II. UN ACQUIS À CONSOLIDER

La loi du 21 août 2003 ne règle pas l'ensemble des problèmes posés par l'adaptation de notre système de protection sociale à l'évolution de la pyramide des âges. D'autres efforts financiers seront nécessaires pour préparer l'après 2020, qui constitue l'horizon de la réforme.

Il convient, en outre, d'observer que notre système de retraite comporte encore des failles, qui constituent autant de menaces potentielles pour l'avenir et qui doivent être comblées.

A. LES PRIORITÉS FINANCIÈRES À COURT TERME

1. Corriger le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) a pour mission de « concourir au financement des régimes de base » 3 ( * ) d'assurance vieillesse en leur remboursant les dépenses ne relevant pas de l'effort contributif des assurés.

Les dépenses du FSV se répartissent en trois blocs :

- 19 % au titre des prestations du minimum vieillesse ;

- 34 % pour le remboursement des majorations de pension pour conjoint et pour enfant à charge ;

- 56 % au titre du remboursement aux régimes du manque à gagner résultant de la validation des périodes non travaillées pour les chômeurs préretraités, volontaires du service national et anciens combattants.

Longtemps prospères en raison d'une évolution de ses recettes plus favorable que celle de ses dépenses, les finances FSV ont été durement touchées par des mesures prises sous la précédente législature. Plusieurs recettes lui ont été distraites, afin notamment d'assurer le financement direct ou indirect du FOREC (droits sur les alcools ; 0,15 point de CSG) ou de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) (0,1 point de CSG). De nouvelles dépenses lui ont été affectées, dont le remboursement de la dette de l'État à l'égard des régimes AGIRC-ARRCO, les allocations de cessation anticipée d'activité (CATS) et les allocations de fin de formation (AFF) mises en place dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).

Le FSV connaît depuis 2001 une situation déficitaire qui a fini par absorber la totalité des réserves accumulées depuis sa création en 1993. La prévision pour 2005 table sur un déficit de 1,2 milliard d'euros : cette dégradation sensible par rapport au solde prévu pour 2004 (- 0,4 milliard d'euros) résulterait de la baisse du transfert de la contribution sociale de solidarité des sociétés (0,4 milliard d'euros en 2005 contre 1,3 milliard d'euros en 2004) qui ne serait compensée qu'en partie par une augmentation de 0,3 milliard d'euros de la contribution sociale généralisée. Le résultat définitif des années 2004 et 2005 est toutefois très dépendant de l'évolution du chômage sur cette période.

Les comptes du FSV

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

2003

2004 ( * )

2005 ( * )

Recettes

11.326,4

11.566

11.052

12.474

13.336

12.774

dont CSG

10.297,7

9.719

9.078

9.297

9.505

9.829

dont prélèvement social 2 %

 

383

350

350

364

372

dont droits sur les boissons

- 80,0

 
 
 
 
 

dont C3S

622,7

551

567

921

1.325

443

dont versements CNAF

41,6

478

1.004

1.875

1.942

1.979

dont autres et produits financiers

23,5

434

15

9

9

1

Dépenses

11.039,8

11.562

12.405

13.408

13.766

13.941

Solde

286,6

- 86

- 1.353

- 934

- 429

- 1.167

Solde cumulé (1)

1.603,0

1.517

- 123

- 1.057

- 1.486

- 2.653

Versement au FRR (2)

 

287

 
 
 
 

Solde cumulé (1)-(2)

1.603,0

1.230

- 123

- 1.057

- 1.486

- 2.653

( * ) prévisions Source : CCSS septembre 2004

2. Abonder les ressources du fonds de réserve pour les retraites

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve des retraites (FRR) a pour objet d'alimenter à partir de 2020 et jusqu'en 2040, les différents régimes de retraite, grâce à des sommes qui auront été préalablement mises en réserve.

Le fait marquant de l'année 2004 tient à la confirmation de la tendance apparue en 2003 : les ressources du FRR tendent à se tarir. Le fonds disposait de 16,5 milliards d'euros au 31 décembre 2003 ; il pourrait atteindre 19,1 milliards d'euros fin 2004 et plus de 20 milliards d'euros à la fin 2005. Mais le problème réside essentiellement dans le caractère exceptionnel des abondements et dans la diminution régulière de leur montant annuel. La seule ressource pérenne et significative du fonds est actuellement le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et de placement, dont 65 % lui sont attribués.

Les comptes du FRR

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004 (1)

2005 (1)

PRODUITS

3.862,0

5.837,4

3714,4

2.627,9

1.808,0

CSSS

 
 
 
 
 

Excédent FSV

286,6

 
 
 
 

Excédent CNAVTS (N-1)

483,5

1.518,2

1.659,0

946,9

 

Prélèvement de 2 % sur les revenus du capital

971,9

1.115,5

1116,1

1.182,0

1.208,0

Caisses d'épargne

718,2

718,2

432,5

 
 

Versement CDC

 
 
 
 
 

Licences téléphoniques UMTS

1.238,5

619,2

 
 
 

Recettes de privatisation (ouverture du capital ASF, Crédit Lyonnais...)

