Article 24 -
(Article 244 quater L, 199 ter K, 220 M et 223 O
du code
général des impôts) -
Instauration d'un
crédit d'impôt au bénéfice de l'agriculture
biologique
Cet article vise à instaurer un crédit d'impôt au profit des agriculteurs dont les pratiques respectent les normes de l'agriculture biologique, afin d'éviter qu'ils ne retournent à l'agriculture conventionnelle.
Le droit en vigueur
L'agriculture biologique est un mode de production agricole spécifique, c'est-à-dire un ensemble de pratiques agricoles visant à la préservation des sols, des ressources naturelles, de l'environnement et au maintien des agriculteurs. Fin 2004, la France comptait 11 059 exploitations pratiquant l'agriculture biologique sur 534 037 hectares, soit 1,93 % de la surface agricole utile (SAU) nationale. En 10 ans, le nombre d'agriculteurs bio a triplé et les surfaces certifiées bio ont été multipliées par cinq. Toutefois, comme l'a souligné le député M. Martial Saddier dans son rapport consacré à l'agriculture biologique 75 ( * ) , la France n'occupe plus que la treizième place au niveau européen en pourcentage de sa surface agricole utile consacrée à ce mode de production.
Afin d'encourager les agriculteurs à passer d'une agriculture conventionnelle à une agriculture biologique, dont les externalités positives sont importantes, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif incitatif. S'inscrivant dans le cadre de la politique communautaire de développement rural, et plus spécifiquement du règlement n° 1257/99 (CE) du 17 mai 1999, la France a institué une aide dite « à la conversion », consistant à subventionner l'exploitant ayant décidé de s'engager dans un projet quinquennal de transition, pour tout ou partie de ses parcelles, vers des pratiques satisfaisant aux exigences du mode de production biologique. L'agriculture ne pouvant valoriser sa production durant ces cinq années du fait qu'il ne bénéficie pas encore de la certification bio, il est indispensable qu'il soit aidé par les pouvoirs publics à franchir le cap de cette période transitoire.
Si un dispositif d'incitation au passage à l'agriculture biologique existe donc, rien n'a pour l'instant été prévu, contrairement à ce qui se pratique dans les principaux pays agricoles européens, pour s'assurer du maintien de l'exploitant sur un tel mode de production. Or, celui-ci s'avère plus coûteux que celui prévalant en agriculture conventionnelle, et ce en raison de certains frais fixes spécifiques, tels que la rémunération de la certification ou encore l'achat de matériels adaptés. Il en résulte un prix des produits plus élevé à la production, comme à la commercialisation, entraînant une double distorsion de concurrence : par rapport aux produits nationaux issus de l'agriculture conventionnelle, d'une part, et par rapport aux produits étrangers issus de l'agriculture biologique, d'autre part. Les difficultés à valoriser la production auprès d'un public de consommateurs de masse peuvent inciter les exploitants à abandonner ce mode spécifique de culture pour revenir à des pratiques conventionnelles.
Les dispositions du projet de loi initial
C'est en vue d'y remédier que cet article instaure un avantage fiscal sous forme de crédit d'impôt pour les exploitants ayant achevé leur conversion.
Le 1° insère dans le code général des impôts un article 244 quater L composé de quatre paragraphes.
Dans le premier de ses deux alinéas, le I octroie aux entreprises agricoles un crédit d'impôt au titre de chacune des années comprises entre 2005 et 2007 au cours desquelles au moins 40 % de leurs recettes proviennent d'activités mentionnées à l'article 63 qui ont fait l'objet d'une certification en agriculture biologique au sens de l'article 8 du règlement n° 2092/1991 (CEE) du Conseil du 24 juin 1991 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires.
