ANNEXE III - EXAMEN DES AMENDEMENTS ET ADOPTION DU TEXTE DE LA COMMISSION (mercredi 9 février 2011)

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 250 (2010-2011), présentée au nom de la commission des affaires européennes par M. Jean Bizet, sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (E 4026).

EXAMEN DU RAPPORT

M. Gérard Cornu, rapporteur . - M. Bizet a déposé une proposition de résolution, adoptée par la commission des affaires européennes le 19 janvier dernier, sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs. Nous sommes saisis de l'examen au fond.

Alors que les traités fondateurs n'en faisaient pas mention, les intérêts des consommateurs ont été progressivement pris en compte par l'Union européenne, jusqu'à devenir, en 1993, l'un de ses objectifs, avec l'insertion d'un nouveau titre consacré à la politique de protection des consommateurs dans le traité de Rome. C'est ainsi que l'article 169 de l'actuel traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fixe une exigence de protection élevée, à concilier avec l'objectif de l'article 114 - rapprocher les législations pour l'approfondissement du marché intérieur - ce que l'on a longtemps fait en retenant un principe d'harmonisation minimale, laissant les États membres libres de retenir des mesures plus protectrices.

C'est en rupture avec cette approche que la commission a adopté, le 8 octobre 2008, une proposition de directive tendant à « l'harmonisation maximale totale », dont l'examen reste en cours, puisqu'en vertu de la procédure de codécision, elle doit encore être adoptée en séance plénière par le Parlement européen. La proposition initiale interdisait aux États membres de maintenir des règles différentes de celles posées par ses cinquante articles, y compris quand elles étaient plus protectrices. Le postulat de départ sur lequel s'appuie la Commission européenne est clair : la multiplicité des législations, outre qu'elle est génératrice de coûts, constitue un obstacle à la pleine réalisation du marché intérieur et au développement des échanges commerciaux transfrontaliers. Pour y remédier, la proposition de directive initiale fixe ainsi des standards destinés à faire émerger un droit européen unique pour un certain nombre de dispositions comme les informations précontractuelles obligatoires, les modalités harmonisées pour les obligations d'information renforcées pour les contrats de vente à distance et les contrats hors établissement, les modalités d'exercice du droit de rétractation ou encore pour certaines clauses contractuelles, comme en matière de clauses abusives par exemple.

Un certain nombre de pays membres, dont la France, ont jugé ces dispositions difficilement acceptables en l'état. La France aurait vu par ce texte son droit de la consommation amputé de dispositions protectrices essentielles. J'ai pu moi-même constater, lors des auditions que j'avais alors menées, que la directive suscitait chez nous l'opposition de l'ensemble des acteurs. Le Sénat avait d'ailleurs adopté dans ce contexte le 29 juillet 2009, à l'initiative de M. Haenel, alors président de la commission des affaires européennes, une résolution demandant au gouvernement de s'opposer à toute mesure qui signerait un recul dans la protection du consommateur français.

M. Daniel Raoul . - Exact !

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Les termes du dossier ont évolué sous la présidence belge de l'Union. Mme Viviane Reding, vice-présidente et commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté a repris le dossier - initialement conduit par la commissaire en charge de la consommation, Mme Kuneva - a fait prévaloir une approche pragmatique qui a abouti, lors de la réunion du Coreper du 8 décembre 2010, à un compromis fondé sur un principe d'harmonisation maximale ciblée sur certaines dispositions du texte. Cette position, adoptée par le Conseil agriculture et pêche du 24 janvier dernier, n'a cependant pas été reprise telle quelle par la commission parlementaire du marché intérieur et de la protection des consommateurs, lors de sa réunion du 1er février.

M. Daniel Raoul . - Exact !

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Le texte du Conseil recentre le champ de la directive à la phase précontractuelle des contrats de vente à distance et contrats hors établissement. Les chapitres IV et V sont supprimés, à l'exception des articles 22 et 23 du chapitre IV, relatifs aux modalités de livraison et au transfert de risque. Trois clauses minimales ont été introduites, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, pour permettre aux États membres de conserver ou d'introduire des dispositions plus protectrices dans trois domaines éminemment sensibles : l'interdiction des paiements pendant la période de rétractation, la confirmation écrite de toute offre commerciale faite par téléphone à l'initiative du professionnel, le renvoi aux règles nationales pour la sanction du retard de livraison lorsque la date est essentielle.

