TITRE XI - DE LA MAJORITÉ ET DES MAJEURS PROTÉGÉS PAR LA LOI |
CHAPITRE IER - DES DISPOSITIONS GÉNÉRALES |
Ce chapitre regroupe les règles applicables à l'ensemble des mesures de protection des majeurs, qu'elles soient juridiques ou non, judiciaires ou conventionnelles : sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future et accompagnement judiciaire. Il reprend les dispositions actuelles du code civil définissant la capacité et la responsabilité des majeurs (section 1) puis édicte les règles communes qui régiront désormais leur protection (section 2).
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié son intitulé pour viser les dispositions « générales » plutôt que les dispositions « communes ».
Art. 414 du code civil : Capacité du majeur
Cet article maintient la présomption de capacité juridique dont toute personne physique de plus de dix-huit ans bénéficie actuellement, en application du premier alinéa de l'article 488.
Un majeur ne peut donc être privé de sa capacité juridique par une mesure de protection qu'à titre exceptionnel, dans des conditions qui sont désormais précisées à l'article 425.
La présomption de capacité juridique couvre, selon la rédaction proposée, « les droits dont le majeur a la jouissance », et non plus « tous les actes de la vie civile ». Les droits ainsi visés sont en principe des droits civils. Toutefois le code civil a vocation à fixer des règles générales qui sont employées y compris dans d'autres branches du droit à défaut de dispositions spécifiques contraires. Le principe selon lequel, à 18 ans, on jouit de tous ses droits est donc un principe général. Il reste néanmoins quelques textes, notamment, la législation sur les établissements de jeu, qui prévoient un autre âge minimal.
Comme aujourd'hui, la présomption de capacité dont bénéficiera le jeune majeur n'interdira pas l'organisation ou la prolongation d'une action de protection judiciaire prévue par le décret n° 75-96 du 18 février 1975 en cas de graves difficultés d'insertion sociale. Ce texte autorise le juge des enfants à prescrire, avec l'accord de l'intéressé et jusqu'à l'âge de 21 ans, de poursuivre ou de mettre en place une mesure d'observation, d'action éducative ou d'admission dans un établissement spécialisé.
Section 1
Des dispositions indépendantes des mesures de
protection
Art. 414-1 du code civil : Nullité relative d'un acte pour insanité d'esprit
Cet article reprend la règle de la nullité relative de l'acte juridique passé par une personne atteinte d'un trouble mental , actuellement posée à l'article 489.
La santé mentale reste ainsi une condition de validité d'un acte, même en l'absence de mesure de protection juridique.
L'insanité d'esprit, le trouble mental sont des expressions très générales. Elles s'appliquent, bien entendu, aux malades mentaux proprement dits, qu'ils soient ou non soumis à un régime de protection, qu'ils soient durablement atteints dans leurs facultés intellectuelles ou en proie à une hallucination temporaire. Elles couvrent également le cas de tout individu privé de raison, notamment sous les effets de la drogue, de l'alcool, d'une maladie physique comme la fièvre ou même sous l'empire d'une intense émotion. Le critère déterminant est l' absence de discernement au moment de la passation de l'acte . En la matière, le juge a un pouvoir d'appréciation souverain 38 ( * ) .
Aussi la preuve de l'insanité d'esprit incombe-t-elle, en principe, à celui qui agit en nullité. Difficile à établir, elle peut être rapportée par tous moyens, notamment par témoignages et présomptions. En cas de trouble mental persistant, la jurisprudence en inverse la charge, en exigeant du défenseur qu'il rapporte la preuve de sa lucidité au moment de l'acte 39 ( * ) .
Si le principe, actuellement énoncé à l'article 488, de la protection par la loi du majeur ne bénéficiant pas d'un régime spécifique mais qu'une altération de ses facultés personnelles met dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts, soit à l'occasion d'un acte particulier, soit d'une manière continue, n'est pas repris, les conditions restent donc posées pour en assurer l'effectivité.
