EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE PREMIER - Résultats du budget de l'année 2008

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2008.

Conformément à l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, la loi de règlement «  arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ». Tel est l'objet de cet article premier.

Le I du présent article indique que « le résultat budgétaire de l'État en 2008 est arrêté à la somme de - 56 271 159 295,99 € ».

Le II arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget de l'année 2008 conformément à un tableau qui retrace les principaux postes déterminant ce résultat budgétaire.

L'analyse détaillée du déficit mentionné au présent article figure dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2 - Tableau de financement de l'année 2008

Commentaire : le présent article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2008.

Aux termes du présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, le besoin de financement de l'Etat s'est établi, en 2008, à 164 milliards d'euros, soit une augmentation de 17,1 milliards d'euros par rapport à la prévision inscrite en loi de finances initiale (+ 11,6 %). Cette augmentation est imputable au creusement du déficit budgétaire , dont l'impact en trésorerie s'élève à 56,4 milliards d'euros, contre 41,7 milliards d'euros prévus en LFI pour 2008 (+ 35,3 %), au montant exceptionnel des remboursements d'emprunts arrivés à échéance (97,6 milliards d'euros) et à la reprise par l'Etat de la dette du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA, + 7,9 milliards d'euros).

Une analyse détaillée du tableau de financement de l'Etat pour 2008 figure dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 - Résultats de l'exercice 2008 - Affectation au bilan et approbation du bilan et de l'annexe

Commentaire : le présent article, auquel figurent le compte de résultat et le bilan de l'Etat, a pour objet d'approuver le bilan après affectation du résultat comptable de l'exercice.

Conformément au III de l'article 37 de la LOLF, la loi de règlement affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice, tel qu'il procède du compte de résultat établi à partir des ressources et des charges constatées dans les conditions prévues à l'article 30 de la loi organique. Par ailleurs, elle approuve le bilan après affectation ainsi que l'annexe.

Il convient de noter que le compte de résultat et le bilan font l'objet d'analyses détaillées dans le compte général de l'Etat annexé au présent projet de loi de règlement et dans le rapport de présentation qui l'accompagne. Conformément au 7° de l'article 54 de la LOLF, décliné dans la norme n° 1 du recueil des normes comptables de l'Etat, le compte général comprend la balance générale des comptes, le compte de résultat (composé du tableau des charge nettes, du tableau des produits régaliens nets et du solde des opérations de l'exercice), le bilan (ou tableau de la situation nette) et ses annexes, notamment une évaluation des engagements hors-bilan de l'Etat, ainsi que le tableau des flux de trésorerie.

On rappelle que les comptes de l'Etat pour 2008 ont été certifiés par la Cour des comptes avec 12 réserves, dont 9 substantielles, détaillées dans l'exposé général du présent rapport.

I. LE COMPTE DE RÉSULTAT DE L'ETAT

La présentation du compte de résultat, qui regroupe la totalité des charges et des produits d'un exercice comptable, est scindée en trois tableaux :

1°) le tableau des charges nettes de l'exercice par nature retrace le montant total des charges nettes non couvert par les produits d'activité correspondants de l'exercice ;

2°) le tableau des produits régaliens nets , détaillé par catégories (produits fiscaux et autres produits régaliens), récapitule les produits issus de l'exercice de la souveraineté de l'Etat sans contrepartie directe équivalente pour les tiers : produits régaliens nets des obligations de l'Etat en matière fiscale et des décisions d'apurement qui remettent en cause le bien fondé des créances sur les redevables (dégrèvements et autres annulations). Ce tableau présente, en outre, le montant des ressources propres du budget de l'Union européenne basées sur le produit national brut et la taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) le tableau de détermination du solde des opérations de l'exercice présente la différence entre les charges nettes et les produits régaliens nets.

Le compte de résultat détermine un solde des opérations de l'exercice 2008 à  73,1 milliards d'euros , contre  41,4 milliards d'euros pour l'exercice 2007. La dégradation du résultat comptable se révèle ainsi de plus de 130 % en deux ans. Elle est liée à des charges nettes particulièrement dynamiques, que ne compense que très partiellement la faible progression du produit de l'impôt. Le détail de cette analyse figure dans l'exposé général du présent rapport.

Résultat comptable et solde budgétaire

Le résultat comptable et le solde budgétaire apportent des éclairages différents sur la situation de l'Etat. Ils n'ont pas vocation à être égaux car ils ne décrivent pas la même chose. Les principales sources d'écart entre les deux résultats concernent :

- le rattachement des produits et des charges à l'exercice (par exemple, un produit ou une charge peuvent être comptabilisés en 2008 alors qu'ils ne seront encaissés ou décaissés qu'en 2009) ;

- la prise en compte d'autres opérations telles que les dotations et reprises aux amortissements et aux provisions ;

- les reprises de dettes (en 2008, FFIPSA, ERAP, et Charbonnages de France, pour un total de 13 milliards d'euros), dont seule la charge d'intérêts est retracée en dépense budgétaire, alors qu'elles augmentent la dette en comptabilité générale.

Source : d'après Cour des comptes

II. LE BILAN DE L'ETAT

Le bilan de l'Etat se présente sous la forme d'un tableau de la situation nette qui retrace, à la façon d'un bilan d'entreprise, les actifs et les passifs préalablement identifiés et comptabilisés.

Le tableau de la situation nette de l'Etat comprend :

- d'une part, l'actif , qui recense les éléments du patrimoine ayant une valeur positive pour l'Etat : actif immobilisé, actif circulant, trésorerie... A l'issue de l'exercice 2008, l'actif net de l'Etat s'élève à près de 639,4 millions d'euros . Il comprend notamment des immobilisations corporelles pour 254,9 millions d'euros et des immobilisations financières pour 203,9 millions d'euros. Il convient de souligner qu' en raison des spécificités de l'Etat, l'actif incorporel représenté par le droit de recourir à l'impôt n'est pas valorisé à son actif ;

- d'autre part, le passif , constitué des obligations de l'Etat à l'égard des tiers qui existent à la date de clôture : dettes financières, dettes non financières, provisions pour risques et charges, trésorerie passive... A l'issue de l'exercice 2008, le passif est évalué à 1.325,4 milliards d'euros , dont une dette financière à hauteur de 1.044,1 milliards d'euros.