 

1.600,0

 
 
 

Intérêts des placements

163,3

266,4

81,8

 
 

Produits sur cessions de titre

 
 

425,0

500,0

600,0

CHARGES

21,9

3,6

 
 
 

Frais de gestion administrative

 
 

12,6

50,8

50,8

Fiscalité

15,7

 
 
 
 

Charges sur cessions de titre

6,2

3,6

 
 
 

Résultat net

3.840,1

5.833,8

3.701,8

2.577,1

1.757,2

Solde cumulé

7.009,0

12.842,8

16.544,4

19.122,5

20.879,7

(1) prévisions Source : CCSS septembre 2004

Dès 2001, dans le rapport d'information 4 ( * ) qu'il a consacré au fonds de réserve des retraites, Alain Vasselle avait souligné le retard pris par rapport au plan de financement d'origine. L'objectif était de disposer, à l'horizon 2020, d'un montant de 152 milliards d'euros de réserves (102 milliards d'euros de capital et 50 milliards d'euros provenant d'intérêts capitalisés).

Il ne sera pas atteint. Avec un financement maintenu au niveau constaté jusqu'à présent (environ 4 milliards d'euros par an en moyenne), la valeur des actifs du FRR culminerait en termes réels à 110 milliards. Et cette hypothèse est elle-même peu probable : si les ressources annuelles se réduisaient au seul prélèvement social, ce qui paraît beaucoup plus réaliste, les réserves accumulées en 2020 ne seront que de 56 milliards d'euros.

Le FRR se trouve donc confronté à un problème d'alimentation majeur. Compte tenu du contexte des finances publiques et des équilibres des régimes sociaux, le Gouvernement ne peut actuellement doter le fonds de mesures nouvelles mais envisagerait de lui attribuer, dès que possible, des recettes tirées de futures privatisations. A défaut, la légitimité du FRR se trouverait posée, la « taille critique » n'ayant plus aucune chance d'être atteinte en 2020.

B. LES EFFORTS FINANCIERS À MOYEN ET LONG TERME

Trois facteurs se conjuguent pour rendre inévitables de nouveaux efforts financiers destinés à garantir la pérennité de la branche vieillesse : la poursuite des effets du vieillissement de la population entre 2020 et 2040 et le financement supplémentaire qui en résultera ; le lien établi entre la baisse attendue du taux de chômage et le transfert potentiel des excédents de l'assurance vieillesse qui en découlera ; l'ampleur des engagements de retraite non provisionnés de l'État au titre de la fonction publique - évalués à 850 milliards d'euros.

1. Le besoin de financement à l'horizon 2020

Le Conseil d'orientation des retraites conduit actuellement un travail d'actualisation des données prospectives publiées en 2001 qui devrait être rendu public au printemps 2005 afin d'apprécier l'impact financier de la loi portant réforme des retraites.

Les effets à long terme de la loi du 21 août 2003 ont d'ores et déjà fait l'objet d'une première évaluation par le ministère des finances présentée dans le cadre du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2004.

Sur cette base, la réforme des retraites représente, à terme, pour les finances publiques et sociales, l'équivalent d'une diminution durable d'un point de PIB du déficit structurel. Cette estimation prend en compte l'ensemble des régimes du secteur public et du secteur privé. L'amélioration pourrait même s'élever à 1,5 point de PIB en tenant compte des recettes supplémentaires liées à l'accroissement de la population active que la réforme pourrait susciter. Toutefois, ces évaluations sont affectées par une marge d'incertitude propre aux projections de long terme, notamment relative à l'attitude future des salariés face à la décote pour départ anticipé ou à la surcote pour maintien en activité au-delà de l'âge légal de la retraite.

La même étude prévoit, à partir de 2010, une augmentation de la population active allant jusqu'à 300.000 personnes en 2020 et 400.000 en 2040, qui pourrait conduire, en termes de recettes, à un gain supplémentaire de 0,5 point de PIB.

Par rapport aux besoins de financements totaux, le pourcentage relatif des économies réalisées dans la fonction publique (- 46,2 %) apparaît, en première analyse, plus important que dans le régime général (- 41,3 %). L'écart s'expliquerait en réalité par le fait que le régime général a déjà fait l'objet d'une première réforme en 1993, contrairement aux régimes publics : ces derniers partiraient ainsi de « plus loin » et auraient conservé de plus larges marges de gains potentiels.

2. L'espoir du transfert des excédents de l'assurance chômage à la CNAV

A l'évidence, plus la conjoncture économique sera favorable et le taux de chômage bas, plus le transfert, au profit de l'assurance vieillesse, des ressources financières actuellement mobilisées par l'UNEDIC sera important.

Le succès de la réforme dépend donc, en premier lieu, de la croissance économique à venir et de l'évolution du marché du travail. Le plan de financement de la réforme des retraites prévoit, en effet, que les futurs excédents de l'UNEDIC, résultant de la baisse du chômage consécutive au retournement démographique, pourraient neutraliser ou limiter le relèvement des cotisations vieillesse.

