TITRE III - ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES
Le titre III de la présente proposition de loi est destiné à améliorer l'accompagnement des victimes une fois que les faits de violences sexuelles incestueuses dont elles ont été victimes ont été détectés.
Article 6 - Création de centres de référence pour les traumatismes psychiques (Dispositions déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte par l'Assemblée nationale)
L'article 6 de la proposition de loi comportait des dispositions destinées à compléter l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, qui est relatif aux missions des établissements de santé. Aux termes de ces dispositions, il aurait été prévu de doter au moins un établissement de santé public par département d'un centre de référence pour les traumatismes psychiques, chargé d'assurer l'accueil et la prise en charge des victimes de violences. Cette prise en charge aurait été organisée de façon pluridisciplinaire, associant à la fois psychiatres, personnels médicaux, psychologues, assistants sociaux et conseillers juridiques.
Ces dispositions ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution par la commission des finances de l'Assemblée nationale avant l'examen du texte par sa commission des lois.
Votre commission espère néanmoins que de telles dispositions pourront être rapidement reprises par le Gouvernement car, de l'avis unanime des personnes entendues par votre rapporteur, il existe en France un déficit patent en matière de prise en charge des victimes, mineures et majeures, de violences incestueuses.
Article 6 bis (art. 2-3 et 706-50 du code de procédure pénale) - Constitution de partie civile par les associations de lutte contre l'inceste et désignation systématique d'un administrateur ad hoc
L'article 6 bis , inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, reprend en partie les dispositions qui figuraient à l'article 3 du texte initial. Il est relatif, d'une part, à la faculté ouverte aux associations de défense des enfants victimes d'inceste de se constituer partie civile ainsi que, d'autre part, à la désignation systématique d'un administrateur ad hoc par le procureur de la République ou le juge d'instruction lorsque celui-ci est saisi d'infractions sexuelles incestueuses commises sur un mineur.
1) L'article 2-3 du code de procédure pénale permet à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfance en danger et victime de toutes formes de maltraitance d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne, en particulier, les atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur. Néanmoins, de telles associations ne peuvent, à elles seules, mettre en mouvement l'action publique : elles ne peuvent agir que par intervention, lorsque la victime s'est elle-même constituée partie civile ou que le ministère public a décidé d'engager des poursuites.
Le 1° de l'article 6 bis vise à étendre aux associations engagées dans la lutte contre l'inceste et dans le soutien aux victimes d'actes incestueux la possibilité de se constituer parties civiles et, ainsi, d'accompagner et de soutenir ces victimes tout au long de la procédure judiciaire.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité introduire cette précision qui permettra d'épargner à ces associations tout risque de voir leur intervention déclarée irrecevable par le juge au motif que leur objet statutaire ne les ferait pas entrer dans le champ des associations visées à l'article 2-3 du code de procédure pénale 51 ( * ) .
2) Aux termes de l'article 706-50 du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. Cet administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile.
Dans ce cas, la désignation de l'administrateur fait obstacle à ce que le représentant légal du mineur puisse également intervenir afin d'exercer au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile. Cette désignation est notifiée aux représentants légaux du mineur et peut être contestée par ces derniers par la voie de l'appel dans un délai de dix jours à compter de la notification 52 ( * ) .
Le 2° de l'article 6 bis de la proposition de loi a pour but de compléter ce dispositif en précisant que lorsqu'il est saisi d'une affaire de viol, d'agression sexuelle ou d'atteinte sexuelle à caractère incestueux, le procureur de la République ou le juge d'instruction désigne obligatoirement un administrateur ad hoc .
En pratique, la désignation d'un administrateur judiciaire pour les mineurs est une mesure qui est appliquée dans la grande majorité des cas. Cependant, dans la mesure où l'inceste est une forme très particulière de maltraitance, puisque non seulement l'agresseur appartient au cercle familial qui était censé apporter une protection à l'enfant, mais de plus, souvent, d'autres membres de la famille ont pu avoir connaissance de ces agissements et ne pas apporter à ce dernier l'aide dont il avait besoin, il apparaît nécessaire d'affirmer que cette désignation doit constituer le principe.