Le bilan de l'Etat fait ainsi apparaître une situation nette négative de 686 millions d'euros au 31 décembre 2008, à comparer aux 656,3 milliards d'euros inscrits au bilan au 31 décembre 2007. La situation nette de l'Etat se dégrade ainsi de plus de 29 milliards d'euros. Alors que l'actif a augmenté de plus de 58 milliards d'euros par rapport à 2007, cette détérioration est due pour l'essentiel à une dette financière qui s'est accrue de près de 100 milliards d'euros et à l'alourdissement des provisions pour risques et charges de près de 12 milliards d'euros. Le détail de cette analyse figure dans l'exposé général du présent rapport.

La situation nette de l'Etat

Dans une entreprise, la situation nette donne une indication sur la valeur de l'entreprise qui reviendrait in fine aux actionnaires ou associés. L'Etat n'a pas de capitaux propres et sa situation nette résulte de la différence entre ses actifs et ses passifs. Fortement négative, elle résulte de l'accumulation des déficits constatés au fil des ans.

Faute de pouvoir comptabiliser la capacité de lever l'impôt, il reste difficile de mettre en regard les actifs et passifs de l'Etat dans une optique de soutenabilité.

Le retraitement des états financiers antérieurs, en cas de changement de méthode comptable ou de correction d'erreur, permettra à partir de 2009 de mieux apprécier l'évolution de la situation nette et sa comparaison d'un exercice à l'autre. En revanche, la comparaison entre exercices montre l'amélioration ou la dégradation de la situation financière.

Source : d'après Cour des comptes

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 - Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement et des crédits de paiement faisant l'objet d'ajustements dans le cadre du présent projet de loi de règlement.

Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consommés sur le budget général . Les AE engagées s'établissent à 371,7 milliards d'euros et les dépenses à 370,4 milliards d'euros.

Les ouvertures de crédits complémentaires, pour 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, concernent exclusivement la mission « Remboursements et dégrèvements » et sont analysées dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 - Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement et des crédits de paiement faisant l'objet d'ajustements dans le cadre du présent projet de loi de règlement.

Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, arrête les montants d'autorisations d'engagement engagées sur les budgets annexes et les résultats de ces derniers.

Il procède en outre à deux ajustements :

1) 1,4 million d'euros en AE et en CP sont ouverts sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », en conséquence d'un dépassement relatif à des mesures indemnitaires et de la non-régularisation par Météo-France des payes avancées par le budget annexe au titre du premier trimestre 2008 ;

2) 63,5 millions d'euros en CP sont ouverts sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative », correspondant à l'augmentation du fonds de roulement en considération des résultats de 2008.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 6 - Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés - Affectation des soldes

Commentaire : le présent article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits pratiquées, sur l'exercice, en ce qui concerne les comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2008.

Le présent article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement pratiquées, en 2008, en ce qui concerne les programmes ou dotations des comptes spéciaux (comptes d'affectation spéciale, comptes de concours financiers, comptes de commerce et comptes d'opérations monétaires). Il arrête le solde de ces derniers à la clôture de l'exercice.

Ainsi, au total, les comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2009 présentent un solde débiteur de 36,1 milliards d'euros et un solde créditeur de 11,1 milliards d'euros, soit un solde net négatif de 25 milliards d'euros . D'une part, les comptes à crédits ( comptes d'affectation spéciale et comptes de concours financiers ) présentent un solde débiteur de 26,5 milliards d'euros et un solde créditeur de 6,1 milliards d'euros, soit un solde net négatif de 20,4 milliards d'euros. D'autre part, les comptes à découvert ( comptes de commerce et comptes d'opérations monétaires ) présentent un solde débiteur de près de 9,6 milliards d'euros et un solde créditeur de 5 milliards d'euros, soit un solde net négatif de près de 4,6 milliards d'euros.

Les soldes des comptes spéciaux ainsi arrêtés sont reportés à la gestion 2009 , à l' exception d'un débit global de 321,5 millions d'euros constitué :

1°) des soldes débiteurs concernant trois comptes de concours financiers, pour un montant global de 313,9 millions d'euros :

- le compte « Prêts à des Etats étrangers », pour un solde débiteur à hauteur de 243,7 millions d'euros correspondant aux montants des échéances en capital de l'année 2008 au titre des remises de dettes aux pays étrangers ;

- le compte « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics », pour un solde débiteur à hauteur de 69,6 millions d'euros correspondant à l'apurement de la perte des avances consenties au Fonds de prévention des aléas pour la pêche (FPAP) autorisé par la loi n° 2008-759 du 1 er août 2008 de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007;

- le compte « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », pour un solde débiteur à hauteur de 0,6 million d'euros correspondant à des admissions en non valeur et remises gracieuses ;

2°) d'un solde débiteur de 6,7 millions d'euros relatif au compte de commerce « Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d'armement complexes », au titre de pertes sur avances remboursables sous conditions ;

3°) d'un solde débiteur de 0,7 million d'euros afférent au compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change », compte soldé au 31 décembre de chaque année en application de l'article 20 de la loi n° 49-310 du 8 mars 1949 relative aux comptes spéciaux du Trésor.

Il convient de noter que, conformément au 5° de l'article 54 de la LOLF, « le montant définitif des recettes et des dépenses constatées, des crédits ouverts, ainsi que les modifications de crédits demandés » font l'objet, en ce qui concerne les comptes spéciaux, de l' annexe explicative jointe au présent projet de loi de règlement .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 7 - Règlement du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » clos au 31 décembre 2008

Commentaire : le présent article a pour objet le règlement du compte d'affectation spéciale intitulé « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », clos par la loi de finances pour 2009 29 ( * ) .