Art. 414-2 : Conditions d'exercice de l'action en nullité pour insanité d'esprit
Cet article définit les conditions d'exercice de l'action en nullité, actuellement énoncées aux articles 489 et 489-1, en distinguant selon que l'intéressé est vivant ou non.
Du vivant de la personne, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé . Il s'agit d'interdire à l'autre partie, celle qui était saine d'esprit, d'invoquer cette cause de nullité pour faire annuler l'acte. Le projet de loi ne reprend pas la disposition de l'actuel article 489 selon laquelle l'action peut être exercée parle tuteur ou le curateur nommé après la passation car elle est inexacte et inutile : inexacte, parce que le curateur ne peut exercer lui-même l'action mais seulement apporter son assistance au majeur ; inutile parce que la rédaction retenue pour l'article 414-2, en indiquant que « l'action n'appartient qu'à l'intéressé », soumet son exercice aux règles de droit commun. Si la personne est sous tutelle, l'action est exercée par le tuteur ; si elle est sous curatelle, elle agit avec l'assistance de son curateur.
Après la mort de la personne, les actes qu'elle a passés ne peuvent en principe être attaqués pour cause d'insanité d'esprit, en raison des difficultés d'administration de la preuve, du souci d'éviter de multiples contestations et du désir d'inciter les parents de l'aliéné à le placer sous un régime de protection. Quatre exceptions sont toutefois prévues par l'actuel article 489-1 et reprises par le projet de loi. Une action en nullité est ainsi admise :
- pour les donations et testaments, et ce afin d'éviter tout danger de captation ;
- pour un acte portant en lui-même la preuve d'un trouble mental ;
- pour un acte fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
- si une demande d'ouverture d'une mesure de protection a été introduite avant le décès, ou, hypothèse nouvelle induite par la création de ce type de mesure de protection, si effet a été donné à un mandat de protection future.
Comme toute nullité relative, l'action en nullité pour insanité d'esprit se prescrit , en application de l'article 1304, par cinq ans à compter du jour où l'acte est passé, sauf si la personne était au moment de l'acte placée sous une mesure de protection juridique, auquel cas la prescription ne court que du jour où la personne a eu connaissance de son acte et s'est trouvée en situation de le refaire valablement. Il ne court contre les héritiers du majeur protégé que du jour de son décès, s'il n'a pas commencé à courir auparavant.
L'action en nullité pour insanité d'esprit ne fera pas obstacle à ce que l'acte accompli après l'ouverture d'une mesure de protection puisse être annulé, rescindé ou réduit selon les dispositions propres à celle-ci 40 ( * ) .
L'acte annulable pour insanité d'esprit pourra, comme aujourd'hui, être confirmé par son auteur ou, après la mort de celui-ci, par ses héritiers, selon les règles de droit commun édictées à l'article 1338. La personne sous curatelle pourra le confirmer avec l'assistance de son curateur 41 ( * ) . Pour la personne sous tutelle, le tuteur agira sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'agissant de droits patrimoniaux 42 ( * ) .
Art. 414-3 du code civil : Responsabilité civile du majeur atteint d'un trouble mental
Cet article réaffirme le principe, posé à l'actuel article 489-2, de la responsabilité civile du majeur atteint d'un trouble mental.
Ce principe a été instauré par la loi du 3 janvier 1968 pour mettre fin à la jurisprudence traditionnelle qui refusait réparation aux victimes d'un dommage causé par une telle personne. Depuis 1968, celui qui cause un dommage sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins tenu à réparation. La jurisprudence a précisé le champ de cette obligation en l'appliquant à tous les cas de responsabilité civile prévus aux articles 1382 et suivants du code civil, sans possibilité de distinction.
Ainsi, le trouble mental a des effets différents selon que l'on se situe sur le terrain de la responsabilité civile ou sur celui de la responsabilité pénale : une personne atteinte de trouble mental, civilement responsable par principe, peut être jugée pénalement irresponsable si son trouble a aboli son discernement ou le contrôle de ses actes 43 ( * ) .
