N° 232
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2011 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi de M. Nicolas ABOUT, Mme Muguette DINI, M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, Mme Anne-Marie PAYET, M. Adrien GIRAUD et les membres du groupe de l'Union centriste relative à l' organisation de la médecine du travail ,
Par Mme Anne-Marie PAYET,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe , Alain Milon , vice - présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, MM. Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, André Villiers. |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
106 et 233 (2010-2011) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Il y a quelques mois, le Parlement adoptait une importante réforme de l'organisation de la santé au travail dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites. Le 9 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a annulé ces dispositions, considérant qu'elles n'avaient pas de lien, même indirect, avec le texte dans lequel elles avaient été insérées 1 ( * ) .
Aussitôt après la publication de la loi, Nicolas About et les membres du groupe UC ont déposé une proposition de loi reprenant, sans les modifier, les articles annulés du projet de loi portant réforme des retraites.
La réforme de la médecine du travail est en préparation depuis trois ans. De nombreux travaux ont démontré la nécessité de parachever les évolutions engagées depuis le début des années 2000 pour adapter la médecine du travail à l'évolution de l'économie et des formes d'emploi. Le vieillissement de la population, le développement des emplois précaires justifient en particulier des adaptations de l'organisation de la santé au travail afin que les services de santé au travail deviennent les acteurs principaux d'un dispositif de traçabilité des risques professionnels, non pour simplement constater les atteintes à la santé mais pour stimuler la prévention et les actions correctrices.
Dans un contexte caractérisé par une crise démographique de la médecine du travail, la mise en oeuvre de cette réforme doit désormais intervenir rapidement, afin de moderniser le fonctionnement des services de santé au travail tout en redonnant de l'attractivité à une médecine du travail dont le rôle est plus indispensable que jamais.
I. LA MUTATION INACHEVÉE DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL
A. DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL À LA SANTÉ AU TRAVAIL
1. La loi fondatrice du 11 octobre 1946
La médecine du travail trouve son origine dans le développement industriel intervenu au dix-neuvième siècle, qui s'est accompagné de la revendication d'une meilleure protection de l'intégrité et de la santé des travailleurs. Ainsi, plusieurs textes législatifs et réglementaires de la fin du siècle font référence à la nécessité d'un avis médical pour l'exercice de certaines activités, en particulier la loi du 12 juin 1893 sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs.
En outre, après l'adoption de la loi du 9 avril 1898, qui a organisé la réparation des accidents du travail, des sociétés d'assurance ont encouragé les employeurs à créer des dispensaires.
La Première Guerre mondiale a accéléré le développement de la médecine du travail, dans la mesure où les médecins d'usine ont joué un rôle essentiel pour faire face aux impératifs de la production de guerre alors qu'une population inexpérimentée remplaçait dans les usines les ouvriers partis au front.
En 1939, a été créé un diplôme d'hygiène industrielle et de médecine du travail. Enfin, la médecine du travail est devenue obligatoire avec le régime de Vichy en 1942 pour les établissements occupant au moins cinquante salariés.
Mais les bases de l'organisation actuelle de la médecine du travail ont été posées par la loi du 11 octobre 1946 relative à l'organisation des services médicaux du travail .
Son article premier apporte une définition de la mission des médecins du travail qui demeure celle que retient encore le code du travail :
« Les établissements énumérés à l'article 65 du livre II du code du travail, ainsi que les offices publics et ministériels, les établissements relevant de professions libérales, les sociétés civiles, les syndicats professionnels et les associations de quelque nature que ce soit occupant des salariés devront organiser des services médicaux du travail.
« Ces services seront assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de « médecins du travail » et dont le rôle exclusivement préventif consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des travailleurs ».
La loi de 1946 pose ainsi les principes fondamentaux de l'organisation de la médecine du travail en France :
- caractère obligatoire et financement par les employeurs ;
- orientation exclusivement préventive de l'action médicale en milieu du travail ;
- indépendance technique et respect de la déontologie médicale ;
- spécialisation des médecins du travail.
Par la suite, de nouveaux textes sont venus enrichir ces dispositions sans les remettre en cause. Ainsi, un décret de 1969 a prévu l'obligation pour le médecin du travail de passer un tiers de son temps sur les lieux de travail.
* 1 Décision n° 2010-617 DC.