Si la population active a fortement augmenté et de façon continue en France depuis les années 1960, notre pays a également connu, de façon transitoire jusqu'à présent, une pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activités. Ainsi, en 2000, dans un contexte économique international alors très favorable, la croissance spontanée de la population active n'a pas suffi à faire face aux besoins de créations d'emplois. A partir de la fin de la présente décennie, il est probable que cette situation devienne structurelle.

Le chiffrage effectué par le COR et repris par le gouvernement Jospin était fondé sur une diminution progressive du taux de chômage à 4,5 %, ce taux correspondant au « plein emploi ». Le scénario retenu par l'actuel Gouvernement est « volontariste » mais aussi prudent. En effet, l'affectation des cotisations chômage au financement de l'assurance vieillesse repose sur un scénario de diminution du taux de chômage comprise entre 5 % et 6 % à l'horizon 2020.

3. Les retraites non provisionnées de la fonction publique

Selon le compte général de l'administration des finances (CGAG) publié en 2004 par le ministère de l'économie, les engagements de l'État, au titre des retraites des fonctionnaires et des agents publics relevant de régimes spéciaux, se monteraient, fin 2003, à 850 milliards d'euros.

La Direction de la comptabilité publique livre pour la seconde fois cette évaluation dont l'interprétation est délicate. Elle signifie que si l'État devait régler, en une seule fois, les pensions versées aux retraités de la fonction publique jusqu'à leur décès (et les pensions de réversion afférentes), ainsi que les retraites des actifs dans l'hypothèse où ils se retireraient au moment du calcul, ses engagements atteindraient alors cette somme, soit 55 % du PIB.

Même si ce chiffrage spectaculaire varie considérablement en fonction du taux d'actualisation retenu, il constitue un indicateur qui permet d'évaluer le caractère soutenable des régimes de retraite de la fonction publique sur le long terme.

La croissance des besoins de financement est une certitude. La contribution de l'État au régime de retraite des fonctionnaires est ainsi en forte hausse dès ces dernières années. Elle s'élève à 28,28 milliards d'euros, soit 74,1 % du total des dépenses évaluées à 38,16 milliards d'euros (dont 35,84 milliards de pensions et 2,32 milliards de transferts). La part des cotisations salariales se limite à 4,69 milliards d'euros, c'est-à-dire un peu plus de 12% du total, même si elle est complétée par les contributions équivalentes des autres employeurs publics (La Poste et France Télécom, essentiellement).

Compte simplifié du régime de retraite des fonctionnaires de l'État

 

2001 Exécution

2002 Exécution

2003 Exécution

2003/2002

LFI 2004

PLF 2005

2005/2004

Emploi

32.117

34.122

34.746

1,2 %

36.443

38.163

4,7 %

Masse des pensions

29.620

31.011

32.432

4,6 %

33.864

35.844

5,8 %

Transferts

2.498

3.111

2.314

- 25,6 %

2.579

2.319

- 10,1 %

Ressources autres que l'État

9.330

9.347

9.480

1,4 %

9.649

9.883

2,4 %

Cotisations salariales

4.531

4.583

4.643

1,3 %

4.687

4.693

0,1 %

Contributions des employeurs autres que l'État

4.309

4.439

4.471

0,1 %

4.574

4.772

4,3 %

Transferts

490

326

366

12,3 %

388

418

7,7 %

Contribution de l'État

22.787

24.775

25.266

2,0 %

26.794

28.280

5,3 %

Source : Projet de loi de finances pour 2005 - Rapport sur les rémunérations de la fonction publique

C. LES VULNÉRABILITÉS DU SYSTÈME DE RETRAITES

Quatre risques, s'ils venaient à se concrétiser, menacent de fragiliser l'édifice de la réforme des retraites.

1. La question des régimes spéciaux

Les régimes spéciaux accordent des avantages spécifiques à leurs bénéficiaires et apparaissent, de ce fait, fort coûteux. Compte tenu d'un rapport démographique généralement défavorable, leur survie n'est assurée que grâce à des transferts de l'État et à la mise à contribution de la solidarité nationale. Dans tous les cas, le nombre de cotisants est soit sensiblement égal à celui des retraités (de droits directs et de droits dérivés), comme à la RATP et à EDF/GDF, soit nettement inférieur, comme à la SNCF ou pour le régime des mines.

 

SNCF

EDF /GDF

RATP

Mines

Nombre de cotisants

174.160

142.735

43.750

17.752

Nombre de retraités de droits directs

191.700

107.509

30.776

215.008

Nombre de retraités de droits dérivés

114.200

41.784

12.326

157.644

Masse des pensions ( en millions d'euros )

4.555

3.271

748

2.133

Source : CCSS sept 2004 (données 2004)

La difficulté d'équilibrer la situation financière des régimes spéciaux est illustrée par l'exemple de la SNCF en 2004 : rapportées aux 4,55 milliards d'euros de prestations versés, les cotisations ne dépassent pas 1,71 milliard d'euros, soit moins de 38 % du total, rendant nécessaire la contribution de l'État (2,44 milliards d'euros) et celle de la solidarité nationale (397 millions d'euros) au titre de la compensation, afin de faire face aux besoins. Ces ressources externes correspondent de ce fait respectivement à 53,6 % et 8,7 % des produits de la branche vieillesse de la SNCF.

