CHAPITRE III -
Maîtriser les aléas
Ce chapitre contient trois articles.
Article 18 -
(Articles L. 361-1, L. 361-8, L. 361-13 et L. 361-20 du code
rural) -
Adaptation du dispositif de gestion des aléas propres
à l'agriculture et à la forêt
Modifiant le titre VI du livre III du code rural, cet article tend à créer un cadre institutionnel et règlementaire permettant le développement de mécanismes d'assurance récolte tout en conservant un système d'indemnisation public.
Le droit en vigueur
La loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole avait prescrit le dépôt d'un rapport sur l'assurance récolte. Le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, ayant chargé le député M.Christian Ménard de le rédiger, celui-ci a rendu son travail début 2004 63 ( * ) . Constatant que les exploitations agricoles tendent à devenir de plus en plus sensibles à des aléas climatiques dont l'intensité et la fréquence n'ont cessé d'augmenter ces dernières années, le rapport propose une nouvelle orientation vers une garantie protégeant une large palette de productions végétales et animales contre les principaux accidents climatiques (grêle, sécheresse, gel, pluie) et permettant de mutualiser les risques. Cette véritable assurance « multiproduits et multirisques » serait à même, selon le rapport, de se substituer à terme à un dispositif d'indemnisation par le FNGCA à la fois peu efficace, inégalitaire et financièrement contraint.
Les dispositions du projet de loi initial
S'inspirant des conclusions de ce rapport, le projet de loi vise à favoriser les mécanismes d'assurance récolte tout en mettant en cohérence les divers instruments de réduction et de gestion du risque.
Le 1° de cet article réaffirme l'orientation prioritaire du FNGCA vers le financement de l'assurance récolte en substituant à l'actuel intitulé du titre VI du livre III du code rural (Calamités agricoles) un nouvel intitulé (Calamités agricoles et assurance de la production agricole) tenant compte de l'élargissement du dispositif législatif de gestion des risques au mécanisme de l'assurance récolte.
Le 2° modifie l'article L. 361-1 du même code, résultant de la loi n° 64-706 du 10 juillet 1964 précitée, relatif à la création du FNGCA, auquel il est donné pour mission d'indemniser les dommages matériels causés aux exploitations agricoles par les calamités définies à l'article L. 361-2 64 ( * ) , ainsi que de favoriser le développement de l'assurance contre les risques agricoles.
Il est ici proposé d'inverser la structure de l'article, afin de faire clairement ressortir la priorité donnée au financement du dispositif d'assurance récolte. Ainsi, la première phrase de l'article modifié prévoirait l'existence du FNGCA et le chargerait de financer les aides au développement de l'assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles. La seconde phrase lui confirait en outre pour mission de financer l'indemnisation des dommages matériels causés aux exploitations agricoles par les calamités telles que définies à l'article L. 361-2.
Le 3° de cet article modifie l'article L. 361-8 du code rural en vue de créer, au sein du FNGCA, le cadre comptable adapté au financement de l'aide à l'assurance.
Cet article prévoit la prise en charge par le fonds d'une partie des primes ou cotisations d'assurance afférentes à certains risques agricoles dont la liste est définie par décret, afin de favoriser le développement de mécanismes d'assurance contre ces risques. En vue du financement de ce dispositif, son avant-dernier alinéa dispose qu'une dotation spéciale de l'Etat alimente le fonds.
Le projet de loi propose de remplacer l'unique phrase composant cet avant-dernier alinéa par trois phrases prévoyant respectivement :
- la création d'une section particulière du fonds en recettes et dépenses. Apparaîtrait ainsi clairement, dans l'organisation interne du fonds, la double mission dont il est chargé : financer les aides au développement de l'assurance agricole, d'une part, et financer les indemnités versées au titre du régime des calamités agricoles, d'autre part. La création d'une section spécifique pour les opérations se rattachant à la première de ces deux missions devrait permettre, en outre, de mieux les retracer parmi l'ensemble des flux financiers ayant le fonds pour support ;
- l'alimentation de la section précitée par une dotation provenant du budget de l'Etat. Cette phrase ne ferait que reprendre en l'adaptant celle constituant l'actuel avant-dernier alinéa de l'article ;
- l'affectation à cette section d'une fraction de l'excédent annuel des ressources mentionnées à l'article L. 361-5 sur les dépenses d'indemnisation. Cet article énumère la liste des ressources dont bénéficie le fonds pour faire face à ses dépenses d'indemnisation, à savoir : une contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance couvrant, à titre exclusif ou principal, d'une part les dommages aux bâtiments et au cheptel mort affectés aux exploitations agricoles, et d'autre part les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules utilitaires affectés aux exploitations agricoles ; une contribution additionnelle particulière applicable aux exploitations conchylicoles ; et enfin une subvention inscrite au budget de l'Etat dont le montant est au moins égal au produit des deux autres types de contributions. Le projet de loi prévoit donc un système de « vase communiquant » en sens unique entre la partie « calamités » et la partie « assurance » du fonds : les surplus dégagés par la première pourraient ainsi abonder la seconde. Un tel système permettrait de développer plus intensément encore l'aide à l'assurance récolte durant les années où le dispositif d'indemnisation des calamités naturelles ne serait que peu sollicité.
