N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 novembre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome VI :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mmes Christiane Demontès, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, André Villiers.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2584, 2912, 2916 et T.A. 553

Sénat : 84 et 90 (2010-2011)

Les observations et propositions de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles en 2011

Par la voix de son rapporteur, Gérard Dériot, la commission se réjouit du retour de la branche à l'équilibre. Elle souhaite, dans le même temps, que les excédents futurs soient consacrés à régler la dette de la branche, qui n'a pas à être prise en charge par la caisse d'amortissement de la dette sociale.

Sur les fonds de l'amiante, la commission engage à la plus grande prudence en matière de réforme d'un système certes imparfait mais appelé à s'éteindre dans les années à venir et capable d'apporter rapidement une indemnisation aux victimes de l'amiante. Elle vous propose un amendement tendant à harmoniser la prise en charge de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour l'ensemble des régimes afin de mettre fin aux inégalités dénoncées depuis 2005 par le Médiateur de la République.

Sur le plan santé au travail 2010-2014, la commission considère que l'implication de l'Etat doit être renforcée pour accompagner la branche et les partenaires sociaux dans leur action de prévention.

Sur l'évolution des risques professionnels, la commission se félicite de la confirmation de la tendance à la réduction du nombre des accidents du travail. Elle s'inquiète en revanche de la persistance d'un haut niveau de maladies professionnelles, et notamment de l'acuité prise par les questions de santé liées au stress au travail. Elle insiste sur la nécessité de mettre en oeuvre de la manière la plus juste possible la réforme liée à la prise en compte de la pénibilité et de compléter la réforme de la santé au travail, spécialement pour ce qui concerne sa gouvernance.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'analyse du financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est marquée par une double actualité dont les effets sont particulièrement importants sur son équilibre : la réforme des retraites et la reprise de sa dette par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). La manière dont ces questions sont abordées engage la conception de la nature de la branche et de ses missions.

En prévoyant la prise en compte de la pénibilité du travail, la loi portant réforme des retraites a répondu à une aspiration profonde des travailleurs et s'inscrit dans une démarche de justice sociale dont le financement incombe naturellement à la branche AT-MP. Les enjeux liés à ce dispositif seront examinés plus loin. Mais un autre débat engageant directement les charges de la branche a également eu lieu lors de la discussion de la réforme des retraites au Sénat. La question posée était celle des personnes éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. A l'unanimité, notre assemblée a décidé d'adopter les amendements identiques déposés par votre rapporteur et par le sénateur Jean-Pierre Godefroy afin d'exonérer ces personnes des conséquences du report de l'âge de la retraite. Le dispositif, tel qu'il figure dans le texte définitif retenu par la commission mixte paritaire, permet de préserver sans changement le système actuel, tant pour les victimes de l'amiante que pour la branche AT-MP.

Ce débat reflète deux aspects majeurs de la vision qu'a votre commission de la branche AT-MP. Le premier concerne le drame de l'amiante. Quelles que soient les imperfections du système mis en place au travers du fonds de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante (Fcaata), qui prend en charge les salariés d'entreprises limitativement énumérées, il n'est pas souhaitable de lui apporter des restrictions. En effet, ce dispositif, qui compte désormais plus de sorties que d'entrées, devrait atteindre l'équilibre financier en 2017 puis progressivement disparaître. Limiter les compensations accordées aux victimes de l'amiante serait donc une vision de court terme, contraire au choix des partenaires sociaux et de l'Etat de faire assumer le coût de la prise en charge de la cessation anticipée d'activité par l'ensemble des entreprises.

La seule réforme envisageable serait l'ouverture d'un droit d'accès individuel par profession. Sa faisabilité est en cours d'étude par l'agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Afsset). Il ne faudrait pas cependant que cette réforme se traduise en fait par l'application de critères stricts au point de limiter encore plus le nombre de personnes éligibles, comme cela a été le cas en Italie.

Le deuxième aspect concerne les charges de la branche. Toujours pendant la discussion de la réforme des retraites, le Gouvernement avait envisagé de faire financer, pendant les deux années supplémentaires correspondant au report d'âge de départ en retraite, les cotisations vieillesse des victimes de l'amiante par le Fcaata. Pareil transfert de charge aurait porté atteinte à la vocation assurantielle de la branche qui permet d'ajuster les cotisations des entreprises à hauteur des dépenses nécessitées pour la protection de la santé des travailleurs. La branche AT-MP n'a pas vocation à assumer les charges d'autres régimes, car son mode de financement est particulier.

Pour les mêmes raisons, mais en sens inverse, il n'est pas conforme à la nature de la branche que sa dette soit socialisée et reprise par la Cades, comme le prévoit l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En accord avec le rapporteur général, votre rapporteur propose donc l'adoption d'un amendement tendant à réintégrer la dette de la branche dans ses comptes et à la faire financer par ses excédents.

