2. L'aménagement du territoire

a) Une politique beaucoup plus vaste que la mission

A l'instar du budget, auquel il succède, de l'aménagement du territoire dans la nomenclature issue de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, le programme 112 « Aménagement du territoire » ne retrace pas loin s'en faut toute la politique d'aménagement du territoire conduite par l'Etat , qui se trouve naturellement au carrefour de nombreuses politiques publiques.

Cette politique, en application de l'article 132 de la loi de finances pour 1992 (loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991) fait l'objet d'un « jaune » budgétaire, annexé au présent projet de loi de finances. Ce document révèle qu'en 2006, en plus des crédits inscrits au programme 112 (275,5 millions demandés en CP), près de 4,35 milliards d'euros (en CP) bénéficieront à l'aménagement du territoire, demandés au titres d'autres programmes 6 ( * ) ; soit un effort budgétaire total, en ce domaine, de près de 5,23 milliards d'euros (en CP).

Les crédits du programme 112 ne représentent que 5,25 % environ de cet effort, et ceux de la mission « Politique des territoires » 6,5 % environ (compte tenu des contributions à l'aménagement du territoire du programme 113, « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique » soit 53,13 millions d'euros, et du programme 223, « Tourisme » soit 13 millions d'euros). Encore faut-il y adjoindre plus de 8,55 milliards d'euros attendus au titre des fonds européens .

b) La participation de la mission à l'aménagement du territoire

Le programme 112 , composé de quatre actions (cf. infra ), vise prioritairement à développer, pour 2006, d'une part, l'attractivité des territoires et, d'autre part, la solidarité entre les territoires. Il retrace également des crédits consacrés à de grands projets interministériels d'aménagement, et la politique des massifs.

(1) Le développement de l'attractivité des territoires

En ce qui concerne l'objectif d'attractivité des territoires, cinq dispositifs majeurs sont financés par le programme 112 (dans le cadre de son action 1 ) :

(a) Les pôles de compétitivité

La création des pôles de compétitivité, annoncée lors du CIADT du 14 septembre 2004, a été concrétisé par le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité du territoire ( CIACT , nouvelle forme du CIADT) du 14 octobre 2005 . Le gouvernement a validé 55 des 66 projets de pôles de compétitivité . Ces pôles de compétitivité sont repartis sur l'ensemble du territoire national et concernent des secteurs industriels variés. Les premiers contrats de pôles devraient être signés d'ici la fin de l'année 2005 et bénéficier dès le début de l'année 2006 des financements prévus.

Le financement des pôles de compétitivité, prévu lors du CIADT du 14 septembre 2004 et précisé lors du CIACT du 14 octobre 2005, sur 3 ans, est retracé dans le tableau suivant :

Le financement des pôles de compétitivité

(en milions d'euros)

Sur trois ans

Animation

Intervention

Total

Etat

33

364,5

397,5

Organismes et agences

3

Au moins 800

au moins 800

Total

36

au moins 1.164

au moins 1.200

Exonération et allègement de charges

300

1.500

Source : DATAR

Il convient de préciser que les projets non retenus, ne répondant pas aux critères des pôles de compétitivités, seront orientés vers d'autres dispositifs de soutien aux réseaux d'entreprises : pôles d'excellence, notamment ruraux ; systèmes productifs locaux ; actions collectives des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), etc. Par ailleurs, les préfets ont été chargés d'identifier les projets de qualité qui pourraient apparaître dans les mois à venir et, le cas échéant, d'aider à l'émergence de futurs pôles de compétitivité qui seront labellisés en CIACT.

Votre rapporteur spécial salue l'impulsion forte donnée à la politique d'aménagement du territoire par la mise en place des pôles de compétitivité. Il tient cependant à exprimer son inquiétude quant à l'effet de décalage aggravé qui risque de s'ensuivre, entre les territoires labellisés et ceux, économiquement fragiles, qui ne pourront l'être, en particulier en milieu rural .

(b) La prime d'aménagement du territoire

La prime d'aménagement du territoire (PAT), créée en 1982, prend la forme d'une subvention d'investissement accordée par le ministre chargé de l'aménagement du territoire, après consultation du comité interministériel d'aide à la localisation d'activités, à des entreprises situées dans certaines zones fragiles et dont les opérations peuvent entraîner l'emploi permanent d'un nombre minimum de salariés. Le zonage actuel a fait l'objet d'une approbation officielle le 1 er mars 2000 et doit s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2006.