Néanmoins, votre commission souhaite réserver l'hypothèse où l'agresseur n'appartiendrait pas au cercle proche de l'enfant et où les parents de ce dernier (ou l'un d'entre eux, notamment lorsque les parents de l'enfant sont séparés) demeureraient à même d'assurer sa défense et sa protection. Dans un certain nombre d'hypothèses, il demeurera en effet possible d'envisager que les parents de l'enfant victime soient en mesure d'assurer la protection des intérêts de ce dernier - alors que la désignation de l'administrateur ad hoc les en empêcherait.
Pour cette raison, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à modifier le 2° de l'article 6 bis , afin de prévoir qu'en cas d'inceste, la désignation de l'administrateur ad hoc est obligatoire, sauf décision spécialement motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction.
Votre commission adopte l'article 6 bis ainsi modifié .
Article 7 Remise d'un rapport au Parlement sur la prise en charge -des victimes d'infractions sexuelles
L'article 7 de la proposition de loi, modifié par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de son rapporteur, prévoit la remise au Parlement, par le Gouvernement, d'un rapport examinant les modalités d'amélioration de la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles au sein de la famille, en particulier dans le cadre de l'organisation de la médecine légale.
Comme le souligne Mme Marie-Louise Fort dans son rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, « il convient [...] de s'interroger sur les modalités d'une meilleure prise en charge des soins ainsi que sur les outils qui pourraient servir à faciliter l'insertion sociale des victimes. [...] La prise en charge spécifique des victimes d'inceste doit être effectuée dans le cadre du nouveau schéma d'organisation de la médecine légale. Cette réforme, qui doit être mise en oeuvre très prochainement, vise précisément à améliorer la qualité de prise en charge. Il convient que cette prise en charge soit basée sur des structures hospitalières « pivots » et des établissements intégrés dans un réseau de proximité ».
Il est par ailleurs prévu que ce rapport tire un bilan des mesures de sensibilisation du public et notamment des mesures d'éducation et de prévention à destination des enfants mises en place en matière de lutte contre les violences sexuelles incestueuses.
Enfin, dans son rapport précité, Mme Marie-Louise Fort précise que cette étude devra porter tout autant sur les mineurs qui subissent un inceste que sur les adultes qui souffrent des conséquences d'un inceste subi dans leur enfance.
Votre commission souhaite que ce rapport permette d'avoir une vue globale sur l'action des pouvoirs publics menée en matière de lutte contre les violences sexuelles incestueuses comme en matière de prise en charge des victimes.
Néanmoins, elle juge, compte tenu des délais d'examen de la présente proposition de loi, qu'il est peu réaliste de demander au Gouvernement de remettre ce rapport pour le 31 décembre 2009. En conséquence, elle a modifié l'article 7 pour prévoir que celui-ci devra être remis au Parlement avant le 30 juin 2010.
La commission adopte l'article 7 ainsi modifié .
Article 7 bis (nouveau) - Application aux collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie
Les dispositions de la présente proposition de loi ne seront pas applicables de plein droit dans les collectivités soumises, dans la matière pénale, au principe de spécialité législative. L'application de ses dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna nécessite par conséquent une mention expresse qui est prévue par le présent article.
Tel est également le cas des dispositions figurant aux articles 4 et 5 de la proposition de loi, qui modifient le code de l'éducation et la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : les articles modifiés relèvent bien de la compétence de l'Etat mais une mention expresse est nécessaire pour permettre leur application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Les dispositions de la proposition de loi sont en revanche applicables de plein droit à Mayotte, à Saint Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon (matières relevant de la compétence de l'Etat et soumises au principe de l'identité législative).
Enfin, si le droit pénal et la procédure pénale sont applicables de plein droit dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), tel n'est pas le cas du code de l'éducation. En revanche, les articles 43-11 et 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont applicables sur mention expresse dans les TAAF en application de l'article 108 de cette loi.
Votre commission a inséré l'article 7 bis ainsi rédigé .
Article 8 - Gage
L'article 8, qui prévoyait le gage financier des dispositions de la proposition de loi, a été supprimé du texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale après l'examen de ses incidences financières par le bureau de la commission des finances.
Votre commission a maintenu cette suppression .
* 51 Ce risque apparaît néanmoins faible. Ainsi, dans un arrêt en date du 23 mars 1982, la Cour de cassation a estimé qu'une association dont l'objet consiste dans l'action pour faire reconnaître la dignité de la personne était recevable à agir dans des affaires de violences sexuelles perpétrées à l'encontre des femmes.
* 52 Article R. 53-7 du code de procédure pénale.