Le 4° de cet article supprime les deux derniers alinéas de l'article L. 361-13 du code rural en vue de mettre fin à certaines attributions du fonds désormais obsolètes.
Cet article encadre la possibilité pour les personnes victimes de calamités agricoles de bénéficier d'un prêt. Dans son premier alinéa, il requiert de leur part, au moment de la survenance du sinistre, l'assurance de certains éléments de leur exploitation au risque incendie de récoltes ou de bâtiments d'exploitation, grêle, mortalité du bétail ou bris de machine. Le deuxième alinéa de cet article prévoit la possibilité de refuser le prêt lorsque les garanties prévues par le contrat d'assurance sont manifestement insuffisantes, compte tenu des pratiques habituelles dans les régions concernées. Le troisième alinéa prévoit la prise en charge par le FNGCA, pendant les deux premières années, d'une partie de l'intérêt des prêts souscrits, dans la limite de 50 % au maximum du montant des intérêts, lorsque les dommages atteignent ou dépassent 60 % de la valeur du bien sinistré. Enfin, le quatrième alinéa limite au montant des dommages qu'il a subis la somme totale perçue par un sinistré au titre soit de l'indemnisation pour calamités agricoles, soit de la prise en charge réelle d'un prêt spécial octroyé en faveur des victimes de sinistres agricoles, soit du cumul de cette indemnisation et de cette prise en charge, ainsi que, le cas échéant, des sommes versées par un organisme d'assurance ou par un tiers responsable.
Enfin, le 5° de cet article, modifiant l'article L. 361-20 du code rural, procède aux clarifications nécessaires pour permettre la coexistence, durant la phase de développement des mécanismes d'assurance, du dispositif d'indemnisation publique et du système d'assurance.
En l'état actuel du droit, cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application du chapitre premier du titre VI du livre II du code rural consacré à l'organisation générale du régime de garantie, notamment en ce qui concerne la gestion du FNGCA et son action dans le domaine de l'information et de la prévention, ainsi que les règles relatives à l'évaluation des dommages et à la fixation du montant des indemnités.
Le projet de loi propose de réécrire entièrement cet article. Sont reprises, sous une rédaction légèrement différente, les dispositions y figurant actuellement. En est retranché le membre de phrase mentionnant l'action du fonds dans le domaine de l'information et de la prévention. A l'inverse, est ajouté un nouveau membre de phrase confiant au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions d'application de l'article L. 361-2 du code rural, qui précise la définition légale des calamités agricoles.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a adopté, à cet article, qu'un amendement rédactionnel.
Les propositions de votre commission
Votre rapporteur approuve totalement l'esprit de cet article, notamment dans ses dispositions tendant à conforter le développement des mécanismes assuranciels en matière de gestion des aléas propres à l'agriculture.
Conscient que le dispositif actuel d'indemnisation des calamités agricoles, basé sur la solidarité nationale, doit être réformé, il s'interroge d'ailleurs, dans le cadre d'une probable « prise de relais », à terme, par un mécanisme d'assurance-récolte, sur la possibilité pour ce dernier d'être étendu à un maximum d'exploitants. La viabilité de tout système assuranciel, de façon générale, dépendant pour une large part de l'extension de son assiette, il conviendrait sans doute, en l'espèce, que celle-ci soit la plus large possible.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification. |
* 63 « La gestion des risques climatiques en agriculture », rapport de M. Christian Ménard remis au ministre en charge de l'agriculture M. Hervé Gaymard le 11 février 2004.
* 64 Celles donnant lieu à des dommages non assurables d'importance exceptionnelle dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l'agriculture n'ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants.