Rapport n° 377 (2004-2005) de Mme Monique CERISIER-ben GUIGA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 8 juin 2005

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N° 377

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 juin 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification du traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d' amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco ,

Par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1043 , 1878 et T.A. 355

Sénat : 87 (2004-2005)

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

La France et la Principauté de Monaco étaient, jusqu'à présent, liées par le traité du 17 juillet 1918, adopté dans le contexte particulier de la première guerre mondiale, à laquelle participait le Prince héritier dans les rangs de l'armée française et alors que les perspectives de succession étaient assez obscures. Il avait alors semblé nécessaire d'inscrire dans un texte solennel la proximité particulière existant entre la France et Monaco.

Mais ce traité est un peu daté dans sa philosophie générale, de même que la convention franco-monégasque de 1930, compte tenu de l'évolution de la situation internationale et du développement de la Principauté monégasque. Celle-ci dispose depuis 1962 d'une constitution qui précise clairement les droits de succession et plus personne ne remet en cause les liens particuliers qui l'unissent à la France.

Le traité du 17 juillet 1918, et la convention franco-monégasque de 1930 dont l'esprit et le contenu ne correspondaient plus aux réalités et n'étaient plus compatibles avec les prérogatives d'un Etat souverain, désormais membre de l'ONU, du Conseil de l'Europe et de nombreuses organisations internationales. En conséquence, le 24 octobre 2002 a été signé le traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la principauté de Monaco. Avec ce nouveau texte sont confirmées les relations d'amitié franco-monégasques, dont la spécificité est due à la situation géographique de la principauté, enclavée dans le territoire français, ainsi qu'à notre histoire commune. Le nouveau traité réaffirme la souveraineté et l'indépendance de la principauté de Monaco, tout en poursuivant la politique d'étroite concertation suivie par les deux Etats, notamment dans le domaine des relations internationales. Il prévoit que les actions de la principauté, conduites dans l'exercice de sa souveraineté, s'accordent avec les intérêts français dans les domaines politique, économique, de sécurité et de défense. Afin de poursuivre la politique de concertation menée jusqu'à présent et d'assurer sa mise en oeuvre de la façon la plus efficace, le traité dispose que les deux Etats concluront des conventions dans des domaines d'intérêt commun et procéderont à des consultations régulières, dans le cadre, notamment, d'une commission mixte de coopération.

Monaco a donc légitimement souhaité que le texte fondateur de ses relations avec la France soit mis à jour, tout en réaffirmant « la communauté de destin » entre les deux pays, expression rarement utilisée pour qualifier les relations entre deux Etats souverains.

La situation actuelle est caractérisée par la confirmation des alliances précédentes, leur adaptation au nouveau droit international et européen et par la mise en oeuvre, réalisée ou à réaliser, de certains progrès.

I. LA CONFIRMATION DES ALLIANCES PRÉCÉDENTES ET SES AMÉLIORATIONS EN MATIÈRE DE SOUVERAINETÉ

? Dès le traité de 1861, la souveraineté de Monaco existait bel et bien et le traité de 1918 ainsi que les lettres confidentielles qui l'accompagnaient étaient dépourvus d'ambiguïté à cet égard, comme en témoigne son article premier qui affirme l'indépendance et la souveraineté de Monaco.

? Le traité de 2002 introduit une notion nouvelle dans son préambule, celle d'une « communauté de destin » entre la France et Monaco. Il met par ailleurs à jour les règles relatives à la succession du Prince de Monaco, en tenant compte des dispositions de la Constitution monégasque de 1962. Enfin, le caractère inaliénable du territoire de Monaco est affirmé. Ce traité constitue donc une occasion de prendre acte des changements intervenus depuis 1918 sans remettre en cause le caractère particulier de la relation entre la France et Monaco.

L'article premier du traité du 24 octobre 2002 renforce la souveraineté de la Principauté. Il dispose que : « la République française assure à la Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité du territoire monégasque dans les mêmes conditions que le sien ».

? Le traité du 17 juillet 1918 apportait une limitation substantielle à la souveraineté monégasque en prévoyant que celle-ci devrait être en parfaite conformité avec les intérêts politiques, militaires, navals et économiques de la France.

Désormais, c'est de concertation bilatérale qu'il est question à l'article 2 du nouveau traité. La Principauté de Monaco doit s'assurer par une concertation appropriée et régulière que ses relations internationales sont conduites sur les questions fondamentales en convergence avec celles de la République française.

? Enfin, le traité du 24 octobre 2002 met fin à la nécessité d'un agrément français dans le cas d'une modification de l'ordre successoral.