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 55 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a prévu une réforme que votre commission des finances a soutenue : l'affectation directe au Centre national de la cinématographie (CNC) du produit des taxes ou prélèvements pesant sur les secteurs cinématographiques et audiovisuels . Il en découlait la clôture du compte d'affectation spéciale (CAS) intitulé « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique ».

Cette affectation directe présente de nombreux avantages :

- la fusion des anciens programmes 711 « Soutien aux industries cinématographiques » et 712 « Soutien aux industries audiovisuelles » du CAS dans le budget opérationnel du CNC, ce qui permet de passer d'une logique de traitement des oeuvres dite verticale, c'est-à-dire en fonction des supports de diffusion utilisés, à une logique dite horizontale , c'est-à-dire fondée sur les étapes de la création (écriture, production et distribution). Cette évolution était indispensable compte tenu de la numérisation de la production et de la diffusion qui a très largement rapproché les industries cinématographiques des industries audiovisuelles ;

- la réduction des délais administratifs et comptables de circulation de la ressource et la comptabilisation complète des actifs et des passifs du CNC , ce qui n'était pas possible dans le cadre du CAS. Rappelons que cet établissement public ne tenait qu'une comptabilité de caisse et non une comptabilité d'engagement, ce qui reflétait mal sa structure financière réelle ;

- et la réduction des financements budgétaires alloués au CNC pour contribuer à son fonctionnement, à due concurrence des produits financiers supplémentaires liés à une trésorerie accrue. La subvention allouée en 2009 au CNC, au titre de la mission « Culture » a été diminuée de 1,49 million d'euros pour s'établir à 14 millions d'euros.

Le même article de loi avait prévu la clôture du CAS « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » au 31 décembre 2008 .

A cette date, le solde des opérations réalisées sur les programmes 711 et 712 a été affecté au CNC, soit 67,9 millions d'euros . Le solde des opérations enregistrées sur le programme 713 « Expression radiophonique locale », dernier programme du CAS précité, a été versé au budget général de l'Etat. Ce programme concernait le Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) qui a été rattaché à la mission « Médias » du budget général de l'Etat.

La loi de finances pour 2009 précisait également que les taxes, prélèvements et produits dus au titre des années antérieures à 2009 et restant à percevoir sur les industries cinématographique et audiovisuelle seraient affectés au CNC .

Les principales dépenses et les principales recettes du CNC à compter de 2009 sont présentées dans les tableaux suivants.

Les recettes du CNC prévues par la loi de finances pour 2009

(en euros)

Recettes

Montant

Taxe sur les services de télévision (TST)

390.474.000

Taxe sur les entrées en salles de cinéma (TSA)

120.611.000

Taxes vidéo

29.169.000

Autres recettes

400.000

TOTAL

540.654.000

Source : projet de loi de finances pour 2009

Les dépenses 30 ( * ) du CNC prévues par la loi de finances pour 2009

(en euros)

Dépenses

Montant

Production et création cinématographiques

112.200.000

Production et création audiovisuelles

221.000.000

Industries techniques et innovation

9.925.000

Distribution, diffusion et promotion du cinéma et de l'audiovisuel

149.987.000

Autres soutiens aux industries cinématographiques et audiovisuelles

20.510.000

Fonction support

27.032.000

TOTAL

540.654.000

Source : projet de loi de finances pour 2009

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit le règlement du CAS :

- sont ainsi annulés 5.461.835,84 euros d'autorisations d'engagement, non engagées et non reportées, sur le CAS « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » ;

- les crédits de paiement, non engagés et non reportés, sont annulés à hauteur du même montant, soit 5.461.835,84 euros ;

- le solde du CAS est créditeur de 400.083,20 euros , qui sont réaffectés au budget général de l'Etat.

L'Assemblée nationale a adopté cet article, purement comptable, sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8 - Constatation d'une perte au titre d'avances consenties

Commentaire : le présent article a pour objet de constater une perte au titre des avances consenties en 2008 aux groupements de producteurs de bananes antillais.

I. LE RECOURS AUX AVANCES DU TRÉSOR FAIT SUITE À LA SITUATION ÉCONOMIQUE DIFFICILE DES PRODUCTEURS DE BANANES ANTILLAIS

A. LES CRISES DU SECTEUR DE LA BANANE DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER...

Alors que le secteur de la banane constitue l' une des principales ressources économiques des départements d'outre-mer et occupe une part importante de la production agricole (environ 50 % en Martinique et 15 % en Guadeloupe), il connaît une crise profonde depuis plus de dix ans , renforcée par les récents accords internationaux. En effet, depuis la mise en oeuvre de l'organisation commune des marchés de la banane (OCM banane) par le règlement du Conseil du 13 février 1993 31 ( * ) , le niveau des prix de la production a régulièrement chuté. Plus particulièrement, à partir de 2002, la mise en oeuvre des accords entre l'Union européenne et les Etats-Unis a favorisé l'importation par le marché communautaire de bananes des pays tiers au détriment de la production européenne.

En 2006, la réforme de l'OCM banane a eu pour conséquence le basculement des aides compensatoires dans le Programme d'Options Spécifiques à l'Éloignement et à l'Insularité 32 ( * ) (POSEI) à partir du 1 er janvier 2007 33 ( * ) . L'opérateur de ces politiques est l' office de développement de l'économie agricole dans les départements d'outre-mer (ODEADOM), établissement public à caractère industriel et commercial créé en 1984, devenu en 2009 un établissement public administratif 34 ( * ) . Il assure notamment la mise en oeuvre en France des aides du POSEI banane, qui s'élèvent à 129 millions d'euros par an.

Dans ce contexte, marqué par des aides publiques spécifiques et un marché international très concurrentiel dans lequel la production antillaise de bananes est de moins en moins compétitive, les producteurs ultramarins doivent de plus faire face à des conditions météorologiques difficiles, à l'image du passage du cyclone Dean en août 2007 . Les difficultés rencontrées par ces agriculteurs, en raison de la baisse de leurs parts de marché ainsi que de l'évolution du prix de vente des bananes, les ont conduits à des situations d'endettement particulièrement lourdes.