Au vu de cette position du Conseil, le sentiment de tous les acteurs que j'ai pu rencontrer - associations de consommateurs, représentants de la distribution ou du commerce électronique - a été le soulagement. Nous revenons de loin : je crois que nous sommes tous d'accord, quelle que soit notre appartenance politique pour dire que la proposition initiale n'était pas acceptable en l'état car préjudiciable au consommateur français. Au reste, si l'on peut comprendre le souci de la Commission de supprimer les obstacles au développement du commerce transfrontalier, il demeure que l'harmonisation maximale ne les lèvera pas tous, notamment ceux qui résultent des barrières linguistiques et de la réticence des consommateurs devant le paiement en ligne.

Si l'on peut considérer que la position de compromis du Conseil ne règle pas tout, il faut garder présent à l'esprit qu'elle est le fruit d'un long processus de négociation à vingt-sept. Face aux échéances, nous devons rester vigilants, d'autant que la position du Parlement européen n'est pas fixée : la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs a adopté à une faible majorité le rapport de M. Schwab qui, contrairement à la position du Conseil, maintient les chapitres IV et V, tout en laissant aux États membres une marge de manoeuvre dans l'harmonisation.

J'en viens désormais à la proposition de résolution qui nous occupe. Je souscris à l'ensemble des conclusions formulées par M. Bizet, qui demande au gouvernement de soutenir l'équilibre général de cet accord. Les modifications que je vous proposerai, de précision, visent à :

- faire clairement mention des conclusions du Conseil agriculture et pêche du 24 janvier 2011, d'orientation conforme au compromis adopté par le Coreper, dont l'équilibre, fondé sur l'harmonisation maximale ciblée et un champ d'application clairement circonscrit aux contrats de vente à distance et hors établissement, mérite d'être mis en avant, dans la mesure où il permet de concilier harmonisation du marché intérieur et protection des consommateurs ;

- préciser que les autorités françaises souhaitent s'en tenir au principe d'harmonisation ciblée, qui préserve les dispositifs protecteurs de notre droit interne ;

- mentionner, enfin, les avancées que comporte la directive, notamment en matière de délai de rétractation, qui passerait de sept à quatorze jours, et d'informations obligatoires du consommateur.

M. Daniel Raoul . - Je pense que le Parlement européen prendra en compte la position du Conseil agriculture et pêche, qui rappelle que l'on ne saurait envisager le consommateur sous le seul angle du marché intérieur. Nous connaissons tous la position de la Commission européenne sur le libre échange. J'avais déposé, lors de la discussion sur le Grenelle II, un amendement visant à imposer la norme du chargeur USB universel. On m'a objecté qu'il n'était pas possible d'imposer unilatéralement une norme. Le problème, c'est que la Commission ne tient pas compte de l'article 169 du traité, relatif aux droits des consommateurs, et c'est pourquoi j'ai déposé un amendement afin qu'il soit clairement visé dans la proposition de résolution.

Je sais, monsieur le président, ce que sont les difficultés du calendrier, mais n'aurait-il pas été judicieux d'attendre, avant de nous prononcer, de connaître la position du Parlement européen ? La position de la Commission est radicale : seul le marché est pris en compte. Ce qui nous est depuis proposé, c'est bien une harmonisation maximale, à l'exception de quelques îlots. Que reste-t-il du principe de subsidiarité ? Je ne suis donc guère optimiste.

M. Jean-Paul Emorine, président . - Faire connaître notre position avant que le Parlement européen ne se soit prononcé n'est pas de mauvaise politique. Le principe de subsidiarité est d'application générale : il laisse latitude aux États membres de légiférer dans le respect des directives européennes.

Mme Odette Herviaux . - Je souscris aux propos de Daniel Raoul. Les choix de la Commission sont fâcheux : ils ne respectent pas les principes posés, non seulement par l'article 169, mais par l'article 12, qui précise que les exigences de la protection des consommateurs sont prises en considération dans la définition et la mise en oeuvre, des autres politiques et actions de l'Union. Devant la levée de boucliers suscitée par le texte initial dans de nombreux États membres, un compromis a été mis sur pied - accepté par le Conseil agriculture et pêche, ce que l'on peut comprendre, chaque pays ayant le souci de trouver des débouchés à sa production - mais pas au détriment du consommateur. C'est pourquoi l'harmonisation a minima avait ses vertus : j'espère que le Parlement européen s'en souviendra à l'heure du vote.