La Cour de cassation considère, depuis un arrêt d'assemblée plénière du 9 mai 1984, que la capacité de discernement d'un mineur n'est pas une condition pour l'engagement de sa responsabilité pour faute.
Section 2
Des dispositions communes aux majeurs protégés
Art. 415 du code civil : Principes généraux de la protection des majeurs
Cet article énonce les principes généraux de la protection des majeurs, ces principes étant ensuite déclinés, par des dispositions spécifiques à chaque mesure de protection, dans la suite du titre XI.
Il affirme que les mesures de protection des majeurs visent aussi bien leur personne que leurs biens , consacrant une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis un arrêt du 18 avril 1989.
Leur ouverture est subordonnée à un principe de nécessité , afin d'interdire de placer sous protection une personne qui n'en a pas un réel besoin.
La finalité de la protection d'un majeur est définie par référence à l' obligation de poursuivre l'intérêt de la personne et à celle de favoriser son autonomie . Ces deux obligations se distinguent par une différence de degré : la première est absolue et ne souffrira donc d'aucun accommodement, la seconde devra être respectée « dans la mesure du possible », c'est-à-dire compte tenu de la situation et de l'état de la personne.
En outre, les conditions de l'instauration et de la mise en oeuvre de la protection sont soumises à l'obligation de respecter les libertés individuelles, les droits fondamentaux et la dignité de la personne .
Cette dimension n'avait pas été prise en compte, en tant que telle, par la loi du 3 janvier 1968 qui ne l'envisageait qu'à travers des questions spécifiques, comme le mariage ou le divorce du majeur. Désormais, le respect des droits de la personne protégée sera assuré par une délimitation précise de sa sphère d'autonomie. À cette fin, le projet de loi prévoit plusieurs dispositions renforçant la place du majeur dans le processus judiciaire, comme l'obligation de l'auditionner (article 432), et définit les actes qui, parce qu'ils sont par nature personnels, ne peuvent être décidés par aucun représentant (article 458).
Enfin, le projet de loi fait de la protection des majeurs, au même titre que la tutelle des mineurs (article 394), un devoir des familles et de la collectivité publique . L'obligation des membres de la famille vis-à-vis d'un majeur atteint d'une altération de ses facultés se traduit notamment par le renforcement du principe de priorité familiale dans le choix du tuteur ou du curateur (article 449) et par le fait que l'époux, le partenaire lié par un PACS ou les enfants peuvent être tenus de conserver la curatelle ou la tutelle au-delà de cinq ans (article 453). Quant au devoir de la collectivité publique, il se traduit principalement par la prise en charge financière du dispositif.
Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel.
Art. 416 et 417 du code civil : Surveillance des mesures de protection des majeurs par le juge des tutelles et le procureur de la République
Ces articles confient au juge des tutelles et au procureur de la République une mission générale de surveillance des mesures de protection des majeurs .
Ces dispositions font écho à celles de l'article 388-3 relatives à la surveillance des administrations légales et des tutelles des mineurs par le juge des tutelles et le procureur de la République, que l'article 3 du projet de loi tend à insérer dans le code civil.
Pour leur permettre d'exercer cette mission de surveillance, le projet de loi donne à ces magistrats des pouvoirs nouveaux .
Actuellement, le juge des tutelles et le procureur de la République peuvent, en vertu de l'article 490-3 44 ( * ) , visiter ou faire visiter les personnes protégées. Désormais, ils pourront également visiter ou faire visiter les personnes qui feront l'objet d'une demande de protection. La nouveauté est toute relative puisque l'audition à laquelle le juge des tutelles doit procéder avant de prendre une mesure peut déjà avoir lieu au domicile de l'intéressé.
En outre, les personnes chargées de la protection devront déférer à leurs convocations et leur communiquer toute information qu'ils requièrent . Ce pouvoir est actuellement réservé au juge des tutelles par l'article 395.
En revanche, comme aujourd'hui, seul le juge des tutelles pourra prononcer à leur encontre des injonctions, assorties d'une amende civile en cas d'inexécution .