B... A CONDUIT À RECOURIR AU DISPOSITIF DES AVANCES DU TRÉSOR

Face à cette situation, une avance de trésorerie d'un montant de 32,5 millions d'euros a été versée aux producteurs antillais de bananes par l'intermédiaire de l'ODEADOM .

Les avances du Trésor sont destinées aux services de l'Etat et aux organismes gérant des services publics . Aux termes de l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, qui encadre les conditions dans lesquelles sont consenties ces avances, « les avances sont accordées pour une durée déterminée ; elles sont assorties d'un taux qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche ». Ces avances impliquent donc une neutralité financière pour l'Etat dans la mesure où un taux d'intérêt, au moins égal à celui du titre de dette de l'Etat de même échéance, est facturé au débiteur.

Une des conditions de recours à une avance du Trésor tient au caractère certain de la ressource financière permettant le remboursement de l'avance, qu'il s'agisse de son montant comme de la possibilité juridique et technique de la mobiliser. Cette condition de dénouement certain doit être particulièrement déterminante pour les avances aux organismes tiers qui n'ont pas vocation à recevoir leur trésorerie de l'Etat.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A. L'INCAPACITÉ DES DÉBITEURS À REMBOURSER LES AVANCES CONSENTIES...

L'exigence de remboursement des avances consenties aux producteurs de banane antillais apparaît de moins en moins aisée. Leurs difficultés structurelles persistent, ce qui signifie que leurs capacités financières ne devraient pas progresser à court terme. Il convient d'ajouter que la situation économique dégradée et les mouvements sociaux qu'ont connus ces derniers mois la Martinique et la Guadeloupe n'ont pas contribué à l'amélioration de la situation financière des producteurs locaux de bananes.

Ceux-ci n'étant donc toujours pas en mesure de rembourser les avances qui leur ont été octroyées, le présent article cherche à tirer les conséquences de cette incapacité à rembourser les avances .

B...CONDUIT À PROPOSER DE CONSTATER UNE PERTE AU TITRE DES AVANCES CONSENTIES

Le présent article propose en effet de constater, conformément à l'article 24 de la LOLF, que les avances octroyées, imputées sur le compte « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics », font l'objet d' une constatation de pertes . Celles-ci correspondent à une perte en capital d'un montant de 32,5 millions d'euros , d'une part, et à une perte au titre des intérêts ayant couru depuis le 1 er février 2009 jusqu'à la date de publication de loi de règlement, d'autre part 35 ( * ) .

Le présent article conduira à apurer, après le vote de la loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008, le compte « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général rappelle que les avances consenties par le Trésor doivent faire l'objet d' un remboursement certain dans des délais précisément définis . Ces avances ne doivent représenter qu'un risque très faible de constat de perte. A défaut, elles représentent un coût difficile à justifier pour les finances de l'Etat.

Par ailleurs, le constat de perte n'est pas conforme au bon usage des deniers publics. Il conduit à faire des avances un mécanisme de subvention , ce qu'elles ne doivent pas être. Elles courent alors le risque d'être requalifiées en aides d'Etat .

En l'espèce, ce risque est toutefois faible puisque l'article 107, paragraphe 2-b, du traité instituant la Communauté européenne (TCE) prévoit des dérogations en matière d'aides d'Etat « destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires », ce qui est en partie le cas des avances consenties dont il s'agit ici de constater la perte.

Votre commission des finances est particulièrement sensible à la situation politique, économique et sociale des départements d'outre-mer .

Elle estime, plus particulièrement, que la filière banane représente un atout indéniable pour les départements antillais . Il convient de valoriser au mieux les ressources de ces territoires et d'accompagner cette filière dans son développement.

En dépit de ses réserves, votre rapporteur général approuve donc le constat des pertes au titre des avances consenties aux groupements de producteurs de bananes antillais . Il rappelle qu'il sera utile de poursuivre la réflexion sur le régime de l'OCM banane tout en confortant la production de bananes aux Antilles.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 9 - Reconnaissance d'utilité publique des dépenses comprises dans une gestion de fait

Commentaire : le présent article vise à reconnaître d'utilité publique certaines dépenses comprises dans une gestion de fait.

La gestion de fait consiste en un maniement irrégulier de deniers publics par des personnes qui ne sont pas comptables publics ou qui n'agissent pas sous le contrôle ou pour le compte de comptables publics . Les comptables de fait doivent rendre compte de leur gestion au juge des comptes dans les mêmes conditions que les comptables de droit.

I. RAPPEL DE LA PROCÉDURE APPLICABLE À LA GESTION DE FAIT

Dans les affaires qui lui sont soumises, la Cour des comptes :

1) détermine les éléments constitutifs de la gestion de fait en identifiant, au sein des masses financières concernées, celles qui ont été affectées à des dépenses à caractère budgétaire en dehors du circuit comptable de l'Etat ;

2) juge les comptes rendus par les personnes déclarées comptables de fait. Elle est ainsi conduite à établir la ligne de compte de la gestion de fait et à enjoindre au comptable de fait de reverser auprès d'un comptable public l'excédent éventuel des recettes sur les dépenses ;

3) rend le comptable de fait responsable sur ses propres deniers de la régularité des opérations auxquelles il a procédé 36 ( * ) .

Il appartient au Parlement , seul habilité à déterminer la nature, le montant et l'affectation des charges de l'Etat dans le cadre d'une loi de finances, de statuer sur l'utilité publique des dépenses de la gestion de fait . Aux termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, la Cour enjoint donc les comptables de fait « de produire une décision du Parlement , prise en la forme constitutionnellement requise pour le vote des lois de finances, statuant sur l'utilité publique des dépenses de la gestion de fait ». Muni de cette décision, le comptable de fait sollicite de la Cour des comptes d'être définitivement déchargé de l'obligation de restituer les sommes correspondantes.