En 2006, la PAT devrait bénéficier de 38 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 20,83 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances pour 2005, et de 32 millions d'euros de crédits de paiement, soit une baisse de 17,78 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances pour 2005 . Cette dotation en baisse a été calculée en tenant compte de la programmation moyenne des deux dernières années et de l'exécution effective des crédits .

Le bilan de la prime d'aménagement du territoire est rappelé dans le tableau suivant.

Bilan de la prime d'aménagement du territoire

Bilan d'activité

2003

2004

2005
(sur 7 mois )

Gestion des dossiers

Dossiers présentés

154

125

54

Dossiers primés

123

94

41

Taux de rejet

20 %

25 %

24 %

Bilan de la PAT

PAT accordées (en millions d'euros)

69,503

53,124

21,551

Emplois aidés

11.067

9.107

3.737

Investissements (en millions d'euros)

2,311

1,062

615

Nature du programme en % du nombre de dossiers

Création

46 %

54 %

41 %

Extension

54 %

46 %

59 %

Investissements étrangers

Nombre de projets primés

42

36

19

en % du total

27 %

29 %

35 %

Emplois primés

3.265

3.411

2.114

PAT accordées (en millions d'euros)

18,477

19,762

10,840

Investissements (en millions d'euros )

425

451

413

Secteur d'activité en % du nombre de dossiers

Industriel

49 %

38 %

59 %

Agroalimentaire

14 %

17 %

7 %

Tertiaire

27 %

24 %

15 %

R&D

11 %

20 %

20 %

Montant moyen de PAT par emploi (en euros)

Agroalimentaire

5.125

4.718

4.643

Industriel

7.813

7.664

5.220

R&D

7.646

9.652

10.457

Tertiaire

3.594

3.048

3.878

Tous secteurs confondus :

6.280

5.833

5.767

Pour les investissements industriels

Investissement moyen par emploi

342.044.

160.692.

150.894.

Montant moyen PAT / montant investissements

2,3 %

4,8 %

3,5 %

Source : DATAR

Le tableau suivant retrace la localisation régionale des emplois créés grâce à la prime d'aménagement du territoire :

Localisation des emplois créés grâce à la PAT

(en nombre d'emplois)

Région

2004

2005

(sur 7 mois)

Nord-Pas-de-Calais

1.962

820

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

842

80

Rhône-Alpes

762

162

Basse-Normandie

660

330

Bretagne

642

188

Auvergne

522

-

Centre

441

58

Aquitaine

424

36

Poitou-Charentes

375

60

Haute-Normandie

345

200

Midi-Pyrénées

338

565

Bourgogne

323

150

Picardie

301

233

Pays de la Loire

300

137

Lorraine

228

360

Franche-Comté

223

-

Alsace

165

-

Limousin

150

181

Languedoc-Roussillon

54

177

Champagne-Ardenne

50

-

Total

9.107

3.737

Source : DATAR

La PAT, aide d'Etat à finalité régionale, étant soumise à la réglementation communautaire , devrait prochainement faire l'objet d'une réforme. Au plan communautaire, en effet, les aides à l'investissement des entreprises (dont la PAT) sont actuellement délimitées par deux zonages approuvés par la Commission :

- d'une part, les régions en retard de développement (dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire régionale), qui correspondent pour la France aux quatre départements d'outre-mer ;

- d'autre part, les zones en difficulté, qui coïncident en France avec les zones couvertes par la PAT pour les projets industriels.

En avril 2004, la Commission européenne a proposé de ne maintenir que le premier de ces zonages, supprimant de fait la possibilité d'allouer des aides publiques à l'investissement des grandes entreprises en France métropolitaine. Elle a infléchi sa position le 15 juillet 2005 dans son projet de lignes directrices sur les aides à finalités régionales, en proposant notamment de maintenir le zonage des zones en difficulté, mais en le réduisant de moitié par rapport à la situation actuelle. En juillet 2004 et en mars 2005, les autorités françaises avaient fait part de leur opposition aux projets de la Commission à cet égard ; elles ont réitéré leur position le 15 septembre 2005, lors de la seconde réunion consultative des Etats-membres. La Commission devrait adopter en fin d'année 2005 ses lignes directrices définitives sur les aides publiques à l'investissement des entreprises, arrêtant les règles applicables sur la période 2007-2013.