De la même manière, à la RATP, les ressources propres du régime spécial de retraite, c'est-à-dire les cotisations sociales, couvrent moins de 40 % des prestations servies. Le solde est donc financé par des ressources externes ou par des cotisations fictives de l'employeur.

Les prestations de retraite des régimes spéciaux mettent largement à contribution la « solidarité nationale », et ce sous toutes ses formes : le contribuable, l'usager et les salariés des autres régimes. On ne peut donc que s'inquiéter de l'ampleur de leurs engagements de retraite, qui, à l'instar de ceux des IEG, n'ont jamais été provisionnés : ceux de la RATP s'établissent à 18 milliards d'euros et ceux des agents publics de La Poste à 57 milliards d'euros même s'il ne s'agit pas, dans ce dernier cas, d'un régime spécial à proprement parler.

Ces perspectives sont d'autant plus préoccupantes que ces grandes entreprises publiques, qui connaissent une situation moins favorable que celle d'EDF ou de GDF, seront tenues par les mêmes contraintes comptables internationales de provisionner leurs engagements de retraite, au plus tard pour le 1 er janvier 2007.

2. Les failles du code des pensions civiles et militaires

Le code des pensions civiles et militaires de retraite contient toujours des dispositions dérogatoires, très coûteuses pour les finances publiques et contraires à la philosophie de la réforme des retraites.

Dans son rapport particulier d'avril 2003 relatif aux pensions des fonctionnaires civils de l'État, la Cour des comptes a procédé à une étude approfondie des régimes de retraite de la fonction publique, qui a mis en lumière de façon générale :

- un âge moyen de départ en retraite nettement inférieur à soixante ans ;

- des agents privilégiant le départ précoce ;

- une forte détérioration du rapport démographique d'ici à 2040.

Elle a particulièrement insisté sur deux dispositifs anciens qui n'ont pas été modifiés à ce jour : la majoration de pension des fonctionnaires résidant outre-mer d'une part, le dispositif de retraite anticipé consenti aux familles nombreuses, d'autre part.

La majoration de pension des fonctionnaires résidant en outre-mer

Les retraités, titulaires d'une pension de l'État, résidant à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient, depuis les décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954, d'une majoration, variant entre 35 % et 75 %.

En l'état actuel du droit, deux catégories de personnes bénéficient de cette disposition : les fonctionnaires de l'État en poste dans l'une des collectivités concernées durant les années qui précèdent la liquidation de leur retraite, et ceux qui choisissent d'y passer leur retraite. Les revenus provenant de cette indemnité bénéficient de plus des régimes fiscaux particuliers applicables outre-mer, notamment en ce qui concerne l'impôt sur le revenu.

La seule exigence posée par le décret de 1952 porte sur les conditions de résidence, qui doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ». Dans son rapport particulier sur les pensions des fonctionnaires civils de l'État d'avril 2003, la Cour des comptes dénonce le caractère « quasi impossible » du contrôle de ce dispositif et procède à l'analyse très sévère suivante :

« L'indemnité temporaire pour pension servie outre-mer s'inspire d'un principe général - l'identité de traitement entre actifs (qui bénéficient de majorations de rémunération en cas de services dans ces territoires) et pensionnés - dont l'application au cas d'espèce confine à l'absurde. Les textes fondant l'indemnité ont respecté les apparences puisque les conditions de résidence doivent être « au moins équivalentes » à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service. Mais ils n'ont jamais pu - et pour cause - définir de façon précise puis contrôler des conditions de résidence « imposées » à des pensionnés qui ont fait le choix délibéré de venir s'installer dans ces territoires ou d'y revenir, n'y ont aucune obligation de service et sont naturellement libres de leurs déplacements. Quant aux tentatives épisodiques de l'administration visant à circonscrire l'effet d'aubaine induit par cette indemnité, elles ont toutes été vouées à l'échec cependant que la diffusion de l'information à son sujet et la baisse des tarifs aériens contribuaient à son développement rapide ».

Concluant que « l'heure n'est plus à de nouvelles - et très vraisemblablement vaines - tentatives de rationalisation », la Cour considère qu' « il importe de mettre fin à l'attribution de cette indemnité injustifiée, d'un montant exorbitant et sans le moindre équivalent dans les autres régimes de retraite ».

Ces indemnités représentent pour l'État une dépense sans cesse croissante qui s'élevait à 181,5 millions d'euros en 2002, en hausse de 14 % par rapport à 2001.

Votre commission estime donc légitime que ces décrets soient prochainement abrogés.

Le dispositif de retraite anticipée consenti aux parents de familles nombreuses

La loi du 14 avril 1924 a institué un droit à pension proportionnelle au profit des mères de famille d'au moins trois enfants ayant accompli au moins quinze années de services effectifs. Celle du 30 mars 1928 a permis qu'une mère de famille remplissant ces conditions puisse en bénéficier sans condition d'âge. Ce dispositif, codifié à l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, bénéficie chaque année à plus de 5.000 personnes liquidant leur pension à un âge très précoce de 51 ans et 8 mois en moyenne, sur la base d'un taux moyen de liquidation de 60 %.