La décision du Parlement s'appuie sur les arrêts de la Cour des comptes qui, après enquête, est en mesure de définir le montant exact des sommes qui, bien que n'ayant pas été manipulées selon les règles de la comptabilité publique, ont le caractère d'utilité publique par leur destination 37 ( * ) .

II. LA GESTION DE FAIT DE LA « FONDATION NATIONALE DES SCIENCES POLITIQUES »

Entre le 11 juillet 1994 et le 31 décembre 2002, treize subventions, d'un montant total de 568.622,57 euros, ont été versées à la Fondation nationale des Sciences politiques sur les crédits du budget du ministère de l'enseignement supérieur.

Il résulte de l'instruction menée par la Cour des comptes que ces subventions attribuées à l'initiative des directeurs successifs de l'enseignement supérieur étaient des subventions fictives destinées à financer des dépenses de fonctionnement de la direction de l'enseignement supérieur (DES) et à rémunérer des personnels de la DES . Ces dépenses auraient donc dû être, selon la Cour des comptes, prises en charge par l'administration à hauteur de 521.060,35 euros.

Par arrêt provisoire du 25 septembre 2003 et arrêts définitifs du 10 et 17 juin 2004 ainsi que du 12 septembre 2008, la Cour des comptes a déclaré comptables de fait les directeurs successifs de la DES au ministère chargé de l'éducation nationale, les chefs successifs du service des établissements de la DES, la personne chargée de la sous-direction des moyens et des constructions de la DES, l'adjoint à la directrice de l'enseignement supérieur, les administrateurs successifs de la Fondation nationale des Sciences politiques (FNSP), le directeur administratif et financier de la FNSP, le directeur des finances de la FNSP.

Sous réserve de la reconnaissance d'utilité publique des dépenses par le Parlement, la Cour des comptes a fixé définitivement ligne de compte ainsi qu'il suit :

- Recettes admises : 568.622,57 euros ;

- Dépenses allouées : 521.060,35 euros ;

- Excédent de recettes devant être reversé à l'Etat : 47.562,22 euros.

Les comptables de fait ont été condamnés à titre provisoire à des amendes s'échelonnant de 250 euros à 12.000 euros.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Traditionnellement, et sauf erreur matérielle, le Parlement adopte sans modification les articles du projet de loi portant règlement du budget relatifs à la reconnaissance d'utilité publique de dépenses comprises dans des gestions de fait, afin que les découverts du Trésor soient augmentés à due concurrence.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 10 - Plafond de variation de la dette de l'Etat à court terme

Commentaire : le présent article additionnel a été adopté par votre commission à l'initiative de MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat ». Il vise à étendre l'autorisation parlementaire relative au plafond de variation de la dette négociable de l'Etat, en prévoyant un plafond de variation pour les titres de court terme (inférieurs à un an) supérieurs ou égaux à trois mois, et organise la saisine pour avis des commissions des finances des assemblées parlementaires au cas où l'urgence commanderait que le plafond précité soit dépassé, en cours d'exercice, sans recourir préalablement à une loi de finances rectificative.

I. LA SITUATION ACTUELLE

A. UN RECOURS MASSIF DE L'ETAT AUX TITRES DE DETTE DE COURT TERME

L'accroissement du besoin de financement de l'Etat, en 2008 , a été très largement supporté par un recours accru aux émissions de court terme : l'encours de BTF 38 ( * ) a connu une variation de + 59,8 milliards d'euros sur l'exercice . Par rapport au tableau de financement prévisionnel inscrit en LFI, l'encours de BTF a ainsi été accru de 37,4 milliards d'euros durant l'année, alors que le montant des émissions nettes à moyen et long termes ne l'a été que de 9 milliards d'euros.

En ce qui concerne l'année 2009 , alors que la LFI avait inscrit une prévision de variation d'encours de BTF à hauteur de + 20,9 milliards d'euros, les révisions intervenues dans le tableau de financement de l'Etat avec les lois de finances rectificatives du 4 février 2009 et du 20 avril 2009 ont augmenté cette variation prévisionnelle, respectivement, de 9,2 milliards d'euros puis de 7,6 milliards d'euros, soit 16,8 milliards d'euros de plus que le montant inscrit en LFI et, au total, une variation de + 37,7 milliards d'euros actuellement prévue pour l'année.

Tableau de financement de l'Etat 2008-2009

(en milliards d'euros)

2008

2009

LFI

1 e LFR a

2 e LFR b

Exécution

LFI

1 e LFR c

2 e LFR d

I.- Besoin de financement

Amortissement de la dette à long terme

41,3

39,3

39,3

39,3

63,6

63,0

63,0

Amortissement de la dette à moyen terme

61,5

58,3

58,3

58,3

47,4

47,4

47,4

Amortissement des engagements de l'État

2,4

2,4

10,4

10,3

1,6

1,6

1,6

Variation des dépôts de garantie

0,4

Variation d'autres besoins de trésorerie

+ 0,1

Déficit budgétaire

41,7

49,4

51,5

56,4

67,0

86,8

104,4

Total Besoin de financement

146,9

149,4

159,5

164,0

179,6

198,8

216,4

II.- Ressources de financement

Émissions à moyen et long termes (nettes des rachats)

119,5

116,5

128,9

128,5

135,0

145,0

155,0

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique

3,7

0

2,5

2,5

2,5

Variation nette des titres à court terme (BTF)

+ 22,4

+ 42,7

+ 57,0

+ 59,8

+ 20,9

+ 30,1

+ 37,7

Variation des dépôts des correspondants

- 2,7

6,9

4,2

1,6

Variation d'avance de trésorerie

+ 0,1

Variation du compte courant du Trésor

0

5

23,6

25,3

+ 19,0

+ 19,0

+ 19,0

Autres ressources de trésorerie

2,1

1,4

2,4

2,2

2,2

2,2

Total Ressources nettes de financement

146,9

149,4

159,5

164,0

179,6

198,8

216,4

a Loi de finances rectificative pour le financement de l'économie du 16 octobre 2008.

b Loi de finances rectificative du 30 décembre 2008.

c Loi de finances rectificative du 4 février 2009.

d Loi de finances rectificative du 20 avril 2009.

