AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'année dernière, votre commission des Affaires sociales inscrivait l'examen du projet de loi de financement pour 2004 dans la perspective d'une réforme annoncée de l'assurance maladie, second stade de la rénovation de notre système de protection sociale après l'adoption de la loi du 21 août 2003 sur les retraites.

Cette année 2004 fut pourtant pour celle-ci le temps de l'épreuve, ses comptes ayant enregistré un déficit historique de plus de 13 milliards d'euros. Cette crise financière majeure n'était toutefois acceptable et acceptée que parce qu'elle constituait le prix d'une réforme négociée, en rupture délibérée avec les traditionnels plans de rationnement des dépenses de santé précédemment mis en oeuvre.

La réforme du système de soins acquise en août dernier fait désormais entrer l'assurance maladie dans le temps de l'effort, consenti et partagé, par les usagers, les professionnels de santé et les organismes gestionnaires, sans l'engagement desquels sa sauvegarde est illusoire.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 se présente comme la traduction des acquis de cette réforme et prépare déjà les étapes futures à envisager : votre commission a saisi cette occasion pour tracer des pistes en prévision de la prochaine réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, et engager, à mi-parcours du plan « Hôpital 2007 », un travail d'ampleur sur l'évaluation des établissements de santé.

PREMIÈRE PARTIE
-
ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. LA DERNIÈRE ÉCHÉANCE D'UN EXERCICE DÉPASSÉ ?

A. DES COMPTES SOCIAUX ENTRE PERFUSION ET RÉMISSION

1. L'exécution 2004 : la perfusion

L'année 2004 restera, pour le régime général, comme l'année d'un déficit historique. Celui-ci atteindra en fin d'exercice 14 milliards d'euros, imputable pour l'essentiel au déficit de l'assurance maladie (13,2 milliards) mais également à une croissance des recettes inférieure aux anticipations initiales.

Dans l'impossibilité de définir un solde de la sécurité sociale - le périmètre des prévisions de recettes ne recouvrant pas celui des prévisions de dépenses - votre commission s'est bornée à construire un « indicateur d'équilibre » en confrontant les deux agrégats. S'il ne permet pas en soi de définir un solde, il mesure l'évolution infra et pluriannuelle de la confrontation recettes/dépenses du champ de la loi de financement.

La dégradation de cet indicateur d'équilibre (- 47 %) entre le projet initial et le correctif proposé pour 2004 par le projet de loi de financement pour 2005 illustre la situation paradoxale actuelle : malgré une amélioration de la conjoncture économique, la situation financière de la sécurité sociale s'est sérieusement détériorée.

Le projet de loi de financement pour 2004, qui visait à contenir le déficit du régime général à 10,3 milliards d'euros, n'a pas atteint son objectif.

Indicateur d'équilibre pour 2004

(en milliards d'euros)

 

Prévisions initiales LFSS 2004

LFSS 2004 révisée

Différence
(2-1)

Taux de variation

Recettes

336,1

333,3

- 3,6

- 0,83 %

Dépenses

345,4

347,0

1,6

+ 0,46 %

Indicateur d'équilibre

- 9,3

- 13,7

- 5,2

- 47,31 %

Un déficit imputable à de moindres recettes...

La présentation d'ensemble des prévisions de recettes s'établit comme suit :

Agrégat des prévisions de recettes 2004 en réalisation 1

(en milliards d'euros)

 

Prévisions initiales LFSS 2004
(article 17 de la LFSS 2004) (1)

LFSS 2004 révisée

(article 5
du PLFSS 2005) (2)

Écart 2004 révisée/2004 initiale (2)-(1)

Taux de variation
(en %)

Cotisations effectives

187,3

185,5

-1,8

- 0,96

Cotisations fictives

31,4

31,8

0,4

+ 1,27

Cotisations prises en charge par l'État

19,5

19,7

0,2

+ 1,03

Autres contributions publiques

12,0

11,4

-0,6

- 5,00

Impôts et taxes affectés

80,7

80,1

-0,6

- 0,74

Transferts reçus

0,1

0,2

0,1

+ 100,00

Revenus des capitaux

1,0

0,9

-0,1

- 10,00

Autres ressources

4,1

3,3

-0,8

- 9,76

Total des recettes

336,1

333,3

-2,8

-1,07

1 Après modification du projet par l'Assemblée nationale

La loi de financement révisée pour 2004 présente un manque à gagner de 2,8 milliards d'euros imputables, pour les deux tiers, aux moindres rentrées de cotisations sociales.

En revanche, l'objectif de croissance du produit intérieur brut (PIB) est revu à la hausse - il sera de 2,5 % au lieu de 1,7 % en prévision - mais cette amélioration ne s'est pas encore traduite par une augmentation équivalente de la masse salariale, qui constitue l'assiette des cotisations sociales, en raison du décalage habituel existant entre ces deux variables. L'amélioration de la conjoncture ne se répercute en effet sur l'emploi qu'au terme de deux ou trois trimestres.

Evolution divergente du PIB et de la masse salariale

 

2004 initiale

2004 corrigée

Ecart

PIB

1,7 %

2,5 %

+ 0,8

Masse salariale plafonnée

3,1 %

2,6 %

- 0,5

Masse salariale du secteur privé

2,7 %

2,3 %

- 0,4

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, tome I, p. 23

... et au dérapage des dépenses d'assurance maladie

Le dépassement des objectifs de dépenses de sécurité sociale est une nouvelle fois imputable au « coût de la santé » puisque sur 1,6 milliard d'euros de dépassement, 1,5 milliard sont à inscrire au débit de la branche maladie-maternité, dont 1,3 milliard au titre de l'ONDAM. Initialement fixé à 4,2 %, son taux de croissance est porté à 5,2 % même si ce correctif n'est que prévisionnel : les derniers éléments connus laissent entendre que la croissance de l'ONDAM 2004 pourrait être finalement inférieure à ce pourcentage.

Objectifs de dépenses par branche en 2004

(en milliards d'euros)

Prévisions initiales LFSS 2004

LFSS 2004 révisée

Écart 2004 révisée/2004 initiale

Taux de variation

Maladie, maternité, invalidité et décès

143,6

145,1

1,5

+ 1,04 %

dont ONDAM

129,7

131,0

1,3

+ 1,00 %

Vieillesse

146,6

146,8

0,2

+ 0,14 %

Accidents du travail

9,7

10,1

0,4

+ 4,12 %

Famille

45,5

45,0

- 0,5

- 1,10 %

Total des dépenses

345,4

347,0

1,6

+ 0,46 %

Même s'il présente une ampleur moindre, le dépassement de l'objectif initial des dépenses de la branche des accidents du travail, dû à la montée en charge de l'indemnisation des victimes de l'amiante, mérite d'être dès à présent souligné.

Au total, la sécurité sociale n'aura pu, cette année, assurer le paiement des prestations que grâce aux disponibilités de trésorerie exceptionnellement élevées, autorisées par la loi de financement pour 2004 (le solde quotidien moyen de la trésorerie de l'ACOSS s'élèverait à - 14,1 milliards d'euros) et au refinancement des dettes de l'assurance-maladie par la CADES, à hauteur de 35 milliards d'euros.

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