Rapport n° 28 (2005-2006) de M. Jean-Claude CARLE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 19 octobre 2005
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N° 28
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 octobre 2005 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur :
- la proposition de loi de Mme Annie DAVID, MM. Ivan RENAR, Jack RALITE, Jean-François VOGUET, François AUTAIN, Mmes Éliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, MM. Pierre BIARNÈS, Michel BILLOUT, Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT, MM. Robert BRET, Yves COQUELLE, Mmes Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Gélita HOARAU, MM. Robert HUE, Gérard LE CAM, Mmes Hélène LUC, Josiane MATHON et M. Bernard VERA, tendant à modifier l' article 40 de la loi d' orientation pour l' avenir de l' école relatif au lieu d' exercice des délégués départementaux de l' éducation nationale ;
- et la proposition de loi de MM. Jean-Claude CARLE, Jacques VALADE, Christian DEMUYNCK, Alain DUFAUT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMIN, Hubert FALCO, Bernard FOURNIER, Hubert HAENEL, Jean-François HUMBERT, Mmes Christiane HUMMEL, Lucienne MALOVRY, M. Pierre MARTIN, Mme Colette MÉLOT, MM. Jean-Luc MIRAUX, Bernard MURAT, Philippe NACHBAR, Mme Monique PAPON, MM. Philippe RICHERT, Pierre BORDIER, Denis DETCHEVERRY, Ambroise DUPONT, Soibahaddine IBRAHIM et Jacques LEGENDRE, relative aux délégués départementaux de l' éducation nationale .
Par M. Jean-Claude CARLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.
Voir les numéros :
Sénat : 483 et 511 (2004-2005)
Éducation nationale. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
A l'occasion des débats en séance publique sur le projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, le Sénat a adopté, à l'initiative de MM. Yves Detraigne, Yves Pozzo di Borgo et d'autres membres du groupe de l'Union centriste-Union pour la démocratie française, un amendement relatif aux délégués départementaux de l'éducation nationale, ensuite confirmé par la commission mixte paritaire.
Ainsi, l'article 40 de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 complète comme suit l'article L. 241-4 du code de l'éducation, qui dresse la liste des personnels chargés de l'inspection des établissements scolaires :
« Toutefois, les délégués départementaux de l'éducation nationale ne peuvent exercer leur mission que dans des établissements autres que ceux de leur commune, ou, à Paris, Lyon et Marseille, de leur arrondissement de résidence. »
Guidée par le souci légitime de renforcer la neutralité de ces fonctions, cette disposition pose néanmoins des difficultés d'application, en raison de la nature même des missions confiées aux délégués départementaux de l'éducation nationale (DDEN).
C'est pourquoi votre commission, après avoir entendu les représentants des personnels intéressés, a jugé opportun d'examiner conjointement les deux propositions de loi visant, dans des rédactions différentes, à un même objet : préciser la portée de la disposition introduite afin de lui redonner tout son sens et toute son efficacité.
Il s'agit de :
- la proposition de loi de Mme Annie David et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier l'article 40 de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école relatif au lieu d'exercice des délégués départementaux de l'éducation nationale (n° 483, 2004-2005) ;
- la proposition de loi de MM. Jean-Claude Carle, Jacques Valade et plusieurs de leurs collègues relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale (n° 511, 2004-2005) .
En effet, la nécessité d'apporter cette clarification et son bien-fondé reposent sur un large consensus.
Interrogé à ce sujet lors d'une audition devant votre commission, le 5 juillet dernier, le ministre de l'éducation nationale, M. Gilles de Robien, a partagé ce constat. Il a exprimé son soutien à toute initiative parlementaire tendant à modifier la disposition introduite par l'article 40 de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
• La dimension de proximité, au coeur de la fonction de délégué départemental de l'éducation nationale
Trouvant ses origines dans la personne du « magistrat aux moeurs », créé par la Convention de 1793, la fonction de « délégué cantonal » a été régie par la loi dite Goblet du 30 octobre 1886.
Dans une lettre adressée aux préfets en date du 25 mars 1887, le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, M. Marcelin Berthelot, transmet cette recommandation pour l'exercice de la fonction de délégué : « Qu'il se souvienne seulement que, s'il doit s'efforcer de tout voir, de tout entendre, de tout observer, ce n'est pas au point de vue technique de l'homme du métier, mais à un point de vue plus général, celui de la famille et de la société. » Aussi, les textes fixant les critères pour le choix des délégués s'attachent à préciser qu'il convient de « rechercher avec soin le concours de véritables amis de l'école, de ceux qui ne considèrent point leur nomination comme un titre purement honorifique » .