Source : documentation budgétaire

La volatilité des taux et l'instabilité des marchés liées à la crise financière ont suscité un regain de demande sur les titres de court et moyen termes. Aussi, depuis septembre 2008, l'Etat a bénéficié d'une forte demande pour les émissions de titres de dette à moins d'un an . En fin d'année 2008, les émissions de BTF ont permis à la fois de préfinancer le plan de relance, à hauteur de 10 milliards d'euros, et de financer le dépôt de liquidités de l'Etat à la Caisse de la dette publique, à hauteur de 11,1 milliards d'euros, qui a permis à celle-ci de souscrire à l'émission réalisée en faveur des banques par la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) créée sur le fondement de la loi de finances rectificative du 16 octobre 2008 pour le financement de l'économie.

Au total, en 2008, 152 émissions de BTF ont été réalisées, pour un montant de 314,4 milliards d'euros (hors émissions de bons du Trésor à intérêts annualisés assimilées à des BTF). L'encours des BTF est ainsi passé de 78,5 milliards d'euros fin 2007 à 138,3 milliards d'euros fin 2008 ; il représente désormais 13,6 % de l'encours global de la dette négociable de l'Etat .

Structure de la dette négociable de l'Etat

(encours corrigé de l'inflation, en milliards d'euros)

31/12/2004

31/12/2005

31/12/2006

31/12/2007

31/12/2008

OAT

552,0

593,2

609,9

640,7

680,6

BTAN

183,8

188,8

200,4

201,6

197,8

BTF

97,1

95,3

66,2

78,5

138,3

Total

832,9

877,4

876,6

920,7

1.016,6

Source : AFT

L'endettement de court terme dans l'encours de la dette négociable de l'Etat

(en milliards d'euros)

Variation de l'encours

de BTF dans l'année

Part des BTF dans

l'encours total de dette

31/12/2004

11,62

12 %

31/12/2005

1,75

11 %

31/12/2006

29,07

8 %

31/12/2007

+ 12,21

9 %

31/12/2008

+ 59,82

14 %

Source : AFT

Ce recours important aux titres de court terme, en 2008, a été présenté par le gouvernement comme permettant d'éviter de provoquer un choc sur le programme d'emprunt de l'Etat à moyen et long termes, alors que le montant de la dette venant à échéance, et qui devait donc être refinancée, atteignait un point élevé. Néanmoins, le recours à des BTF est de nature à accroître la variabilité de la charge d'intérêts 39 ( * ) .

B. UNE COMPOSANTE DE LA DETTE DE L'ETAT SOUSTRAITE À L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE

L'article 34, paragraphe I, 9° de la LOLF prévoit que la loi de finances initiale de chaque année, en première partie, « fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an ». De la sorte, selon l'interprétation retenue, la LOLF n'exige l'autorisation du Parlement que pour le montant de la dette négociable de l'Etat dont la durée de vie à l'émission est supérieure à un an , c'est-à-dire les BTAN 40 ( * ) et les OAT 41 ( * ) , à l'exclusion des BTF .

Pour les titres de long et moyen termes (OAT et BTAN), la loi de finances comporte ainsi un plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année. Ainsi, pour 2009, ce plafond a été fixé à 44,7 milliards d'euros par la loi de finances rectificative du 20 avril 2009.

Pour les BTF, en revanche, le tableau de financement mentionne seulement la variation de l'encours prévu.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. RESTAURER L'ESPRIT DE LA LOLF

L'absence de vote du Parlement, en loi de finances initiale, sur un plafond d'endettement de l'Etat à court terme, constitue une lacune regrettable dans un contexte de valorisation des pouvoirs du Parlement . Dès l'examen du PLF pour 2008, votre rapporteur général avait mis en lumière ce problème, en cherchant à retracer l'intention du législateur organique en la matière ( cf. encadré ci-après ). Les rapporteurs spéciaux successifs de la mission « Engagements financiers de l'Etat », notre ancien collègue Paul Girod en 2007 et notre collègue Jean-Pierre Fourcade en 2008 42 ( * ) , ont exprimé les mêmes préoccupations.

Séance du Sénat du 28 novembre 2007

PLF pour 2008 Débat sur l'évolution de la dette

M. Philippe Marini, rapporteur général [...]. Monsieur le ministre, la situation est bien paradoxale, puisque le besoin de financement atteint un niveau record de 145 milliards d'euros, tandis que le plafond de variation nette de la dette négociable de l'Etat, sur lequel nous allons voter, est, quant à lui, en baisse et s'établit à 16,7 milliards d'euros. Cette baisse résulte d'un effet d'optique et représente simplement la préférence de l'agence France Trésor pour des raisons que nous pouvons comprendre pour des refinancements à court terme d'échéances d'emprunts qui sont remboursées les unes après les autres.

[...] Je souhaite appeler votre attention sur le point suivant : la LOLF est ici respectée dans sa lettre, mais pas dans son esprit.

La lettre, c'est l'article 34, et le plafond correspond effectivement à la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an. On opère une soustraction, en déduisant du montant des émissions d'emprunts prévues en 2008, soit 119,5 milliards d'euros, l'amortissement de la dette à moyen et long termes, soit 102,8 milliards d'euros : le résultat, 16,7 milliards d'euros, est le plafond sur lequel nous allons nous prononcer.

Cependant, l'esprit de la LOLF n'est pas respecté. Pourquoi ? Je voudrais rappeler quelle était l'intention du législateur. Cette intention a été éclairée, dans le courant de l'année 2002, par des échanges, en particulier de correspondance, entre, d'un côté, Jean Arthuis et moi-même, et, de l'autre, les ministres de l'époque, Francis Mer et Alain Lambert.