M. Roland Courteau . - Le bureau européen des unions de consommateurs redoute le pire : un nivellement par le bas. Il salue certes quelques aspects positifs de la directive, sur les contrats de vente à distance, le délai de rétractation de 14 jours, le renvoi à la charge du vendeur pour les produits de plus de 40 euros, mais s'inquiète en revanche du sujet sensible de la vente en porte à porte. Pouvez-vous nous apporter là-dessus un éclairage ?

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Nous préférons tous l'harmonisation a minima, qui laisse ouverte la possibilité de conserver ou d'adopter des mesures plus protectrices. On peut aussi comprendre la position du Conseil, qui souhaite une harmonisation maximale pour garantir un socle minimal à chaque consommateur au sein de l'Union. De fait, le risque avec l'harmonisation minimale, c'est la disparité des législations, qui laisse le consommateur sans repères. En revanche, l'inconvénient de l'harmonisation maximale c'est qu'elle ne permet d'aller plus loin que par un accord à 27...

M. Daniel Raoul . - C'est bien ce que nous disons.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - La Commission, quant à elle, veut un marché global sur l'ensemble des pays de l'Union, c'est pourquoi elle s'arcboute sur le marché transfrontalier. Mais à mon sens, il est d'autres barrières que réglementaires : la langue, et la réticence du consommateur sur les paiements à distance : on n'en craint pas l'usage quand c'est un fournisseur français, mais s'il s'agit de l'Estonie ou de la Pologne...

Nous revenons de loin, Odette Herviaux. Nous nous sommes tous battus pour refuser le projet initial, inacceptable pour la France comme pour l'Allemagne, qui ont su le faire évoluer en s'appuyant sur leurs parlements nationaux. Un compromis n'est jamais totalement satisfaisant, mais grâce aux trois dérogations qui ont été introduites, et qu'on saluées les associations de consommateurs, il est acceptable pour la France.

La question des ventes en porte à porte n'a pas été soulevée, Roland Courteau, lors des auditions.

M. Roland Courteau . - Le bureau européen des unions de consommateurs estime que les résultats obtenus sont décevants, et qu'il est primordial que le Parlement européen fasse progresser encore le droit des consommateurs dans les contrats hors établissements commerciaux, en imposant, notamment, une information sur papier.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - En toute logique, le porte à porte est concerné par l'interdiction de paiement en période de rétractation, de même que par la sanction en cas de retard de livraison à une date essentielle - les cadeaux de Noël, par exemple. Où peut être la spécificité ?

Mme Odette Herviaux . - Le porte à porte étant intégré dans les délais de rétractation, le problème tient peut être à la troisième dérogation, qui exige un consentement écrit exprès pour les seules ventes par téléphone ?

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Il faut tout de même que les ventes puissent se faire ! Si l'on doit obtenir confirmation écrite pour toutes les ventes au porte à porte ou dans les foires et salons, où va-t-on ? Les PME, et c'est là sans doute un point de désaccord avec les associations de consommateurs, estiment qu'avec les technologies modernes, il devrait y avoir moyen d'éviter la paperasserie. Il y a un équilibre à trouver : évitons de pénaliser les 98 % de PME vertueuses sous prétexte de faire la chasse aux 2 % qui ne le sont pas.

M. Daniel Raoul . - Voilà ce que c'est que le compromis : le bureau européen se prononce clairement contre ce texte, qu'il considère comme cavalier ; les PME réagissent contre le délai de rétractation de 14 jours - on sait d'ailleurs, Élisabeth Lamure ne me démentira pas, ce qu'il en est de leur capacité de réaction, qu'on a pu mesurer sur la loi de modernisation de l'économie. Bref, le compromis ne satisfait personne, et les consommateurs n'y gagnent pas : la norme maximale sera pour eux une régression.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Mon amendement de précision n° 2 devrait satisfaire Daniel Raoul. Il vise à faire directement mention, dans les visas de la résolution, aux articles 114 et 169 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

M. Daniel Raoul . - Une remarque de forme : viser individuellement chaque article aurait plus de force.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - J'accepte cette proposition rédactionnelle. Quant à l'amendement n° 1 de Daniel Raoul, il va dans le bon sens, mais sa seconde partie sera probablement satisfaite par mon amendement n° 8. Je vous propose ainsi, cher collègue, de rectifier votre amendement afin de ne conserver que votre première partie qui tend à ajouter le visa de l'article 169 du TFUE. Mon amendement n°2 est par ailleurs modifié pour ne viser que l'article 114 du TFUE et venir ainsi compléter votre initiative.