Enfin, deux sanctions sont ouvertes en cas de « manquement caractérisé » d'une personne chargée d'une mesure de protection :
- d'une part le dessaisissement du dossier par le juge des tutelles ;
- d'autre part, si la mesure a été confiée à un mandataire judiciaire, la radiation de celui-ci de la liste établie par le préfet sur avis conforme du procureur de la République. A cet effet, le juge devra demander au procureur de la République de solliciter le préfet.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l' Assemblée nationale a subordonné le dessaisissement et la demande de radiation des personnes chargées de la protection des majeurs à leur audition préalable par le juge .
Votre commission vous soumet un amendement de coordination et un amendement rédactionnel. Au risque de se répéter, elle insiste sur la nécessité de renforcer les moyens du ministère de la justice non seulement en magistrats mais aussi en greffiers pour assurer le succès de la réforme.
Art. 418 du code civil : Fin de la mission de protection par décès du majeur protégé
Cet article prévoit que la mission de la personne chargée d'une mesure de protection prend fin au décès de la personne protégée .
L'obligation de clôturer la mesure de protection ne fera cependant pas obstacle à l'application des règles de la gestion d'affaires, la personne chargée de la protection étant autorisée à gérer les affaires courantes.
La gestion d'affaires est la qualification donnée aux engagements pris sans mandat par une personne dite « le gérant » qui s'immisce volontairement dans les affaires d'un tiers dit « le maître de l'affaire » pour sauvegarder les intérêts de ce dernier. Cette circonstance se produit, soit que ce tiers soit dans l'incapacité de le faire lui même, soit qu'il se trouve momentanément empêché de s'occuper de ses affaires en raison, par exemple, de son éloignement.
L'article 1372 du code civil 45 ( * ) établit les règles qui définissent les droits et les obligations du gérant et du maître de l'affaire, soit dans leurs rapports entre eux soit dans leurs rapports avec les tiers.
Art. 418-1 du code civil : Obligations des héritiers de la personne chargée de la protection en cas de décès de celle-ci
Dans la rédaction initiale du projet de loi, cet article imposait, en cas de décès d'une personne chargée d'une mesure de protection, à ses héritiers majeurs d'établir un compte de gestion des opérations intervenues depuis l'établissement du dernier compte annuel et de transmettre les cinq derniers comptes de gestion à la personne nouvellement désignée pour continuer à assurer la protection.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale l'a supprimé pour inscrire ses dispositions à l'article 514 , réécrit par l'article 6 du projet de loi et relatif aux obligations comptables des personnes chargées d'une mesure de protection.
Art. 419 et 420 du code civil : Rémunération des personnes chargées de la protection
Ces articles fixent les principes de la rémunération des personnes chargées de la protection d'un majeur, en distinguant les mesures judiciaires des mesures conventionnelles. Ces mesures constituant des charges publiques, le terme d'« indemnités » a été préféré à celui de « rémunération ».
S'agissant des mesures judiciaires , les possibilités de rémunération diffèrent selon que la protection est exercée par un professionnel ou non.
Lorsque la mesure de protection judiciaire (tutelle, curatelle ou mandat spécial dans le cadre d'une sauvegarde de justice) est confiée à un membre de la famille ou à un proche du majeur, le principe est la gratuité .
A titre dérogatoire, le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial peut être indemnisé par la personne protégée. Le versement de l' indemnité est autorisé par le juge de tutelles ou le conseil de famille, s'il a été constitué, en considération de l'importance des biens gérés ou de la difficulté d'assurer cette gestion.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a rendu possible le versement d'une indemnité non seulement en fonction de la difficulté d'assurer la gestion des biens de la personne protégée, mais également des difficultés liées à la protection de sa personne , les deux aspects étant regroupés sous les termes d'« exercice de la mesure ».
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de préciser que le montant de l'indemnité est fixé par le juge de tutelles ou le conseil de famille , s'il a été constitué.
Lorsque la mesure de protection judiciaire est confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs , celui-ci doit être rémunéré .