J'avais accepté, le 26 juillet 2002, la définition de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an proposée par les ministres. À la suite d'échanges que nous avions eus, Jean Arthuis et moi-même précisions, le 3 octobre de la même année, que le fait que le « bleu » budgétaire prévoie une marge de manoeuvre de 5 milliards d'euros pour fixer le plafond de la dette, souhaitée à l'époque par les gestionnaires de l'agence France Trésor, n'était pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances et que, par ailleurs, le plafond de la variation de la dette avait un statut juridique analogue à celui du solde budgétaire : s'il peut être dépassé en cours d'année, il ne peut l'être en fin d'année qu'à la condition expresse qu'un collectif budgétaire l'autorise.

Il y avait là l'expression d'une double préoccupation, qui reflétait les débats antérieurs.

Le premier point de vue, qui avait déjà été formulé par Alain Lambert lorsqu'il rapportait au Sénat le projet de loi organique relatif aux lois de finances, était le suivant : « Il s'agit, en quelque sorte, de donner un contenu à l'autorisation d'émettre des emprunts en la liant au besoin de financement révélé et exprimé par le tableau de financement . »

L'autre point de vue avait été exprimé, lors de la discussion du projet de loi organique précité, par Florence Parly, qui était alors secrétaire d'Etat au budget. Je voudrais citer les propos qu'elle avait tenus, parce qu'il y a une grande constance dans les positions de nos technostructures administratives : « S'il devait y avoir un plafond d'emprunt, cela ne devrait pas placer le gouvernement dans une situation d'incapacité brutale à financer ses dépenses, parce qu'il y aurait une rupture de trésorerie et un retard dans l'encaissement d'une recette importante, par exemple. »

Nous pouvons très bien comprendre cela, et nous avons intégré ces points de vue dans un amendement de compromis voté lors de la discussion du projet de loi organique relatif aux lois de finances, puis lorsque nous avons interprété, par le biais d'un échange de lettres, ce que signifie le plafond d'appel à l'endettement.

Or, [...] qu'en est-il aujourd'hui ? On peut dire qu'il n'est plus possible de distinguer de manière simple emprunts et trésorerie. Les préoccupations du gouvernement, telles qu'elles avaient été formulées par Mme Parly, à savoir éviter toute rupture de trésorerie, ont bien été prises en compte, mais celles du Parlement ne le sont plus. En 2008, le lien entre besoin de financement et emprunts n'apparaît plus clairement.

En d'autres termes, le plafond de variation de la dette ne constitue plus la sanction politique et juridique du déficit du budget de l'Etat. L'esprit de la LOLF n'est plus respecté, les émissions d'emprunts de court terme liées au financement du déficit et à l'amortissement de la dette à moyen et long termes se trouvent fondues, diluées au sein des mouvements de trésorerie de l'Etat. [...]

Monsieur le ministre, je m'arrêterai là quant à ces considérations qui sont aussi bien juridiques que financières, mais voyons leur incidence économique et leur traduction en termes de décisions politiques. Lorsque le législateur organique a voulu ce débat qui précède le vote de l'article d'équilibre, qu'a-t-il réellement souhaité ?

Premièrement, il s'agissait d'établir une liaison entre besoin de financement et recours à l'emprunt ; or, ce lien est aujourd'hui dilué.

Deuxièmement, compte tenu de l'ampleur et des conséquences de nos déficits, la représentation nationale devait s'engager de façon solennelle, par un vote, sur les nouveaux appels à l'emprunt. Force est de constater que ce montant de 16,7 milliards d'euros sur lesquels nous allons nous prononcer n'a de signification que technique et qu'il représente un support vraiment très contestable pour un vote dont la valeur d'engagement politique devrait être une préoccupation essentielle.

Sur ces sujets, nous devons nous remettre au travail. Nous devrions pouvoir reprendre les interprétations qui ont été données de la LOLF, voire rédiger différemment les dispositions concernées. [...]

Source : compte-rendu intégral des débats

Il est donc souhaitable que l'autorisation parlementaire porte sur la dette négociable dans son ensemble . La Cour des comptes, aujourd'hui, appuie ce point de vue en estimant qu'« au-delà de la fixation du plafond de variation annuelle de la dette à plus d'un an, il convient, afin que le Parlement puisse appréhender de manière globale la politique d'emprunt, que l'information relative à la dette porte sur l'ensemble des composantes de la variation annuelle de son montant, y compris à court terme 43 ( * ) ».

B. ASSURER LE CONTRÔLE DU PARLEMENT

Dans l'esprit qui vient d'être exposé, le présent article additionnel propose, à titre expérimental pour les exercices 2010 et 2011 , années de crise, d'élargir la portée du vote du Parlement sur le tableau de financement de l'Etat et, à la fois, de renforcer l'information des parlementaires, en cours d'exercice, sur les émissions d'emprunts de l'Etat.

1. Une extension de l'autorisation en loi de finances initiale

En premier lieu, il s'agit d' étendre l'autorisation parlementaire relative au plafond de variation de la dette négociable de l'Etat . Alors que la LOLF, dans la pratique, n'exige cette autorisation que pour le montant de la dette négociable de l'Etat dont la durée de vie à l'émission est supérieure à un an, le présent article additionnel propose un plafond de variation pour les titres de court terme (inférieurs à un an) supérieurs ou égaux à trois mois .

On tend ainsi à renouer avec l'esprit de la LOLF, en distinguant entre émissions d'emprunts au sens strict et émission de trésorerie. Seules ces dernières peuvent être légitimement soustraites à l'autorisation parlementaire. L'Etat conserverait ainsi la souplesse de gestion nécessaire .

2. Une procédure d'avis sur les dépassements urgents en cours d'exercice

En second lieu, sur le modèle de la procédure relative aux décrets d'avance, le présent article additionnel organise une saisine obligatoire, pour avis, des commissions des finances des assemblées parlementaires, au cas où l'urgence commanderait que le plafond précité soit dépassé, en cours d'exercice, sans recourir préalablement à une loi de finances rectificative .