Répartition par âge des bénéficiaires
de l'article L. 24 du code des pensions

Age à la radiation des cadres

Flux 2000

Flux 2001

avant 40 ans

277

218

40 à 44 ans

461

432

45 à 49 ans

686

649

50 à 54 ans

2.187

2.102

55 ans et plus

1.638

1.696

Total

5.249

5.097

Source : service des pensions / Cour des comptes

Quelques cas extrêmes ont d'ailleurs été relevés par la Cour des comptes 5 ( * ) .

Or, la jurisprudence a profondément modifié l'esprit de ce dispositif. En effet, le juge administratif français a transposé la jurisprudence européenne Griesmar sur l'égalité entre les hommes et les femmes de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) à l'article L. 24, ce qui a eu pour conséquence d'ouvrir aux hommes le bénéfice de ces dispositions. A la date du 1 er août 2004, 3.489 recours de ce type étaient en instance de jugement pour les trois fonctions publiques. D'ores et déjà, plus de 1.700 pères de trois enfants ont obtenu du juge administratif la possibilité d'en bénéficier et de partir en retraite anticipée.

Cette évolution est d'autant plus préoccupante que 30 % des fonctionnaires masculins qui procèdent actuellement à la liquidation de leur pension ont au moins trois enfants. S'agissant de la seule fonction publique d'État, environ 200.000 fonctionnaires pères de trois enfants remplissent déjà la condition de quinze ans de services.

Le coût potentiel de cette extension de l'article L. 24 aux hommes est donc très élevé : à terme, il pourrait être, chaque année, d'au moins 900 millions d'euros pour l'État et 400 millions d'euros pour la CNRACL. A ce niveau de dépense, l'avantage familial existant risque d'être remis en cause, y compris pour les femmes, pour incompatibilité avec les équilibres financiers du budget de l'État et de la réforme des retraites.

La Cour des comptes observe ainsi que « la prise en compte partielle de la jurisprudence européenne en matière d'égalité entre les sexes a accru les disparités entre régimes et conduit actuellement à une extension jurisprudentielle, coûteuse et non justifiée, au bénéfice des hommes, de la retraite anticipée des mères de trois enfants et plus ».

3. La tendance persistante à la cessation précoce d'activité

Le risque existe d'assister à un phénomène de vases communicants : pour remplacer les actuels dispositifs de préretraite progressivement mis en extinction, l'utilisation des congés maladie, ou des critères d'inaptitude et d'invalidité, pourrait servir de palliatif à la gestion des carrières des salariés âgés.

Au cours des dernières années, en effet, les cessations d'activité ont eu tendance à se reporter sur d'autres dispositifs, dans des proportions variables selon leur facilité d'accès et le niveau de ressources garanti aux candidats au départ. Selon une récente étude réalisée par la Fédération nationale des travaux publics sur le sort des salariés âgés de la branche, un tiers des plus de cinquante-cinq ans ne sont plus en activité : 19 % sont au chômage, 10 % en invalidité et 5 % en arrêt maladie. Les travaux publics ne sont pas la seule branche à connaître ce phénomène, comme le montre l'accroissement de plus d'un tiers du nombre des demandeurs d'emploi âgés, dispensés de recherche d'emploi entre 1998 et 2002, alors qu'au cours de la même période le nombre d'entrées dans les différentes dispositifs de cessation anticipée d'activité a nettement diminué.

Dans son second rapport publié en juin 2004, le Conseil d'orientation des retraites pose de même la question de l'évolution du nombre des arrêts de travail après cinquante-cinq ans et souligne qu'elle « mérite d'être suivie avec attention ».

Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) consacré aux dépenses d'indemnités journalières a répondu au moins en partie à ces interrogations. Il en ressort que le nombre des indemnités journalières (IJ) a progressé, en moyenne annuelle de 6 % entre les premiers semestres 2000 et 2002, puis de 4,2 % entre les premiers semestres 2002 et 2003. Pour la population des 55-59 ans, les hausses sont beaucoup plus fortes, respectivement 13,4 % et 15,9 %. Il va de soi que l'augmentation de la population dans ces tranches d'âge et le vieillissement moyen expliquent une grande partie de ces évolutions, mais l'écart paraît suffisamment important pour être souligné.

Dans tous les cas, les pouvoirs publics devront faire preuve de vigilance pour que la nouvelle politique de préretraite ne soit pas vidée de son contenu.

4. Le risque d'une définition excessive de la pénibilité

La loi du 21 août 2003 invite les partenaires sociaux à engager, dans un délai de trois ans, « une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité » entre les organisations représentatives au niveau national. Les organisations d'employeurs et de salariés y ont répondu favorablement et devraient entamer les discussions au cours du dernier trimestre 2004. L'exercice est complexe car il faut tout à la fois prendre en compte la réalité - incontestable - de la pénibilité de certaines activités tout en évitant de déboucher sur une définition trop large susceptible de servir d'alibi pour de nouveaux dispositifs de cessation précoce d'activité.

