EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 25 NOVEMBRE 2009
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Jacques Hyest et a établi le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 48 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.
Ayant rappelé que le maintien du découpage issu des lois du 11 juillet et du 24 novembre 1986, opéré sur la base du recensement général de 1982 et conservé malgré deux recensements généraux en 1990 et en 1999, avait fait émerger des écarts démographiques considérables entre les circonscriptions, M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur, a souligné que l'initiative du Gouvernement avait été soumise à de nombreuses contraintes :
- tout d'abord, la Constitution fixe désormais le nombre maximal de députés à 577 et prévoit que « les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale » comme ils le sont déjà au Sénat. La conjonction de ces deux éléments a imposé au Gouvernement de réduire le nombre de députés représentant les Français résidant sur le territoire national à due concurrence du nombre de sièges créés pour la représentation des Français établis hors de France ;
- ensuite, à l'occasion de sa décision sur la loi d'habilitation du 13 janvier 2009, le Conseil constitutionnel a opéré un revirement de jurisprudence, d'une part en refusant qu'un minimum de deux sièges de députés soit attribué à chaque département, entraînant l'attribution d'un seul siège aux départements de la Creuse et de la Lozère, et d'autre part en jugeant qu'une collectivité d'outre-mer faiblement peuplée ne pouvait se voir attribuer un siège de député qu'à condition que cela soit justifié par son « particulier éloignement d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer », ce qui a conduit le Gouvernement à ne doter Saint-Martin et Saint-Barthélemy que d'un siège, et non de deux comme le prévoyait la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 ;
- enfin, les travaux du Gouvernement ont été soumis au contrôle de la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution ; celle-ci a d'ailleurs incité le Gouvernement, dont le projet initial prévoyait de ne pas modifier les limites des circonscriptions appartenant à des départements dont le nombre de sièges demeurait inchangé dès lors que les écarts démographiques entre ces circonscriptions étaient limités, à effectuer des remodelages complémentaires. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a ainsi fait valoir que l'ordonnance tenait compte des propositions de la commission et que, pour les 23 circonscriptions où l'avis de celle-ci n'avait pas été suivi, des explications précises et circonstanciées avaient été fournies au rapporteur de l'Assemblée nationale et figuraient dans le rapport de celui-ci.
Il a ainsi estimé que l'ordonnance répondait aux principes posés par la jurisprudence constitutionnelle et par la loi d'habilitation ; à cet égard, il a indiqué que l'importance des écarts démographiques constatés entre les circonscriptions des députés des Français établis à l'étranger était justifiée par des facteurs géographiques et géopolitiques et avait été autorisée par le Conseil constitutionnel. Ayant observé que l'Assemblée nationale avait ratifié l'ordonnance sans la modifier, il a appelé le Sénat à respecter sa traditionnelle réserve sur les textes qui concernent exclusivement les députés et à adopter le présent projet de loi de ratification sans modification.
M. Christian Cointat s'est étonné qu'il n'existe aucune statistique démographique postérieure au 1er janvier 2006 pour dénombrer les Français établis en France et que le présent redécoupage ait dû être élaboré sur la base de chiffres vieux de plus de trois ans, y compris, par souci de cohérence, pour les Français de l'étranger, alors même que les statistiques les plus récentes concernant ces derniers datent quant à elles du 1er janvier 2009. En outre, il a estimé que les choix retenus par le Gouvernement pour délimiter les circonscriptions pour l'élection des députés des Français établis hors de France étaient légitimes : il a ainsi jugé opportun de ne pas faire figurer Israël dans la même circonscription que certains pays du Moyen et Proche-Orient, et de diviser les deux circonscriptions d'Amérique au niveau de la frontière américano-mexicaine, ce qui permettrait aux candidats de mener leur campagne dans des conditions satisfaisantes. Il a toutefois marqué son inquiétude quant à la mise en place d'un scrutin uninominal majoritaire à deux tours qui imposerait aux citoyens de se déplacer deux fois, à quinze jours d'intervalle, jusqu'à un poste consulaire ; il a en outre émis des doutes sur la possibilité, pour les pouvoirs publics, d'informer effectivement les électeurs de la tenue des élections et de leur fournir un matériel électoral suffisant. En conséquence, il a jugé probable un taux de participation aux élections législatives faible pour les Français établis à l'étranger et a appelé le Parlement à tirer les leçons du premier scrutin organisé afin de corriger d'éventuels dysfonctionnements. Ainsi, ayant fait part de son attachement au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, il a néanmoins envisagé qu'un scrutin à la représentation proportionnelle à un tour soit mis en place pour ces circonscriptions.
Ayant souligné qu'il était favorable à l'instauration d'un scrutin à la représentation proportionnelle dans un cadre départemental pour l'élection des députés, M. Jean-Pierre Sueur a rappelé que, bien qu'un rééquilibrage des circonscriptions législatives soit nécessaire, le groupe socialiste s'était opposé au présent projet de loi de ratification en raison du caractère « politique » du redécoupage proposé par le Gouvernement. Prenant l'exemple du Loiret, il a indiqué que six ou sept solutions étaient possibles pour délimiter les six circonscriptions du département en respectant l'impératif d'équilibre démographique. Il s'est interrogé sur les critères retenus par le Gouvernement pour choisir entre ces diverses possibilités, et a déclaré que le présent découpage ne tenait pas compte des « bassins de vie » des départements, mais des intérêts du parti majoritaire. Il a ainsi jugé souhaitable qu'une entité totalement indépendante soit chargée d'effectuer, à l'avenir, la modification des délimitations des circonscriptions. Enfin, il s'est déclaré en désaccord avec la remarque de M. Christian Cointat sur l'inclusion d'Israël dans la huitième circonscription et a estimé que le Gouvernement aurait dû, pour des raisons symboliques, faire figurer cet Etat dans la même circonscription que les pays qui lui sont frontaliers, malgré leurs relations géopolitiques difficiles.
