II. LA NÉCESSITÉ D'EXCLURE DE CETTE PROTECTION LES ÉTRANGERS AYANT UN COMPORTEMENT CONSTITUANT UN ACTE DE PROVOCATION EXPLICITE ET DÉLIBÉRÉE À LA DISCRIMINATION, À LA HAINE OU À LA VIOLENCE, INDÉPENDAMMENT DE SON MOTIF
A. DES EXCEPTIONS ACTUELLEMENT TROP RESTRICTIVES
1. Le constat : un dispositif insuffisant
L'application de la protection absolue instaurée par la loi précitée du 26 novembre 2003 a fait apparaître le constat selon lequel les exceptions actuellement prévues à l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 n'étaient pas suffisamment larges pour prendre en compte tous les actes discriminatoires portant atteinte aux valeurs de la République française.
Le cas très médiatisé de M. Abdelkader Bouziane, imam à Vénissieux, a en particulier mis en évidence le fait qu'il convenait de modifier ces exceptions.
Résidant régulièrement en France depuis plus de vingt ans, ce dernier bénéficie actuellement de la protection contre l'expulsion prévue à l'article 26 précité.
Il a fait l'objet d'un arrêté ministériel d'expulsion daté du 26 février 2004 pris au motif que « M. Abdelkader Bouziane [...] appelle ouvertement à la violence et à la haine [...] apparaît comme l'un des principaux vecteurs de l'idéologie salafiste de la région lyonnaise [...] entretient de façon active des contacts avec des éléments très déterminés de la mouvance intégriste islamiste de la région lyonnaise et internationale en relation avec des organisations prônant des actes terroristes ».
Cependant, le juge administratif, saisi en référé, a estimé qu'existait un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté. Il a en conséquence ordonné la suspension de l'exécution.
Le retour de M. Bouziane en France a d'autant plus choqué les Français que ce dernier avait en outre tenu, dans une revue lyonnaise, des propos portant fortement atteinte au statut de la femme.
En analysant les exceptions prévues par l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il est apparu que M. Bouziane n'aurait pu être expulsé du fait de ses propos publics particulièrement discriminants envers les femmes. Ce cas particulier a mis en évidence la faille du dispositif prévu moins de six mois auparavant par la loi du 26 novembre 2003.
Seuls les comportements constituant des actes de provocation à la discrimination à raison de l'origine ou de la religion des personnes peuvent écarter l'application de la protection absolue. Par conséquent, la discrimination à raison du sexe n'est actuellement pas prise en compte, de même que celle à raison des convictions politiques ou de l'orientation sexuelle des personnes par exemple.
Il est opportunément apparu nécessaire à certains députés d'étendre la possibilité d'exclure un étranger du champ de la protection absolue contre l'éloignement prévue à l'article 26 lorsqu'il commet des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, quelque soit le motif avancé.
2. La proposition de loi
MM. Pascal Clément et Bernard Accoyer ont donc déposé la proposition de loi n° 1654 relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Son article unique prévoit que la protection quasi absolue serait écartée lorsque la mesure d'expulsion serait prononcée contre un étranger dont le comportement serait « de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou liés à des activités à caractère terroriste » ou constituerait un acte « de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes . »
C'est donc la rédaction de la troisième exception que la proposition de loi modifie afin d'offrir à l'administration la possibilité de lutter efficacement contre ceux qui, par leurs comportements, leurs propos ou leurs écrits, portent atteinte aux valeurs fondamentales de la République et à la cohésion sociale . Il n'est plus fait référence au motif de l'acte de provocation, considérant que les appels à la discrimination, à la haine ou à la violence dépassent les seules différences d'origine ou de religion entre personnes. Le risque d'une énumération aurait été de ne pouvoir être exhaustive.