La notion même de pénibilité est d'une approche objective difficile. Dans son rapport « pénibilité et retraite », remis au COR en avril 2003, Yves Struillou a ainsi suggéré de retenir « l'espérance de vie sans incapacité », critère qu'il juge à la fois « cohérent et pertinent ».

Par ailleurs, le traitement de la pénibilité requiert non seulement une politique de réparation - nécessairement de court terme - visant à compenser ses effets néfastes, mais aussi et surtout une politique plus ambitieuse de prévention, tendant à prévenir l'usure prématurée au travail et à améliorer les conditions de travail des salariés, notamment ceux âgés de plus de cinquante ans.

D. AMÉLIORER LES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT DE L'ASSURANCE VIEILLESSE

Le défi de la préservation à long terme de l'assurance vieillesse ne pourra être relevé que si certaines de ses règles de fonctionnement sont revues. Au cours des dernières années, votre commission a d'ailleurs eu l'occasion de se prononcer fréquemment en ce sens.

Trois thèmes méritent d'être ici abordés : repenser les règles de la compensation démographique entre les régimes en s'inspirant des travaux réalisés sous l'autorité de la commission de compensation ; mettre en place, pour les fonctionnaires de l'État, une véritable caisse de retraite, à l'instar de la CNRACL qui fonctionne depuis 1945 pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; enfin, réformer le fonctionnement du service des pensions de l'État.

1. Repenser les modalités de compensation démographique entre les régimes

Le système français de sécurité sociale est caractérisé par un grand nombre de régimes organisés sur le principe de la répartition au sein d'un groupe socioprofessionnel. Ces régimes, créés à des époques différentes, ont chacun leurs spécificités. Leur démographie varie sensiblement, leurs moyens financiers également. Ces derniers sont d'autant plus élevés que le nombre de cotisants est supérieur au nombre de retraités et que le salaire moyen du groupe sur lequel sont assises les cotisations est important.

Aussi est-il apparu juste, à défaut de la création du régime « unique » souhaité en 1945, d'instaurer un mécanisme de solidarité entre les régimes. La loi du 24 décembre 1974 a instauré un système de compensation généralisée. Son objet est d'empêcher que certains régimes n'encourent la faillite ou ne soient dans l'obligation de mettre en oeuvre des mesures d'économie sévères pour atteindre un équilibre interne manifestement hors de leur portée. A ce jeu de compensation entre régimes -  établie au titre des trois risques, maladie, vieillesse et famille -, certains sont contributeurs nets et d'autres bénéficiaires nets.

Comme les régimes ne fonctionnent pas selon des règles similaires, il serait inéquitable d'assurer les transferts de compensation en se limitant à redistribuer aux uns les excédents des autres. Aussi, le troisième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale précise les objectifs des mécanismes de compensation : « La compensation tend à remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes ».

La compensation généralisée vieillesse

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004

2005

RÉGIMES CONTRIBUTEURS

 
 
 
 
 

Régime général et salariés agricoles

1.882

2.096

2.842

2.814

2.862

Fonctionnaires

1.805

1.740

1.456

1.437

1.396

CNRACL

1.513

1.559

1.417

1.454

1.459

SNCF

17

4

 
 
 

RATP

29

29

25

25

25

IEG

117

103

89

99

92

Banque de France

5

5

3

4

4

CNAVPL

405

407

322

341

350

CNBF

51

54

49

53

57

TOTAL en euros

5.824

5.997

6.203

6.227

6.245

RÉGIMES BÉNÉFICIAIRES

 
 
 
 
 

BAPSA (exploitants agricoles)

4.149

4.227

4.257

4.273

4.226

ORGANIC

784

835

915

939

960

CANCAVA

324

354

447

431

472

CANSSM (mines)

318

324

309

309

306

CAVIMAC

176

178

176

175

176

ENIM

54

56

58

60

62

SNCF

 
 

11

10

12

FSPOIE

16

18

23

23

23

CRPCEN

3

5

7

7

8

TOTAL

5.824

5.997

6.203

6.227

6.245

Source : d'après le PLF pour 2004, annexe E.

En 2002, les chômeurs ont été intégrés dans les effectifs de la CNAV, tandis que ses effectifs cotisants étaient réévalués de 600.000 personnes. Cela s'est traduit par d'importantes conséquences financières pour l'ensemble des régimes. Ainsi, entre 2002 et 2005, la contribution du régime général et des salariés agricoles s'est accrue de 766 millions d'euros (soit + 36,5 %), tandis que celles de la fonction publique d'État et de la CNRACL diminuaient respectivement de 344 millions (- 19,8 %) et de 100 millions d'euros (- 6,4 %).


Les difficultés statistiques du calcul de la compensation

L'exercice consiste à déterminer la situation des différents régimes si on leur appliquait les caractéristiques d'un régime fictif qui servirait une prestation dite « de référence ». Seuls les régimes de sécurité sociale dont l'effectif des actifs cotisants et des retraités titulaires de droits propres âgés de soixante-cinq ans ( * ) ou plus dépasse 20.000 personnes participent à cette compensation.

