B. LE RAPPORT DE LA COMMISSION « SANTÉ, JUSTICE ET DANGEROSITÉS : POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION DE LA RÉCIDIVE »
La commission Santé-Justice a été constituée en juillet 2004, à l'initiative des ministres de la justice et de la santé, afin d'étudier « les voies d'amélioration de la prise en charge médico-judiciaire des auteurs d'infractions pénales qui sont atteints de troubles mentaux, et également de réfléchir au suivi des personnes qui, ayant fait l'objet d'une condamnation pénale, nécessitent, notamment en détention, une prise en charge psychiatrique particulière » 3 ( * ) .
La commission, présidée par M. Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la Cour de cassation, et dont votre rapporteur était membre, s'est ainsi d'abord penchée sur les moyens de mieux évaluer la dangerosité des auteurs d'infractions avant d'analyser, dans un second temps, les conditions d'une prise en compte plus adaptée, à la fois judiciaire et sanitaire, de cette dangerosité.
Parmi les différentes propositions de la commission, plusieurs concernent le suivi de la personne dangereuse postérieur à l'exécution de la peine et intéressent à cet égard directement la lutte contre la récidive.
En premier lieu, la commission se montre favorable à l'application de la surveillance électronique à une personne ayant déjà exécuté l'intégralité de sa peine mais considérée comme toujours dangereuse. Les obligations seraient comparables à celles actuellement retenues pour le placement sous surveillance électronique fixe prévu aux articles 132-26-1 à 132-26-3 du code de procédure pénale, à savoir l'assignation à résidence à certaines plages horaires prédéterminées. Néanmoins, cette mesure serait assortie de trois tempéraments : elle ne pourrait être ordonnée qu'avec le consentement exprès de l'intéressé ; elle devrait être transitoire (« compte tenu de la difficulté pour les individus, constatée dans la pratique, à supporter le port d'un bracelet électronique au-delà d'une période de l'ordre de six mois à un an ») et en tout état de cause, serait révisée périodiquement ; le prononcé de la mesure ou son renouvellement pourrait s'appuyer sur un avis médical . Le suivi du placement serait confié aux services de police et de gendarmerie (proposition n° 24).
En second lieu, la commission suggère d' étendre le dispositif du suivi socio-judiciaire 4 ( * ) à l'ensemble des « auteurs d'infractions présentant une dangerosité criminologique ». Ce suivi, qui serait rebaptisé « suivi de protection sociale » afin de le dégager de « toute connotation pénale », permettrait de prononcer, outre l'injonction de soins ordonnée après expertise psychiatrique, les interdictions de paraître en certains lieux, d'entrer en relation avec certaines personnes et de détenir ou porter une arme. L'exécution de la mesure serait contrôlée par la police, la gendarmerie et la DDASS, sous l'autorité du préfet. En outre, la violation du suivi de protection sociale serait constitutive d'un délit autonome (propositions n° 23-b et n° 24).
La proposition la plus marquante de la commission reste cependant la création de centres fermés de protection sociale . Inspiré d'expériences étrangères (Allemagne et Pays-Bas), ce dispositif serait réservé aux « individus particulièrement dangereux sur un plan criminologique et ayant commis des faits criminels d'une gravité singulière ». Le placement dans ce type de structure interviendrait dans deux cas de figure : soit à l'issue de l'exécution de la peine, soit à la suite d'une hospitalisation d'office prononcée après l'application de l'article 122-1, premier alinéa, du code pénal (irresponsabilité pénale en raison de l'abolition du discernement).
La décision de placement serait prise par une juridiction collégiale présidée par le juge des libertés et de la détention saisie, dans le premier cas, par le juge de l'application des peines ou le ministère public et, dans le second, par le préfet. Cette décision pourrait également être prise ab initio par la juridiction de jugement.
L'audience devant la juridiction collégiale devrait avoir lieu en présence du parquet, être contradictoire, l'assistance d'un avocat étant, par ailleurs, obligatoire. La décision serait naturellement susceptible de recours.
En outre, aucun placement ne pourrait être décidé sans une évaluation préalable de la dangerosité de l'intéressé menée par des « équipes ressources interrégionales » 5 ( * ) dont la commission Santé-Justice suggère, par ailleurs, la mise en place.
La durée initiale de la mesure ne devrait pas excéder une année mais pourrait être renouvelée dans les mêmes conditions procédurales que son prononcé si la dangerosité de la personne demeure.
La commission propose enfin que ces structures soient réparties à l'échelon interrégional et n'accueillent pas plus d'une vingtaine de personnes chacune « pour des raisons sécuritaires évidentes ».
*
* *
Dans la perspective de l'examen de la proposition de loi, il convient de retenir que ces deux missions ont validé l'intérêt de la surveillance électronique mobile et que le rapport de M. Georges Fenech, sur la base d'une démonstration très argumentée, précise même les conditions d'une utilisation pertinente de cet instrument.
* 3 Lettre de mission de la commission Santé-Justice en date du 22 juillet 2004.
* 4 Le suivi socio-judiciaire n'est applicable actuellement qu'aux auteurs des infractions limitativement énumérées à l'article 706-47 du code de procédure pénale : infractions à caractère sexuel, à l'exception de l'exhibition, et meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d`actes de barbarie.
* 5 Ces équipes seraient constituées non seulement d'experts sanitaires, sociaux et administratifs mais aussi de magistrats et de membres de l'administration pénitentiaire. Elles auraient pour mission d'apprécier la dangerosité des délinquants sous tous ses aspects par l' « instauration de séquences d'évaluation dans le temps, afin de permettre une appréciation de l'évolution de la personnalité de l'individu expertisé » (proposition n° 11).