II. 2. Les facteurs de croissance des dépenses de santé

On cherche ici à comprendre les facteurs ayant, sur le passé, entraîné l'augmentation des dépenses de santé. Puis on tente de projeter à moyen terme l'évolution des dépenses en fonction des évolutions démographiques et économiques, en supposant donnés les systèmes de santé.

A. 2.1. UN EXAMEN RÉTROSPECTIF DES DÉPENSES DE SANTÉ

1. a. Les facteurs explicatifs

L'évolution des dépenses de santé peut schématiquement être expliquée par des facteurs de demande (comportement des assurés) et par des facteurs d'offre (comportement des prestataires), même si cette distinction est parfois arbitraire. Il faut bien évidemment y ajouter les facteurs institutionnels, qui sont au coeur des réformes des systèmes de santé et agissent à la fois sur la demande et sur l'offre.

a) Les facteurs de demande

Le facteur primordial de demande est la démographie , puisque les dépenses de santé sont, avant toute chose, proportionnelles à la population. La taille de la population n'est toutefois pas le seul facteur démographique qui peut expliquer la croissance des dépenses de santé. En effet, la consommation des biens de santé n'est pas uniforme tout au long de la vie, en particulier elle est plus forte aux âges élevés. Les deux effets démographiques - croissance de la population d'une part, déformation de la pyramide des âges d'autre part - seront pris en compte dans la projection des dépenses de santé présentée plus bas.

Après le facteur démographique, le second facteur par ordre d'importance est le revenu par habitant : comme l'illustre le graphique 4, les dépenses de santé par habitant sont, pour les pays de l'échantillon,, une fonction croissante du revenu par habitant. Cette observation est cohérente avec les évolutions présentées en section 1, qui montrent que les dépenses de santé rapportées au PIB ont augmenté au cours du temps 32 ( * ) . Elle confirme le caractère de « bien supérieur » de la santé dont la consommation s'élève plus que proportionnellement avec le revenu (Newhouse,1977).

Graphique 4 : Dépenses de santé et PIB par habitant en 2000, en parité de pouvoir d'achat*

* les PIB par habitant comme les dépenses par habitant sont évalués en dollars, à un taux de change qui égalise les prix à la consommation entre les différents pays.

Source : Base Eco-Santé 2003

De nombreux travaux ont tenté de préciser ce lien apparent entre le PIB et les dépenses de santé (voir L'Horty, Quinet et Rupprecht, 1997). Ils tendent à nuancer le caractère de bien supérieur de la santé. En particulier, il se pourrait que ce lien masque l'effet du progrès technique qui touche inégalement la santé et les autres secteurs d'activité (voir plus bas). Par ailleurs, la hausse du PIB par tête élève les assiettes de cotisations, ce qui permet de financer plus de dépenses de santé. Ainsi, l'augmentation plus que proportionnelle des dépenses par rapport au PIB ne vient pas forcément d'un désir de la société de consacrer une part sans cesse plus élevée de son revenu pour sa santé, mais peut aussi être le résultat d'un desserrement progressif de la contrainte de financement. Cette interprétation est renforcée par les travaux réalisés sur données individuelles, qui obtiennent une élasticité faible des dépenses de chaque individu à son revenu, cohérente avec un financement mutualisé des dépenses.

Le troisième facteur de demande est le prix des soins . Comme pour le revenu, le prix des soins a un impact différent selon que l'on se situe au niveau individuel ou agrégé, car les pays sont confrontés au véritable prix de la santé, tandis que les patients bien souvent ne connaissent même pas le prix des soins.. De plus, ce n'est pas le consommateur qui prend la plupart des décisions de consommation de soins, mais le corps médical. Enfin, les prix ne sont pas vraiment exogènes mais régulés par l'Etat.

Une manière indirecte d'évaluer l'impact du prix des soins sur les dépenses de santé est de mesurer l'effet de la couverture : une augmentation de la part de la prise en charge publique dans un système, à prix donnés, doit conduire à un accroissement des dépenses. L'Horty et alii (1997) obtiennent un impact positif significatif. Ainsi, la baisse tendancielle de la prise en charge moyenne depuis 15 ans ( via la hausse du ticket modérateur) aurait freiné les dépenses de santé. Certains travaux réalisés en coupe sur plusieurs pays suggèrent au contraire une corrélation négative entre couverture et dépenses de santé (Gerdtham, 1995), sans doute plus lié au contrôle strict qui pèse sur les prestataires dans un système intégré, comme celui du Royaume-Uni.

* 32 En effet, le rapport dépenses de santé / PIB est égal au rapport dépenses par habitant / PIB par habitant.

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