Le traité du 17 juillet 1918, en abordant la question de l'ordre successoral de Monaco, visait à éviter le risque, évidemment problématique à cette période, de voir un prince allemand monter sur le trône de la principauté.

Le contexte historique ayant profondément changé, le traité du 24 octobre 2002 prévoit une simple information de la France en cas de modification de l'ordre successoral à Monaco.

? En conséquence des modifications évoquées précédemment, il paraît nécessaire d'organiser désormais la relation entre l'Etat français et l'Etat monégasque en tenant compte de leurs liens privilégiés, cette adaptation devant se faire dans le respect des intérêts communs, économiques et de la sécurité de la France.

II. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

Celle-ci est indispensable et porte notamment sur les propositions faites par la partie française qui faisaient l'objet de réserves de la partie monégasque.

? La France et Monaco sont convenues d'actualiser leurs relations dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale et ont engagé la négociation d'une nouvelle convention dont les dispositions viendraient se substituer à celles de la convention du 21 septembre 1949.

A cette fin, la France a préparé un avant-projet de texte qui a été remis aux Monégasques à l'occasion de la Commission mixte du 18 octobre 2001.

Les objectifs de la Partie française visent la modernisation du dispositif conventionnel, dont même la terminologie a vieilli, et la mise aux normes européennes, telles que pratiquées entre membres du Conseil de l'Europe sur la base de la convention multilatérale du 20 avril 1959 sur l'entraide judiciaire en matière pénale et de ses protocoles additionnels.

L'approbation de cette convention doit aller de pair avec la récente adhésion, en date du 10 octobre 2004, de la Principauté de Monaco au Conseil de l'Europe, en qualité de 46 ème membre de ce Conseil.

? La convention bilatérale franco-monégasque repose sur :

- le non recours au principe de la double incrimination, qui exigerait pour qu'une demande d'entraide soit prise en compte que les faits qui la motivent soient qualifiés d'infraction par la législation de chacun des deux Etats,

- la non-opposabilité par la Partie requise du caractère fiscal de l'infraction et,

- la transmission directe des demandes d'entraide par les autorités judiciaires de chaque Partie.

? Depuis le début des négociations, les délégations des deux pays se sont réunies à plusieurs reprises, et de réelles avancées ont eu lieu.

Au début de la négociation, les représentants de la Principauté ont fait savoir que, s'ils acceptaient le principe d'une modernisation du dispositif conventionnel, ils souhaitaient néanmoins que le domaine fiscal soit exclu des mécanismes d'entraide . Le meilleur moyen d'y parvenir à leurs yeux leur paraissait alors de fonder la future convention sur le principe de la double incrimination. Ils ont depuis renoncé à cette solution et ont accepté en outre de ne plus s'opposer aux demandes d'entraide concernant des infractions en rapport avec les impôts et taxes visés dans les conventions fiscales franco-monégasques. Cette proposition, introduisant par ailleurs une large exception bilatérale à l'opposabilité en matière fiscale, est conforme à l'état des négociations en cours entre l'Union européenne et des Etats tiers, dont la Principauté, pour l'application de la directive Epargne du 3 juin 2003.

Il y a donc de réelles perspectives de nature à faire progresser la négociation, moyennant quelques précisions ou amendements rédactionnels.

III. LES ASPECTS SOCIAUX, ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS DES RAPPORTS ENTRE LA FRANCE ET MONACO

En dehors de l'aspect strictement fiscal, qui a fait l'objet d'une discussion au Sénat 1 ( * ) , relative au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un avenant à la convention du 18 mai 1963, il convient d'étudier l'évolution de trois domaines :

? Les possibilités d'emplois publics offerts réciproquement par les deux Etats

Dans l'esprit d'adaptation aux réalités présentes qui a mené à la négociation du traité de 2002, la France et Monaco ont réfléchi à la rédaction d'une convention sur la coopération administrative qui se substituerait à la Convention du 28 juillet 1930 relative au détachement de fonctionnaires français en Principauté et de fonctionnaires monégasques en France.

Les Monégasques souhaitaient que le principe de libre accès des ressortissants monégasques aux emplois publics soit admis tout en souhaitant continuer de faire appel, en priorité sur toute autre nationalité, à des ressortissants français, voire à des fonctionnaires français en détachement, pour tout un ensemble d'emplois et de fonctions auxquels l'étroitesse de la population monégasque ne permet pas de répondre. Les autorités françaises rejoignaient cette préoccupation conforme en particulier aux conventions internationales, dont celles du Conseil de l'Europe qui prévoient explicitement le droit des citoyens d'un État à accéder à tous les emplois publics de cet Etat.