Les commissions disposeraient, pour se prononcer, d'un délai de 7 jours à compter de la transmission d'un projet d'arrêté du ministre des finances. En principe, les emprunts qui auraient pour conséquence le dépassement du plafond ne pourraient être effectués qu'après l'avis requis. Néanmoins, en l'absence d'avis dans le délai prévu, le gouvernement pourrait procéder aux émissions nécessaires .

En tout état de cause, le présent article additionnel prévoit que la ratification des modifications ainsi apportées au plafond de variation de la dette comprise entre trois mois et un an doit être demandée, au Parlement, dans le plus proche projet de loi de finances afférent à l'année concernée.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 10 (nouveau) - Contenu de l'annexe « Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres » jointe aux projets de loi de finances initiale

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Michel Bouvard, tend à compléter l'information contenue dans l'annexe « Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres » jointe aux projets de loi de finances initiale.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 112 de la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-1050 du 6 août 2002 de finances rectificative pour 2002, dispose que « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, en annexe du projet de loi de finances, la liste de toutes les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ou de la Banque de France prévues par les textes législatifs et réglementaires. Cette liste évalue le coût de fonctionnement de ces organismes, indique le nombre de leurs membres comme le nombre de leurs réunions tenues lors des trois années précédentes et mentionne les commissions et instances créées ou supprimées dans l'année . »

En pratique, chaque année, il est joint au projet de loi de finances initiale (PLF) un document, sous la forme d'un « jaune » budgétaire , intitulé « Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres », qui fait apparaître, d'ailleurs non sans lacunes, les informations précitées.

Selon ce document, en effet, alors qu'on dénombrait en 2006 quelque 710 commissions et instances répondant aux critères de recensement dans l'annexe, seulement 147 d'entre elles, soit 20 % de l'ensemble, avaient fait en sorte que toutes les rubriques prévues soient remplies. Néanmoins, 346 d'entre elles, soit quasiment la moitié, n'avaient omis qu'une rubrique. En 2007, on n'a plus décompté que 679 entités, et 30 % d'entre elles avaient pourvu à un renseignement complet. En revanche, en 2008, l'annexe jointe au PLF pour 2009 a enregistré une hausse du nombre de ces commissions et instances, à hauteur de 701 entités ; 188 d'entre elles, soit 27 % seulement, ont pris la peine de renseigner complètement le législateur.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Michel Bouvard , avec l'avis favorable de la commission des finances comme du gouvernement. A titre principal, il tend à compléter l'information contenue dans le « jaune » budgétaire précité, la « Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres », en exigeant en termes exprès « une justification de l'évolution des coûts de fonctionnement ».

En effet, l'article 112 de la loi de finances pour 1996 précité, fondement de l'obligation pour le gouvernement de présenter au Parlement cette annexe aux PLF, s'il permet de suivre l'évolution des coûts de fonctionnement des « commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ou de la Banque de France », ne donne aucune explication sur les montants qu'il fait apparaître.

Par ailleurs, le présent article propose que chaque « jaune » relatif à ces entités retrace, « en milliers d'euros » pour la commodité de la lecture, le coût de fonctionnement « lors des trois années précédentes », et non seulement pour l'année de rédaction du document. Il s'agit donc de consolider l'information contenue dans les trois plus récentes annexes.

Votre rapporteur général approuve une initiative qui vise ainsi à enrichir et renforcer en qualité l'information donnée au Parlement et, par conséquent, les moyens de son contrôle sur l'exécutif.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 29 Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 30 Rappelons que les dépenses du CNC sont constituées d'aides automatiques et sélectives aux industries du cinéma et de l'audiovisuel.

* 31 Règlement CE n° 404/93 du Conseil.

* 32 Le POSEI a pour objectif de prendre en considération les handicaps géographiques et économiques des régions ultrapériphériques (au sens de l'article 299, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne). Les mesures POSEI, financées au titre du 1 er pilier de la PAC, se répartissent en deux catégories : la première a trait à l'approvisionnement en certains produits essentiels à la consommation humaine, à la transformation et en tant qu'intrants agricoles, la seconde concernant des mesures spécifiques de soutien à la production et à la commercialisation des produits agricoles locaux.

* 33 Cf. règlement CE n° 247/2006 du Conseil.

* 34 Cf. décret n° 2009-340 du 27 mars 2009.

* 35 Dans la mesure où les intérêts courant jusqu'au 31 janvier 2009, date de l'échéance, ont été versés pour un montant total de 1,75 million d'euros, conformément aux conventions signées avec les groupements de producteurs de bananes.

* 36 En application du troisième alinéa du XI de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 qui dispose que « les gestions irrégulières entraînent, pour leurs auteurs, déclarés comptables de fait par la Cour des comptes, les mêmes obligations et responsabilités que les gestions patentes pour les comptables publics ».

* 37 A contrario , les sommes auxquelles la Cour a dénié le caractère d'utilité publique sont soumises à une procédure de recouvrement parallèle qui peut conduire à une procédure contentieuse.

* 38 Bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés, principalement à échéance 3 mois, 6 mois et 1 an.

* 39 L'augmentation de l'encours des BTF ne s'est pas traduite, au premier semestre 2009, par une hausse de la charge d'intérêts de la dette, l'effet « taux » ayant compensé l'effet « volume » (en mai 2009, l'Etat empruntait à trois mois au taux de 0,798 %, et à un an au taux de 0,868 %). Néanmoins, un risque de renchérissement existe car, les emprunts sous forme de BTF étant en pratique, le plus souvent, d'une durée de 3 mois, ils seront renouvelés plusieurs fois au cours de l'année, et le niveau très bas des taux d'intérêt reste un phénomène d'ordre exceptionnel qui, par nature, ne devrait pas perdurer.

* 40 Obligations assimilables du Trésor à taux fixe, à taux variables et indexés, à échéance comprise entre 10 et 50 ans.

* 41 Bons du Trésor à intérêts annualisés, à échéance de 2 ans et 5 ans.

* 42 Cf. en dernier lieu dans le rapport n° 99 (2008-2009), tome III, annexe 12.

* 43 Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour l'exercice 2008, p. 59.

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