Le financement de la mesure est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources, selon un barème et moyennant une aide publique prévus par le code de l'action sociale et des familles et que l'article 12 du projet de loi tend à réformer.
Ce mode de financement s'applique à toutes les mesures judiciaires de protection susceptibles d'être exercées par un mandataire : le mandat spécial dans le cadre d'une sauvegarde de justice, la tutelle, la curatelle et la mesure d'accompagnement judiciaire.
La rémunération a vocation à couvrir les frais courants de la mesure de protection. Lorsque cette dernière nécessite l'accomplissement d'un ou de plusieurs actes requérant des diligences particulières et dont le coût ne peut manifestement pas être couvert par la rémunération, le projet de loi donne au conseil de famille ou, à défaut, au juge des tutelles, après avis du procureur de la République, la possibilité d'allouer au mandataire judiciaire une indemnité complémentaire. Celle-ci est à la charge de la personne protégée, sans possibilité d'aide publique.
Le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur que : « Les diligences particulières correspondent à des situations exceptionnelles où la configuration du patrimoine impose un travail particulier (par exemple participer à des réunions de travail avec des experts, des commissaires aux comptes, des notaires) ou se rendre à l'étranger pour la gestion de certains éléments de patrimoine... Il s'agit de situations où la capacité de la personne protégée à payer elle-même n'est pas en cause . » En pratique, il n'est pas rare que les personnes chargées de la protection d'un majeur sollicitent du juge des tutelles des indemnités complémentaires pour des frais divers.
S'agissant des mesures conventionnelles de protection , c'est-à-dire du mandat de protection future, le projet de loi pose le principe de gratuité mais laisse aux parties la liberté d'en convenir autrement .
Le mandat de protection future sera ainsi financé exclusivement selon les stipulations du mandat. La rémunération du mandataire sera libre et à la charge exclusive du mandant (sauf à ce qu'un tiers intervienne dans le mandat pour s'engager à la supporter) qui ne pourra bénéficier de l'aide publique prévue pour les mesures judiciaires.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.
L'article 420 pose le principe de l' exclusivité de la rémunération du mandataire judiciaire à la protection juridique des majeurs .
Il lui fait ainsi interdiction de percevoir, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, aucune autre somme ou bénéficier d'aucun avantage financier en relation directe ou indirecte avec les missions dont il a la charge .
Cette disposition a pour objet de mettre un terme à certaines pratiques, unanimement dénoncées, de complément de revenus que certains gérants de tutelle se procurent auprès des généalogistes, en leur communiquant les informations sur les personnes décédées ou susceptibles de mourir bientôt, et surtout auprès des établissements financiers dont ils recommandent les produits de placement aux juges.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a interdit aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs de délivrer un mandat de recherche des héritiers de la personne protégée .
La question de l' encadrement de l'activité des généalogistes successoraux a fait l'objet de longs débats au Sénat lors de l'examen de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités . Son article 36 dispose que, désormais, hormis le cas des successions soumises au régime de la vacance ou de la déshérence nul ne peut se livrer ou prêter son concours à la recherche d'héritier dans une succession ouverte ou dont un actif a été omis lors du règlement de la succession s'il n'est porteur d'un mandat donné à cette fin par une personne ayant un intérêt direct et légitime à l'identification des héritiers ou au règlement de la succession. Cette rédaction, fruit des travaux du Sénat, permet déjà, comme l'indiquait votre rapporteur, d'éviter les abus les plus criants émanant de certains professionnels qui n'ont pas d'intérêt direct à la découverte des héritiers. L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin et interdire, nommément et en toute hypothèse, aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs de délivrer un tel mandat.
La généralisation du financement par dotation globale des mandataires judiciaire à la protection des majeurs devrait permettre de couvrir l'intégralité du coût des mesures de protection. En pratique, les barèmes retenus dans le cadre des expérimentations en cours sont calculés au plus juste, dans un légitime souci d'économie des deniers publics, et le resteront sans doute. De plus, ils ne couvrent pas toujours les frais généraux des associations tutélaires. Les aides que les collectivités territoriales leur apportent constituent donc un complément de financement précieux, et parfois indispensable, pour améliorer le service rendu aux majeurs protégés.