La négociation a donc porté sur la manière dont serait conciliée cette préoccupation partagée et la nécessité de s'assurer que les titulaires de certaines fonctions ou emplois « sensibles », parce qu'ils mettent en cause les intérêts fondamentaux des deux États, jouissent de la confiance respective des deux États. Il a donc été prévu que ces emplois pourraient continuer d'être exercés par des fonctionnaires français, en priorité par rapport aux ressortissants de tout autre pays. Par ailleurs, les modalités d'application de cette convention seront mises en oeuvre par la future Commission de coopération franco-monégasque, instituée par le traité de 2002.

Les Monégasques souhaitaient par ailleurs pouvoir, de manière plus effective, accéder à la Fonction publique française, les mécanismes de la Convention de 1930 et de ses textes d'application s'étant révélés plutôt dissuasifs. La France a accepté, à l'instar de ce qui prévaut pour les ressortissants andorrans, l'accès des Monégasques à notre Fonction publique dans les mêmes conditions que les ressortissants des pays membres de l'Union européenne.

Le texte d'une future convention a été arrêté. Il prévoit l'approfondissement de la coopération administrative entre les deux États sous le contrôle de la Commission de coopération franco-monégasque.

Ce texte sera soumis ultérieurement au Parlement au titre de l'article 53 de la Constitution puisqu'il porte sur l'accès à la fonction publique française, mais il n'entrera en vigueur que lorsque sera conclu l'ensemble des négociations en cours (questions financières et entraide judiciaire).

? La nécessaire amélioration dans le domaine des assurances sociales.

Pour ce qui concerne la protection sociale, le texte de base est la convention de sécurité sociale du 28 février 1952, qui avait pour but de permettre aux salariés français travaillant à Monaco et affiliés, de ce fait, à la sécurité sociale monégasque, de bénéficier du régime des prestations françaises, plus favorables. Cette convention a notamment été modifiée par un avenant du 20 juillet 1998, afin de tenir compte des changements intervenus dans les systèmes de soins et de remboursement des deux pays.

Désormais, toutes les branches d'assurance de la sécurité sociale (maladie-maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, invalidité et vieillesse) font l'objet d'une coordination.

Toutefois, pour ce qui concerne l'assurance-vieillesse, il est possible de faire appel, en cas de nécessité, aux périodes d'assurance accomplies sur le territoire de l'autre État (totalisation), chaque État rémunérant les périodes d'assurance accomplies sous sa législation en vertu de la proratisation. En outre, les pensions sont exportables ; nos compatriotes ayant cotisé auprès de la Caisse de compensation monégasque peuvent donc percevoir leurs arrérages, même s'ils ne résident pas à Monaco.

Cependant, un problème n'est pas résolu : en vertu de l'avenant n° 5 du 20 juillet 1998 à la convention bilatérale de sécurité sociale du 28 février 1952, les retraités français ayant exercé leur activité professionnelle en Principauté ont l'obligation, s'ils résident en France, de s'affilier au régime français de sécurité sociale lors de l'ouverture de leurs droits à la retraite. Or, dans cette situation, ces retraités perdent le niveau de prestations servi par la caisse de compensation des services sociaux monégasques à laquelle ils ont cotisé tout ou partie de leur vie professionnelle. Ils doivent en outre contribuer au titre de la CSG et de la CRDS.

La prise en charge moins favorable par la France ne satisfait pas les frontaliers et nécessiterait une modification de la réglementation. C'est pourquoi il serait nécessaire que le Gouvernement français engage une renégociation de la convention sur la sécurité sociale, afin que ces personnes puissent continuer à percevoir les prestations sociales de la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco, au prorata des années travaillées dans la Principauté.

? Les conditions de logement des Français à Monaco.

Le problème évoqué ci-dessus est d'autant plus préoccupant qu'il se conjugue à un autre. En effet, les retraités français n'ont généralement pas la possibilité de résider dans la Principauté.

De façon générale, les retraités mais aussi les actifs français ne peuvent quasiment plus habiter à Monaco compte tenu des prix très élevés de l'immobilier. La présence française à Monaco est d'ailleurs appelée à diminuer de façon drastique en raison de l'application de la loi n° 1 235 relative aux habitations construites avant le 1 er septembre 1947 et dont les articles 13, 14, 15 et 18 vont justifier l'expulsion de très nombreux Français, quels que soient leur âge et leur durée de résidence, lorsque leurs baux, signés en 2001, viendront à expiration en 2006.