Le décret n° 86-82 du 10 janvier 1986 a actualisé le statut de ces personnels devenus, depuis 1969, délégués départementaux de l'éducation nationale. Ce texte leur confie les missions et attributions suivantes :
- dans les écoles publiques, la visite du délégué porte notamment sur l'état des locaux, la sécurité, le chauffage et l'éclairage, le mobilier scolaire et le matériel d'enseignement, sur l'hygiène, la fréquentation scolaire ;
- la fonction s'étend en outre à tout ce qui touche à la vie scolaire, notamment aux centres de loisirs, aux transports, aux restaurants, aux bibliothèques et aux caisses des écoles ;
- le délégué exerce une mission d'incitation et de coordination ; il veille à faciliter les relations entre l'école et la municipalité ;
- dans les écoles privées, la visite du délégué porte sur les conditions de sécurité, d'hygiène et de salubrité de l'établissement ; il s'informe de la fréquentation scolaire ;
- le délégué communique à l'inspecteur de l'éducation nationale et à la municipalité tous les éléments et renseignements utiles obtenus lors de ses visites ; il correspond avec les autorités locales pour leur adresser ses rapports concernant l'état et les besoins de l'enseignement préélémentaire et élémentaire dans sa circonscription ;
- le délégué est membre de droit du conseil d'école ;
- il peut être consulté sur les projets d'aménagement et d'équipement des écoles publiques ou sur toutes les questions relatives à l'environnement scolaire, en particulier pour l'utilisation des locaux scolaires en dehors des heures de classe.
Les délégués sont nommés pour une durée de quatre ans par l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, après avis du conseil départemental de l'éducation nationale.
Désignés par circonscription d'inspection départementale, ils se regroupent en délégation.
En moyenne, un délégué visite 2 écoles, avec de fortes disparités selon les départements 1 ( * ) . Il doit effectuer dans chacune un minimum de cinq déplacements par an (visite des locaux et entretien avec le directeur, trois réunions du conseil d'école, participation au bureau des élections de parents d'élèves, présence amicale à la fête de l'école...).
Le délégué joue ainsi un rôle d'interface et de liaison entre tous les membres de la communauté éducative : l'école, ses usagers, la municipalité, les autorités académiques. La dimension de proximité est donc essentielle à l'exercice de ces fonctions.
La circulaire du 5 décembre 1924, rappelant les « principes qui doivent inspirer le choix » des délégués, insistait en effet sur cet aspect : « C'est à tort que l'on confie à la sollicitude d'un délégué une école située dans une localité éloignée de sa résidence : son action, notamment au point de vue de la fréquentation scolaire, ne peut être efficace que si elle s'exerce sur des familles qu'il connaît bien, qu'il voit tous les jours, c'est à dire celles qui habitent sa commune ou son quartier ».
C'est pourquoi l'interdiction, pour tout délégué, de visiter les écoles situées sur le territoire de sa commune de résidence conduit à remettre en question l'efficacité de sa mission. En effet, celle-ci s'appuie sur une bonne connaissance de l'environnement scolaire.
Dans le même temps, cette interdiction conduirait nombre de ces bénévoles à renoncer à l'exercice de leur fonction, en leur imposant des frais et des contraintes de déplacement. A la veille d'un renouvellement, la fédération nationale estime la perte à près de la moitié du corps.
Actuellement, 25 226 délégués sont en fonction. Il s'agit en majorité d'enseignants à la retraite (56 % des délégués ont plus de 60 ans).
• Les conclusions de votre commission sur les deux propositions de loi : allier l'exigence de neutralité à l'objectif d'efficacité
En réponse à ces difficultés d'application, les propositions de loi soumises à l'examen de votre commission tendent à aménager la disposition introduite dans la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, pour en circonscrire le champ d'application aux délégués exerçant un mandat électif municipal.
Il est en effet souhaitable que le délégué ne soit pas partie prenante aux affaires de la commune dont il inspecte les écoles. Ce gage d'indépendance et de neutralité est une condition importante tant pour l'efficacité de sa mission, que pour le bon fonctionnement de la gestion de la vie éducative locale.
Il ne serait pas sain en effet que d'autres intérêts que celui de l'école et de l'ensemble de la communauté éducative puissent entrer en jeu.