Les amendements n° 2 rectifié et n° 1 rectifié sont adoptés.

L'amendement rédactionnel n° 3 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination n° 4.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Mon amendement n° 5 vise à souligner que le recentrage de la proposition de directive sur les contrats de vente à distance et les contrats hors établissement, délimite le champ d'application du texte dans un souci de sécurité juridique, et d'harmonisation maximale ciblée ...

M. Daniel Raoul . - Cela concerne l'amendement n° 6.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - ...et en conciliant approfondissement du marché et protection du consommateur.

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Mon amendement n° 6 précise que l'harmonisation maximale est bien une harmonisation ciblée.

L'amendement n° 6 est adopté.

M. Gérard Cornu, rapporteur. - Mon amendement n° 7 vise à souligner les avancées de la directive - délai de rétractation à 14 jours et information plus complète du consommateur.

M. Daniel Raoul . - Soit, mais n'est-ce pas aller un peu loin que de s'en « réjouir », sachant qu'il n'y a rien de réjouissant dans ce texte. Les « reconnaître » suffirait.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - La rectification me va.

L'amendement n° 7 rectifié est adopté.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - La Commission européenne a publié, le 1er juillet 2010, un Livre vert relatif aux actions envisageables en vue de la création d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises. Elle y fait notamment une série de propositions sur l'instrument le plus adéquat - harmonisation ou instrument alternatif optionnel. S'agit-il de mettre en place, au sein de l'Union, un vingt-huitième droit des consommateurs ? En tout état de cause, il faudra y être attentif, afin que la technique retenue ne se traduise pas par un recul de notre droit interne. D'où mon amendement n° 8, qui devrait satisfaire le n° 1 de Daniel Raoul.

M. Michel Teston . - Nous y serons « attentifs », fort bien. Mais qu'arrivera-t-il si recul il y a ? Ne serait-il pas opportun de retenir une expression plus forte, comme le fait Daniel Raoul, qui retient le verbe s'opposer ?

M. Gérard Cornu, rapporteur . - S'arc-bouter sur une opposition, c'est prendre le risque de se faire battre, et de se trouver isolé. Il faut une formulation qui rassemble.

M. Daniel Raoul . - Je comprends la réaction du rapporteur : il n'est pas bon de s'isoler dans la négociation. Je propose d'écrire « veillera » : c'est une position de compromis.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Nous sommes d'accord.

L'amendement n° 8 rectifié est adopté.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Texte de la Proposition de résolution européenne

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Gérard CORNU, rapporteur

2

Mention de l'article 114 du TFUE dans les visas

Adopté avec modification

M. Daniel RAOUL et les membres du groupe socialiste et apparentés

1

Mention de l'article 169 du TFUE dans les visas et opposition à l'harmonisation complète

Adopté avec modification

M. Gérard CORNU, rapporteur

3

Mention de la réunion du Conseil Agriculture et Pêche du 24 janvier 2011 dans les visas

Adopté

M. Gérard CORNU, rapporteur

4

Mention de la réunion du Conseil Agriculture et Pêche du 24 janvier 2011

Adopté

M. Gérard CORNU, rapporteur

5

Mention de l'approche équilibrée traduite par le compromis obtenu

Adopté

M. Gérard CORNU, rapporteur

6

Précision de l'harmonisation maximale ciblée

Adopté

M. Gérard CORNU, rapporteur

7

Mention des avancées en matière de protection des consommateurs

Adopté avec modification

M. Gérard CORNU, rapporteur

8

Vigilance sur les futures propositions de la Commission européenne concernant le droit des consommateurs

Adopté avec modification

M. Daniel Raoul . - Les membres de mon groupe s'en tiendront, sur cette proposition de résolution, à une abstention positive : cette proposition va dans le bon sens, mais elle intervient à propos d'un compromis que nous n'approuvons pas. Nous ne souhaitons pas qu'un vote positif soit interprété comme une approbation de la proposition de directive visée.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction de la commission .

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