D. LES AMÉLIORATIONS PROPOSÉES PAR VOTRE COMMISSION
Votre commission ne peut qu'approuver l'ensemble des mesures prévues par le projet de loi, dans la mesure où elles s'articulent autour d'un principe fondamental, la priorité accordée à l'intérêt supérieur de l'enfant, et adaptent la politique de protection de l'enfance aux évolutions de la société.
C'est la raison pour laquelle les amendements qu'elle propose n'entendent pas bouleverser l'équilibre du texte, qui fait l'objet d'un large consensus, mais à en parfaire certains aspects.
1. Consolider le dispositif de signalement de l'enfance en danger
En ce qui concerne le dispositif de signalement et d'analyse du phénomène de l'enfance en danger, il semble nécessaire d'assurer une réelle exhaustivité de l'information mise à la disposition des départements. L'information en retour du conseil général sur les saisines directes de l'autorité judiciaire ne peut pas être simplement laissée à la libre appréciation des magistrats, mais doit être obligatoire.
En effet, les signalements directs à l'autorité judiciaire, même classés sans suite, peuvent constituer un signal d'alerte utile à recouper avec les autres informations centralisées par le département. Par ailleurs, si une intervention judiciaire n'est pas fondée, cela n'exclut pas qu'une intervention sociale puisse être opportune.
De même, il importe que le département puisse être informé des suites données à ses propres signalements, d'autant plus que la loi lui impose de répercuter ces informations sur les personnes qui l'ont lui-même saisi d'informations préoccupantes, et notamment les maires. Or, trop souvent ceux-ci signalent au président du conseil général des familles en difficulté mais ne parviennent jamais à savoir si une solution leur a été proposée. Si la loi en vigueur pose déjà cette obligation de retour d'information dans le cas de professionnels ayant effectué un signalement, il convient d'être aussi exigeant dans le cas des élus.
Il est enfin nécessaire de préciser les caractéristiques de la formation prévue par le texte en matière de protection de l'enfance : des professionnels convenablement formés sont en effet le gage d'un signalement plus efficace, ce qui plaide pour la mise en place de modules de formation communs aux différentes professions, leur permettant de partager une culture de la prévention et des bonnes pratiques de signalement.
2. Préciser les conditions de l'accueil exceptionnel ou d'urgence
En ce qui concerne les modes de prise en charge, d'utiles précisions pourraient être apportées au dispositif de l'accueil exceptionnel ou d'urgence.
Votre commission approuve la souplesse apportée par le projet de loi pour protéger ponctuellement les jeunes qui se mettent eux-mêmes en danger en abandonnant le domicile familial : il convient effectivement d'éviter d'envenimer le conflit qui oppose l'adolescent à ses parents en engageant d'emblée une véritable procédure d'admission à l'aide sociale à l'enfance.
Pour autant, une fugue peut révéler des difficultés plus profondes et une vraie situation de danger pour le mineur : il convient donc de préciser la procédure applicable lorsque la période d'accueil provisoire de soixante-douze heures prévue par le projet de loi aura montré qu'un retour pur et simple de l'enfant dans sa famille est impossible. Votre commission propose que, dans ces situations de blocage, le service engage une procédure d'admission à l'ASE ou, en cas de refus de collaboration de la part des parents, qu'il saisisse le juge d'une demande d'assistance éducative.
En matière d'accueil exceptionnel par les services d'AEMO, il convient de préciser que la spécialisation envisagée par le projet de loi n'autorise pas le service à héberger tous les mineurs, quels qu'ils soient, mais uniquement ceux que le juge lui a confiés et si la décision de placement a fait état de cette possibilité.
De même, il semble indispensable que les parents puissent contester l'hébergement lorsque la décision est prise par le service lui-même et non par le juge. L'information du président du conseil général doit également être prévue avant chaque période d'hébergement, puisque le département sera amené à financer cet accueil.
3. Approfondir la politique de prévention
Votre commission souhaite approfondir encore certains aspects de la politique de prévention : dans une perspective de bientraitance, la protection de l'enfance ne saurait se limiter à la seule question de la sécurité de l'enfant au domicile de ses parents, elle doit s'étendre à la prise en charge des souffrances d'ordre physique ou psychologique qui nuisent à son bien-être.
C'est la raison pour laquelle elle vous propose de confier aux services de PMI un rôle de repérage et d'orientation des enfants rencontrant des difficultés de tous ordres, notamment psychologique. Ce service, à travers ses consultations et ses interventions à domicile, semble être l'acteur le mieux à même de déceler ces difficultés naissantes et d'orienter, le cas échéant, l'enfant vers les dispositifs de soin ou de soutien les plus adaptés.
Votre commission souhaite également mieux associer la médecine scolaire à la prévention en matière de protection de l'enfance. En effet, à l'heure actuelle, un seul examen est obligatoire dans le cadre de la médecine scolaire : il a lieu lors de l'entrée à l'école primaire et il est principalement axé sur le dépistage de certaines pathologies comme les troubles de la vue et de l'audition, les problèmes de stature dorsale ou ceux liés à l'alimentation.
Il conviendrait d'élargir l'objet de cette visite médicale obligatoire aux aspects liés à la santé psychique, car les troubles psychologiques ou du comportement sont parfois les seuls signaux permettant de repérer les enfants en détresse.
Votre commission vous propose également de créer une visite médicale équivalente au moment de l'entrée au collège car la prévention ne doit pas s'arrêter à la petite enfance et le passage en sixième, qui marque également l'entrée dans l'adolescence, est un moment clé pour faire le point sur la situation de l'enfant.
4. Améliorer les conditions de la compensation financière pour les départements
L'ensemble des mesures de ce projet de loi a un coût qui devra essentiellement être supporté par les départements : le Gouvernement l'a évalué à 150 millions d'euros, au terme de la montée en charge de la réforme prévue sur trois ans, dont 115 millions d'euros incombant aux conseils généraux, notamment au titre des crédits nécessaires pour recruter 3.000 postes supplémentaires de personnel social et médical.
Dans le contexte financier difficile que connaissent les départements, avec la vive progression des dépenses de RMI et la montée en charge rapide de la nouvelle prestation de compensation du handicap, il paraît indispensable de donner aux départements les moyens de mettre en oeuvre la réforme de la protection de l'enfance sans avoir à alourdir encore la fiscalité locale.
C'est la raison pour laquelle votre commission présente un amendement visant à compenser intégralement ces charges nouvelles pour les départements.
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Les mesures proposées par le présent projet de loi pour améliorer le dispositif de protection de l'enfance ne bouleversent pas le cadre législatif existant. Elles confortent un double système de protection qui, depuis plus de vingt ans, a su faire ses preuves. Pour autant, le projet de loi n'est pas dépourvu d'ambition, notamment dans le domaine de la prévention.
C'est la raison pour laquelle votre commission soutient cette démarche et s'attache à l'approfondir à travers les amendements qu'elle propose.