Le gouvernement français devra veiller attentivement à ce que l'application de la loi monégasque du 10 décembre 2004, qui réglemente le secteur des loyers protégés avec notamment une plus grande protection des locataires et une limitation des hausses de loyers, permette de ne pas voir se dégrader les possibilités offertes aux Français qui y travaillent de résider à Monaco.

Par ailleurs, le relogement dans des logements sociaux de Français ayant résidé longtemps à Monaco serait un élément appréciable d'amélioration de la qualité des relations franco-monégasques.

IV. L'INDISPENSABLE AMÉLIORATION DES ACTIVITÉS DE LA PLACE FINANCIÈRE MONÉGASQUE

Depuis 1945, il existe une très large intégration financière entre Monaco et la France. Cette intégration est totale en matière monétaire (Monaco utilisait le franc, et utilise désormais l'euro depuis la convention monétaire du 26 décembre 2001). Elle est forte en matière bancaire : les banques monégasques sont ainsi soumises au droit bancaire français, agréées par le CECEI (Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement) et contrôlées par la Commission bancaire, sauf en matière de blanchiment, domaine qui relève d'une autorité monégasque (le SICCFIN). En outre, les autorités monégasques participent à l'élaboration de la réglementation financière française. Par ailleurs, en matière fiscale et douanière, les fonctions sont remplies par des fonctionnaires français en détachement.

Un certain nombre de difficultés ont conduit à réexaminer cette situation, et les relations se sont récemment tendues. Le rôle de places financières telles que celle de Monaco, qui font figure de « paradis fiscaux », a été critiqué par de nombreux organismes internationaux, dans le cadre du renforcement de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Une mission d'étude de l'Assemblée nationale a publié un rapport très sévère sur ce thème en 2000. En effet, Monaco joue, en la matière, de l'ambiguïté des textes applicables 2 ( * ) .

Un rapport du Directeur du Trésor sur les relations économiques et financières avec Monaco a dressé, en octobre 2000, un état des lieux objectif des relations économiques et financières entre la France et la Principauté de Monaco. Ce rapport met en évidence un certain nombre d'insuffisances et souvent un écart important entre le droit et la pratique monégasque, en particulier dans les domaines où Monaco a développé un droit et des autorités de contrôle spécifiques (lutte contre le blanchiment et activités financières sur titres). Le rapport du directeur du Trésor a donc formulé des propositions d'action afin de remédier à ces insuffisances.

Une partie de ces propositions a pu être mise en oeuvre dans le cadre de la négociation de l'accord sur l'introduction de l'euro à Monaco. D'autres, notamment dans le domaine fiscal, ont pu être réglées dans le cadre d'une mission de suivi de ce rapport (mission « Rouvillois-Cailleteau » de 2001).

Le principal sujet de discussion qui demeure ouvert aujourd'hui entre les autorités monégasques et la direction du Trésor concerne la question de la mise à niveau de la législation financière à Monaco en vue, notamment, de l'adhésion des établissements monégasques au système français de garantie des investisseurs demandée par la partie monégasque. La France est prête à admettre que Monaco ait un droit et des autorités de contrôle propres en matière financière, faisant ainsi droit à une demande monégasque très ancienne et difficilement compatible avec les textes de 1945 3 ( * ) . En contrepartie, Monaco doit admettre que ses autorités de contrôle aient un pouvoir de sanction autonome, conformément aux standards internationaux. Monaco s'y refusait, arguant d'un obstacle constitutionnel. Ceci n'est pas compatible avec sa demande d'adhésion au fonds de garantie des titres.

Une solution de compromis semble s'être dégagée : les commissions de contrôle prononceraient les sanctions et le Ministre d'Etat aurait quinze jours pour s'y opposer. Cette solution semble intéressante, mais doit encore être précisée en ce qui concerne notamment la motivation de l'opposition du Ministre d'Etat, et présentée aux instances de gouvernance du fonds de garantie des titres.

Par ailleurs, la convention monétaire relative à l'introduction de l'euro à Monaco, conclue le 26 décembre 2001, a marqué une étape importante dans le rapprochement du droit interne de la Principauté avec le droit européen. Les engagements pris par Monaco à cette occasion notamment en matière de lutte contre le blanchiment et de fiscalité de l'épargne sont fondamentaux. Il convient aujourd'hui d'assurer la mise en oeuvre concrète de ses principales dispositions.

Concernant le volet fiduciaire de l'accord, la Principauté s'est engagée à collaborer étroitement avec la communauté européenne pour lutter contre la contrefaçon et à réprimer et sanctionner toute contrefaçon éventuelle de billets et de pièces libellés en euro.

