N° 302
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mars 2009 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de résolution européenne présentée par M. Roland RIES au nom de la commission des Affaires européennes (2) en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de directive relative à l' application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (E 3903),
Par M. Jacky LE MENN,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mmes Sylvie Desmarescaux, Bernadette Dupont, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri. (2) Cette commission est composée de : M. Hubert Haenel , président ; MM. Denis Badré, Michel Billout, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour, vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard-Reymond, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Pierre-Yves Collombat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung. |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
234 et 303 (2008-2009) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le 2 juillet dernier, dans le cadre du paquet « Agenda social rénové », la commission européenne a présenté une proposition de directive relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
Cette proposition constitue, en réalité, la reprise étoffée de la partie « santé » de la directive relative aux services dans le marché intérieur 1 ( * ) que le Conseil et le Parlement européens avaient exclue, en son temps, de ce texte, en estimant que les soins ne peuvent être considérés comme des services ordinaires.
Une fois la directive « services » adoptée, la commission européenne a soumis aux Etats membres une nouvelle proposition de directive spécifiquement dédiée aux soins, dans l'objectif de leur appliquer le principe de libre prestation des services.
Ce texte a, d'emblée, suscité de nombreuses et vives réserves de la part d'une large majorité d'Etats membres. Il comporte, en effet, des dispositions qui sont de nature à remettre en cause leur capacité à organiser et financer, selon les modalités de leur choix, leur système de santé. Il octroie également des prérogatives à la commission européenne que rien, dans le traité instituant la Communautés européenne, ne saurait justifier. Il soumet par ailleurs les Etats à des obligations qui semblent, dans la perspective d'une progression de la qualité des soins en Europe, irréalistes et inutiles.
Bref, la distance est grande entre le texte proposé aux Etats membres et la déclaration adoptée par le Conseil 2 ( * ) , en juin dernier, pour réaffirmer son attachement à la liberté de chaque Etat d'organiser souverainement son système de soins.
Surtout, il est fort à craindre que la primauté accordée par le texte à la mobilité des patients sur la régulation publique ne conduise à renforcer l'inégalité d'accès aux soins que la jurisprudence communautaire favorise malheureusement déjà depuis 1998.
Toutes ces raisons justifient que le Sénat rappelle solennellement que l'égalité d'accès à une médecine de qualité est un principe auquel nul autre ne saurait porter atteinte. Tel est l'objectif poursuivi par la proposition de résolution déposée par la commission des affaires européennes 3 ( * ) que le présent rapport se propose d'étudier.
I. LA MOBILITÉ DES PATIENTS EN EUROPE EST TRÈS MAL CONNUE
On pourrait légitimement supposer qu'une proposition de directive consacrée aux soins transfrontaliers ait été précédée d'un travail approfondi d'évaluation de la mobilité des patients, en termes de nombre de personnes et de flux financiers concernés. Or, les principaux acteurs du secteur confirment que cette information n'est actuellement pas disponible. On ignore le nombre de citoyens européens soignés chaque année dans un autre Etat membre que le leur ainsi que le montant précis des dépenses que cette pratique entraîne pour les régimes de sécurité sociale .
Certes, avant d'élaborer la proposition de directive, la commission a mené une enquête Eurobaromètre pour évaluer l'importance de la mobilité des patients en Europe 4 ( * ) , selon laquelle 4 % des citoyens auraient bénéficié, au cours des douze mois précédents, de soins transfrontaliers. Ceci étant, cette enquête repose uniquement sur la consultation téléphonique de 27 200 personnes de plus de quinze ans sur les 416 millions potentiellement concernés 5 ( * ) . C'est dire le degré de fiabilité que l'on peut lui accorder...
La même incertitude plane sur le niveau des masses financières en jeu. La commission estime que les soins transfrontaliers représentent 1 % des dépenses publiques européennes de santé. Or, cette évaluation, qui ne provient pas de l'agrégation officielle de données nationales pourtant disponibles, semble bien supérieure à la réalité. En France par exemple, où l'on peut penser que les citoyens, en raison de leur niveau de vie, sont plus mobiles que la moyenne des Européens, les remboursements de soins prodigués dans d'autres Etats membres représentent seulement 0,16 % des dépenses publiques de santé 6 ( * ) , soit six fois moins que l'estimation donnée par la commission pour l'Union tout entière.
En fait, il aurait été plus pertinent de se fonder sur les statistiques des services de chaque Etat membre, qui disposent de données chiffrées précises sur leurs ressortissants soignés à l'étranger, sur les personnes étrangères soignées sur leur territoire, ainsi que sur les volumes financiers correspondants.
On peut regretter que la commission ne se soit pas engagée dans une telle démarche qui aurait abouti à un résultat incontestable et aurait permis de dresser un tableau clair de la situation des soins de santé transfrontaliers dans l'Union.
* 1 Dite « directive services » ou « directive Bolkenstein ».
* 2 Conclusions du Conseil sur les valeurs et principes communs aux systèmes de santé de l'Union européenne (2006/C 146/01)
* 3 Rapport n° 230 (2008-2009), « Soins de santé transfrontaliers », de Roland Ries, fait au nom de la commission des affaires européennes.
* 4 Flash eurobaromètre n° 210, Cross-border health services in the EU, rapport analytique d'une enquête menée par The Gallup Organization, Hongrie, à la demande de la direction générale de la santé et de la protection des consommateurs de la commission européenne (DG Sanco), 2007.
* 5 Au 1 er janvier 2007, l'Union européenne comptait 497 millions d'habitants, dont 16,4 %, soit 416 millions, de plus de quinze ans.
* 6 En 2007, les dépenses publiques de santé se sont élevées à 144,8 milliards d'euros et les remboursements de soins effectués à l'étranger à 233 millions seulement. Il est vrai que cette dernière donnée n'intègre pas les remboursements de soins réalisés dans le cadre d'accords de coopération transfrontalière qui seront connus, d'après la direction de la sécurité sociale, au début de l'année 2011.