C. DES ENJEUX IMPORTANTS EN TERMES D'EFFICACITÉ ET DE SOUTENABILITÉ
On ne peut donc se satisfaire d'une approche macroéconomique du grand emprunt qui en ferait en quelque sorte, indépendamment des différences d'horizon temporel, le prolongement du plan de relance.
D'une part on peut s'interroger sur la possibilité pour l'opération de s'autofinancer par le surcroît de croissance du PIB qu'elle provoquerait.
D'autre part, la prise en compte des effets de substitution entre dépenses publiques et dépenses privées rend aléatoire l'évaluation de l'impact final de l'endettement ainsi supporté par l'Etat.
L'approche microéconomique paraît ainsi plus pertinente. Cela met l'accent sur les enjeux de gouvernance et ceux liés au contexte général de la maîtrise de la dépense publique.
1. Les choix en matière de gouvernance
Il s'agit de mettre en oeuvre les équipements et les programmes qui, du fait de leur ampleur et des risques qui leur sont attachés, supposent l'intervention de l'Etat.
Celui-ci doit être le catalyseur des initiatives qui par leur taille et leur horizon, vont au-delà des possibilités d'investissement du secteur privé : l'important, c'est de réfléchir, collectivement, aux priorités stratégiques d'investissement.
Il n'est pas question de refaire la planification à la française mais d'en retrouver l'esprit d'« ardente obligation », c'est-à-dire de mettre au point des méthodes de coopération public-privé qui soient efficaces : en particulier, la logique des partenariats « public-privé » peut ici être considérée comme une bonne façon de garantir un retour effectif sur investissement.
Il résulte de ces principes un certain nombre de conséquences en ce qui concerne les structures de gestion, en d'autres termes la « gouvernance » de l'emprunt et des dépenses qu'il financera.
S'agissant de son montant, on peut dire qu'une trentaine de milliards d'euros (soit environ 15 % du besoin de financement de l'Etat pour 2010) représente a priori le maximum que l'on puisse se permettre. Cela suppose que l'on soit sélectif et en mesure de se concentrer sur quelques programmes.
Enfin, une rentabilité ne s'apprécie commodément que lorsque les interventions sont effectuées dans un cadre spécifique permettant d'isoler les charges comme les ressources issues de l'emprunt. Une telle solution extrabudgétaire est pour votre rapporteur général préférable à celle consistant à placer sur une ligne budgétaire distincte les dépenses ainsi financées, à l'image du plan de relance.
2. Les contreparties de l'appel aux marchés financiers
Faire appel aux marchés a des contreparties . Tôt ou tard, ceux-ci vont se poser à nouveau la question de la solvabilité des Etats pour établir une nouvelle hiérarchie en fonction de la soutenabilité de leurs finances publiques.
Indépendamment même des contraintes maastrichtiennes, c'est bien la crédibilité du modèle économique français qui est en jeu. Le « grand emprunt » participe de cette évaluation « en continu », puisque les marchés nous jugeront à notre capacité à créer les conditions de notre croissance.
Nul doute qu'ils n'apprécieront pas seulement notre aptitude à dépenser utilement mais aussi à faire des économies : c'est même indispensable si l'on veut donner le sentiment que les marges de manoeuvre que l'on se donne avec le grand emprunt, servent à quelque chose et que les charges d'intérêt qu'il occasionne seront supportables.
Ces investissements, quels qu'ils soient, ne porteront leurs fruits que s'ils s'appuient sur une réduction effective des frais généraux de la « maison France », à défaut de laquelle l'opération du grand emprunt pourrait apparaître comme une simple fuite en avant.
Car c'est sur le socle d'un effort continu de diminution de la dépense de fonctionnement des administrations publiques (y compris de la dépense fiscale associée) passant, le cas échéant, par des réformes de structures que pourra être financée une relance de l'investissement, gage du retour de la croissance et d'une amélioration de notre compétitivité internationale.