Rentrent dans le champ d'application de la mesure tous les types d'entreprises agricoles, qu'elles relèvent de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur les revenus. Bénéficient du crédit d'impôt celles dont 40 % au moins de leurs recettes proviennent des bénéfices définis à l'article 63 du code général des impôts, ce dernier faisant référence aux revenus que l'exploitation de biens ruraux procure aux fermiers, métayers ou propriétaires exploitants. Ce taux assez élevé de 40 % doit permettre d'éviter les effets d'aubaine, consistant pour un agriculteur à ne passer en agriculture biologique que la part de son exploitation lui permettant d'optimiser les recettes fiscales liées à l'aide sous plafond. La certification est délivrée par un organisme de contrôle agréé par les pouvoirs publics aux agriculteurs dont la production respecte les principes fixés par l'annexe I du règlement (CEE) n° 2092/1991 du Conseil du 24 juin 1991 précité. Afin de l'expérimenter avant son éventuelle prolongation, le dispositif est prévu pour une période transitoire de trois ans.
Le second alinéa soustrait aux dispositions du premier les entreprises agricoles titulaires, au 1er mai de l'année civile ou de l'exercice au cours duquel le crédit d'impôt, d'un contrat territorial d'exploitation (CTE) ou d'un contrat d'agriculture durable (CAD) comprenant la mesure d'aide à la conversion à l'agriculture biologique.
Cette précision vise à prévenir tout cumul, dans le cadre des CTE et des CAD, entre l'aide à conversion et l'aide au maintien, la seconde étant censée prendre le relais de la première lorsque cette dernière s'est achevée.
Le II fixe le montant du crédit d'impôt à 1 200 euros et prévoit sa majoration, dans la limite de 800 euros, de 200 euros par hectare exploité en agriculture biologique.
Le dispositif concilie donc une part fixe (1.200 euros) et une part variable (200 euros par hectare), en prévoyant un plafond tant pour la part variable (800 euros) que, indirectement, pour l'ensemble de l'aide octroyée (2.000 euros, soit 1.200 + 800 euros). Le jeu combiné de ce double plafond et de celui résultant des 40 % de recettes devrait permettre d'éviter les effets d'aubaine. Le niveau auquel a été fixé le crédit d'impôt devrait quant à lui assurer la couverture des surcoûts spécifiques au mode de production biologique.
Selon les informations fournies par le ministère en charge de l'agriculture, le coût budgétaire de cette mesure est estimé, sur la base de 9.000 exploitations, à environ 18 millions d'euros en 2006.
Le III de cet article adapte le dispositif aux sociétés de personnes.
Non assujetties fiscalement en tant que personnes morales, les sociétés de personnes regroupent des associés qui, chacun, sont imposés, à l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés selon les cas, sur la partie des recettes correspondant à la quote-part des droits au capital qu'il possède dans la société.
Aussi la solution retenue pour certaines de ces sociétés 76 ( * ) consiste t-elle, logiquement, à répartir le bénéfice du crédit d'impôt entre les associés en proportion de leur participation au capital social, dès lors qu'il s'agit de redevables de l'impôt sur les sociétés ou de personnes physiques participant à l'exploitation.
Le IV renvoie à un décret le soin de fixer les conditions d'application de l'article 244 quater L nouveau du code général des impôts.
Le 2° de cet article crée dans ledit code un article 199 ter K réglant les modalités techniques de l'imputation du crédit d'impôt sur l'impôt sur le revenu.
La première phrase de cet article précise que cette imputation intervient l'année au cours de laquelle l'entreprise a satisfait aux conditions légales d'octroi du crédit d'impôt, telles que définies par le I de l'article 244 quater L nouveau.
La deuxième phrase règle le cas où le montant du crédit d'impôt serait supérieur au montant de l'impôt dû, en prévoyant dans une telle situation la restitution au contribuable de la différence, ou « excédent ».
Le 3° insère dans le code général des impôts un article 220 M réglant les modalités techniques de l'imputation du crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés, en distinguant deux cas :
- lorsque l'exercice de l'entreprise coïncide avec l'année civile, le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel elle a respecté les conditions légales d'octroi.