En séance publique, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé que l'interdiction ne s'appliquerait qu'aux « compléments de rémunération » en lien avec les mesures de protection et indiqué que les collectivités territoriales pourraient continuer à venir en aide aux associations tutélaires , en leur accordant des subventions ou en mettant gracieusement à leur disposition des locaux et du matériel informatique, soit au titre de leur fonctionnement général soit au titre des autres missions qu'elles pourraient par ailleurs exercer.
Votre commission vous soumet un amendement pour le spécifier .
Art. 421 du code civil : Responsabilité des organes chargés d'une mesure de protection judiciaire
Cet article dispose que tous les organes d'une mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque, même légère , qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction.
A titre dérogatoire la responsabilité du curateur ne peut être engagée, pour les actes accomplis avec son assistance, qu'en cas de dol ou de faute lourde . Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a étendu au subrogé curateur ces règles de responsabilité spécifiques à la curatelle et appliqué à la curatelle renforcée le régime de responsabilité prévu en cas de tutelle . En effet, en cas de curatelle renforcée, le curateur gère seul l'ensemble des revenus de la personne protégée, celle-ci n'ayant plus directement accès à ses comptes.
Ces dispositions reprennent les règles actuellement posées aux articles 450, 473 495, 509-2 et les appliquent explicitement à toutes les mesures de protection judiciaires, qu'elles soient juridiques (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle) ou non (accompagnement judiciaire) et à tous les organes chargés de la mesure.
Sont ainsi responsables du dommage résultant de leurs fautes :
- le juge des tutelles, son greffier et le greffier en chef du tribunal d'instance ;
- le tuteur ou le curateur ;
- le tuteur ou curateur ad hoc ou le mandataire spécial désigné en cas de sauvegarde de justice, dans l'exercice de la mission précise qui lui est confiée ;
- le subrogé tuteur ou subrogé curateur dans l'exercice de sa mission de surveillance ou de remplacement du tuteur ou du curateur ;
- le mandataire judicaire à la protection des majeurs chargé d'une mesure d'accompagnement judiciaire ;
- les membres du conseil de famille.
La possibilité de mettre en cause la responsabilité des organes judicaires pour une faute simple s'inscrit dans le droit fil de l'évolution générale du régime de la responsabilité de l'Etat même si elle constitue, ainsi que votre rapporteur l'a indiqué, une dérogation à l'exigence d'une faute lourde ou d'un déni de justice dans l'organisation et le fonctionnement du service public de la justice .
De même, il semble légitime de soumettre à un régime de responsabilité pour faute simple les organes tutélaires qui se substituent à la personne protégée pour l'accomplissement de certains actes : tuteur, curateur dans le cas de la curatelle renforcée, mandataire spécial dans le cadre de la sauvegarde de justice, mandataire judicaire à la protection des majeurs chargé d'une mesure d'assistance judiciaire.
En revanche, lorsqu'il n'y a qu'une simple mesure d'assistance, la personne protégée reste responsable de ses actes , même s'ils ont été accomplis avec l'assistance du curateur. Il est donc légitime que la responsabilité de ce dernier ne puisse être recherchée qu'en cas de faute lourde .
Quant aux membres du conseil de famille, leur responsabilité pourrait être mise en cause, par exemple, en cas d'ingérence dans la gestion tutélaire ou de défaut d'information du tuteur ou du conseil de famille.
Art. 422 du code civil : Responsabilité de l'État du fait des fautes commises dans l'organisation et le fonctionnement des mesures de protection
Cet article reprend les règles, actuellement fixées à l'article 473, relatives à la responsabilité de l'Etat du fait des fautes commises dans le fonctionnement de la tutelle et étend leur champ d'application aux fautes commises dans le fonctionnement et dans l'organisation de l'ensemble des mesures judiciaires de protection, y compris la mesure d'accompagnement judiciaire.