A cet égard, le décret du 10 janvier 1986 prévoit déjà que les délégués ne peuvent être chargés de l'inspection des écoles où sont scolarisés leurs enfants. De plus, les maires et conseillers municipaux chargés des questions scolaires ne peuvent être chargés des écoles de leur commune, ni des communes limitrophes.
Les propositions de loi soumises à l'examen de votre commission s'inscrivent dans le prolongement de ces considérations.
- La proposition de loi n° 483 (2004-2005) de Mme Annie David et plusieurs de ses collègues , tend à modifier l'article 40 de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
Son texte complète la disposition introduite par cet article, pour préciser que celle-ci ne s'applique aux délégués que « lorsqu'ils sont élus municipaux » .
D'un point de vue formel, la rédaction de cette proposition de loi pose problème. En effet, l'article 40 de la loi du 23 avril 2005 est désormais codifié à l'article L. 241-4 du code de l'éducation.
De plus, le lien entre le lieu de résidence et le lieu d'exercice d'un mandat municipal n'est pas identifié. Or il n'est pas toujours évident.
Enfin, l'exception créée à l'égard de Paris, Lyon et Marseille ne se justifie plus avec la modification proposée. Un élu de ces municipalités pourrait alors inspecter des écoles d'un autre arrondissement que celui où il réside, ce qui n'est guère souhaitable.
- Si son objet est similaire, la proposition de loi n° 511 (2004-2005) présentée par MM. Jean-Claude Carle et Jacques Valade et plusieurs de leurs collègues , est à la fois plus précise et plus complète que le texte précédent.
Celle-ci tend à remplacer la disposition introduite à l'article L. 241-4 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, lorsqu'ils exercent un mandat municipal, les délégués départementaux de l'éducation nationale ne peuvent intervenir dans les écoles situées sur le territoire de la commune dans laquelle ils sont élus, ni dans les écoles au fonctionnement desquelles cette commune participe. »
La portée de ce texte est plus large en ce qu'il permet de prendre en compte les situations suivantes :
- lorsque deux ou plusieurs communes se sont réunies pour l'établissement et l'entretien d'une école, en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-2 du code de l'éducation ;
- lorsque les communes membres d'une structure intercommunale, notamment d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ont décidé de lui transférer les compétences en matière scolaire et périscolaire.
Ainsi, un délégué ne pourrait visiter les écoles pour lesquelles la commune dont il est un élu contribue au fonctionnement, quand bien même ces écoles seraient situées sur le territoire d'autres communes voisines.
Cela apporte une plus grande garantie face à l'exigence de neutralité des délégués départementaux de l'éducation nationale dans l'exercice de leur mission, au service de l'intérêt général de l'école.
La proposition de loi n° 511 répond donc au souci d'améliorer l'efficacité du dispositif qui avait été adopté par le Sénat, dans cette intention initiale, au moment de la discussion du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
C'est pourquoi votre commission vous demande d'adopter cette proposition de loi dans le texte qui est reproduit ci-après.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une réunion tenue le mercredi 19 octobre 2005 sous la présidence de M. Jacques Valade, président , la commission a examiné le rapport de M. Jean-Claude Carle sur les propositions de loi n° 483 et 511 (2004-2005) relatives aux délégués départementaux de l'éducation nationale .
Après l'exposé du rapporteur, M. Jacques Valade, président , a souligné qu'il était du devoir du Parlement de rectifier cette disposition introduite à l'occasion des débats sur le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.
En réponse à M. Jean-François Voguet qui s'interrogeait sur la situation des villes de Paris, Lyon et Marseille, M. Jean-Claude Carle, rapporteur , a précisé que les délégués, dès lors qu'ils sont élus dans l'une de ces villes, ne pourront y exercer leur mission, afin de garantir l'exigence de neutralité.
La commission a ensuite approuvé, à l'unanimité, la proposition de loi dans la rédaction proposée par son rapporteur.
TEXTE PROPOSÉ PAR LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI
relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale
Article unique
La seconde phrase du dernier alinéa (5°) du I de l'article L. 241-4 du code de l'éducation est ainsi rédigée :
« Toutefois, lorsqu'ils exercent un mandat municipal, les délégués départementaux de l'éducation nationale ne peuvent intervenir dans les écoles situées sur le territoire de la commune dans laquelle ils sont élus, ni dans les écoles au fonctionnement desquelles cette commune participe. »
* 1 Par exemple, une seule école dans l'Allier, le Nord ou le Pas-de-Calais, 5 ou 6 écoles dans les Yvelines ou en Seine-et-Marne.