Le mécanisme comporte deux étapes :

- une compensation entre les différents régimes de salariés, où les capacités contributives des régimes sont prises en compte puisque les cotisations du régime fictif sont assises sur les masses salariales ;

- une compensation entre les régimes de salariés (ceux-ci étant agrégés dans un seul régime global) et les régimes de non-salariés. Celle-ci repose sur l'application d'un régime fictif, mais la cotisation est uniforme par cotisant et non proportionnelle aux masses salariales.

Jusqu'en 1997, la prestation de référence retenue fut celle du régime des exploitants agricoles en tant que prestation moyenne la plus basse servie par les régimes concernés. Pour l'exercice 1998, sur ce critère elle céda sa place de référent à l'ORGANIC, puis à la CAVIMAC en 1999, puis à nouveau à l'ORGANIC à compter de 2000.

Afin de calculer les sommes dues par chaque régime au titre de la compensation généralisée vieillesse, un double calcul est effectué nécessitant de connaître précisément le décompte des effectifs cotisants et la masse salariale.

La fiabilité des calculs repose donc étroitement sur la disponibilité de données statistiques valables. Or :

- la CNAVTS ne fournit pas elle-même ses effectifs cotisants, qui sont déterminés par l'INSEE et réévalués au gré des recensements. Ainsi, l'évaluation des effectifs cotisants de la CNAVTS a été brusquement accrue de 600.000 personnes en 2002 ;

- la masse salariale relative au calcul de la compensation des fonctionnaires est fournie par la direction du budget sans que cette donnée puisse faire l'objet d'une expertise contradictoire.

* Cet âge reste celui de la retraite dans deux régimes : les professions libérales et les ministres des cultes.

La réforme de la compensation est indispensable, mais elle soulève des questions techniques difficiles.

Le système est devenu tout d'abord trop complexe . Les manipulations de variables permettent d'une année sur l'autre des écarts importants, accréditant l'idée chez les régimes débiteurs, pas toujours infondée d'ailleurs, que la compensation ne constitue que le savant habillage d'une « ponction ».

Le système est ensuite souvent inéquitable . Certains régimes créditeurs sont amenés à financer, pour les retraités des autres régimes, des prestations supérieures à celles qu'ils versent à leurs propres retraités.

Enfin, le système est désormais totalement illisible . Des régimes contributeurs de la compensation généralisée sont bénéficiaires de la surcompensation 6 ( * ) : les mécanismes de plafonnement de la contribution des régimes, en ce qui concerne la compensation spécifique, n'ont pas correctement fonctionné en ne prenant pas en compte la progression des transferts dus au titre de la compensation généralisée.

Par la loi du 21 août 2003, le Gouvernement a choisi de préparer une réforme de la compensation généralisée et de supprimer la compensation spécifique.

A titre préparatoire et à l'initiative du président de la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale, des discussions sur les mécanismes de compensation ont été conduites en 2003 et 2004 avec l'ensemble des régimes, sur la base d'un rapport établi par le secrétariat de cette commission.


Extraits du rapport d'audit sur les mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale réalisé en juin 2004 par Franck Normand et Louis Pelé
pour la commission de compensation

Parmi les différentes solutions examinées afin de modifier les règles de calcul de la compensation, le rapport d'audit recommande d'approfondir la réflexion sur cinq d'entre elles. Il note toutefois « qu'aucune n'a fait l'objet d'une approbation unanime » :

- hypothèse d'une fusion du régime général et du régime des salariés agricoles pour les calculs des transferts :

« Cette option ne répond pas à un principe particulier, mais peut se justifier par l'alignement des prestations et l'intégration financière. Elle permet de rehausser le niveau de la prestation de référence et donc modifie sensiblement le montant des transferts, et notamment augmente fortement la contribution de la CNRACL » ;

- hypothèse d'une prise en compte des bénéficiaires de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) dans les capacités contributives de la CNAV :

« Cette option vise à une meilleure mesure des capacités contributives de la CNAV. Elle répond à la même logique que l'intégration des chômeurs. Pour pousser cette logique à son terme, il faudrait examiner l'ensemble des ressources des régimes et tenir compte des exonérations non compensées. La CNAV conteste cette option au motif que les dispositifs de solidarité ne doivent pas influencer les mécanismes de compensation. » Mme Karniewicz, présidente de la CNAV, a rejeté ce schéma qui se traduirait selon elle, pour le régime général, par une ponction financière annuelle de 500 millions d'euros 7 ( * ) . Votre commission n'y est pas davantage favorable ;

- hypothèse d'une prise en compte des durées de carrière (validées ou cotisées) pour le décompte des effectifs de retraités de droit direct :

« Cette option améliore la mesure des charges des régimes, dans le sens d'une plus grande équité. Elle se heurte toutefois à des difficultés pour mesurer de manière comparable les durées dans les différents régimes.C'est probablement la mesure qui introduirait clairement davantage d'équité dans les mécanismes en palliant notamment les défauts actuels de la compensation où chaque bénéficiaire est compté pour une unité, abstraction faite de son poids dans le régime en termes de prestations. » ;

- hypothèse d'une prise en compte des droits dérivés dans le champ de la compensation :

