet ( http://www.eda.europa.eu/ebbweb/bycountry.aspx ) avec un tri par pays. Les pays non représentés sur ce graphique ont publié une seule offre voire aucune. Le graphique ci-après montre que certains pays jouent le jeu de la transparence et de la libre concurrence en publiant de nombreuses opportunités, alors que d'autres restreignent fortement leur marché.
Nombre d'offres
L'examen détaillé des offres italiennes montre par exemple que sur cinq opportunités ouvertes par le gouvernement, trois concernent le fuel pour l'aviation.
2. La simplification des procédures
La remise à plat du dispositif des licences d'exportation et des certifications pour l'importation représente une réelle amélioration pour toutes les entreprises françaises concernées et en particulier les PME qui ne disposent pas généralement de services juridiques étoffés.
Toutefois, le succès du nouveau dispositif sera largement conditionné par sa bonne mise en oeuvre sur le plan pratique. Certes, la modernisation du cadre juridique est un préalable indispensable, mais les bénéfices du nouveau régime ne pourront se faire pleinement sentir que lorsque la pratique administrative en aura tiré tous les avantages.
Pour ce faire, l'outil informatique de suivi et de traitement des autorisations paraît tout à fait primordial et on ne peut que regretter qu'il n'entre en production qu'au mieux à la fin de l'année 2013.
Il faut noter, enfin, que le rapport Fromion préconisait un changement d'organisation administrative de la délivrance des autorisations qui n'a, pour l'instant, pas été retenu par le Gouvernement. Pour notre collègue député, le système interministériel, qui montre sa « pertinence dans les cas sensibles », « n'est pas adapté aux opérations qui le sont moins ou même pas du tout et qui représentent, je le rappelle, pas moins de 70 % des cas. »
Ce rapport préconise la constitution, au sein d'un ministère désigné à cet effet, d'une cellule disposant d'une véritable délégation pour la délivrance des autorisations. Cette délégation se ferait sur la base d'une grille d'analyse (montant/pays/type d'opération) qui pourrait être élaborée par la CIEEMG à laquelle d'ailleurs ce service rendrait compte régulièrement.
Un système de ce type existe dans plusieurs États membres de l'Union européenne, comme le Royaume-Uni, la Suède ou l'Allemagne. En Allemagne, le BAFA, structure administrative placée au sein du ministère de l'industrie, est chargé de l'instruction des demandes (ainsi que de celles relatives aux biens à double usage, ce qui explique son effectif -200 personnes-) et de leur délivrance, sauf pour les cas sensibles où la demande remonte au Conseil fédéral de sécurité, instance décisionnaire en dernier ressort. En France, une telle structure déléguée a été mise en place pour le contrôle des biens à double usage (civil et militaire) ; ce service dépend du ministère de l'industrie. Ses compétences auraient pu être élargies au contrôle des exportations d'armement. Sans doute la réflexion en ce sens doit elle être poursuivie.
La réforme américaine en cours du système de contrôle des exportations reposerait également, d'après les informations fournies à votre rapporteur, sur une agence unique de délivrance des autorisations.
Votre rapporteur souhaite que l'administration poursuive sa réflexion sur le bilan coût-avantages d'une réforme organisationnelle qui aurait semble-t-il la faveur de nombreux industriels et qui donne toute satisfaction chez certains de nos partenaires.
Ces dispositions, de nature règlementaire, n'ont pas vocation à figurer dans le projet de loi de transposition.
* 14 Livre blanc - Défense et Sécurité nationale - p. 264 et suiv. une stratégie industrielle tournée vers l'Europe.