N° 163
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 janvier 2007 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament ,
Par M. Gilbert BARBIER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3062 , 3238 et T.A. 649
Sénat : 155 (2006-2007)
Santé. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le médicament est sans aucun doute l'élément le plus familier de notre consommation de soins. Il fait partie à tout âge de notre univers quotidien. Pourtant, depuis plusieurs années, des incidents mettant en cause des médicaments d'usage répandu ont suscité des réactions de méfiance dans l'opinion publique. L'affaire du Vioxx, survenue après la mise en cause d'une dizaine de médicaments au cours des cinq dernières années, a notamment contribué à alimenter un sentiment d'inquiétude progressivement développé chez nos concitoyens.
Paradoxalement, cette crise de confiance n'a eu que peu d'effet sur la consommation de médicaments qui reste très élevée dans notre pays. Cette situation s'explique sans doute par le fait que la France est dotée d'une réglementation stricte dans ce domaine, qui offre des garanties solides en matière de suivi et de mise sur le marché des médicaments. Son cadre juridique actuel résulte d'une combinaison de règles nationales et d'obligations issues du droit communautaire, qui ne cessent de se renforcer et contribuent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique.
A l'origine, les traités européens n'abordaient pas les questions touchant à la santé publique, à l'exception notable du domaine de la santé et de la sécurité au travail. Toutefois, certaines dispositions communautaires ayant pour vocation l'établissement d'un marché commun pouvaient comporter des incidences dans le domaine de la santé.
La première étape vers une action communautaire dans le domaine de la santé date de l'Acte unique européen, en 1986. Celui-ci a en effet prévu que, lorsque la Communauté arrête des mesures d'harmonisation en vue de l'insta uration du marché unique, « la commission, dans ses propositions [...] en matière de santé, de sécurité, de protection de l'environnement et de protection des consommateurs, doit prendre pour base un niveau de protection élevé ».
En 1992, avec le traité de Maastricht, la santé est devenue une composante essentielle des politiques communautaires. Le traité, qui consacre à cette question un titre entier (article 129, article 152 TCE nouveau), reconnaît explicitement la politique de santé publique comme un domaine de compétence de l'Union européenne. Une harmonisation globale des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres est toutefois exclue, conformément au principe de subsidiarité. Mais la Communauté a été chargée de la coopération entre Etats membres ainsi qu'avec les pays tiers et les organisations internationales, et son action propre est définie par la « prévention des maladies » (y compris la toxicomanie) « en favorisant la recherche sur leurs causes, leur transmission et l'éducation en matière de santé ».
On notera aussi que, par le recours à la procédure de codécision, les rédacteurs du traité de Maastricht ont introduit le Parlement européen dans le processus décisionnel en matière de santé (article 189 B, article 251 TCE nouveau).
En 1997, le traité d'Amsterdam a ensuite repris pour l'essentiel les acquis du traité de Maastricht (prévention des maladies, lutte contre les grands fléaux et notamment la drogue), en étendant seulement ses compétences aux « organes du corps » et en incluant les mesures relevant du domaine vétérinaire et phytosanitaire dont l'objectif est la protection de la santé publique.
L'apport du droit européen est ainsi devenu décisif dans le domaine de la santé en général, et du médicament en particulier. Avant même la crise du Vioxx, les instances communautaires avaient d'ailleurs adopté un « paquet médicament », composé d'un règlement et trois directives respectivement consacrées aux médicaments à usage humain, aux médicaments traditionnels à base de plantes et aux médicaments vétérinaires.
Outre la circonstance résultant de la méfiance naissante de l'opinion publique à l'égard du médicament, cette réforme s'est déroulée dans un contexte particulier car :
- elle était rendue nécessaire par l'arrivée de médicaments innovants et par la multiplication des produits à finalité sanitaire ;
- elle a suivi la procédure, alors nouvelle, de codécision, qui associe le Parlement européen et le Conseil dans l'élaboration des normes ;
- elle est intervenue à la veille de l'élargissement de l'Union européenne et s'applique donc aux nouveaux pays membres.
Ce projet de loi revêt donc une importance particulière. Son objectif premier est d'opérer la transposition en droit interne de six directives européennes portant sur des domaines très divers de la santé publique. La principale d'entre elles est la directive 2004/27 du Parlement et du Conseil du 31 mars 2004 qui apporte de nombreuses modifications au code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Sa transposition représente une avancée majeure pour notre droit et il faut souhaiter qu'elle constitue une réponse adaptée à la crise de confiance apparue dans l'opinion publique, avec acuité particulière lors de la crise du Vioxx.
I. UN NOUVEAU CADRE EUROPÉEN POUR LA MISE SUR LE MARCHÉ DES MÉDICAMENTS
Il y a dix ans, la création de l'agence européenne pour le médicament a constitué une étape importante dans l'harmonisation de la réglementation relative au médicament. La nécessité de prendre en compte les innovations apparues depuis, et le besoin d'ajuster les démarches administratives à la lumière de l'expérience acquise, ont rendu nécessaire le franchissement d'une étape supplémentaire.