(c) Les agences pour le développement économique
(i) L'agence française pour les investissements internationaux

L'agence française pour les investissements internationaux (AFII), créée par l'article 144 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (NRE) afin d'offrir un interlocuteur unique aux investisseurs internationaux, constitue un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la double tutelle du ministère chargé de l'économie et des finances et du ministère chargé de l'aménagement du territoire. Cet établissement a pour missions la détection et le traitement des projets, la promotion de l'offre nationale, l'analyse du marché de l'investissement international. Il devrait être doté de 7,5 millions d'euros en 2006.

Par ailleurs, il convient de noter que l'AFII, en 2005, dispose de 131 agents : 52 en France et 79 dans ses bureaux à l'étranger (15 bureaux en Europe, 6 en Amérique du Nord et 10 en Asie). Les locaux parisiens de l'agence, en 2006, doivent être transférés et rapprochés de ceux d'Ubi France (agence française pour le développement international des entreprises) : ce déménagement permettra de mettre un terme au coût excessif du loyer qu'elle devait acquitter jusqu'alors.

(ii) Les agences régionales de développement économique

Le réseau des agences régionales de développement économique est composé des 9 anciens commissariats au développement économique de la DATAR, auxquels s'ajoutent 3 agences cofinancées par la DATAR depuis 2001. Il s'agit de structures partenariales rassemblant l'Etat, les collectivités locales, les entreprises et les autres acteurs économiques, plateformes d'échanges constituant les correspondants régionaux de l'AFII. Elles remplissent trois missions : l'ingénierie et la valorisation de l'offre territoriale ; la coordination des actions de promotion et de prospection et l'ingénierie financière ; le traitement des projets. Ces agences, qui emploient 220 personnes en 2005, devraient bénéficier, en 2006, de 6,8 millions d'euros .

Le budget des agences de développement en 2005

(en millions d'euros)

Dénomination

Abréviation

Subvention accordée

Budget général

Entreprises Territoires & Développement

ETD

1.200.000

2,96

Association pour le développement industriel et économique du Massif-Central et du Centre

ADIMAC

1.307.000

2,18

Agence Pour Le Développement Des Investissements Extérieurs En Lorraine

ADIELOR

700.000

1,97

Languedoc-Roussillon Prospection

LRP

500.000

1,27

Normandie Développement

N.D.

850.000

1,98

Nord France Experts

NFX

990.000

3,16

Association pour le développement Industriel de l'ouest Atlantique

OUEST ATLANTIQUE

940.000

4,72

Comité de pilotage de l'industrie de l'île de la Réunion

CPI

100.000

0,98

Midi-Pyrénées Expansion

MPE

220.000

3,52

Agence Aquitaine de développement industriel

2 ADI

120.000

1,42

Source : DATAR

(d) Les contrats de site

Mis en place, à partir du CIADT du 26 mai 2003, dans le prolongement des actions de revitalisation économique instaurées par l'article 118 de la loi de modernisation sociale 7 ( * ) , les contrats de site s'adressent aux territoires rencontrant un sinistre économique majeur, entraînant des conséquences de grande ampleur sur l'emploi local. Conçus pour une durée de trois ans, ces contrats permettent de susciter des actions collectives visant à soutenir la création d'emplois, à faciliter les projets de développement des entreprises locales, à dynamiser la création d'entreprises, et à diversifier le tissu économique. La DATAR s'est vue confier un rôle important dans la mise en place de ce dispositif, dont elle assure la coordination et le suivi.

Cette politique a bénéficié de 16 millions d'euros en 2005 et devrait être dotée de 14,6 millions d'euros en 2006 . Il convient de relever que le CIACT du 14 octobre 2005 a confirmé le soutien financier qui sera apporté, dans ce cadre, à trois bassins en restructuration : Laval, Saint-Omer et Romans.

(2) Le développement de la solidarité entre les territoires

En ce qui concerne l'objectif de solidarité entre les territoires, le programme 112 est essentiellement alimenté (dans le cadre de son action 2 , représentant pour 2006 226,773 millions d'euros en AE et 153,767 millions d'euros en CP ) par le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), auquel votre rapporteur spécial a consacré un rapport d'information en 2003 8 ( * ) .