« Cette option vise à élargir le champ des compensations. Elle se heurte à d'importants problèmes de mise en oeuvre : difficulté pour mettre en place un mécanisme équitable qui ait une réelle portée. La proposition faite par deux régimes de bâtir un mécanisme retenant une prestation a minima sur le modèle de la compensation généralisée relative aux droits directs introduirait toutefois une iniquité qui n'existe pas pour la compensation des droits directs. » ;

- hypothèse d'une prise en compte des capacités contributives des non-salariés en fonction de leurs revenus :

« La prise en compte des revenus des non-salariés répond à l'objectif du législateur de remédier aux écarts provenant des disparités de capacités contributives entre les régimes. Elle soulève néanmoins certains problèmes : cette option remet en cause la construction actuelle des compensations en deux étages, et donc le niveau des transferts ; ses effets financiers sont très sensibles et variables suivant les modalités de mise en oeuvre ; les informations sur les revenus doivent être expertisées.

« En l'état, cette option ne peut être retenue compte tenu de la connaissance jugée encore insuffisante des revenus des non-salariés. Lorsque cet obstacle sera levé, il conviendra de modifier le mécanisme de la compensation généralisée vieillesse en supprimant la compensation interne aux salariés, mise en place en 1974 pour pallier l'absence de prise en compte des revenus des non-salariés. »

2. Créer une caisse de retraite de la fonction publique d'État

La loi portant réforme des retraites a apporté quelques améliorations bienvenues de nature à faciliter la connaissance des retraites de la fonction publique et à renforcer la qualité du contrôle parlementaire.

Il s'agit de l'obligation d'élaborer un rapport annuel sur les avancements de grades et de corps dans les trois années précédant la mise à la retraite des fonctionnaires et de la création, à partir de la loi de finances initiale pour 2005, d'une annexe nouvelle consacrée au financement du régime des pensions civiles et militaires de l'État.

Pourtant, le système actuel du financement des retraites des fonctionnaires s'apparente toujours à une « boîte noire ».

Il est difficile de dresser un constat des recettes et dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires de l'État, les dépenses étant équilibrées à due concurrence par une subvention d'équilibre dénommée assez improprement « cotisation fictive employeur ». Or, la notion de cotisation suppose une assiette à laquelle on applique un taux, ce qui ne correspond pas à cette situation. Ce constat conduit votre commission à réitérer sa proposition de création « d'un véritable régime de retraite des fonctionnaires de l'État ou son inclusion dans l'actuelle CNRACL, ce qui aurait l'avantage de regrouper dans la même caisse les trois fonctions publiques et de contribuer à une transparence unanimement souhaitée ».

3. Mettre un terme aux carences du service des pensions

Votre commission observe, pour le déplorer, que la refonte du service des pensions n'ait pu encore aboutir. La Cour des comptes dans son rapport précité consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'État a en effet dénoncé vivement les insuffisances majeures suivantes :

« - l'organisation éclatée et lourde caractérisée par la juxtaposition des niveaux d'instruction et un empilement de contrôles formels assurés dans des services imprégnés par une culture d'examen exhaustif de dossiers accompagnés de leurs pièces justificatives sur support papier ;

« - un système informatique déficient qui reproduit les incohérences de la chaîne de traitement des pensions liées à l'éparpillement des responsabilités ;

« - des coûts de gestion mal cernés et une productivité médiocre liée au fait que l'État n'a jamais cherché à rationaliser cette activité de production de masse en s'inspirant par exemple des techniques employées par des organismes de retraite français. »

L'impossibilité d'identifier les coûts de gestion devient, selon les termes mêmes de la Cour , « un obstacle à l'application de la loi organique relative aux lois de finances d'août 2001 (LOLF). L'article 21 de la loi dispose que « les opérations relatives aux pensions » sont, « de droit, retracées sur un compte unique d'affectation spéciale ». Ces opérations devraient en toute logique inclure, en charges, les frais de gestion du régime. Mais ces dispositions sont inapplicables en l'état car force est de constater qu'aucun des « services distincts » participant à cette gestion ne dispose aujourd'hui des moyens de connaître ses coûts ».

En définitive, votre commission appelle à nouveau à ce qu'une solution soit trouvée aux problèmes relevés par la Cour des comptes. La mise en oeuvre du droit à l'information des assurés sociaux sur leur situation personnelle au regard de la retraite devrait fournir l'élément déclencheur pour conduire cette réorganisation indispensable.

* 3 Article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

* 4 Session 2000-2001, rapport d'information n° 1001 « Le fonds de réserve des retraites ».

* 5 Liquidation de pension à 35 ans (cas d'une agente administrative avec pension annuelle de 7.364 euros pour un taux de liquidation de 33 %) ; 36 ans (cas d'une adjointe administrative avec pension annuelle de 7.587 euros pour un taux de liquidation de 34 %) ; 36 ans (cas d'une femme ingénieur avec pension annuelle de 14.767 euros pour un taux de liquidation de 39 %) et  37,3 ans (cas d'une adjointe administrative avec pension annuelle de 8.628 euros pour un taux de liquidation de 38,7 %)

* 6 C'est le cas de la SNCF et de la RATP.

* 7 Cf. audition du 27 octobre 2004, p. ???

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page