- en cas de clôture d'exercice en cours d'année, le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos au cours de l'année suivant celle au cours de laquelle l'entreprise a respecté lesdites conditions.
Il prévoit également, comme pour l'impôt sur le revenu, le principe de la restitution au contribuable de l'excédent, le cas échéant.
Le 4° insère un nouvel alinéa au 1 de l'article 223 O du code général des impôts afin de régler les modalités techniques de l'imputation du crédit d'impôt sur les résultats d'une société mère.
Le régime fiscal particulier des sociétés mères leur permet, lorsqu'elles détiennent 95 % du capital social des sociétés filiales, de se substituer auxdites sociétés pour le paiement de l'impôt sur les sociétés.
Le nouvel alinéa que propose d'insérer cet article au 1 de l'article 223 O précité tend à permettre à une société filiale d'un groupe de sociétés d'imputer son crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés de la société mère.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
Outre deux améliorations rédactionnelles, l'Assemblée nationale a adopté à cet article deux amendements tendant respectivement :
- à compléter la rédaction retenue pour l'article 244 quater L du code général des impôts afin d'ouvrir le bénéfice du crédit d'impôt pour l'agriculture biologique, sous certaines conditions, aux bénéficiaires d'un contrat territorial d'exploitation (CTE) ou d'un contrat d'agriculture durable (CAD).
Tel qu'il figure dans le projet de loi, ce dispositif de crédit d'impôt est exclu pour les exploitants en CTE ou CAD comprenant la mesure « conversion à l'agriculture biologique », afin d'éviter un cumul des avantages fiscaux. Or, dans certains cas où le CTE ou le CAD ne portent que sur une partie limitée de l'exploitation, leurs souscripteurs ne bénéficieraient d'aucun des deux avantages. Pour couvrir de telles situations, il est proposé d'octroyer également le crédit d'impôt aux bénéficiaires d'un CTE ou d'un CAD, dès lors qu'au moins 50 % de la surface des exploitations concernées est en mode de production biologique et que lesdites surfaces ne font pas l'objet d'aides à la conversion.
Cette précision devrait avoir une importante portée pratique. En effet, les statistiques fournies par le ministère font état d'une proportion de contrats comportant au moins une mesure de conversion à l'agriculture biologique parmi les CTE et CAD s'élevant respectivement à environ 4.000 sur 50.000 pour les premiers 77 ( * ) et 1.350 sur 15.000 pour les seconds ;
- à compléter l'article 71 du même code par un alinéa prévoyant que le montant du crédit d'impôt, pour ce qui est des GAEC, est multiplié par le nombre d'associés sans pouvoir excéder trois fois les limites fixées dans le dispositif.
Tel qu'en l'état, le dispositif de crédit d'impôt pour l'agriculture biologique ne prend pas en compte la spécificité des GAEC, le plafond étant fixé indépendamment de la structure de l'exploitation. Or, dans les GAEC, les associés participant à l'exploitation individuelle agissent comme entrepreneurs individuels, justifiant donc une augmentation du plafond en proportion de leur nombre. Il est donc proposé que ce dernier soit multiplié par le nombre d'associés participant à l'activité du groupement, dans la limite toutefois du triple de son montant normal.
Votre commission renvoie l'examen de cet article à la commission des finances, saisie pour avis. |
* 75 L'agriculture biologique en France : vers la reconquête d'une première place européenne, rapport de M. Marc Saddier fait à la demande du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, juin 2005.
* 76 Les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), les groupements fonciers agricoles, les sociétés créées de fait, les groupements forestiers, les groupements d'intérêt économique dont les membres sont soumis à l'impôt sur le revenu, les groupements européens d'intérêt économique dont les membres sont soumis à l'impôt sur le revenu, les syndicats mixtes de gestion forestière et les groupements syndicaux forestiers.
* 77 Contrats signés entre 1999 et 2003.