Depuis la première directive consacrée aux spécialités pharmaceutiques publiée en 1965, la définition juridique du médicament n'avait subi que peu de modifications. Or, l'avènement de nouvelles thérapies, la confusion née de l'existence de nouveaux produits de santé, imposaient une révision rapide du code communautaire relatif au médicament humain.
Les autorités européennes ont également souhaité poursuivre leur action de rationalisation des modalités d'octroi des autorisations de mise sur le marché d'un médicament. Derrière cette procédure administrative se dissimulent en fait de nombreux enjeux qui vont au-delà de la simple commercialisation d'un médicament. La réforme de 2004 propose de concilier la rigueur nécessaire de cette procédure et les impératifs de santé publique qui peuvent exiger le recours à des règles exorbitantes du droit commun afin de permettre la mise à disposition d'un médicament dans des cas d'urgence.
A. DE NOUVELLES DÉFINITIONS POUR LE MÉDICAMENT
L'adoption du règlement 726/2004 et de la directive 2004/27/CE du 31 mars 2004 se traduit par une refonte importante du code communautaire relatif à l'usage des médicaments humains.
Cette réforme permet d'établir une nouvelle définition des différentes catégories de médicaments en tenant compte des évolutions récentes en matière scientifique. Elle s'attache également à distinguer chaque catégorie de médicaments afin de préciser le statut applicable à chacune d'entre elles.
Ces mesures doivent désormais faire l'objet d'une transposition dans tous les pays de l'Union européenne.
1. Une notion juridique tenant compte des innovations scientifiques
a) Distinguer le médicament des produits « frontières »
Un des principaux enjeux de cette réforme réside dans la prise en compte des évolutions scientifiques récentes et leur impact dans le domaine du médicament.
La nouvelle rédaction du code communautaire a donc dû tenir compte d'une double nécessité.
- d'une part, intégrer dans la définition du médicament les nouveaux produits issus de la thérapie génique et cellulaire, ainsi que les produits radiopharmaceutiques et certains médicaments à usage local ;
- d'autre part, préciser la fonction du médicament afin de prendre en compte la multiplication des statuts juridiques accordés à d'autres produits qui, tout en possédant une finalité sanitaire, ne sauraient se voir reconnaître la qualité de médicament. La possibilité d'une confusion est notamment possible avec les nouveaux produits alimentaires ou certaines préparations vitaminées pouvant avoir des effets physiologiques.
Le code communautaire opère désormais une distinction parmi les produits ayant une influence sur le corps humain et précise qu'un produit qui exerce, à l'évidence, des fonctions nutritionnelles (les compléments alimentaires), diététiques (aliments destinés à des régimes particuliers), physionomiques (les cosmétiques) ou mécaniques (les dispositifs médicaux) ne relève pas de la législation relative au médicament.
En cas de doute, tout produit susceptible de répondre, eu égard à ces caractéristiques, à la fois à la définition du médicament et à la définition d'un produit régi par un autre statut, est soumis à la législation relative aux médicaments.
b) Le cas particulier des médicaments homéopathiques et phytothérapiques
Le législateur européen a également été amené à intervenir pour encadrer le développement continu, et le succès, rencontrés par les médicaments homéopathiques et phytothérapiques.
Ces sujets ont été traités dans deux textes différents : la directive 2004/27 du 31 mars 2004 relative aux médicaments humains pour les premiers, la directive 2004/24 du 31 mars 2004 relative aux médicaments traditionnels à base de plantes pour les seconds.
La transposition dans notre droit interne de ces deux textes est opérée par le présent projet de loi, soit directement, soit au moyen d'une demande d'habilitation du Gouvernement pour l'effectuer par voie d'ordonnances.
Les médicaments homéopathiques ne font l'objet que d'une adaptation de leur définition à la marge.
En revanche, l'impact de la réforme de 2004 est plus important pour les médicaments à base de plantes qui faisaient l'objet de législations distinctes, propres à chaque Etat membre. Ces médicaments figurent désormais à l'article premier du code communautaire relatif aux médicaments humains, qui les définit comme des produits constitués de substances actives exclusivement constituées d'une ou plusieurs substances végétales ou de préparations à base de plantes.
Par ailleurs, une procédure spécifique de mise sur le marché des médicaments phytosanitaires a été instituée sur le modèle de celle existant pour les médicaments homéopathiques. L'enregistrement leur est accordé lorsque ces médicaments ont des indications exclusivement appropriées à des médicaments phytothérapiques et dont la composition et la destination autorisent leur utilisation sans la surveillance d'un médecin.
Conformément à la norme européenne, les Etats membres doivent désormais reconnaître l'enregistrement des médicaments traditionnels à base de plantes délivrés par un autre Etat membre. A cet effet, le comité des médicaments traditionnels à base de plantes de l'agence européenne du médicament est chargé d'établir une liste des monographies communautaires de plantes médicinales.