C. LES DÉPENSES FISCALES DOIVENT ÊTRE MIEUX CONTRÔLÉES

1. Une tendance de fond à l'augmentation

Les dépenses fiscales liées à la mission « Ville et logement » sont pour leur quasi-totalité rattachées au programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement ».

Elles s'élèvent à plus de 12 milliards d'euros , en progression de 5,8 % par rapport à 2010.

Dépenses fiscales rattachées à la mission « Ville et logement »

(en millions d'euros)

2010

2011

Programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables »

Impôts d'Etat

20

30

Impôts locaux, pris en charge par l'Etat

26

23

Programme 109 « Aide à l'accès au logement »

Impôts d'Etat

46

46

Impôts locaux, pris en charge par l'Etat

25

25

Programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement »

Impôts d'Etat

11 482

12 153

Impôts locaux, pris en charge par l'Etat

29

29

Programme 147 « Politique de la ville »

Impôts d'Etat

296

310

Impôts locaux, pris en charge par l'Etat

149

157

Total

Impôts d'Etat

11 844

12 539

Impôts locaux, pris en charge par l'Etat

229

234

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

2. Un retournement est possible grâce à la remise à plat des aides fiscales à l'accession

La tendance constatée depuis plusieurs exercices à la hausse de la dépense fiscale pourrait prendre fin ou s'inverser à compter de 2011 en raison des deux décisions prises par le Gouvernement et consistant à proposer d'une part un « rabotage » des niches fiscales et, d'autre part une refonte des aides à l'accession à la propriété .

L' article 58 du projet de loi de finances propose ainsi de réduire d'un pourcentage identique de 10 % chacune des dépenses fiscales (réductions et crédits d'impôt) comprises dans le champ du plafonnement global prévu à l'article 200-0 A du code général des impôts.

Compte tenu des dispositions de l'article 58 qui écartent du champ d'application de la mesure les dispositifs supprimés mais qui continuent à produire des effets 7 ( * ) , les dépenses fiscales rattachées à la mission « Ville et logement », concernées par cette mesure sont les suivantes :

Dépenses fiscales du domaine du logement concernées par la réduction de l'avantage en impôt procuré par certaines niches (article 58 du projet de loi de finances)

Mesure fiscale

Estimation 2011 (en millions d'euros)

Réduction d'impôt au titre des investissements dans des résidences hôtelières à vocation sociale

< 0,5

Réduction d'impôt accordée au titre de l'investissement immobilier locatif neuf (réduction d'impôt « Scellier »)

320

Réduction d'impôt au titre des investissements immobiliers dans le secteur de la location meublée non professionnelle (réduction d'impôt «  LMNP »)

20

Crédit d'impôt au titre des contrats d'assurance pour loyers impayés des logements locatifs conventionnés

6

Source : évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2011 et projet annuel de performances

Le projet de loi de finances inclut également, dans son article 56 , un dispositif ambitieux de simplification des aides à l'accession à la propriété portant création d'un nouvel outil unique, sous la forme d'un prêt à taux zéro renforcé ayant vocation à se substituer au dispositif actuel de prêt à 0 %, au crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts et au Pass-foncier.

Bien que le coût global du nouveau dispositif en régime de croisière soit estimé à 2,6 milliards d'euros par an, et que les anciens dispositifs (intérêts d'emprunt et prêt à 0 %) continuent à produire des effets jusqu'en 2016 8 ( * ) , cette réforme serait de nature à procurer, à compter de 2012, une économie fiscale importante qui atteindrait 2,5 milliards d'euros en 2018 .

Économies attendues de la réforme des aides à l'accession à la propriété

(en millions d'euros)

Année fiscale

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Économie de dépense fiscale attendue

460

1 040

1 470

1 850

2 230

2 500

2 500

Source : Commission des finances

3. Une évaluation approximative et parfois contestable

Dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2010, votre rapporteur spécial avait appelé de ses voeux l' amélioration de l'évaluation des dépenses fiscales du programme « Ville et logement » dans deux directions : la systématisation de l'estimation des mesures fiscales qui reste très largement défectueuse et la mise en évidence du phénomène de « verdissement » des dispositifs fiscaux.

Sur le second point, les réponses du ministère au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial ont permis d'établir un premier bilan sous la forme d'un inventaire des diverses mesures dont il convient désormais d'évaluer et de suivre le coût et l'efficacité.

S'agissant de l'estimation des dépenses fiscales, aucune amélioration significative ne peut être constatée .

Evolution de l'estimation des dépenses fiscales de la mission

PLF 2010

PLF 2011

Nombre de dépenses fiscales rattachées à la mission

59

68

Nombre de dépenses fiscales estimées

(en % des dépenses fiscales)

32

(54 %)

40

(59 %)

Nombre de dépenses fiscales considérées comme négligeables*

(en % des dépenses fiscales)

9

(15 %)

9

(13 %)

Nombre de dépenses fiscales jugées « non chiffrables »

(en % des dépenses fiscales)

18

(31 %)

19

(28 %)

* est considérée comme négligeable au titre des évaluations figurant dans les projets annuels de performances, une mesure fiscale dont le coût est estimé inférieur à 0,5 million d'euros

Source : Commission des finances

L'insuffisance quantitative de l'évaluation se double, parfois, d' approximations méthodologiques dont la cause peut tenir dans l'absence de données aisément disponibles ou être liée à des hypothèses de calcul erronées. Dans ces conditions, certaines estimations peuvent apparaître très contestables.

Votre rapporteur spécial estime ainsi l'évaluation, à 25 millions d'euros, de la dépense fiscale correspondant au dégrèvement de taxe d'habitation en faveur des personnes de condition modeste relogées dans le cadre d'un projet conventionné au titre du programme ANRU 9 ( * ) , comme très largement surestimée.

Le mode de calcul retenu repose, en effet, comme l'ont indiqué les services du ministère des finances, sur l'hypothèse que tous les logements dont la démolition est prévue dans le cadre des conventions ANRU passées en comité d'engagement de l'agence 10 ( * ) , ont été concernés par cette mesure, ce qui supposerait notamment :

- que l'ensemble des logements étaient occupés ;

- que tous les locataires ont été relogés dans des logements dont la valeur locative était au minimum du triple de la valeur de leur logement initial ;

- que toutes les opérations de démolition prévues ont été réalisées dans leur intégralité.


* 7 Ces dispositifs comprennent les déductions au titre de l'amortissement « Robien classique », « Robien recentré », « Borloo neuf », « Robien SCPI » et « Borloo SCPI » ainsi que le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt pour l'acquisition de l'habitation principale.

* 8 Effets décroissants de 3,450 milliards d'euros en 2011 à 250 millions d`euros en 2016.

* 9 Cette mesure, votée à l'initiative de votre rapporteur spécial et de notre collègue Serge Dassault dans la loi de finances pour 2009, a pour objet de faciliter les opérations de démolition/reconstruction en levant les réticences à quitter leur logement actuel de certains locataires qui craignent une hausse importante de leur taxe d'habitation. Elle permet la prise en charge, pendant une période de trois ans, de l'écart de taxation entre l'ancien logement et celui du relogement.

* 10 Soit 130 891 logements en juillet 2010.

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