En effet, après les déficits des années 2009 et 2010 qui devraient atteindre 1,3 milliard d'euros, la branche devrait dégager un léger excédent de l'ordre de 100 millions en 2011.

La branche AT-MP est en effet bien équipée pour affronter les difficultés économiques. Elle bénéficie de deux avantages qui découlent de la loi du 9 avril 1898 : d'une part, un système de cotisation dynamique (près de 75 % du financement de la branche sont assurés par les cotisations patronales), assis sur des principes acceptés par l'ensemble des partenaires sociaux ; d'autre part, une législation, tant communautaire que nationale, complète et particulièrement protectrice 1 ( * ) .

La volonté constante des pouvoirs publics, appuyée sur un financement efficace, a permis un recul important des accidents du travail. Leur nombre a ainsi baissé de 21 % entre 2002 et 2009. Cette moyenne cache pourtant d'importantes disparités entre secteurs d'activité, les métiers de l'industrie ayant davantage bénéficié de l'augmentation de la sécurité au travail que ceux des services, notamment le secteur du nettoyage. Par ailleurs, le nombre de maladies professionnelles reconnues a augmenté sur la période. La persistance dans l'effort national en faveur de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles reste donc primordiale, de même que la poursuite de l'adaptation des normes aux nouvelles formes de risque, sous peine d'entraîner rapidement une dégradation des conditions de travail.

L'augmentation de l'objectif de dépenses de la branche reste modéré, et inférieur pour 2011 (13 milliards d'euros) à celui initialement prévu pour 2010 (13,2 milliards revus à 12,7 dans le projet de loi de financement pour 2011). On peut donc espérer que la branche pourra s'engager durablement sur la voie de l'équilibre financier.

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2004

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010 (p)

2011(p)

Objectif de dépenses

10,7

11,1

11,4

11,8

13,0

12,9

13,0

Dépenses réalisées (+ objectifs rectifié 2010 dans la LFSS pour 2011)

10,2

10,8

11,3

12,0

12,1

12,5

12,7

Ecart

0,0

0,2

0,6

0,3

-0,5

-,02

(p) : prévision

* Pour 2004, il n'y a pas d'objectif comparable au réalisé (voir supra)

(**) jusqu'en 2009, les dépenses sont agrégées selon le périmètre en vigueur jusqu'à la LFSS pour 2009 (voir supra)

Conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, le champ de l'objectif intègre l'ensemble des régimes obligatoires. Il prend en compte également le transfert financier qu'effectue la branche AT-MP du régime général au profit de la branche maladie pour compenser les dépenses indues résultant de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les dépenses de la branche AT-MP relèvent à plus de 81 % du régime général, soit 11,4 milliards d'euros en 2010.

Résultats nets de la branche depuis 2004

(en droits constatés et en millions d'euros)

Cnam AT-MP

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Résultat

- 184

- 438

- 59

- 455

+ 241

- 649

- 787

Source : direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A)

I. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE SELON LES TYPES DE SINISTRES

Les dépenses et les recettes de la branche AT-MP varient en fonction du nombre de sinistres recensés et de leur gravité. L'objectif premier des pouvoirs publics est bien sûr de réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En 2009, 1,25 million de sinistres ont été reconnus pour le seul régime général, et un peu moins des deux tiers d'entre eux ont donné lieu à un arrêt de travail. La fréquence des accidents est en baisse continue depuis 2001, passant de 42,8 à 36 accidents déclarés en 2010 pour mille salariés. L'évolution du nombre de maladies professionnelles est, en revanche, défavorablement orientée ; toutefois, ceci traduit, au moins pour une part, une amélioration du taux de reconnaissance des maladies professionnelles.

A. UNE TENDANCE À LA DIMINUTION DE LA FRÉQUENCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (83 % du total). Le solde se partage entre les accidents de trajet (11 %) et les maladies professionnelles (6 %) 2 ( * ) .

1. Des accidents du travail moins nombreux

Le nombre d'accidents du travail a nettement régressé au cours des dix dernières années, baissant en moyenne de 3 % par an. Il avait semblé, ces deux dernières années, se stabiliser, mais il est reparti à la baisse depuis 2008, marquant en 2009 un recul particulièrement important de 7,8 %.

Nombre d'accidents du travail déclarés

2002

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

2009

1 313 811

1 185 291

1 152 865

1 139 063

1 144 404

1 145 018

1 122 349

1 041 498

* données estimées Source : Cnam, statistiques trimestrielles juin 2010


* 1 Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail transposée par loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail.

* 2 Statistiques juin 2010.

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