Le premier alinéa prévoit ainsi, lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise dans l'organisation et le fonctionnement d'une mesure de protection par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d'instance ou le greffier , que l'action en responsabilité diligentée par la personne protégée ou ayant été protégée ou par ses héritiers doit être dirigée contre l'Etat qui dispose d'une action récursoire .
Le deuxième alinéa prévoit, lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, que l'action en responsabilité peut être dirigée contre celui-ci ou contre l'État qui dispose d'une action récursoire .
L'article 473, dans sa rédaction actuelle, applique le régime de responsabilité de l'État à l'administrateur public chargé d'une tutelle vacante. Cette fonction n'existe plus, mais la jurisprudence a étendu la garantie de l'État aux associations tutélaires chargées d'une tutelle d'État, puis aux préposés d'établissements hospitaliers chargés d'une gérance en tutelle, enfin aux gérants de tutelle privés, en relevant systématiquement une négligence dans le contrôle opéré par le juge sur la gestion du gérant.
Le projet de loi consacre cette jurisprudence en prévoyant qu' en cas de faute d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, y compris en application d'un mandat de protection future, l'action en responsabilité peut être dirigée contre l'État , à charge pour celui-ci d'engager une action récursoire contre le mandataire. À la différence du régime prévu pour les juges des tutelles, les greffiers en chef et les greffiers, la personne protégée conservera la possibilité d'engager directement la responsabilité du mandataire.
Cette alternative vise à faciliter l'indemnisation de la victime en lui permettant de diriger son action soit vers le débiteur le plus solvable, en principe l'État, soit vers le débiteur le plus prompt à indemniser, sans doute le mandataire judiciaire à la protection des majeurs s'il a souscrit une assurance « responsabilité civile ».
Art. 423 du code civil : Prescription quinquennale de l'action en responsabilité
Cet article prévoit la prescription de l'action en responsabilité par cinq ans à compter de la fin de la mesure de protection, alors même que la gestion aurait continué au-delà .
Tout en conservant le principe actuel de la prescription quinquennale, qui résulte de la lecture combinée des articles 495 et 475, cette rédaction revient, comme votre rapporteur l'a déjà indiqué dans le commentaire du nouvel article 413, sur une jurisprudence en vertu de laquelle le délai de prescription ne doit débuter, en cas de continuation de la gestion au-delà de la fin de la mesure, qu'à compter du jour la gestion a cessé 46 ( * ) .
En revanche, il est précisé que la transformation d'une curatelle en tutelle a pour effet de reporter le point de départ de la prescription : celle-ci jouera à compter de la fin de tutelle.
Bien évidemment, en cas de dol ou de fraude, la règle de droit commun s'applique et le délai de prescription ne court qu'à compter du jour de la découverte du dol ou de la fraude 47 ( * ) .
Art. 424 du code civil : Responsabilité du mandataire de protection future
Cet article prévoit que le mandataire de protection future engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun des mandats, prévues à l'article 1992.
Ainsi, il répondra non seulement du dol, mais aussi des fautes qu'il aura commises dans sa gestion. L'étendue de la faute sera néanmoins appréciée de manière moins rigoureuse selon que le mandat est exercé à titre gratuit ou à titre onéreux.
* 38 Cass, 1 ère civ, 12 novembre 1975 et 2 déc. 1992.
* 39 Cass, 1 ère civ, 11 juin 1980.
* 40 Cf. l'article 435 pour la sauvegarde de justice, et les articles 464 et 465 pour la tutelle et la curatelle
* 41 Nouvel article 468.
* 42 Nouvel article 475.
* 43 Article 122-1.
* 44 S'agissant des mineurs, ce droit de visite est reconnu au juge aux affaires familiales sur le fondement de l'article 371-4 du code civil.
* 45 Art. 1372 : « Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire. Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire . »
* 46 Cass. civ, 16 décembre 1913. Cass. 1 ère civ, 19 février 1991.
* 47 Cass. 1 ère civ, 19 décembre 1995.