On rappelle que le FNADT, créé par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, est composé de deux sections :

- la section générale comprend les subventions aux commissariats industriels, aux associations, au Fonds d'aide à la délocalisation (FAD) des salariés, à l'auto-développement de la montagne, à l'assistance technique aux programmes européens et aux engagements pris par le gouvernement en CIADT (CIACT) ;

- la section locale est elle-même subdivisée :

- la partie contractualisée permet de soutenir, exclusivement, les territoires dont les opérations sont inscrites dans les contrats de plan et intégrées dans des projets de territoire partagés par divers acteurs locaux, au sein de contrats de pays ou dans un cadre intercommunal reconnu par la loi ;

- la partie non contractualisée permet d'attribuer des subventions à des territoires présentant des projets qui participent : soit de l'accompagnement de restructurations industrielles ponctuelles et localisées, lorsque l'ampleur ou l'impact du sinistre ne justifie pas des décisions de niveau central (contrats de site, mesures territoriales arrêtées en CIADT/CIACT) ; soit de la modernisation et l'amélioration des services publics locaux.

(a) Les contrats de plan Etat-régions

La quatrième génération des CPER, qui couvre la période 2000-2006, représente un engagement financier de l'Etat, des collectivités territoriales et de l'Union européenne de 50,17 milliards d'euros au total, soit une augmentation de 52,6 % par rapport à la précédente génération. L'engagement de l'Etat représente 17,51 milliards d'euros.

Pour 2006, la demande de crédits à ce titre est de 150,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 113 millions d'euros en crédits de paiement .

Il convient de rappeler que le gouvernement souhaitant faire évoluer les CPER au sein du nouvel équilibre des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, le Premier ministre, courant 2004, a demandé à un certain nombre d'instances de formuler des avis (délégations à l'aménagement et au développement durable du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat 9 ( * ) , Conseil économique et social, associations des régions, des départements, des maires et des communautés de France...). La réforme des CPER , en vue d'une cinquième génération, est en préparation sur cette base.

(b) Les actions en faveur du développement territorial.

Il s'agit de 10 ( * ) :

- la couverture du territoire en téléphonie mobile et en haut débit : 1,29 % de la population n'avait pas accès à la première en 2004, 0,9 % estimé en 2005 ; une prévision de réduction de ce chiffre à 0,4 % en 2006 est avancée, pour une cible de couverture totale du territoire en 2007 . En ce qui concerne les liaisons haut débit, 10,6 % de la population n'y avaient pas accès en 2004, 8 % estimés en 2005 ; une prévision de réduction de cette part à 4 % est donnée pour 2006 et, comme pour la téléphonie mobile, une cible de couverture totale du territoire fixée pour 2007. Votre rapporteur spécial espère que ces objectifs seront atteints dans les délais prévus .

- la politique des pays , financée par le volet territorial des CPER ;

- les associations subventionnées par la DATAR (58 associations en 2005, pour un montant total de 9,6 millions d'euros) ;

- l'assistance technique aux projets européens , pour laquelle 4 millions d'euros sont prévus en 2006.

(3) Les grands projets interministériels d'aménagement du territoire

L' action 3 du programme 112 finance 11 ( * ) , notamment, la réalisation des engagements de l'Etat relatifs à certains grands projets interministériels : le rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel, le programme Saône-Rhin, le plan d'aménagement du littoral languedocien, etc. Certaines actions du programme 162 « Interventions territoriales de l'Etat » (cf. infra ) sont également à prendre en compte à cet égard. L'action 3 du programme 112 retrace également la politique des massifs (conventions interrégionales de massifs, actions en faveur de l'auto-développement de la montagne).

* 6 Ces programmes relèvent des ministères : de l'agriculture et de la pêche ; de la défense ; de l'écologie et du développement durable ; de l'économie, des finances et de l'industrie ; de l'éducation nationale ; de la justice ; de l'outre-mer ; du sport, de la jeunesse et de la vie associative ; des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer (dont les programmes 113, « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », et 223, « Tourisme », regroupés dans la présente mission) ; du travail et de l'emploi ; de la santé et des solidarités ; de la ville et du logement.

* 7 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002.

* 8 Rapport d'information n° 17 (2003-2004) .

* 9 Cf. le rapport n° 1836 (XII e législature) de nos collègues députés Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay, et le rapport d'information n° 418 (2003-2004) de notre collègue François Gerbaud.

* 10 Ainsi qu'il sera signalé infra , le PAP du programme 112 est lacunaire sur la ventilation de crédits de chaque action en 2006.

* 11 Cf. note précédente.

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