Ayant marqué son accord avec ces propos, M. Jean-Pierre Vial s'est félicité de la qualité des informations mises à la disposition des parlementaires et des élus locaux dans le cadre des concertations sur le redécoupage des circonscriptions, et a salué l'effort de transparence du Gouvernement.
Après avoir salué le courage du Gouvernement, M. François Zocchetto a précisé que, dans le département de la Mayenne, aucune information n'avait été transmise aux élus, si bien que le redécoupage avait été mené sans qu'aucun des acteurs locaux ne soit consulté. Ce silence leur avait fait croire -à tort- que les circonscriptions ne seraient pas modifiées.
M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur, a indiqué que la modification des limites des circonscriptions de la Mayenne avait été décidée sur l'incitation de la commission prévue à l'article 25, c'est-à-dire après que le Gouvernement eut élaboré son premier projet d'ordonnance, ce qui expliquait que les consultations normalement prévues n'aient pas pu être menées.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s'est déclarée en désaccord avec les propos de M. Jean-Pierre Sueur et a indiqué que, pour la huitième circonscription de Gironde, les préconisations de l'UMP n'avaient pas été suivies par le Gouvernement.
Ayant précisé que les modalités d'élection des Français de l'étranger faisaient l'objet d'une seconde ordonnance, dont le projet de loi de ratification avait été déposé devant l'Assemblée nationale au mois d'août 2009, M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur, a indiqué que les statistiques dénombrant les Français établis à l'étranger faisaient état du nombre de personnes inscrites sur les registres consulaires et que leur dénombrement comportait beaucoup moins de contraintes qu'un recensement ; il a expliqué que ces éléments étaient à l'origine de la différence mise en avant par M. Christian Cointat.
À l'article unique (ratification de l'ordonnance n° 2009-935), la commission a examiné l'amendement n° 1 de M. Pierre-Yves Collombat, visant à modifier la délimitation des circonscriptions dans le département du Var.
M. Pierre-Yves Collombat a estimé que le présent projet de loi de ratification ne concernait pas exclusivement les députés, mais avait un impact direct sur les élus locaux et, en conséquence, sur le Sénat : en effet, les cantons issus de l'opération de redécoupage annoncée par le Gouvernement dans le prolongement de la réforme des collectivités territoriales devront, aux termes du projet de loi n° 61 (2009-2010) déposé devant le Sénat, respecter les limites des circonscriptions telles qu'elles résultent de la présente ordonnance.
Ayant souligné que la délimitation prévue par l'ordonnance créerait une circonscription « résiduelle » et excessivement étendue, M. Pierre-Yves Collombat a indiqué que l'amendement n° 1 était un amendement « technique » qui visait notamment à tenir compte des intercommunalités à fiscalité propre et ne changeait rien aux équilibres politiques, en tout état de cause favorables à la majorité présidentielle.
M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur, a souligné que le respect des frontières des établissements publics de coopération intercommunale ne faisait pas partie des critères posés par la loi d'habilitation du 13 janvier 2009 ; il a en outre indiqué que le découpage des circonscriptions du Var avait reçu un avis favorable de la commission prévue par l'article 25 de la Constitution et présentait des écarts démographiques particulièrement restreints. Il a donc estimé qu'il n'était pas opportun d'adopter l'amendement n° 1.
En réponse à ces remarques, M. Pierre-Yves Collombat a rappelé que lors de son audition par la commission des lois, M. Yves Guéna, alors candidat présenti à la présidence de la commission prévue par l'article 25 de la Constitution, avait déclaré son intention de tenir compte des « bassins de vie » et des intercommunalités pour apprécier la légitimité du découpage proposé par le Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur, a jugé que ce critère n'était pas pertinent, les frontières des établissements publics de coopération intercommunale étant, par nature, variables.
M. Jean-Pierre Sueur a estimé que, bien que les limites des intercommunalités ne soient pas un critère consacré par la loi d'habilitation, cette dernière n'interdisait pas d'en tenir compte ; il a ainsi marqué son accord avec les propos de M. Pierre-Yves Collombat et estimé qu'il était malvenu de créer une circonscription trop étendue pour être parcourue sereinement par un député.
Mme Catherine Troendle , présidente, a observé que les sénateurs devaient, quant à eux, être présents sur l'ensemble de leur département d'élection.
Puis la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.
Article ou division |
Objet de l'article |
Numéro d'amendement |
Auteur de l'amendement |
Avis de la commission |
Article unique |
Ratification de l'ordonnance n° 2009-935 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés |
1 |
M. Pierre-Yves Collombat |
Défavorable |
La commission a adopté le projet de loi ainsi rédigé.