Concernant le volet bancaire et financier de la convention, l'intégration monétaire complète de Monaco à la zone euro, et notamment l'accès direct de ses établissements de crédit aux systèmes de paiement de l'Union européenne, rendent indispensable la mise en conformité du droit monégasque avec de nombreuses dispositions communautaires . Il convient notamment de prendre les mesures nécessaires afin d'intégrer dans le droit interne de la Principauté les dispositions indispensables au bon fonctionnement des systèmes de paiement. La Principauté doit notamment se montrer vigilante concernant les modifications des textes communautaires rendus directement applicables par la convention, qu'elle s'est engagée à adopter. Le contrôle du respect de ces engagements intervient dans le cadre du comité mixte de la convention monétaire dont la deuxième réunion s'est tenue le 17 juin 2004.

Des avancées significatives en matière législative et réglementaire ont été obtenues dans le cadre de la mission Rouvillois-Cailleteau et de la convention monétaire relative à l'introduction de l'euro à Monaco du 26 décembre 2003 4 ( * ) . En outre, un accord de coopération entre le SICCFIN et la Commission bancaire a été conclu en 2003 en vue notamment d'organiser un échange d'informations et des contrôles coordonnés au sein des établissements monégasques.

Par ailleurs, Monaco s'est mis en situation d'appliquer les dispositions réglementaires françaises en matière de contrôle des chèques pour la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme. Une telle évolution était nécessaire du fait de la participation des établissements de crédit monégasques au système électronique d'échange d'images-chèques français.

Le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement de Monaco a fait l'objet d'une évaluation par le FMI au titre de ses travaux sur les centres offshore et d'une évaluation par Moneyval (groupe régional de type GAFI -groupe d'action financière- rattaché au Conseil de l'Europe). Ces deux évaluations ont souligné que la législation monégasque est globalement conforme aux normes internationales. Ils ont néanmoins souligné la nécessité de renforcer le dispositif pénal notamment en ce qui concerne la lutte contre le financement du terrorisme, la confiscation des produits du crime et l'extension du champ des infractions sous-jacentes au délit de blanchiment. Ils ont également recommandé la nécessité d'une réflexion sur l'adéquation des moyens de SICCFIN au regard de ses missions. Enfin, le rapport de Moneyval relève la mise en oeuvre inégale par les banques des mesures d'identification des clients, notamment dans le cas de clients non-résidents avec lesquels les opérations se font à distance.

Ainsi, Monaco s'est mis à niveau quant à sa réglementation en la matière. Il convient désormais que la pratique de la lutte contre le blanchiment soit conforme aux meilleurs standards internationaux.

En conséquence, et sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter le présent projet de loi.

CONCLUSION

Tout en gardant à l'esprit que le traité d'amitié et de coopération du 24 octobre 2002 constitue un cadre général qui doit permettre de faciliter les négociations dans des domaines plus précis (relations financières, entraide judiciaire en matière pénale, coopération administrative), on peut constater qu'il contribue à une adaptation et à une modernisation indispensables du cadre des relations franco-monégasques.

En conséquence, votre rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du mercredi 8 juin 2005.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, à M. Robert Del Picchia, président, qui soulignait le problème du logement de Français aux moyens financiers modestes dans la Principauté, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué que, si quelque 30.000 Français travaillaient à Monaco, 10.000 seulement étaient en mesure d'y résider.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(autorisant la ratification du traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco)

Article unique 5 ( * )

Est autorisée la ratification du traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco, signé à Paris le 24 octobre 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi.

* 1 Loi 2005-227 du 14 mars 2005.

* 2 Les banques monégasques sont soumises au contrôle de la Commission bancaire, mais celle-ci n'est pas compétente pour contrôler le blanchiment de capitaux.

* 3 Les autorités françaises ont toujours considéré que le texte de l'échange de lettre de 1945 couvre non seulement le droit bancaire mais aussi l'ensemble du droit financier non-bancaire. Dans ces conditions, l'acceptation d'une transposition en droit monégasque des dispositions de la loi françaises en matière de droit financier implique le renoncement, pour les autorités françaises, à voir s'appliquer directement à Monaco le code monétaire et financier dans ses dispositions en matière de droit financier non-bancaire.

* 4 Monaco s'est en effet engagé, dans la Convention monétaire, à adopter des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux équivalentes aux normes communautaires en la matière. Cet engagement a été renouvelé vis-à-vis de la France dans le cadre de l'échange de lettre de 2003 avec le SICCFIN.

* 5 Voir le texte annexé au document Sénat n° 87 (2004-2005)

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