6. Les moyens d'un financement maîtrisé
La réforme du régime de protection juridique des majeurs a pour particularité de s'accompagner d'une évaluation précise de son financement. Votre commission se félicite de cette approche qui fait malheureusement trop souvent défaut lors de l'examen des textes législatifs.
Le nouveau régime de financement proposé par le projet de loi contient les ingrédients d'un financement mieux maîtrisé des mesures de protection . Votre commission insiste néanmoins sur le fait qu' il est impératif que la loi de finances pour 2009 traduise de manière réaliste et adaptée les contraintes financières liées à cette réforme.
a) Une uniformisation des modes de financement
Le projet de loi procède à une uniformisation bienvenue des modes de financement des mesures de protection ordonnées par le juge des tutelles qui intervient sur trois volets.
? En premier lieu, des modalités de financement uniformes sont prévues, quelle que soit la nature de la mesure de protection (article 5 du projet de loi ; article 419 nouveau du code civil).
Est ainsi supprimée la distinction entre gérance de tutelle privée, curatelle et tutelle d'Etat et TPSA. Désormais, les mesures de protection ordonnées par le juge seront financées :
- d'une part par des prélèvements sur les ressources de la personne faisant l'objet de la mesure de protection ;
- d'autre part, à titre complémentaire ou, à défaut de ressources de la personne concernée, par un financement public. Dans ce cas, le projet de loi prévoit la possibilité, pour la personne publique ayant financé la mesure, d'exercer une action en récupération sur les donations opérées par le majeur ou sur sa succession.
? En deuxième lieu, la répartition du financement public entre l'Etat, les organismes débiteurs de prestations sociales et les collectivités publiques est simplifiée ( article 12 du projet de loi ; article L. 361-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles ).
Les modalités du financement public de la mesure de protection varient, pour l'essentiel, selon la nature de la mesure prescrite et la qualité du mandataire désigné par le juge des tutelles.
- Le financement public des mesures prononcées au titre du mandat spécial dans le cadre de la sauvegarde de justice, ou au titre de la tutelle ou de la curatelle sera pris en charge, en fonction des prestations sociales dont bénéficie la personne, soit par l'Etat, soit par les organismes débiteurs de prestations sociales.
Le département n'assurera donc aucunement, et dans quelque hypothèse que ce soit, le financement d'une curatelle, d'une tutelle ou d'un mandat spécial dans le cadre de la sauvegarde de justice . L'objet de ce dispositif est en effet de limiter autant que possible le coût de ces mesures pour le département , compte tenu notamment de l'accroissement de charge qui résultera pour lui du financement de la MASP et de la MAJ.
- Le financement de la mesure d'accompagnement judiciaire variera en fonction de la prestation ou des prestations sociales qui font l'objet de la mesure. Le département, financera la MAJ soit lorsqu'il verse la seule prestation ou l'ensemble des prestations sociales faisant l'objet de la mesure, soit, lorsque la mesure porte sur plusieurs prestations sociales, s'il verse la prestation du montant le plus élevé.
A contrario , la MAJ sera financée par l'organisme débiteur soit lorsqu'il verse la seule prestation faisant l'objet de la mesure, soit, lorsque la mesure porte sur plusieurs prestations, s'il verse la prestation du montant le plus élevé.
Les prestations prises en compte pour déterminer l'application des règles de répartition de la charge financière susmentionnées seront -logiquement- celles sur lesquelles porte la MAJ.
? En dernier lieu, le projet de loi prévoit la généralisation du financement des mesures de protection par le biais d'une dotation globale .
Face au caractère inflationniste du financement par « mois-mesure » des mesures de protection, le projet de loi prévoit de généraliser le financement par dotation globale des coûts supportés par les collectivités et organismes publics.
Depuis la loi n° 2004-1 du 3 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, une expérimentation du financement par dotation globale a été menée dans plusieurs départements.
Le montant de la dotation globale de financement, versée annuellement, est fixé grâce à un calcul tenant compte de la nature des mesures de protection concernées, de l'évolution prévisible de leur nombre pour l'exercice concerné et des prélèvements sur ressources effectués sur le patrimoine des personnes protégées. Chaque mesure se voit à cet effet accorder un nombre de points dont le montant, affecté d'un pourcentage permettant de prendre en compte l'évolution prévisible de l'activité de gérance, permet de proposer à la DDASS un projet de dotation, celle-ci étant en dernier lieu déterminée par la DDASS.
En fin d'exercice, un contrôle du compte administratif est exercé : si la dotation n'a pas été intégralement consommée, les sommes restantes viennent, le cas échéant, en déduction des sommes versées au titre de la dotation de l'exercice suivant ; dans le cas inverse, une dotation complémentaire peut, notamment si le dépassement de la dotation initiale peut s'expliquer par une augmentation non prévisible du nombre de mesures, être affectée au gérant, à l'appréciation de la DDAS.
Le bilan de cette expérimentation est apparu satisfaisant, en limitant le caractère inflationniste de la technique du « mois-mesure ». Le projet de loi prévoit donc, à partir de 2009, sa généralisation.
Grâce à ces différents éléments, la croissance du coût des mesures de protection devrait connaître une limitation réelle. Compte tenu de la réforme, ce coût pourrait être ramené à 496 millions d'euros, soit une augmentation de 8,2% au lieu de 40,4%.
Répartition des prélèvements selon
l'hypothèse de financement
retenue dans le projet de
loi
2009
Financeurs |
Etat |
Département |
Sécurité sociale + autres |
TOTAL |
Nombre de mesures |
205.606 |
30.110 |
240.313 |
476.029 |
Coût brut |
303.904.027 |
7.970.120 |
289.971.553 |
601.845.701 |
Prélèvements |
113.463.602 |
560.888 |
89.088.544 |
203.113.034 |
Coût net |
190.440.425 |
7.409.232 |
200.883.009 |
398.732.666 |
2013
Financeurs |
Etat |
Département |
Sécurité sociale + autres |
TOTAL |
Nombre de mesures |
250.649 |
22.995 |
263.483 |
537.128 |
Coût brut |
380.203.694 |
1.092.249 |
321.065.628 |
702.361.571 |
Prélèvements |
144.263.646 |
181.739 |
108.697.068 |
253.142.453 |
Coût net |
235.940.048 |
910.509 |
212.368.560 |
449.219.118 |
Source : DGAS
Cette maîtrise annoncée des dépenses publiques devrait résulter :
- d'une moindre progression du nombre de mesures judiciaires due à la mise en place du dispositif social confié au département et à la révision systématique des mesures judiciaires prévue dans le code civil.
Le nombre de mesures de protection est estimé à 470.377 en 2008. En 2013, à droit constant, il devrait être de 645.978 , soit une augmentation de 37,3% . Grâce au dispositif proposé par le projet de loi, le nombre de mesures devrait se limiter, cette même année, à 545.887 , soit une croissance de 16,1%.
- d'une amélioration du rendement des prélèvements sur les ressources des majeurs protégés, évaluée à 83 millions d'euros en 2009 et à 109 millions d'euros en 2013 ;
- d'une harmonisation de la rémunération des mandataires, qui consiste à réduire la disparité des coûts afférents à chaque mesure dès lors qu'ils ne sont pas justifiés par la lourdeur de la prise en charge. Ce dispositif permettrait une économie de 39,9 millions d'euros en 2009. Les résultats escomptés par type de mesure devraient cependant être variables.
- d'une généralisation de la dotation globale de financement, qui devrait permettre de réaliser, dès 2009, une économie annuelle de 28,2 millions d'euros.